Missionnaire aux Nouvelles-Hébrides

3
Dans la Mission intérieure de Glasgow

(1847-1856)

« Avant d’aller à Maryhill, j’avais offert mes services à la Mission Intérieure de Glasgow. Aussi quand je quittai mon école, les directeurs de cette mission m’écrivirent-ils qu’ils avaient eu les yeux sur moi et qu’ils me priaient de me présenter devant eux le lendemain pour subir les épreuves qui feraient de moi un Missionnaire de la cité. Bénissant Dieu, je passai avec succès l’examen que le comité me fit subir ; puis en compagnie de deux des directeurs, j’eus à visiter le jour même, ainsi que les jours suivants, et pendant deux heures, chaque maison d’un des plus misérables quartiers de la ville ; je devais ainsi annoncer le salut à tous ceux que je rencontrais. J’eus aussi à faire, le premier dimanche, une prédication d’épreuve ; et le mercredi suivant on devait prononcer sur mon acceptation comme évangéliste.

Tout ceci avait été si prompt et si inattendu, que je craignais un peu un échec ; cependant je regardai à Dieu et le cinquième jour après avoir quitté mon école, le comité de la Mission m’informait qu’il me nommait à l’unanimité Missionnaire de la cité pour deux ans, avec un salaire de 500 € mensuelsa. On m’assignait un des plus misérables quartiers de la ville, poste qui n’avait jamais été occupé, et l’on me priait de commencer immédiatement le travail. Les membres du Comité me donnèrent d’excellents conseils et recommandèrent solennellement à Dieu moi et mon œuvre. Plusieurs d’entre eux furent désignés pour m’accompagner, un jour chacun, et m’introduire dans mon champ de travail. L’œuvre que j’eus dès lors à poursuivre fut hautement profitable à toute la suite de mon ministère.

a – Nous avons évidemment actualisé ce montant, qui dans l’original anglais s’élevait à 40 livres sterling par an (ThéoTEX).

Un grand nombre des personnes que je visitais n’avaient jamais reçu la visite d’un chrétien et ne fréquentaient aucune église. Dans les cours et les maisons, le vice s’étalait sans honte. Je devais faire chaque jour quatre heures de visites de maison en maison, tenant des réunions de prières dans les cuisines, invitant chacun à prendre part à nos cultes du soir, et travaillant par tous les moyens possibles au bien de ces pauvres gens. Le seul local que nous eussions pour nos cultes du soir était un grenier à foin où l’on parvenait par un mauvais escalier de bois et sous lequel se trouvaient un grand nombre de vaches.

Après une année de rude travail, six ou sept personnes suivaient régulièrement le culte du soir dans le grenier à foin, et j’en réunissais six ou sept autres chaque semaine chez une pauvre Irlandaise usée par la maladie. Cette femme gagnait sa vie en tenant une petite boutique de charbon. Son mari était un ivrogne qui la maltraitait et lui prenait tout ce qu’il pouvait afin d’aller boire. Avec beaucoup de prières et de larmes, elle supportait tout patiemment. C’est ainsi qu’elle réussit à élever sa fille unique dans la crainte de Dieu. Avec la bénédiction d’En Haut, nous exerçâmes par nos réunions une bonne influence sur le mari. Il devint « totalement abstinent, » abandonna le mal et se mit à fréquenter régulièrement l’église avec sa femme. Leur demeure devint un centre d’où le bien se répandait dans tout le quartier. La femme invitait chacun à venir à la réunion qui se tenait chez elle et recevait fort bien tous ceux qui se présentaient. C’est ainsi que mon œuvre fut de plus en plus bénie.

Cependant les directeurs de l’œuvre considérant le petit nombre de ceux qui fréquentaient nos cultes, en conclurent que les gens du quartier étaient à peu près inaccessibles, et proposèrent de m’installer dans un autre district. Comme j’avais gagné la confiance de beaucoup de pauvres gens et que j’avais une foi inébranlable que la semence jetée porterait son fruit, je demandai six mois de plus, ce que les directeurs m’accordèrent. Dès la première réunion, j’informai donc ceux qui étaient présents que si nous ne réussissions pas à amener à nos services un plus grand nombre de ceux qui ne fréquentaient aucune église, je serais transféré dans une autre partie de la ville. Chacun s’engagea alors à amener d’autres personnes aux réunions, et d’emblée nos deux auditoires furent doublés. L’intérêt pour l’œuvre grandit et, après de nouveaux efforts, le nombre des auditeurs fut encore doublé. Nous ne trouvâmes bientôt aucun local assez grand pour nos réunions. Nous établîmes une classe biblique, une classe de chant, une classe de catéchumènes et une société de tempérance. Outre les réunions ordinaires, nous établîmes encore deux réunions de prières pour les agents de police, une pour ceux qui sont de service le jour et une pour ceux qui sont de service la nuit. Ces hommes établirent encore entre eux une réunion d’édification mutuelle et une classe de chant. Mon œuvre me prenait alors toutes mes soirées ; le dimanche, je tenais deux réunions. Il était évident que le Seigneur opérait au milieu de nous.

Le vacher nous informa qu’à son grand chagrin il était obligé de nous retirer bientôt le grenier à foin, et comme je ne trouvais aucun autre local, nous commencions à craindre pour l’existence de notre œuvre. Mais des garçons d’écurie obtinrent un autre grenier à foin, cédé par leur patron, et offrirent d’y établir à leurs frais un escalier extérieur. La joie fut grande dans le quartier et l’intérêt pour l’œuvre s’en accrut. Cependant je comprenais que tout cela ne pouvait être que provisoire ; aussi, après avoir consulté Dieu, j’exposai la chose à mon excellent ami Thomas Binnie qui, ayant tout bien examiné, nous procura tous les bâtiments nécessaires dans le voisinage de notre premier grenier à foin.

D’autres bâtiments encore furent bientôt achetés. Des écoles « déguenillées » pour filles et garçons furent établies ; et l’œuvre prit une grande extension. Le dimanche matin à sept heures, j’avais une classe biblique réunissant une centaine des plus pauvres filles et des plus pauvres garçons du district ; aucun d’eux n’avait de chapeau, quelques-uns étaient sans souliers, leurs vêtements n’étaient guère que des haillons. Mais quelle amélioration dans leur tenue, à mesure qu’ils prenaient intérêt à la parole de Dieu ! Et quel zèle ils mettaient à amener d’autres pauvres gens à la classe biblique ! Cette classe a été une des plus pures joies de ma vie et les résultats en ont été des plus certains et des plus précieux de tout mon ministère ; mais le succès n’était pas obtenu sans peine et prières incessantes. Que penseraient les jeunes ministres de partir à six heures du matin chaque dimanche, de courir de rue en rue pendant une heure, frappant aux portes pour réveiller les insouciants et les oublieux pour les rassembler tous et les amener à une classe biblique ? C’est ce que je fis d’abord, mais plus tard un groupe de volontaires appartenant à la classe, se chargea des irréguliers, des indifférents et des nouveaux venus ; et par là, non seulement je fus assisté, mais l’intérêt que les volontaires portaient à l’œuvre en fut augmenté, ainsi que leur amour les uns pour les autres. »

Le ministère de Paton était vraiment prodigieux. Les centaines de pauvres gens qui suivaient ses réunions allaient s’établir dans d’autres quartiers dès que leur condition s’était améliorée, et il continuait à les visiter régulièrement jusqu’à ce qu’ils se fussent rattachés à une église. Plus tard lorsqu’il revenait de son lointain champ de mission, il n’y avait pas une des nombreuses églises de la ville où il ne rencontrât des personnes qui l’abordaient par ces mots : « Vous souvenez-vous de moi ? »

Il avait formé une dizaine de jeunes gens et une vingtaine de jeunes femmes qui l’aidaient comme visiteurs et distributeurs de traités. Les visiteurs isolément, de même que les visiteuses deux par deux, avaient leur rue ou portion de rue qu’ils devaient visiter deux fois par mois. Ces visiteurs se réunissaient tous les mois avec Paton pour rendre compte de leur activité. Beaucoup de familles s’intéressaient tellement à l’œuvre qu’elles donnaient du travail à toute personne bien recommandée par notre évangéliste.

Les ennemis de Paton étaient surtout les cabaretiers qui ne pouvaient souffrir sa Société d’abstinence ; il devait en être de même des marchands de tabac dont il était loin de recommander la marchandise. Les premiers lui firent une rude opposition, mais ils furent vaincus.

Le ministère de notre ami fut un moyen de salut pour un grand nombre d’âmes, jusque chez les catholiques romains. L’opposition et les persécutions violentes de ceux-ci mirent cependant maintes fois sa vie en danger ; et ce ne fut que par une patience et une énergie indomptables qu’il en vint à bout.

Pendant les dix années que dura ce ministère, Paton poursuivit énergiquement ses études, théologie puis médecine, dans les différentes facultés de la ville ; il y prit beaucoup de peine, vu l’insuffisance de ses premières études ; mais il était grandement soutenu par la pensée du glorieux ministère que Dieu lui réservait encore.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant