Traité de la divinité de Jésus-Christ

Chapitre III

Où l’on établit la même chose à l’égard de la religion chrétienne.

Au reste, ce que nous avons dit de l’ange qui apparut à Moïse, nous pourrons le dire de Jésus-Christ notre Sauveur, supposé, comme on le prétend, qu’ils soient en effet distincts l’un de l’autre.

Si Jésus-Christ n’est pas d’une même essence avec son Père, nous ne pourrons douter que Jésus-Christ n’ait voulu se mettre sur le trône de la Divinité, en usurpant ses noms, ses titres, sa gloire la plus propre et la plus essentielle ; et par conséquent il faudra regarder sa religion, premièrement, comme une superstition détestable ; en second lieu, comme une farce impie ; et pour un troisième, comme un ouvrage de l’esprit des ténèbres, plutôt que pour un ouvrage du Saint-Esprit.

En effet, il est certain que l’Écriture du Nouveau Testament attribue à Jésus-Christ tous les ouvrages de Dieu, la création de toutes choses, qui avait toujours caractérisé le Dieu d’Israël ; la conservation des choses, qui appartient au créateur ; la rédemption du monde, que les prophètes rapportaient uniquement au Dieu souverain, etc. Il est constant que cette Écriture lui attribue la puissance de Dieu, l’éternité de Dieu, l’immensité de Dieu, la providence de Dieu, la justice et la miséricorde de Dieu. On voit que Jésus-Christ nous est représenté comme étant un avec Dieu, égal avec Dieu, le même que Dieu. C’est une chose certaine qu’il est appelé dans l’Écriture le Seigneur, le Seigneur de gloire, Seigneur Dieu, Dieu manifesté en chair, le grand Dieu et Sauveur, le Dieu fort, le vrai Dieu, le Très-Haut, Dieu sur toutes choses, béni éternellement ; et je soutiens qu’une créature qui a voulu entreprendre sur la gloire de la Divinité en se revêtant des caractères qui lui sont les plus propres, n’a pu agir autrement, ni mieux réussir dans ce dessein. Mais afin qu’on ne nous accuse point de faire ici un entassement suspect de passages contestés, il est bon de les considérer un moment dans le détail.

Je dis donc, premièrement, que l’Écriture lui attribue tous les ouvrages de Dieu : car, pour commencer par celui de la création, l’apôtre saint Paul pouvait-il mieux donner ce caractère à Jésus-Christ que par ces paroles si expresses et si remarquables (Colossiens ch. 1) : Car en lui ont été créées toutes choses qui sont aux cieux et qui sont en la terre, les choses visibles et invisibles, soit les trônes, ou les dominations, ou les principautés, ou les puissances ; toutes choses, dis-je, sont créées par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent par lui. Il ne sert de rien aux Sociniens de chicaner ici en changeant le terme de créés en celui de renouvelées ou réconciliées ; car ces dernières paroles : Toutes choses sont par lui et pour lui ; il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent par lui, montrent qu’il ne s’agit point là d’une création métaphorique : d’ailleurs, ce passage s’explique suffisamment par plusieurs autres endroits de l’Écriture qui disent qu’il y a un seul Seigneur, par lequel sont toutes choses ; que Jésus-Christ a fait le monde ; qu’ il a fait les siècles ; que toutes choses ont été faites par lui, et que sans lui rien de ce qui a été fait n’a été fait ; qu’il a fondé la terre, et que les cieux sont l’ouvrage de ses mains, etc. Que si toutes ces expressions doivent être tirées hors de leur usage naturel et de leur signification ordinaire, on ne peut se dispenser de croire que le Saint-Esprit a eu dessein de nous tromper. Le second ouvrage que l’Écriture attribue à Jésus-Christ, c’est la conservation du monde. Un auteur sacré dit expressément, qu’il soutient toutes choses par sa parole puissante. Le troisième, c’est la rédemption des hommes. Il est dit que Dieu s’est acquis l’Église par son propre sang, etc., paroles remarquables, qui nous montrent et que Jésus-Christ est Dieu, et qu’il nous a rachetés, et qu’il nous a rachetés en qualité de Dieu, étant tout à fait apparent que l’apôtre ne joint ici le nom de Dieu avec celui de racheter, que pour nous faire faire réflexion sur cet ancien oracle : Dieu lui-même viendra et vous sauvera, et alors les yeux des aveugles seront ouverts, etc. L’Écriture attribue, en quatrième lieu, à Jésus-Christ l’ouvrage de la Providence, et particulièrement celui de la conduite ordinaire des fidèles. Voici, dit-il, je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle. Et ailleurs : Là où il y aura deux ou trois assemblés en mon nom, là je serai au milieu d’eux ; promesse que Jésus-Christ ne pouvait exécuter en tant qu’homme, mais seulement en tant que Dieu, parce qu’en tant qu’homme il est borné par les temps et les lieux, au lieu qu’en tant que Dieu il agit indépendamment des uns et des autres : car de dire qu’il se trouve au milieu de nous par son Esprit, cela ne satisfait point. Si cet Esprit que nous recevons est l’Esprit de Jésus-Christ, il s’ensuit qu’il est Dieu, puisqu’il agit et opère partout ; et si c’est l’Esprit du Dieu souverain, il faudra dire que c’est son Père et non pas lui qui se trouve avec nous. D’ailleurs, quand il serait vrai de dire que Jésus-Christ serait en nous par la foi, qui est un don du Saint-Esprit, comment serait-il au milieu de nous ? Car cette dernière expression signifie quelque chose de plus particulier. Enfin, Elisée reçut une portion de l’esprit d’Elie, parce qu’il reçut de Dieu des dons semblables à ceux de ce premier ; cependant on n’a jamais dit qu’Elie fût avec les Juifs, ni au milieu de leurs assemblées, depuis son ascension dans le ciel. Le cinquième ouvrage qui est manifestement attribué à Jésus-Christ, c’est celui de notre sanctification. C’est lui qui a dissipé nos erreurs. Il illumine tout homme venant au monde. Il nous enseigne, parce que la vérité est en lui. La grâce est donnée à chacun selon la mesure du don de Christ. Nous sommes vivifiés par Christ, et sauvés par sa grâce (Éphésiens ch. 3 et 4) ; et cependant la sanctification est un ouvrage tout divin : Car c’est Dieu qui produit en nous avec efficace le vouloir et le par faire selon son bon plaisir. En sixième lieu ; l’Écriture attribue à Jésus-Christ la glorification des fidèles. Parce que tu as gardé la parole de ma patience, dit le Sauveur dans l’Apocalypse, je te garderai aussi de l’heure de la tentation qui doit survenir au monde universel. Qui vaincra, je le ferai être une colonne au temple, etc. Qui vaincra, sera vêtu de vêtements blancs, et je n’effacerai point son nom du Livre de vie, etc. Qui vaincra, je le ferai seoir avec moi sur mon trône, etc.

On peut dire sans se tromper, en second lieu, que l’Écriture attribue à Jésus-Christ toutes les vertus de Dieu : la puissance de Dieu, puisque c’est par la parole puissante de Jésus-Christ que toutes choses subsistent : la reconnaissance de Dieu, puisqu’il est dit de Jésus-Christ qu’il sonde les cœurs et les reins, et que saint Pierre lui dit : Seigneur, tu connais toutes choses : l’éternité de Dieu, puisqu’il est appelé le Père de l’éternité et qu’on lui applique cet oracle qui avait pour objet le Dieu souverain : Ils périront, mais tu es permanent, et tes années ne défaudront point : l’immensité de Dieu, puisqu’il est dit de Jésus-Christ conversant sur la terre, qu’il est dans le ciel : Nul n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, savoir : le Fils de l’homme qui est au ciel ; et que Jésus-Christ, après son ascension, se trouve encore au milieu de nous ; et qu’étant au ciel, où il est assis à la droite de Dieu, il reçoit l’esprit d’Etienne qui le remet entre ses mains, et lui dit : Seigneur Jésus, reçois mon esprit : l’invisibilité de Dieu, qui, dans le style de l’Écriture, emporte quelque chose de très propre à Dieu, puisque Jésus-Christ est appelle l’image de Dieu invisible : l’intelligence de Dieu, puisque même Jésus-Christ est nommé par les écrivains sacrés, la sagesse de Dieu : la fidélité et la vérité de Dieu, puisqu’à cet égard il est nommé l’Amen, le Fidèle, le Véritable, et même la Vérité par excellence : la miséricorde de Dieu, puisqu’il pardonne les péchés, qu’il les blanchit, et nous justifie par son sang : l’autorité de Dieu, puisque Jésus-Christ fait évangéliser aux hommes en son nom, et qu’il envoie ses disciples baptiser par toute la terre au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit ; qu’il fait des commandements aux esprits immondes, comme étant le maître de la nature, et leur dit : Esprit sourd et muet, je te commande de sortir hors de lui ; qu’il donne pouvoir aux autres de faire des miracles en son nom, et qu’on voit les boiteux se lever et marcher au nom de Jésus-Christ, comme les prophètes faisaient des miracles au nom de Dieu : la justice de Dieu, puisque c’est de Jésus-Christ que Jean-Baptiste dit : II a sa pale en sa main, et nettoiera son aire, et assemblera le froment dans ses greniers ; mais il brûlera la paille au feu qui ne s’éteint point : la sévérité de Dieu envers ses enfants qu’il châtie et éprouve par diverses afflictions que sa providence leur envoie ; car Jésus-Christ dit de lui-même en ce sens : Je reprends et châtie tous ceux que j’aime. Prends donc zèle et te repens.

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