Traité de la vérité de la religion chrétienne

4. Où l’on établit la nécessité d’une religion en général par l’idée de Dieu.

La religion, selon l’idée commune que nous en avons, est un commerce entre Dieu et l’homme, dans lequel Dieu se manifeste aux hommes, et les hommes glorifient Dieu.

Or, c’est une vérité de fait, que Dieu s’est révélé aux hommes, puisque, d’un côté, sa puissance, sa sagesse, etc., se trouvent si bien marquées dans ses ouvrages, qu’elles nous font connaître son existence, et que de l’autre il nous a donné un esprit capable de les apercevoir.

C’est d’ailleurs un devoir naturel et indispensable à l’égard de l’homme, de glorifier celui qui lui a fait tant de bien. Nous ne craindrons donc pas d’avancer d’abord, que la religion en général est légitime et nécessaire ; mais il ne faut point s’arrêter là.

Les devoirs les plus communs et les plus généraux de la religion se rapportent à quatre, qui sont la louange, l’action de grâces, la confiance et la prière. On ne voit pas qu’il soit possible de reconnaître l’existence de Dieu, et prétendre se dispenser de lui rendre ces quatre devoirs ; car s’il y a un Dieu, il est souverainement parfait ; il nous a fait ce que nous sommes, et il nous a donné ce que nous avons : il peut encore nous faire du bien, et suppléer à nos besoins ; et par conséquent nous lui devons notre admiration, notre confiance, nos prières et nos actions de grâces.

Mais si chacun de nous est obligé de s’acquitter en particulier de ces devoirs, il n’est pas moins certain que nous sommes dans l’obligation de les pratiquer en public. Dieu est le Dieu de nous tous ; nous participons tous à ses faveurs : il est donc juste que nous l’adorions en commun, et que la reconnaissance nous assemble, lorsque nous nous trouvons si bien assemblés dans les effets de sa bonté.

Or, si nous nous acquittons de notre devoir, et d’un devoir que la droite raison nous enseigne avec tant de lumière, lorsque nous tâchons de glorifier Dieu par les exercices publics de la religion, il est impossible que Dieu ne connaisse qu’en cela nous agissons comme il faut ; et s’il le connaît, on doit penser qu’il l’approuve et qu’il le veut.

Si donc la religion est d’un côté un devoir indispensable à l’égard de l’homme, et si de l’autre elle est nécessairement approuvée de Dieu, et conforme à sa volonté, comment pourrait-on nier qu’elle n’ait des fondements solides, ou comment pourrait-on révoquer en doute sa nécessité ?

Il n’y a qu’un parti à prendre pour s’empêcher de tirer cette conséquence ; c’est de couper le nœud, de dire que Dieu n’approuve et ne connaît rien, et d’anéantir ainsi son existence après l’avoir reconnue.

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