Méditations sur la Genèse

I
La Création

Genèse 1.1 à 2.3

Les prophètes ont contemplé par l’Esprit-Saint l’avenir du règne de Dieu. C’est par le même Esprit que Moïse, ou l’un des patriarches qui ont vécu avant lui, eut le privilège de contempler et de décrire les grandes œuvres de Dieu dans le passé. Quel que soit le nom de celui qui a consigné l’histoire de la création, ceci est certain : une telle histoire n’a pu être connue que par révélation. Où étais-tu quand je posais les fondements de la terre ? » dit l’Eternel à Job (Job 38.4). Ces scènes grandioses, dont aucun homme n’a été témoin, le Seigneur les a fait passer devant les regards du Voyant.

Cette révélation n’est point destinée à nous apprendre en détail l’histoire de la nature, que nous pouvons étudier nous-mêmes sans le secours de l’Esprit-Saint, mais à nous faire connaître, craindre, aimer et servir Dieu, en nous dévoilant sa puissance, sa bonté, sa sagesse, son amour éternels. De ce tableau si riche, nous ne relèverons que les traits principaux qui l’éclairent tout entier.

I

L’Esprit-Saint nous apprend avant tout à qui nous devons tous les bienfaits de l’existence, qui nous a préparé la terre pour demeure et procuré l’aliment nécessaire, qui nous a créés et qui nous conserve. C’est du Père céleste que vient tout cela, et de sa parole créatrice qui agit aujourd’hui comme au premier jour. Tout ce que nous avons est un don gratuit de sa pure et paternelle bonté. Le plus petit enfant parmi nous qui a appris à répéter : « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur des cieux et de la terre, » en sait plus long que le plus sage des philosophes grecs, auxquels manquait cette lumière de la révélation qui nous éclaire dès notre enfance. Les sages de l’antiquité ont pensé connaître Dieu ; ils ont ignoré que sa volonté a tiré l’univers du néant et qu’il a créé toutes choses par son Fils, par cette Parole « qui était au commencement, » par cette éternelle Sagesse qui parle dans le livre des Proverbes (Proverbes 8.22-31) : « L’Eternel m’a possédée dès le commencement de ses voies ; avant qu’il fît aucune de ses œuvres, j’étais là. Quand il compassait les fondements de la terre, j’étais à l’œuvre auprès de lui, et je faisais tous les jours ses délices. » Ils n’ont pas compris d’où vient la mort et son cortège de maux ; ils n’ont pas vu que l’œuvre de Dieu, telle qu’il l’avait faite, était très bonne, et que la mort est entrée dans le monde par le péché de la créature. Nous qui savons tout cela, nous pouvons reconnaître dans la création la marque de la puissance, de la sagesse, de la bonté de l’Eternel et lui rendre l’honneur qui lui revient. Le premier chapitre de la Genèse est le plus antique chant de louange que le Saint-Esprit ait inspiré à la gloire du Tout-Puissant. Sachons nous y associer, avec les justes de toutes les générations ! Les quatre « vivants » de l’Apocalypse qui entonnent le Trisagionc, les vingt-quatre vieillards qui jettent leurs couronnes au pied du trône, adorent Celui qui vit aux siècles des siècles, en disant : « Tu es digne de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance ; car tu as créé toutes choses, et c’est par ta volonté qu’elles subsistent et qu’elles ont été créées ! » (Apocalypse 4.9-11)

c – « Trois fois saint. »

Adorer et rendre grâces ! Est-il un cœur d’homme qui ne sente cette obligation ? Le nom du Créateur et du Père n’éveille-t-il pas un écho, n’appelle-t-il pas une réponse dans toute conscience ? Nous connaissons sa voix, car nous sommes sa race. Il n’est pas loin de nous ; c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes 8.27-28). Voilà pourquoi ne pas l’adorer, ne pas le bénir est un si grand péché ; c’est celui par lequel ont débuté les égarements du paganisme et qui a été si sévèrement châtié (Romains 1.18-25). Péché qui devient plus grave encore, quand ce sont des chrétiens qui le commettent. Le châtiment, c’est un obscurcissement croissant du cœur et de l’intelligence, obscurcissement qui seul explique que des insensés osent dire ouvertement parmi nous : « Il n’y a pas de Dieu ! » (Psaumes 14.1).

L’incrédulité actuelle cherche à se justifier par un prétendu désaccord entre la création telle que la science nous l’a révélée et le récit que Moïse nous fait de l’origine du monde. Il est vrai que la création comme nous la connaissons aujourd’hui dépasse infiniment l’idée que l’on s’en était faite autrefois d’après le récit de Moïse, et qu’elle paraît être beaucoup plus ancienne qu’on ne l’avait admis. Mais elle en paraît d’autant plus merveilleuse au chrétien, et il n’en discerne que mieux la toute-puissance de son Auteur. La vraie cause de l’incrédulité moderne, ce n’est donc pas le progrès des sciences de la nature, c’est le déclin de la piété dans les cœurs. Et ne faut-il pas le reconnaître, — sans que cela excuse personne, — ce n’est pas sans la faute — faute grave et ancienne — de la chrétienté que la divine lumière de la conscience et de la raison s’est obscurcie chez un si grand nombre. Si Dieu daigne nous accorder une nouvelle mesure de sa lumière et de son Esprit, notre tâche sera donc de rendre grâces au Père tout-puissant en nous consacrant à lui avec une sainte joie, de célébrer ses perfections et de l’adorer dans les œuvres de sa sagesse.

II

La création terrestre a débuté par les êtres inférieurs, plantes et animaux, pour s’achever dans l’homme. Mais l’œuvre de Dieu, une fois créée, ne doit pas rester éternellement au même point ; de bonne, elle doit devenir parfaite, en s’élevant de degré en degré vers le but. « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté » (1 Jean 3.2).

L’aurore de la vie humaine fut pleine de charme et de beauté. Toutefois l’homme, créé dans l’innocence, avec la tâche de dominer la terre et les êtres inférieurs, avec les dons nécessaires pour cela, n’avait point encore atteint à la perfection que le décret éternel de Dieu lui destinait. L’Eternel avait dit : « Faisons l’homme à notre image et selon notre ressemblance, » et dès le premier jour il avait mis en l’homme le fondement de la réalisation de cette parole ; son image était reconnaissable en Adam dès la première heure de son existence. Mais la parole de l’Eternel vise plus loin  : elle est le gage de la manifestation future et parfaite de son image dans la créature, malgré l’altération de cette image causée par la chute. En créant, Dieu ne veut pas seulement, à la façon de l’artiste, montrer par son œuvre sa puissance et sa sagesse ; il veut surtout se révéler lui-même personnellement et habiter dans sa créature ; et ce n’est pas dans le monde des anges que cette révélation aura lieu, mais dans l’homme : Faisons l’homme à notre image. »

Le Fils unique, « splendeur de la gloire du Père, image empreinte de sa personne » (Hébreux 1.3), est l’image éternelle et incréée du Dieu invisible. L’homme est appelé à être l’image créée et terrestre de ce même Dieu. Entre ces deux images doit nécessairement exister une similitude. Le Fils éternel est le modèle sur lequel le premier homme a été formé. Aussi Adam est-il appelé par l’Ecriture un « fils de Dieu » (Luc 3.38) et une « figure de celui qui devait venir, » c’est-à-dire de Christ (Romains 5.14). Et si l’essence intime de Dieu, son amour, sa sainteté, doit un jour être manifestée dans l’homme, la voie est déjà préparée dès la création : c’est par l’union de l’éternelle image de Dieu avec son image temporelle, ou par l’incarnation du Fils de Dieu, que se réalisera ce dessein de son amour, exprimé, dès le sixième jour du monde, dans ce mot : « Faisons l’homme à notre image. » Le séducteur de l’homme et l’homme lui-même ont fait ce qu’ils ont pu pour anéantir le dessein de Dieu ; mais sa fidélité ne s’est pas laissé ébranler par l’infidélité générale de l’humanité, et si l’exécution de son plan n’a plus été possible qu’à travers les souffrances de la mort, le Malin n’a cependant pu l’empêcher de s’accomplir. L’amour divin a goûté l’amertume de la mort et porté la malédiction en la personne du Fils devenu homme. Ainsi le Fils de l’homme a rendu à la nature humaine sa pureté au regard de Dieu ; il l’a glorifiée, en rentrant lui-même dans la gloire ; il a été en notre chair le vrai et céleste Adam, et il a réalisé cette vieille parole qui annonçait la révélation de l’image de Dieu dans l’homme.

III

Quelle a été la durée des six jours de la création, dont les trois premiers se sont écoulés avant que le soleil eût paru ? Nous l’ignorons. Mais ce qui est clairement révélé, c’est que ce grand ouvrage ne s’acheva pas d’un seul coup et ne parvint que graduellement à son terme. C’est ce dont témoigne la nature elle-même par les restes variés des âges primitifs qu’elle a conservés dans son sein, et qui prouvent que la formation de la terre et de ses habitants a parcouru les mêmes phases qui sont indiquées dans le récit de la Genèse, jusqu’au moment où enfin parut l’homme, couronnement de la création [note 1].

Cette œuvre a trouvé son terme dans le grand sabbat : « Dieu se reposa de toute son œuvre ; et il bénit le septième jour et le sanctifia. » Avec ce sabbat qui la couronne, elle forme un tout complet. Un autre âge du monde commence avec la chute de l’homme et sa sortie du paradis : période de labeur et de misère, qui n’est pas encore terminée. Mais ce n’est pas seulement pour l’homme qu’il y a lutte et travail : Dieu travaille aussi à vaincre la résistance de la créature, à réaliser le plan du salut et à établir son règne. Sans la révélation, nous n’aurions devant nous que la perspective désespérée de voir se prolonger indéfiniment notre misère présente jusqu’au jour où la terre, devenue un immense cimetière, n’aurait plus de place pour de nouvelles tombes. Mais, grâce à Dieu, nous savons que ce monde est destiné à un but glorieux et qu’aux siècles de peine et de travail succédera le grand sabbat : « Il reste encore un repos — une fête de sabbat — pour le peuple de Dieu » (Hébreux 4.9). L’Eternel prépare une création nouvelle, et un jour elle paraîtra dans sa perfection, plus belle encore que la première. « Voici, je crée de nouveaux cieux et une nouvelle terre, et on ne se souviendra plus des choses passées ; elles ne reviendront plus dans l’esprit » (Ésaïe 65.17). Telles sont les promesses de Dieu. L’histoire de la première création est un gage de leur accomplissement. Le septième jour, où le Seigneur se reposa et se réjouit de son œuvre (car elle était bonne), est le type du sabbat futur. Le temps du rafraîchissement viendra de la part du Seigneur, quand il enverra son Fils du ciel pour établir le règne de la paix. Il se réjouira alors de l’œuvre de la rédemption enfin achevée, et « son repos sera gloire » (Ésaïe 11.10) : L’Eglise des premiers-nés aura part à sa joie et à sa gloire. Satan sera lié ; il ne séduira plus les peuples ; la terre sera délivrée de l’antique malédiction, et le voile de ténèbres dont sont encore enveloppés les Gentils, sera ôté. La nouvelle création, aussi bien que la première, aura son achèvement. C’est une idée fort ancienne, que notre monde doit durer six milliers d’années, correspondant aux six jours de la création. On la trouve chez les Israélites et chez de très anciens docteurs de l’Eglise, par exemple dans l’épître dite de Barnabas. D’après l’Ecriture, le sabbat futur doit durer « mille ans » (Apocalypse 20.1-7). La parole : « Mille ans sont devant le Seigneur comme un jour, et un jour comme mille ans » (2 Pierre 3.8), s’applique donc assez naturellement à la durée du monde actuel. Quatre mille ans se sont écoulés d’Adam à Christ, plus de dix-huit cents de Christ à nos jours ; les six mille ans ne seraient pas loin de leur terme ; nous avons l’espoir que le Roi de paix sera bientôt manifesté. Mais la délivrance et la consommation des « premiers-nés » qui entreront avec lui dans son règne, doit précéder son avènement. Leur mise à part est l’événement le plus prochain dans le règne de Dieu. Et comme, au dernier jour d’une semaine, on cesse de meilleure heure le travail quotidien et l’on distribue à chacun son salaire, peut-être le Seigneur abrégera-t-il le sixième millier d’années pour se hâter de donner aux siens leur récompense. Notre réunion avec lui quand il viendra sera notre entrée dans le repos de sabbat auquel nous sommes appelés (2 Thessaloniciens 1.7 ; 2.1). Prenons garde ; craignons de négliger cette grande promesse, de peur que quelqu’un de nous ne demeure en arrière ! Le repos de Canaan était promis aux Israélites sortant d’Egypte ; mais, après avoir obéi pendant un temps, ils s’endurcirent et irritèrent Dieu par leur incrédulité. Il jura dans sa colère« qu’ils n’entreraient pas dans son repos. »

Dès l’âge apostolique, la chrétienté a reçu un avertissement tout pareil (Hébreux 3.7-4.11). L’histoire de l’Eglise montre à quel point il était nécessaire. Il l’est surtout pour la génération actuelle. Qu’il atteigne chacune de nos consciences ! Quand le moment décisif sera là, le frère ne pourra sauver son frère ; le fond des cœurs sera dévoilé, et chacun portera son propre fardeau. « C’est pourquoi, frères, prenez garde que quelqu’un parmi nous n’ait un cœur mauvais et incrédule qui se détourne du Dieu vivant ; mais exhortez-vous les uns les autres chaque jour pendant qu’il en est temps, de peur que quelqu’un ne s’endurcisse par la séduction du péché. Efforçons-nous d’entrer dans ce repos, de peur que quelqu’un de nous ne tombe dans une semblable rébellion ! »

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