Théologie de l’Ancien Testament

§ 136. Impôts théocratiques.

Le peuple avec tout ce qu’il a et tout ce qu’il est, appartient à l’Éternel ; le pays qu’il habite est en particulier la propriété de Dieu. Pour que les Israélites ne l’oublient jamais, ils doivent régulièrement consacrer à l’Éternel une partie de leurs revenus, de leurs bestiaux et des produits du sol ; toute leur fortune sera par là sanctifiée. Les premiers-nés des hommes et des bêtes, les prémices des moissons, la dîme des récoltes et enfin le demi-sicle du sanctuaire ou la capitation du dénombrement, tels sont les quatre impôts dont nous avons à parler ici :

1° Tous les premiers-nés mâles des hommes et des bêtes étaient à l’Éternel. Devaient être rachetés ceux des hommes (Exode 13.13 ; Nombres 18.15 et sq.) et des animaux impurs (Nombres 18.15 ; Lévitique 27.20 et sq.). Ces derniers étaient évalués par un prêtre et l’on en payait la valeur, plus un cinquième en sus. Les premiers-nés des animaux purs, s’ils étaient sans défauts, devaient être offerts à l’Éternel dans l’année qui suivait le huitième jour après leur naissance. On les offrait en sacrifices de prospérité (Nombres 18.17 ; Deutéronome 12.17 ; 15.19). Si l’animal avait quelque défaut, l’Israélite le mangeait chez lui (Deutéronome 15.21).

2° Il fallait en outre offrir à Dieu dans son sanctuaire les prémices de tout ce que le sol produisait (Exode 23.19 ; Nombres 18.12 ; Deutéronome 26.2), et même de la tonsure des brebis (Deutéronome 18.4). Pour la quantité on s’en remettait à la bonne volonté d’un chacun. Les premières gerbes à Pâques et les premiers pains à Pentecôte (Lévitique 23.10) étaient des offrandes nationales, des sacrifices par lesquels tout le peuple, au moment où la moisson allait commencer et lorsqu’elle était terminée, montrait à Dieu sa joie et sa reconnaissance : « Mon père était, un pauvre Syrien, prêt à périr, et il descendit en Egypte…, et depuis Dieu nous conduisit en ce lieu…, et voici maintenant j’ai apporté les prémices des fruits de la terre que tu m’as donnée, ô Éternel ! » Lisez tout ce beau chapitre 26e du Deutéronome, qui pourrait être appelé la liturgie pour la présentation des prémices. Tout produit de la terre, dont les prémices n’ont pas été offertes à l’Éternel, ne peut fournir qu’une nourriture souillée, car c’est cette présentation de la partie qui sanctilie le touti.

i – Voyez Osée 9.3. Dans l’exil, la nourriture du peuple, sera souillée, parce que, loin du sanctuaire, les prémices des biens de la terre ne pourront plus être présentées à Dieu.

3° La dîme est de tous les impôts qui nous occupent, celui qui ressemble le plus à une redevance payée par un vassal à son suzerain (Lévitique 27.30-33). Mais Dieu n’en gardait pas le produit pour lui : il le cédait aux Lévites, qui n’avaient pas de territoire à eux (Nombres 18.21-24), et qui en cédaient à leur tour la dixième partie aux prêtres, v. 26. — Dans le Deutéronome, il est parlé d’une autre dîme, que l’on a inutilement cherché à identifier avec celle du Lévitique et des Nombres (Nombres 14.22-27 ; Lévitique 12.6). Elle ne se prélevait que sur le blé, le vin et l’huile. La dîme ordonnée par le Deutéronome n’était pas à proprement parler un impôt. Cette obligation où était l’Israélite de mettre de côté une partie de ses récoltes, était bien plutôt un moyen de faciliter les pèlerinages et de favoriser l’exercice de la bienfaisance.

[Pourquoi, dans des cas semblables, ne tenir aucun compte de la tradition ? Lisez Deutéronome 26.12, dans les Septante ; il y est positivement parlé d’une seconde dîme à payer chaque troisième année. Voyez aussi Tobie 1.7, sq., et Josèphe Ant. 4.8, § 8 et 22. Si dans ces deux derniers passages il est parlé de trois dîmes, cela vient de ce que celle du Deutéronome est comptée pour deux. Riehm (La législation de Moïse dans le pays de Moab) suppose que la dîme ordinaire ne se payait pas la 3e année et qu’elle était remplacée par celle du Deutéronome. C’est une supposition assez peu probable, car le Législateur a précisément voulu que tous les trois ans les lévites eussent, non pas seulement le nécessaire, mais aussi, un peu de superflu.]

On en apportait le produit au sanctuaire et là on en taisait un repas joyeux. Si la distance était trop grande, on apportait simplement au sanctuaire la valeur en argent. Mais tous les trois ans, au lieu d’aller à Jérusalem, on restait chez soi et on employait sa dîme à un grand repas auquel étaient conviés les Lévites, les veuves, les orphelins et les étrangers de l’endroit. C’est à cette dîme de la troisième année que fait allusion Amos quand il s’écrie ironiquement : Ne vous en contentez pas ! Elle revient trop rarement au gré de votre zèle. Payez-la tous les trois jours ! (Amos 4.4). [Le paiement de ces redevances était accompagné de prières qui en faisaient des sacrifices de supplication, si l’on peut ainsi dire. Voyez Deutéronome 26.13,15. « J’ai entièrement ôté de ma maison ce qui était sacré et je l’ai donné à l’orphelin. Regarde donc de ta sainte demeure et bénis ton peuple. »]

4° Le quatrième et dernier impôt, qui était plutôt une sorte d’offrande expiatoire, était quelque chose d’assez différent des trois premiers. C’était une capitation d’un demi-siclej que chaque Israélite, pauvre ou richek, avait à payer en faveur du templel à chaque dénombrement (Exode 30.12 et sq. § 92). C’est un copher, un moyen de se rendre Dieu propice, car il couvre le peuple, il le préserve de la colère de Dieu qui risque d’éclater à chaque dénombrement. Il se payait une fois pour toutes, du moins dans le principe ; et ce n’est que dans Néhémie 10.33, qu’il en est question comme d’une redevance annuelle. Depuis Moïse jusqu’à Néhémie il n’en est parlé qu’une seule fois, lorsqu’à la mort d’Athalie, il s’agit de relever le culte (2 Chroniques 24.6-11 ; 2 Rois.12.5). Voyez encore Matthieu 17.24.

j – Le sicle du sanctuaire est un sicle dont le poids est bien complet, par opposition au sicle ordinaire qui était volontiers au-dessous de sa valeur nominale.

k – Ceci montre bien que ce n’était pas un impôt sur la fortune, mais une expiation personnelle.

lExode 38.25 et sq.

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