Traité de la vérité de la religion chrétienne

2. Deuxième tableau de la religion chrétienne, ou son opposition avec toutes les autres religions.

Toutes ces vérités paraissent beaucoup mieux lorsque l’on considère la religion chrétienne dans l’opposition qu’elle a avec toutes les autres. Ce privilège de la religion chrétienne consiste en ce qu’aucune autre religion n’a les avantages qu’elle possède, et qu’elle n’a aucun des défauts qui sont dans toutes les autres religions.

Je dis que les autres n’ont pas les avantages qu’a la religion chrétienne ; car je crois qu’il n’y en a jamais eu qui se soit vantée d’avoir été confirmée par les anciens oracles. Mahomet prend le parti de faire douter de l’Écriture, plutôt que de tirer de l’Écriture les preuves de sa vocation ; comme vous ne voyez pas aussi qu’il se vante d’avoir eu un précurseur qui ait aplani ses voies.

Il y a quelques religions qui peuvent avoir eu leurs martyrs ; mais quels martyrs ? des superstitieux qui s’exposent à la mort sans savoir ce qu’ils font, comme ces barbares qui se jettent par milliers au-devant de leur idole, afin que ce colosse les écrase sous ses roues en passant. Mais on ne trouvera point d’autre religion que la chrétienne, qui ait été confirmée par le sang d’une multitude de martyrs éclairés, qui souffrent pour défendre ce qu’ils ont vu ; qui, de vicieux qu’ils étaient, sont devenus saints par la foi qu’ils ont en leur Maître ; et qui enfin, répandus en tous lieux, mourant sans que leur nombre diminue, et se perpétuant en quelque sorte par la mort, souffrent avec joie par la certitude qu’ils ont d’être couronnés après la mort ; certitude qu’ils tirent de ce qu’ils doivent avoir vu de leurs yeux pendant leur vie.

On trouve aussi des religions qui se vantent d’avoir été autorisées du ciel par les événementse. Les Romains rapportaient à leur religion les avantages qu’ils avaient remportés sur les autres peuples ; et les mahométans prétendent que les grands succès que Dieu avait accordés à leur prophète, étaient des marques incontestables de la vérité de leur religion. Mais prétendre que la prospérité temporelle soit le caractère de la véritable religion, ou l’adversité de la fausse, c’est vouloir, comme on l’a déjà dit ailleurs, que les plus grands scélérats soient les favoris de la Divinité. Ce n’est point la prospérité ou l’adversité simplement, mais la prospérité ou l’adversité en tant que prédite, qui peut être un caractère de la vraie religion ; et quand nous disons que les événements rendent témoignage à la vérité du christianisme, nous parlons de ces événements qui avaient été marqués dans les prophètes, tels que sont la vocation des païens, la ruine de Jérusalem, l’établissement de l’Église. Enfin, on voit bien des religions qui trompent l’homme, mais on n’en voit point qui le satisfassent : on en trouve qui ont des miracles manifestement fabuleux, des témoins suspects ; mais l’on n’en voit point qui soient fondées sur de vrais miracles et des témoignages valides. Nulle religion du monde n’a donc les qualités qui se trouvent dans la religion chrétienne, et il faut ajouter que la religion chrétienne n’a aucun des défauts qui sont dans les autres religions.

e – Voyez Minucius Félix, Octavius.

Il ne faut ni beaucoup de lumière ni un long examen pour découvrir cette vérité. Il est assez évident que la religion chrétienne n’est pas mondaine comme celle des Juifs d’à présent, qui ne soupirent qu’après une pompe charnelle ; ni monstrueuse comme celle des Samaritains, qui faisaient un mélange ridicule du paganisme et de la religion judaïque ; ni impie et cruelle comme celle des gnostiques, et qu’elle n’a pas tous ces défauts ensemble comme avait la religion païenne. Mais ne pouvant parcourir toutes les erreurs qui pourraient donner du jour à cette opposition, contentons-nous de faire voir l’avantage que la religion chrétienne a dans ce parallèle, par les maximes suivantes.

I.

Les autres religions, suivant la condition des ouvrages humains, se forment peu à peu des imaginations de diverses personnes, qui y changent les unes après les autres. Les Grecs ont ajouté à la religion qu’ils avaient reçue des Egyptiens ; les Romains, à celle que les Grecs leur avaient enseignée. Ménander ajoute aux impiétés de Simon ; Saturnius et Basilides, à celles de Ménander : c’est que les hommes ne sont jamais las d’inventer, ni le peuple las de croire. Mais il n’en est pas de même de la religion chrétienne, qui est tout entière en Jésus-Christ, tout entière dans chaque Évangile, tout entière dans chaque épître des apôtres. Tout ce que les hommes ont voulu ajouter à la doctrine que Jésus-Christ a apportée au monde, n’a fait qu’en corrompre la pureté et la spiritualité, comme cela paraît par la disproportion qui est entre la doctrine apostolique et les spéculations des hommes.

II.

Les autres religions ne peuvent soutenir la lumière du jour ; elles se couvrent d’un silence mystérieux, et de ténèbres affectées. Les gnostiques cherchent la nuit pour couvrir l’impureté de leurs mystères exécrables. Les Romains s’exposent à la raillerie de leurs poètesf, par le soin qu’ils ont de cacher le service qu’ils rendent à la bonne Déesse. Julien et Porphyre se servent de toute l’adresse de leur esprit pour adoucir ce que le paganisme a de ridicule et de choquant, ou pour pallier leur superstition par diverses explications ; comme lorsqu’ils soutiennent qu’ils n’adorent qu’un seul Dieu souverain, encore qu’ils reconnaissent d’autres divinités subordonnées et dépendantes, et qu’ils tâchent de justifier le culte qu’ils rendent aux idoles par des subtilités et par des distinctions.

f – Juvénal

Il y a un principe d’orgueil dans le cœur des hommes, qui fait qu’ils ne veulent point être accusés d’avoir des sentiments absurdes ; de sorte que, lorsque leurs passions les attachent à une religion qui ne paraît pas raisonnable, leur esprit fait tout ce qu’il peut pour la faire paraître pleine de bon sens et de raison. La religion chrétienne, au contraire, ne demande ni voile, ni silence, ni dissimulation, ni déguisement, encore qu’elle propose des objets qui sont infiniment contraires à tous nos préjugés. Les apôtres avouent que la prédication de l’Évangile est une folie apparente, et néanmoins ils assurent que c’est par cette folie que Dieu veut sauver le monde : ils savent que la mort de Jésus-Christ scandalise le Juif, et paraît une folie au Grec ; et néanmoins ils déclarent hautement qu’ils ne se proposent de savoir que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. D’où vient qu’ils ne daignent jamais adoucir ce paradoxe, bien loin de le cacher, si ce n’est de la pleine et parfaite persuasion qu’ils ont de ce mystère adorable et de l’abondance de l’esprit qui leur fait connaître l’efficace de la croix ?

III.

Si l’on considère bien les autres religions, on trouvera qu’elles sont, pour la plupart, ou l’ouvrage des poètes, ou la production des philosophes, et qu’elles viennent du jeu ou de la spéculation de l’entendement ; ce qui fait qu’elles ne sont point universellement goûtées. Les philosophes se sont moqués de tout temps de la religion des peuples, et les peuples ne comprennent rien dans la religion des philosophes. Socrate tourne en ridicule la religion des Athéniens, et les Athéniens accusent Socrate d’athéisme, et le condamnent à la mort. La religion chrétienne seule est goûtée du peuple et des savants, parce que n’étant pas attachée à l’ignorance des uns, et ne venant point du savoir des autres, elle a de divins rapports avec le cœur de tous. Plus élevée que la philosophie des sages, elle est accommodée à la portée des plus grossiers. Sublime sans spéculation, et simple sans bassesse, il n’y a rien de trop grand ni de trop petit pour elle dans la société, et elle se fait goûter et admirer de tous également.

IV.

Les autres religions conduisent les hommes de l’esprit aux sens, au lieu que celle-ci les ramène des sens à l’esprit. On sait que les païens déifiant les corps, ou se représentant la divinité sous une forme corporelle, loin de lui rendre un culte conforme à sa nature spirituelle, ne la servent que par des jeux, des spectacles et d’autres exercices corporels. Les Samaritains et les Juifs disputant avec fureur pour savoir s’il fallait adorer Dieu à Jérusalem, ou sur la montagne de Guerisim, anéantissaient l’esprit de la religion, qui est la charité, pour en défendre l’extérieur. Les prophètes se plaignaient que les Juifs faisaient consister le véritable jeûne à courber leur tête comme le jonc, ou à se couvrir du sac et de la cendre. L’histoire sainte remarque que les sacrificateurs de Baal se faisaient des incisions avec des couteaux, comme s’ils eussent dû se rendre leur Dieu favorable par ces exercices corporels. Les Juifs de nos jours ne peuvent comprendre que nous ayons été appelés à la connaissance de Dieu, encore qu’ils voient que nous faisons profession de mettre en lui toute notre confiance, parce qu’ils ne nous voient point pratiquer quelques cérémonies corporelles ; et les mahométans, plus impies que superstitieux, ne laissent pas de rapporter tout aux sens ; ils attachent leur adoration à la Mecque, se tournant vers elle comme les Juifs vers Jérusalem : leur esprit demande principalement à Dieu la satisfaction de leurs sens ; et ayant une espèce de respect religieux pour les lettres qui composent le nom de Dieu, et pour le papier ou il se trouve écrit, ils sont engagés à opprimer les hommes qui portent l’image de Dieu, par une religion qui ne respire que violence et qu’oppression.

Ce qui fait que les hommes rapportent tout aux sens, c’est que c’est là le plus facile. Il est plus aisé de prendre le soleil pour Dieu, que d’être perpétuellement occupé à chercher un Dieu qui se cache ; de célébrer des jeux et des fêtes à son honneur, que de renoncer à soi-même pour l’amour de lui ; plus facile de s’abstenir des aliments ordinaires, que de renoncer aux vices ; de chanter des hymnes, ou de saluer des statues, que de pardonner à ses ennemis. Que nous trouvons donc un caractère admirable dans cette religion, qui nous ramène d’un Dieu conçu comme corporel, à un Dieu Esprit, et d’une manière de le servir charnelle à un culte spirituel ! ce que Jésus-Christ exprime excellemment par ces paroles : Dieu est un esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité. Qui est-ce qui lui en avait tant appris, et comment marque-t-il en deux mots le génie de la véritable religion que tous les hommes avaient ignorée ?

V.

On peut dire de toutes les autres religions, sans exception, qu’elles nous font chercher le monde dans le service de la Divinité ; au lieu que la religion chrétienne nous fait glorifier Dieu en renonçant au monde. Les païens voulant plutôt se plaire à eux-mêmes que plaire à leurs dieux, ont fait entrer dans la religion tout ce qui a pu les flatter et les divertir. La religion mahométane n’ayant pas beaucoup de cérémonies, attache du moins les avantages temporels à la pratique de son culte, comme si le monde devait être la récompense de la religion. Les uns et les autres se sont trompés sans doute. Les païens ont du reconnaître que le service de Dieu consiste en autre chose que dans le divertissement ou dans, la volupté ; et les mahométans ont dû savoir que les avantages temporels étant si incapables de satisfaire les désirs de l’homme et de remplir le vide de son cœur, ne peuvent point tenir la place des biens que la vraie religion lui destine ; mais les uns et les autres ont suivi un mouvement de l’amour-propre, qui, se trouvant naturellement suspendu entre le monde et la religion, ne trouve rien de plus doux que de les joindre, pensant ainsi accorder son devoir et son inclination, consacrer ses plaisirs et réconcilier la conscience et l’intérêt.

La véritable religion nous donne pour première maxime, que cet accord est impossible, ou, pour parler son langage, que Christ et Bélial ne peuvent subsister ensemble ; qu’il faut ou glorifier Dieu aux dépens du monde, ou posséder le monde aux dépens de,1a religion, peut-on s’empêcher de voir que c’est là un caractère divin ?

VI.

Les autres religions tendent à abaisser Dieu et à élever l’homme ; au lieu que la religion chrétienne tend à abaisser l’homme et à élever Dieu. Le premier peuple du monde fait de ses divinités des monstres, et de ses empereurs qui étaient des monstres, il fait des divinités ; et les plus célèbres des philosophes n’ont point de honte de s’élever aux dépens de la Divinité, en se préférant à Jupiter. La religion chrétienne, au contraire, nous apprend que nous nous devons tout entiers à la Divinité, sans que la Divinité nous doive rien elle-même : elle nous humilie par cet abîme qu’elle nous fait voir entre Dieu et nous ; elle nous montre, et que nous sommes haïssables, et que Dieu est souverainement aimable. Qui ne l’admirera ?

VII.

Les autres religions nous font être dépendants là où nous devions être maîtres, et maîtres là où nous, devions être dépendants ; elles enseignent à l’homme à encenser aux moindres créatures, et à s’égaler au maître de l’univers. Qui ne s’étonnera que les hommes soient assez impies pour vouloir être des dieux, lorsqu’ils sont assez lâches pour ne savoir pas être des hommes ? Qui comprendra l’orgueil de cet impie, qui ne dédaigne pas de se soumettre aux bêtes à quatre pieds, aux oiseaux, aux reptiles, aux plantes, selon le reproche de saint Paul ? Ou qui pourra concevoir la bassesse de ce superstitieux, qui ne se contente point de se déifier de soi-même, mais qui déifie jusqu’à ses vices ? La religion chrétienne seule rétablit l’ordre légitime qui devait être dans le monde, assujettissant toutes choses à l’homme, pour soumettre l’homme à Dieu. Quel sera le devoir de la véritable religion, si ce n’est de rétablir un ordre si légitime ?

VIII.

Pour peu qu’on pénètre dans le fond des autres religions, on trouve qu’elles tendent à détruire ces principes de droiture que Dieu a mis dans l’âme de tous les hommes, et à flatter leur corruption. Celui qui considérera la religion chrétienne, trouvera qu’elle tend au contraire à détruire la corruption et à rétablir les principes de droiture dans nos âmes. Les païens flattent leurs passions jusqu’à leur bâtir des autels. Mahomet aime la prospérité temporelle, jusqu’à en faire la fin et la récompense de la religion. Les gnostiques s’imaginent que lorsqu’ils sont arrivés à un degré de connaissance qu’ils appellent l’état de perfection, ils peuvent commettre toutes sortes d’actions sans scrupule, et que ce qui serait péché pour les autres, ne l’est point pour eux. Quels égarements ! quelle impiété ! Et combien la religion chrétienne est-elle admirable, lorsque seule entre toutes les religions, elle nous fait connaître notre corruption, et la guérit par des remèdes aussi salutaires à l’esprit qu’incommodes à la chair !

IX.

On peut remarquer dans toutes les autres religions, qu’elles sont contraires à la politique en faveur de la corruption, ou qu’elles contraignent un peu la corruption en faveur de la politique ; au lieu que la religion chrétienne conserve ses droits inviolables indépendamment de l’une et de l’autre. La religion païenne choquait trop la politique, en voulant tout donner à la corruption. Il aurait été bon, pour le bien de l’État, que les hommes eussent eu une plus grande idée de la sainteté de leurs dieux ; ils en auraient été plus retenus et plus soumis aux lois civiles ; au lieu que l’exemple de leurs dieux les rendait hardis à violer les droits les plus sacrés. Mahomet voulant éviter ce désordre, a retenu l’idée du vrai Dieu ; mais voulant flatter les inclinations des hommes, pour les attirer, il l’a mêlée avec le paradis charnel et grossier des païens, empruntant quelque chose du christianisme qui mortifie nos passions, et prenant quelque chose du paganisme qui flatte nos mauvais penchants. Mais la religion chrétienne n’a aucun ménagement, ni avec la politique, ni avec la corruption. La politique se plaint que la doctrine de Jésus-Christ ramollit nécessairement les courages, et qu’elle va à faire, non des soldats pour la conservation de l’État, mais des agneaux qui s’animeront difficilement contre leurs ennemis, pour qui ils prient et qu’ils sont obligés d’aimer comme eux-mêmes. La corruption murmure de ce que la religion chrétienne va l’attaquer jusque dans les dispositions et dans les replis de l’âme, et sous les voiles de l’hypocrisie, des prétextes et de la dissimulation de l’âme, sous lesquels elle se croyait en sûreté. Quel autre que Dieu peut être le principe d’une religion qui est également contraire à la cupidité des petits et à l’ambition des grands, à la politique et à la corruption ?

X.

Les autres religions ont voulu que la Divinité portât l’image de l’homme, et par là ils n’ont pu manquer de représenter la Divinité faible, misérable, et souillée de vices, comme tous les hommes le sont ; au lieu que la religion chrétienne nous enseigne que l’homme doit porter l’image de Dieu : ce qui nous engage à nous rendre parfaits comme nous concevons que Dieu est saint et parfait. Si le désordre paraît effroyable, peut-on s’empêcher de reconnaître que le rétablissement est divin ?

XI.

Enfin, les autres religions sont des productions monstrueuses des plus polis et des plus habiles des hommes ; au lieu que la religion chrétienne est une production admirable, qui paraît venir des personnes les plus simples et les plus grossières qui furent jamais. Les païens ont souvent passé condamnation sur les idées extravagantes que le vulgaire avait de la Divinité, sur la cruauté de ces barbares sacrifices qu’on offrait en tant de lieux, sur l’impureté de leurs mystères, la fausseté de leurs oracles, et la vanité ou la puérilité de leurs cérémonies. Cicéron dit en quelque endroit de ses œuvres, que deux augures ne sauraient se rencontrer en face sans rire. Rien n’est plus extravagant que la théologie des gnostiques, avec leurs Éons et leurs copulations. On sait que lorsque les philosophes ont voulu parler de religion, ils ont enchéri sur l’extravagance les uns des autres. Personne n’ignore quelles sont les visions et les fables dont les rabbins ont rempli leur tradition, et le catalogue en serait curieux s’il n’était trop long. Et comme l’on ne peut disconvenir que les païens, les philosophes, etc., n’aient fait de merveilleuses découvertes dans les arts et dans les sciences, on trouvera ici une succession d’extravagances dans une suite de personnes éclairées, par un prodige qui serait sans exemple si la religion chrétienne ne nous en faisait voir un tout semblable, en nous montrant une multitude de sages dans une multitude d’ignorants, qui sont les disciples de Jésus-Christ.

Certainement il est étrange que les hommes les plus éclairés deviennent les plus stupides, dès qu’il s’agit de la religion, et que les plus ignorants se montrent les plus éclairés : cela marque bien le dessein de Dieu, qui a été d’anéantir l’intelligence des sages ; et cela fait bien voir en même temps que leur religion n’est point la production de l’esprit, mais celle du cœur. Si elle venait de l’esprit, elle serait raisonnable, à mesure que les hommes qui l’inventent sont éclairés ; mais parce qu’elle vient de leurs passions, elle est aussi extravagante que les passions qui la mettent au jour sont déréglées.

Unissons maintenant tous ces caractères, et demandons aux incrédules si l’on peut sans extravagance attribuer à un imposteur une religion si parfaite dans sa naissance, qu’on n’y peut rien ajouter qui n’en diminue la perfection ; une religion qui propose ses mystères sans adoucissement, avec autorité et avec confiance, qui ramène les hommes des sens à l’esprit, qui anéantit la corruption, qui rétablit tous les principes de droiture qui étaient dans notre âme, qui nous enseigne à glorifier Dieu aux dépens de la volupté et de l’amour-propre, à élever Dieu, et à nous abaisser nous-mêmes, à nous soumettre à Dieu qui est plus que nous, et à nous élever au-dessus des choses qui nous sont assujetties ; contraire à la politique, plus contraire encore à la corruption, surprenant la raison et consolant le cœur, et étant en effet aussi belle à l’un que salutaire à l’autre.

Si la religion chrétienne a toutes ces qualités, comme elle les a sans doute, on ne peut douter qu’elle ne soit opposée aux autres religions qui en ont de directement contraires ; et si elle est opposée aux autres, elle a nécessairement un principe opposé ; de sorte que, comme les autres religions appartiennent à la chair, celle-ci appartiendra à l’esprit ; et comme les autres sont l’ouvrage de la corruption des hommes, celle-ci aura pour principe le Dieu de pureté.

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