Traité de la vérité de la religion chrétienne

7. Qu’il y a dans le monde des caractères de nouveauté qui nous conduisent à la vérité de l’existence de Dieu.

Puisque l’univers est nécessairement l’ouvrage d’une sagesse qui l’a créé dans le temps, il ne faut pas s’étonner si nous trouvons quelques caractères de nouveauté dans le globe où nous habitons.

Il est certain que la terre reçoit des changements par le cours des années. Les pluies qui tombent sur le haut des montagnes et des collines, en font rouler la terre, et les abaissent sensiblement. Les rivières coulant longtemps dans un canal, et se débordant de temps en temps, le rendent plus profond ou plus large. Les fleuves entraînant dans la mer beaucoup de gravier, en avancent les bords, ou y forment de petites îles, comme celles qui sont à l’embouchure du Nil, et dont le nombre a crû de temps en temps, selon la remarque des doctes.

Or, bien que tous ces changements soient fort petits et comme insensibles, il est évident qu’une étendue infinie de temps les rendrait fort sensibles et fort apparents : il faudrait qu’il se fût formé déjà une infinité de ces petites îles qui se forment du gravier des rivières, ou plutôt que la mer fût toute comblée, et que les plus hautes éminences fussent au niveau des autres parties de la terre, puisque l’éternité contient une infinité de siècles pour produire l’effet dont nous parlons.

La nouveauté de la terre, que cette considération nous fait assez connaître, ne s’accorde pas mal avec celle de l’univers en général, que la raison nous avait fait déjà concevoir. Mais nous n’avons pas besoin de recourir à l’une ni à l’autre pour faire voir l’existence de Dieu ; il suffit pour cela de montrer que le genre humain n’est pas sans un chef et sans un commencement : car si l’on ne peut concevoir que le grand monde ait été produit sans qu’il ait un Dieu pour son auteur, il est autant contre la raison de s’imaginer que le petit monde, qui n’est pas moins un abrégé de merveilles que le grand, ait été formé par une autre cause que par la puissance d’un Être souverain ; de sorte que nous ne trouvons pas moins cette vérité dans la société que dans la nature ; ce qui est le second principe qu’il fallait établir.

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