Théologie de l’Ancien Testament

§ 137. Sacrifices expiatoires — Des sacrifices pour le péché et pour le délit.

Le sacrifice pour le péché (Rhattaat, חטאת), et le sacrifice pour le délit (Asham, אשם) ont ceci de commun qu’ils sont tous deux accompagnés d’une confession (Lévitique 5.5 ; 16.21 ; Nombres 5.7) et qu’ils sont destinés l’un et l’autre à rétablir entre Dieu et l’homme la bonne harmonie troublée par un péché commis bishegagah, בשג.ֻגה, c’est-à-dire par erreur. Voyez pour le sacrifice pour le péché Lévitique 4.2,13, 22, 27 ; Nombres 15.27 et sq., et pour le sacrifice pour le délit Lévitique 5.15,18. Par erreur, c’est d’abord sans le savoir (Lévitique 4.13 ; 5.2, 17) ; sans savoir, tout en connaissant le commandement, qu’on allait l’enfreindre ; puis, c’est sans le vouloir (Deutéronome 4.42 ; Nombres 35.11) ; puis, cela va plus loin que les simples péchés d’inadvertance ; les péchés que l’on commet par précipitation, par faiblesse, par légèreté, y rentrent également ; car, le contraire du péché commis par erreur, c’est le péché commis à main élevée, ביד רמה (Nombres 15.30), c’est-à-dire par fierté, de propos délibéré, en sachant qu’on va enfreindre un commandement contre Dieu, tout autant de péchés pour lesquels il n’y a point de sacrifices, mais seulement un inexorable jugement d’extermination.

Voilà ce qu’ils ont de commun. Mais en quoi se distinguent-ils ? On a dit que le sacrifice pour le péché s’offrait pour les péchés de commission, le sacrifice pour le délit, pour les péchés d’omission ; ou bien que le premier avait pour but de détourner le châtiment, et le second, de tranquilliser la conscience ; ou bien encore que le premier concernait des fautes connues d’autres personnes encore que du coupable, et le second, des fautes connues de lui seul.

[Cette dernière manière de voir était déjà celle de Josèphe (Ant. 3.9, 3), et c’est encore celle de Winer. On s’appuie, pour établir cette distinction, sur Lévitique 4.23,28. Mais c’est à tort, car le mot הודע n’implique pas nécessairement (voyez Lévitique 5.3, iado) que l’on ait été convaincu de son péché par autrui. D’ailleurs cela n’explique ni pourquoi les lépreux et les naziréens doivent offrir quelquefois des sacrifices pour le délit, ni des cas comme Lévitique 19.20, ou Esdras 10.18 et sq.]

Mais aucune de ces distinctions ne rend compte de tous les passages. Ecartons d’abord de notre route une pierre d’achoppement. A cause du mot Asham, אשם, qui s’y rencontre, on regarde Lévitique 5.1-13, comme se rapportant aux sacrifices pour le délit. Mais on ne remarque pas que le v. 14, avec la formule : Et l’Éternel parla à Moïse, — introduit évidemment quelque chose de nouveau, en sorte que dans la première partie du chapitre, Asham doit être pris dans son sens général de péché, et non pas dans son sens particulier de délit. On ne remarque pas non plus que le mot : Rhattaat, חטאת, revient constamment dans ces versets (6, 7, 9, 11), que les victimes (v. 6) sont celles qui conviennent aux sacrifices pour le péché, et que la substitution des tourterelles aux victimes régulières parle aussi en faveur d’un sacrifice pour le péché (Lévitique 14.21 et sq.). Pour toutes ces raisons nous croyons avec Keil et Knobel que Lévitique 5.1-13 traite du sacrifice pour le péchéa.

a – C’est à Riehm et à Rinck (Etudes et Critiques, 1854. I. page 93 et 1855, I. 369) que l’on doit cette espèce de découverte que Kurtz a eu, du reste, l’honneur de préparer.

Cela dit, lisons les trois passages principaux qui parlent du sacrifice pour le délit.

C’est d’abord Lévitique 5.14-19. Lorsque, sans le vouloir, on avait commis quelque erreur en retenant des choses consacrées à l’Éternel, on devait offrir un bélier et s’acquitter, avec un cinquième en sus, de ce qu’on avait négligé de payer. Les versets 17 à 19 ont embarrassé, car ils ressemblent beaucoup à Lévitique 4.27 et sq. Mais Riehm suppose avec beaucoup de raison qu’ils sont simplement destinés à donner à la loi spéciale, v. 14 à 16, une portée plus générale qui permette de l’appliquer à tous les autres cas où il y a eu également péché involontaire. On a tout naturellement repris la formule dont on s’était déjà servi à propos du sacrifice pour le péché.

Nous avons ensuite Lévitique 6.1-7. Lorsqu’on s’était approprié un dépôt qui vous avait été confié ou un objet qu’on avait trouvé, et qu’on avait même juré faussement à l’égard de l’une de ces choses, on devait offrir un bélier et faire réparation en y ajoutant un cinquième en sus. Ce n’étaient point là des délits commis par erreur, aussi l’expression ne s’y rencontre-t-elle pas. La peine n’était pas sévère, mais nous avons vu dans l’appendice du § 113, que cela vient probablement de ce que, dans ces cas, la loi suppose que le coupable a librement confessé sa faute, sans y être poussé par autre chose que la voix de sa conscience.

Nous avons enfin Nombres 5.5-10. C’est en moins de mots la même chose que Lévitique 6.1-7 ; seulement il est expressément parlé de la confession du péché et il est statué que si la personne à qui l’on a fait tort, n’est plus et qu’elle n’a point de proche parent (Goël), l’indemnité doit être remise au prêtre.

Vous le voyez : dans tous ces cas il y a infidélité, מעל ; infidélité envers Dieu, directement ou indirectement, car quiconque foule son frère, pèche contre Dieu lui-même, et, c’est pour cela qu’outre la restitution, il faut un sacrifice. Ce sacrifice, nous l’appelons pour le délit, mais nous ferions bien mieux de l’appeler : sacrifice d’indemnité ou de satisfaction, car telle est la notion essentielle du mot Ashamb. Ainsi tout s’explique ; et Lévitique 19.20-22, car en déshonorant la servante d’un voisin, on porte atteinte à la propriété de ce voisinc ; et Lévitique 14.11 ; Nombres 6.12, car le lépreux pendant tout le temps de sa maladie a été un homme qui n’a point rendu à l’Éternel ce qui lui revenait en fait de culte et de sacrifices, et le Naziréen, en rompant son vœu, a éloigné d’autant le moment de s’acquitter pleinement envers l’Éternel ; et Esdras 10.18, car la race sainte avait été mêlée avec les païens ; c’était là une infidélité, מעל, v. 2 et 10, qui demandait une réparation. Et du moment qu’il y avait réparation, satisfaction, il y avait aussi expiation ; celui qui avait fait le mal se trouvait couvert (Lévitique 5.18, Kipper). Keil dans son Archéologie I, 221, objecte que le lépreux n’en peut mais, s’il se trouve dans l’impossibilité de rendre publiquement à Dieu le culte qui lui est dû, et que pareillement le Naziréen n’est point coupable s’il se trouve, par un accident indépendant de sa volonté, en état de souillure. Mais il semble ignorer, en s’exprimant ainsi, la notion de la souillure dans la loi et les conséquences légales de la lèpre. Si les lépreux et les Naziréens qui se trouvaient dans ces cas devaient offrir des sacrifices pour le péché, afin d’être délivrés de leur coulpe, il n’y a pas lieu de s’étonner, s’ils sont appelés à payer aussi une sorte d’amende et à faire réparation pour la violation dû droit divin dont ils ont été la cause involontaire.

b – Cela ressort clairement de 1 Samuel 6.3. « Ne renvoyez pas l’arche à vide, mais payez-lui l’oblation pour le délit. »

c – Dans ce cas-là, il n’était pas nécessaire que le bélier du sacrifice fût d’abord estimé par le prêtre, ainsi que cela était exigé dans tous les autres cas. Cela vient de ce que l’offrande ne pouvait point être évaluée en argent.

Keil et Rinck considèrent les sacrifices pour le péché des lépreux et des Naziréens, comme un témoignage de reconnaissance pour leur réintégration dans l’état de consécration à Dieu, dont ils étaient momentanément sortis. Mais la Bible ne nous offre aucun autre exemple de sacrifices pour le péché changés ainsi en sacrifices de reconnaissance.

Toutefois ce n’était pas au sacrifice pour le délit qu’incombait directement la tâche de couvrir l’âme du pécheur en offrant à sa place une vie pure ; c’était là bien plutôt l’affaire du sacrifice pour le péché, dont il nous faut aussi dire quelques mots.

Le sacrifice pour le péché a pour but d’enlever au pécheur sa culpabilité, de le laver de ses fautes commises par erreur ; et non seulement de telle ou telle faute, mais de toutes les fautesd dans lesquelles il a pu tomber durant un certain temps, qu’il n’a pas remarquées et qui sont demeurées sans expiation. Assez souvent les purifications ordonnées aux personnes qui ont eu la lèpre, ou qui se sont souillées pour un mort ou en touchant une femme, sont accompagnées de sacrifices pour le péché ! Cela vient de ce que (§ 77), la mort, la lèpre, etc., sont toujours dans la Bible considérées dans leur relation avec la corruption naturelle de l’homme.

d – Toujours des fautes commises par erreur.

Il est vrai que tout péché entraîne avec soi un délit, une culpabilité (Lévitique 4.3, 13, 22 et sq.) ; mais tout délit n’a pas directement pour effet un tort causé à l’Éternele. Là où il n’y a pas eu précisément un tort semblable, le sacrifice pour le péché, tout en faisant propitiation pour la personne, enlève du même coup et sans autre le délit. On comprend dès lors que le sacrifice pour le délit s’offre toujours en vue de certains cas concrets, et jamais, comme le sacrifice pour le péché, ni en vue des péchés commis pendant un long espace de temps, ni dans des circonstances solennelles et dans des fêtes (Nombres 7.28), comme c’est le cas pour les autres espèces de sacrifices.

e – Il ne faut pas pousser ces distinctions trop loin.

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