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20.
Sur le discours de saint Paul à Félix et à Drusille

Quelques jours après, Félix, avec Drusille sa femme, qui était Juive, envoya chercher Paul, et il l’entendit parler de la foi en Christ. Et comme Paul discourait de la justice, de la tempérance et du jugement à venir, Félix, tout effrayé, lui dit : Pour maintenant, va-t’en ; quand j’aurai le loisir, je te rappellerai.

Actes 24.24-25

Mes frères, quoique le « règne » des fidèles « ne soit point de ce monde Jean 18.35-36, » ils donnent pourtant, au milieu de leur bassesse, des marques de grandeur et d’autorité. Ils sont comme Jésus-Christ. Il s’était dépouillé jusqu’à « prendre la forme de serviteur. » Cependant il exerçait souvent celle de maître. On voit sortir du sein de cette misère, dans laquelle il s’était plongé volontairement, des rayons de divinité. Arbitre de la nature, il commande aux vents et aux flots ; il calme les orages et les tempêtes ; il donne la santé aux malades et la vie aux morts ; il impose silence aux rabbins ; il fait tête à Pilate même ; et il dispose du paradis, dans le temps qu’il est lui-même percé de clous et attaché à une croix. Voilà le portrait des fidèles. Ils sont « morts. Leur vie est cachée avec Christ en Dieu ; et s’ils espéraient pour cette vie seulement, ils seraient les plus misérables des créatures. » Cependant ils font paraître je ne sais quoi de supérieur. Leur gloire n’est pas tellement cachée, qu’on n’en voie quelquefois l’éclat : semblables à ces enfants des rois, qui, étant inconnus dans une province étrangère, laissent échapper dans leurs discours et dans leur maintien des indices de leur grandeur.

Nous pourrions justifier cette vérité par divers exemples. Arrêtons-nous à celui de notre texte. Nous y découvrirons ce mélange de grandeur et de bassesse, d’ignominie et de gloire, qui fait la condition du fidèle sur la terre. Voici saint Paul, un fidèle, un apôtre, un saint ; le voici traîné de tribunal en tribunal et de province en province : tantôt devant les Romains, tantôt devant les Juifs, tantôt devant le sacrificateur de la synagogue, tantôt devant le procurateur de César. Le voici arrivé de Jérusalem à Césarée, et sommé de comparaître devant Félix. Ne reconnaissez-vous pas à ces traits un chrétien qui marche dans la voie étroite, et qui suit le chemin des tribulations qui lui a été frayé par son maître ? Mais considérez-le de près : examinez ses discours et sa contenance, vous y verrez une fermeté, une hardiesse, une fierté même, qui vous feront reconnaître quelque chose de grand dans la personne de saint Paul. Il prêche Jésus-Christ, dans le temps même qu’il a été persécuté pour l’avoir prêché. Il est prédicateur quoique dans les chaînes. Il fait plus : il attaque son juge sur son tribunal. Il parle, il presse, il tonne. Il lui semble qu’il exerce déjà la fonction de juge du monde, que Dieu a réservée aux saints. Il fait trembler Félix. Félix se sent entraîné par une force majeure. Il ne peut plus écouter saint Paul sans pâlir, et il est obligé de le renvoyer. « Quelques jours après, Félix, avec Drusille sa femme, envoya chercher Paul, et il l’entendit parler de la foi en Christ, etc. »

Nous voyons ici trois objets dignes d’arrêter nos yeux. I. Un prédicateur habile qui montre un discernement tout particulier dans le choix de ses matières. II. Une conscience effrayée, bouleversée, au souvenir de ses crimes et de ce jugement redoutable où ils doivent être pesés. III. On y voit enfin un pécheur touché, mais non pas converti ; un pécheur qui veut se sauver, mais qui renvoie sa conversion : conduite, hélas ! trop ordinaire. Vous apercevez déjà, mes frères, le sujet de cet entretien : que Paul traite, devant Félix et devant Drusille, de la justice, de la tempérance et du jugement à venir ; que Félix tremble ; et qu’il renvoie saint Paul : trois réflexions qui partageront ce discours. Puisse-t-il faire sur vos cœurs, sur des cœurs chrétiens, le même effet que fit saint Paul sur l’âme d’un païen ! mais puisse-t-il avoir plus d’influence sur votre vie ! Ainsi soit-il.

I

Que Paul prêche, devant Félix et devant Drusille, la justice, la tempérance et le jugement à venir, c’est le premier objet de notre méditation. Mais, avant que de porter plus loin nos pensées, il faut vous dire un mot de ce Félix et de cette Drusille, qui vous les fasse connaître et qui serve de fondement à cette première partie. Depuis que « le sceptre » s’était « retiré de Juda, » et que la nation des Juifs avait été subjuguée par Pompée, les empereurs romains y envoyaient des intendants. Claude occupait le trône des Césars, lorsque saint Paul était à Césarée. Cet empereur, qui avait eu une servile éducation de son aïeule Lucia et de sa mère Antonia, et qui avait été nourri dans la timidité et dans la bassesse, fit paraître, dès qu’il fut élevé à l’empire, des marques du peu de soin qu’on avait pris de son enfance. Il n’avait ni courage ni grandeur d’âme. Celui qui était appelé à gouverner l’empire romain, et par cela à régner sur tout l’univers, abandonna son âme à ses affranchis, et leur donna un pouvoir souverain sur son esprit. Félix était un de ses affranchis. « Il exerça dans la Judée, » ce sont les termes d’un historien romain, « il exerça un pouvoir royal avec une âme mercenaire. » Deux vices surtout partageaient son cœur : la volupté et l’avarice. Nous avons une preuve de son avarice immédiatement après notre texte, où il est dit qu’il envoyait chercher saint Paul, non pas pour entendre de lui ces vérités de l’Évangile, que cet apôtre annonçait avec tant de force, ou pour examiner si cette religion, contre laquelle les Juifs levaient l’étendard, était contraire au bien de l’État, mais parce qu’il espérait d’en retirer quelque somme d’argent pour sa rançon. Voilà l’effet de son avarice.

Josèphe en rapporte un de sa volupté, c’est son mariage avec Drusille. Elle était Juive, comme le remarque notre texte. Le roi Azize, son premier époux, qui était païen, s’était soumis pour lui plaire à la plus rigoureuse cérémonie du judaïsme. Félix la vit. Il en fut ému. Il conçut pour elle une violente passion ; et, malgré les nœuds sacrés qui l’attachaient à un époux, il voulut s’en rendre le maître. Il fut écouté. Drusille rompit ses premiers engagements, et aima mieux contracter avec Félix un mariage illégitime, qu’entretenir les chastes nœuds qui la liaient avec Azize. Félix Romain, Félix procurateur de la Judée et favori de César, lui parut une trop noble conquête. Tant il est vrai, pour le dire en passant, que la grandeur et la fortune sont des attraits auxquels on ne résiste qu’à peine, et contre lesquels la vertu la plus pure a besoin d’armer toute sa constance. Retenez ces deux caractères de Félix et Drusille. Saint Paul, devant ces deux personnages, traite de la foi en Christ ; c’est-à-dire de la religion chrétienne, dont Jésus-Christ est l’auteur, le sujet, la fin et la substance ; et parmi les sujets divers de la religion chrétienne, il choisit la justice, la tempérance, et le jugement à venir.

Voilà un beau texte, mes frères, mais un texte choisi avec art. Pour le bien comprendre, souvenez-vous du caractère que nous avons donné à Félix. Il était avare, luxurieux, et gouverneur de la Judée. Saint Paul prend trois sujets qui se rapportent à ces qualités. Il parle à un avare : il traite de la justice ; il parle à un homme luxurieux : il traite de la tempérance ; il parle à un gouverneur de la Judée, à une de ces personnes qui se croient indépendantes et n’être responsables qu’à elles-mêmes de leur conduite : il traite du jugement à venir.

Mes frères, quand on prêche pour établir sa réputation, et qu’au lieu de chercher la gloire de Jésus-Christ on cherche la sienne propre, on prend des sujets propres à faire paraître son génie et à flatter ses auditeurs. Prêche-t-on en la présence d’un hérétique de profession, on ne prêchera que sur la morale ; on aura honte de prononcer ces mots vénérables de traité, de satisfaction. Prêche-t-on devant ces-personnes bizarres qui se scandalisent lorsqu’on presse les devoirs de la religion, on fera venir partout l’élection, la réprobation, l’irrésistibilité de la grâce. Prêche-t-on en la présence d’une cour effrénée, on pressera la liberté évangélique et les miséricordes divines. Il y a un art d’allier (art véritablement détestable, mais art trop connu dans tous les siècles de l’Église), il y a un art d’allier ses intérêts et son ministère. On ne renonce pas à son caractère. Un prédicateur politique tâche d’accommoder sa prédication avec ses passions. Ministre de Jésus-Christ, et ministre de son intérêt propre, « il est marchand de la parole, » pour m’exprimer avec saint Paul ; et, sur ce principe, si Félix avait marqué quelque désir de connaître l’Évangile, saint Paul avait une favorable occasion de faire sa cour d’une manière délicate. La religion chrétienne a des côtés favorables à tous les hommes. Saint Paul pouvait traiter quelqu’un de ces points qui eussent flatté ce gouverneur. Il pouvait lui parler de la grandeur des souverains, du rapport qu’ils ont avec l’Être suprême. Il pouvait lui dire que « le magistrat ne porte pas le glaive sans cause Romains 13.4, » que Dieu leur dit lui-même : « Vous êtes des dieux, et les enfants du souverain Jean 10.34. » Mais tous ces détours et tous ces ménagements sont inconnus à notre apôtre. Il va chercher les passions de Félix dans leur centre ; il va forcer ce pécheur dans ses derniers retranchements ; il attaque courageusement ce gouverneur avec « l’épée de l’esprit Éphésiens 6.17 » et le marteau de la parole. Devant l’objet de sa passion et la matière de son crime, devant Drusille, il traite de la tempérance. Dans le temps que Félix l’envoie chercher pour assouvir son avarice, il lui parle de la justice. Lorsque ce gouverneur est au plus haut période de sa grandeur, il l’entretient du jugement à venir.

Prédicateurs de cour, confesseurs des princes, pestes publiques qui formez aujourd’hui la principale matière des foudres qui nous désolent, que ne puis-je vous animer par l’exemple de saint Paul, et vous faire rougir de votre lâcheté et de vos bassesses ! Mes frères, vous connaissez un prince… Plût à Dieu le connussions-nous moins ! Mais respectons l’éclat du diadème, et vénérons l’oint du Seigneur dans la personne de notre ennemi. Examinez les discours faits en sa présence : lisez ces sermons qu’on intitule pompeusement « sermons faits en la présence du roi ; » et voyez ces autres écrits qui sont dédiés au vainqueur perpétuel, dont les combats furent autant de victoires, redoutable dans la guerre, adorable dans la paix. Vous n’y verrez qu’éloges et que flatteries. Qui est-ce qui a jamais foudroyé l’ambition et la luxure en sa présence ? Qui est-ce qui a osé débattre les droits de la veuve et de l’orphelin ? Qui est-ce, au contraire, qui n’a érigé les plus grands crimes en vertus, et par un nouveau genre d’idolâtrie, fait servir Jésus-Christ lui-même à la vanité d’un homme mortel ?

Oh ! que saint Paul eût prêché d’une façon différente ! Devant Félix, devant Drusille, il aurait dit que « les impurs n’hériteront point le règne des cieux 1 Corinthiens 6.10. » Au milieu d’un peuple idolâtre, il eût dépeint, avec de vives couleurs, l’innocence opprimée, la foi des édits gémissante, le Rhin débordé de sang, le Palatinat fumant encore et enseveli dans sa propre cendre. Je m’arrête, et nous le répétons encore : respectons la grandeur sacrée des rois, et déplorons leur grandeur, qui les livre au poison dangereux de l’adulation et de la flatterie.

C’est ce qui donne lieu à une réflexion importante. Elle roule sur la nécessité qui engage les souverains à avoir des personnes qui s’ouvrent à eux et qui les fassent ressouvenir de leur devoir. Le crédit, la grandeur (au reste, ces réflexions, il faut bien que nous les fassions dans nos chaires, dans les lieux où l’usage veut qu’on nous écoute ; car nous sommes bien petits quand nous sommes dans le tumulte d’une cour mondaine) ; le crédit, la grandeur, la puissance, sont des appâts auxquels il est bien difficile que l’esprit humain ne succombe. Au milieu de tant de dangers, si l’on n’a que soi-même pour guide et que sa propre conscience pour prédicateur ; si, au lieu de s’entendre parler avec liberté, l’on n’est entouré que d’adulateurs, comment résister à tant d’attraits ? Car, enfin, une même loi est donnée aux grands, aux petits, au riche, au pauvre, au souverain, au sujet.

Dans la société il y a divers degrés de conditions. L’un est roi, l’autre est sujet : l’un foule l’or et l’azur sous ses pieds, l’autre traîne une vie languissante et mendie inutilement son pain : l’un est traîné dans des chars superbes, l’autre rampe dans la poussière. Mais devant le tribunal de Christ toutes ces différences seront abolies. Il n’y a nulle acception de personnes : un même néant fit notre origine, une même poudre est notre dernière fin. Un même Créateur nous donna l’être, un même Sauveur nous racheta, un même tribunal doit décider de notre destinée éternelle. Combien est-il donc important, lorsqu’on est placé dans des postes pour ainsi dire inaccessibles à ces sortes de réflexions, combien est-il important d’avoir un ami fidèle, un prédicateur de Christ, un saint Paul assez éclairé pour connaître la vérité, et assez courageux pour la faire connaître aux autres !

Cette commission est difficile. Il est dur, dans le cours ordinaire de la vie, de donner des avis à ses égaux. La répugnance que les hommes témoignent à s’entendre dire leurs défauts fait qu’on ne les en avertit qu’avec peine. Combien est-il donc plus pénible de parler avec liberté à ceux en la présence desquels notre imagination s’humilie pour l’ordinaire, et qui tiennent entre leurs mains notre vie et notre fortune !

Mais c’est aux ministres de Christ à soutenir l’autorité de leur caractère. Jamais orateurs n’eurent un champ plus beau, pour se faire écouter avec attention. Jamais sujets ne furent plus susceptibles d’une grave et solide éloquence, que ceux qu’ils ont à traiter. Ils ont les motifs les plus puissants à mettre en œuvre, et les passions les plus fortes à remuer. Ils ont une éternité de gloire à promettre, et une éternité de misère à dénoncer. Ils sont envoyés de la part d’un maître en la présence duquel tous les rois de l’univers ne sont que comme « la menue poussière qui s’attache à une balance Ésaïe 60.15 ». Voyez saint Paul tout pénétré de la grandeur de son emploi. Il oublie la grandeur de Félix. Il fait plus : il la lui fait oublier à lui-même. Il fait recevoir ses censures avec respect. « Il traite de la justice, de la tempérance, et du jugement à venir. »

Ministres de Jésus-Christ, voici notre maître, qui nous enseigne à prêcher. Et vous, peuple chrétien, voici notre apologie. Lorsque vous vous plaignez qu’on s’ingère dans les secrets scandaleux de votre corruption, considérez la conduite de saint Paul, c’est le modèle que Dieu nous propose. Il veut que nous parlions avec liberté et avec force : que « nous exhortions en temps et hors de temps 2 Timothée 4.2 » : que nous tonnions dans nos chaires, que nous allions jusque dans vos maisons troubler cette malheureuse sécurité que goûte le pécheur dans les exercices de ses vices : que nous disions au péager : « N’exigez rien, que ce qui vous est ordonné » ; à l’homme de guerre : « N’usez point de violence, et contentez-vous de votre paye Luc 3.13-14 ; » à Hérode : « Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère Matthieu 24.4. » Vous n’êtes pas plus puissants que Félix. Nous ne sommes pas dans les chaînes comme saint Paul. Mais quand nous serions plus misérables encore, et quand ce caractère que nous portons vous paraîtrait plus vil encore ; quand à la qualité de gouverneur de la Judée vous ajouteriez celle d’empereur romain et de maître de l’univers, nous mépriserions ces vaines grandeurs, et nous nous appuierions sur la qualité du maître qui nous envoie. C’est la conduite de saint Paul devant Félix, devant Drusille. « Il traitait de la justice, de la tempérance, et du jugement à venir. »

Qui pourrait suppléer ici à la brièveté de l’historien, et rapporter tout ce que saint Paul dit à Félix sur ces grands articles ? Il me semble que je l’entends presser ces saintes vérités qu’il a laissées dans ses écrits, et mettre dans tout leur jour ces divines maximes qui sont répandues dans nos Écritures. « Il traitait de la justice. » Là il soutenait les droits de la veuve et de l’orphelin. Il faisait voir que les rois et les magistrats sont établis pour maintenir les intérêts des peuples, et non pour suivre leur propre caprice : que le but du pouvoir souverain est que tous soient heureux par la vigilance d’un seul, et non qu’un seul soit satisfait aux dépens de tous : qu’il y a de la bassesse d’âme à abuser de sa puissance, et à opprimer des misérables qui n’ont que leurs cris et que leurs larmes pour se défendre : qu’il n’y a rien de si indigne d’un homme raisonnable que cette férocité que la grandeur inspire à quelques-uns, et qui les empêche de respecter la nature humaine, lorsqu’elle n’est pas déguisée par quelque pompe mondaine : qu’il n’y a rien de si beau que d’être grand et d’être bon tout ensemble : que c’est le comble de la félicité, et que c’est ce qui nous transforme en quelque façon à l’image de ce Dieu qui, de ce haut lieu de majesté où il demeure parmi les anges et les séraphins, daigne pourtant baisser les yeux sur ce bas monde que nous habitons, et ne « se laisse jamais sans témoignage, en faisant du bien Actes 14.17. » « Il traitait de la tempérance. » Là il montrait les désordres de la luxure. Il montrait combien cette passion est contraire à l’esprit de l’Évangile, qui prêche partout le détachement, la mortification des sens, le renoncement à soi-même. Il faisait voir combien elle ravale les plus grands hommes, lorsqu’ils se laissent dominer par elle. La luxure rend une âme incapable de réflexion. Elle s’empare d’un cœur. Elle émousse l’esprit. Elle amollit le courage. Il faisait voir quelle est la bassesse d’un homme qui, étant élevé sur un grand peuple, donne ses faiblesses en spectacle à tout un public, et n’a pas le courage de les cacher, loin d’avoir celui de les surmonter. Il faisait suppléer les motifs humains au défaut des motifs divins auprès de Drusille, et les motifs divins au défaut des motifs humains auprès de Félix. Il faisait sentir à cette femme impudique qu’il n’y a rien de plus odieux dans le monde qu’une femme sans honneur, que la pudeur est l’apanage du sexe : qu’un attachement qui n’est pas cimenté par la vertu ne saurait être de longue durée, et que ceux qui reçoivent ces complaisances criminelles sont les premiers à les détester, selon cette belle remarque d’un historien sacré, que le « fils de David, après avoir assouvi sa brutale passion, eut plus d’horreur pour sa sœur qu’il n’avait eu d’amour pour elle 2 Samuel 13.15. » Il faisait sentir à Félix que si un usage criminel semble tolérer ce crime chez les personnes d’un autre sexe, il n’en est pas moins criant devant Dieu, qui nous appelle tous également à la sanctification. Enfin, « il traitait du jugement à venir. » Et voici qui donnait du poids à son ministère. Car, quand vous n’écoutez nos discours que par rapport à l’économie présente, j’avoue que nos discours ne sont rien. Nous parlons de la part du maître qui nous laisse dans notre poussière naturelle, et qui ne nous donne aucun signe éclatant de la majesté de celui qui nous envoie. Nous n’avons que notre voix, que nos exhortations, que nos instances. La nature ne plie point à nos lois : les fléaux du ciel ne viennent point à nos ordres venger vos rébellions et vos indolences : et cette puissance de destruction était bornée même du temps des apôtres. L’idée de l’économie à venir, l’idée du jugement, supplée à notre faiblesse ; et saint Paul presse ce motif. Il traite du jugement à venir. Il en prouve la vérité ; il en décrit l’appareil ; il en étale la pompe. Il fait résonner aux oreilles de Félix ces sons, ces voix, ces trompettes. Il lui montre les grands, les petits ; Lazare, le mauvais riche ; Félix le favori de César, et saint Paul le captif de Félix, appelés par cette voix redoutable : Morts, sortez de vos tombeaux, et paraissez en jugement Romains 2.5 ; Jean 5.28-29.

Mais ne précipitons point l’éloge de la prédication de saint Paul : nous le louerons mieux, en faisant voir les effets qu’elle produisit sur l’âme de Félix. Saint Jérôme souhaitait à un prédicateur de son temps, que les larmes de son auditoire fissent l’éloge de ses sermons. Nous trouverons, dans la frayeur de Félix, de quoi relever l’éloquence de notre apôtre. Nous trouverons que ses discours sont des foudres et des éclairs dans les assemblées, comme la Grèce l’a dit d’un de ses orateurs. Tandis que saint Paul parle, Félix sent je ne sais quel trouble dans son esprit. Le souvenir de sa vie passée, l’idée de ses injustices présentes, Drusille, l’objet de sa passion et la matière de son crime, la hardiesse de saint Paul, tout l’épouvante. « Son cœur brûle, » tandis que ce disciple de Jésus-Christ lui annonce les Écritures. « La parole de Dieu est vivante et efficace. » Le bras de saint Paul, armé de ce « glaive à deux tranchants, » se fait jour « jusqu’au fond de l’âme, des jointures et des moelles Hébreux 4.12. » « Félix, tout effrayé, » ajoute notre historien, « Félix, tout effrayé ! » La frayeur de Félix, c’est notre seconde réflexion.

II

Quelle scène surprenante, mes frères, paraît ici à vos yeux ? le gouverneur tremble, et le captif parle avec fermeté. Le captif fait trembler le gouverneur. Le gouverneur frémit en la présence du captif. Il n’est pas surprenant, mes frères, qu’on fasse quelque impression sur vos cœurs (si tant est qu’on le fasse véritablement, et si la voix qu’on vous adresse n’est pas pour l’ordinaire un soin inutile) ; il n’est pas surprenant que nous fassions quelque impression sur l’âme de nos auditeurs. Ce lieu, ces solennités, ce bruit, ce silence, ces méditations, ce travail, tout prêche avec nous, tout s’unit pour vous persuader et pour vous convaincre. Mais voici un orateur destitué de ces secours étrangers. Le voici, sans autre ornement que la vérité même qu’il annonce. Que dis-je, qu’il est destitué de ces secours étrangers ? Le voici dans des circonstances tout opposées, captif, chargé de chaînes, en la présence de son juge. Cependant il fait trembler Félix. « Félix, tout effrayé ! » D’où vient cette frayeur et ce trouble ? Rien n’est plus digne de vos réflexions. Il faut s’arrêter ici un moment : il faut expliquer à fond cette crainte. Suivez-nous. Nous considérerons Félix sous ces relations différentes : comme païen, peu instruit sur un jugement et une autre vie : comme prince, ou comme gouverneur, accoutumé à voir tout humilié à ses pieds : comme avare, chargé de concussions et d’injustices : enfin, comme voluptueux, et n’ayant jamais rien refusé à ses sens. Ce sont autant de raisons de la frayeur de Félix.

Considérez Félix comme païen, peu instruit sur les vérités d’un jugement et d’une autre vie. Je dis comme « peu instruit » de ces choses, et non comme les ignorant entièrement. Car les païens ont eu « l’œuvre de Dieu écrite en leur cœur Jérémie 31.33. » La force de l’habitude, qui avait corrompu la nature, ne l’avait point arrachée. Ils connaissaient le jugement à venir, mais ils n’avaient que des idées confuses de ces choses. Tels étaient les principes de Félix, ou plutôt tel était son défaut de principes, lorsqu’il entendit la prédication de saint Paul. Jugez de sa frayeur par son caractère. Figurez-vous un homme qui entend pour la première fois ces maximes d’équité et de justice que l’Évangile nous propose. Figurez-vous un homme qui entend rectifier ce qu’il y a d’injustice dans la théologie des païens, éclaircir ce qu’il y a de douteux, presser ce qu’il y a de bien fondé. Figurez-vous un homme qui ne connaissait point d’autre Dieu qu’un Jupiter incestueux, qu’une Vénus luxurieuse, apprenant qu’il doit comparaître devant celui en la présence duquel les séraphins baissent les yeux, et les cieux mêmes se trouvent sans pureté. Figurez-vous un homme qui n’avait ouï parler que confusément de l’état des âmes après la mort, apprenant que Dieu doit « juger l’univers en justice. » Figurez-vous un homme qui voit dépeindre cette « fumée, ce feu, ces chaînes d’obscurité, ces ténèbres de dehors, cet étang de feu et de soufre » et qui les voit dépeindre par un homme que Dieu anime de son esprit. Mes frères, quel trouble ne durent point exciter des vérités si terribles !

Nous ne sommes pas capables de le bien comprendre. Il faudrait que nous perdissions l’insensibilité que nous a donnée la coutume. Car il n’est que trop vrai, au lieu que ces vérités devraient faire plus d’impression sur nous à mesure qu’on nous en parle davantage, notre cœur s’y endurcit. Nous les entendons sans pâlir, pour les avoir trop entendues. Mais si, comme Félix, nous avions été élevés dans les ténèbres du paganisme, et qu’un autre saint Paul vînt dessiller nos yeux et nous découvrir ces saintes horreurs, combien en serions-nous effrayés ! C’est là l’état de Félix. Il voit tomber tout à coup le bandeau fatal qui dérobait l’avenir à sa vue. Il entend saint Paul, ce héraut de la grâce, envoyé pour la conversion des gentils. Il l’entend parler de la tempérance et du jugement à venir. Son esprit s’étonne, son cœur frémit, ses genoux se heurtent l’un contre l’autre.

Admirable force de la conscience, mes frères ! Argument sensible de la fausseté des dieux que l’idolâtrie révère après les avoir formés ! il est vrai, Jupiter, Mercure ont leurs autels dans le temple des païens ; mais le Dieu du ciel et de la terre a son tribunal dans le cœur : et tandis que l’idolâtrie encense à des dieux incestueux et sacrilèges, le Dieu du ciel et de la terre se fait craindre dans la conscience, et y condamne hautement le sacrilège et l’inceste.

Considérez Félix comme prince : vous trouverez dans cette seconde relation une seconde cause de sa frayeur. Quand nous voyons que les grands de la terre paraissent n’avoir aucun principe de religion, et qu’ils tournent en ridicule ces mêmes vérités qui sont l’objet de notre foi, nous sentons cette foi qui chancelle. Il s’élève je ne sais quels soupçons dans nos esprits, que ces sentiments intérieurs ne soient des préjugés, qui ont pris racine chez des hommes élevés dans l’obscurité d’une condition médiocre. Voici l’apologie de la religion. Les Caligula, les Néron, les maîtres de l’univers tremblent à leur tour, comme les plus petits de leurs sujets. Cette force d’esprit qui paraît chez les libertins est un art, non de s’affranchir du préjugé, mais de fermer les yeux à la lumière, et d’étouffer ce qu’il y a de plus pur dans le cœur humain. Félix, élevé à la cour, imbu des maximes des grands du monde, se moquera d’abord de la prédication de saint Paul. Mais que saint Paul ne se rebute point, qu’il attaque, il trouvera cette conscience qui était comme ensevelie ; et cette grandeur même de Félix va servir à notre apôtre, et donner du poids à son ministère. Il abattra l’édifice de l’orgueil de Félix. Il lui montrera que si un grand peuple relève de lui, il relève lui-même d’un maître, en la présence duquel les rois sont plus légers que le néant même. Il montrera que, bien loin que les dignités soient capables de soustraire les hommes au jugement de Dieu, c’est cela même qui les y appelle et qui aggrave leur compte : parce que tous ces biens sont des dépôts que Dieu met entre les mains des grands, en sorte qu’ayant plus reçu il leur sera plus redemandé. Il lui fera sentir cette vérité effrayante, que les princes sont responsables non seulement de leurs âmes, mais de celles mêmes de leurs sujets, leurs bons ou leurs mauvais exemples entraînant presque toujours les peuples qui leur sont commis. Voilà donc Félix tout à coup dégradé de son tribunal. De juge qu’il était il devient partie. Il disait : « Je vois, je suis riche et je n’ai besoin de rien ; » et il se trouve « aveugle, pauvre, misérable. » Il entend la voix du maître du monde qui lui dit : « Profane et méchant prince, qu’on ôte cette tiare, qu’on enlève cette couronne. Je la mettrai à la renverse, à la renverse ; à la renverse, et elle ne sera plus. Quand tu aurais élevé ton nid comme l’aigle, quand tu l’aurais porté jusqu’aux étoiles des cieux, je t’en ferai descendre, dit l’Éternel Abdias 1.4. Ni la qualité de gouverneur, ni la faveur de César, ni toute la gloire de l’empire ne sauraient te délivrer de ma main. »

Je me resserre, mes frères, autant qu’il est possible, afin de fournir, sans passer les bornes, le plan que je m’étais formé ; et je me hâte de considérer Félix comme avare, pour vous faire trouver dans cette troisième qualité une troisième raison de sa frayeur. Félix est avare, et saint Paul le transporte tout à coup dans un monde où l’avarice attire précisément les plus grands supplices. Car, vous le savez, la grande règle selon laquelle nous devons être jugés, c’est la charité : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger Matthieu 24.35 : » et de tous les obstacles à la charité, le plus grand et le plus insurmontable c’est l’avarice.

Cette malheureuse passion nous rend insensibles aux nécessités du prochain. Elle grossit nos besoins à nos yeux : elle diminue les besoins des autres. Elle nous persuade que nous avons besoin de tout, et que les autres n’ont besoin de rien. Félix commence d’apercevoir ce que cette passion a d’injuste, et se sent ainsi coupable d’une double idolâtrie : idolâtrie dans les mœurs, idolâtrie dans la religion. Idolâtrie pour avoir encensé aux dieux qui n’ont pas fait le ciel et la terre, idolâtrie pour avoir encensé à Mammon. Car l’Écriture nous l’apprend, et l’expérience nous le confirme, « l’avarice est une idolâtrie Colossiens 3.5 » L’avare n’adore point le vrai Dieu. L’or et l’argent sont les divinités qu’il idolâtre : « son cœur est avec son trésor Matthieu 6.21. » Voilà le portrait de Félix, portrait que saint Paul fait en la présence de Félix lui-même, et qui rappelle au souvenir de ce gouverneur tant d’interdits, tant de larcins, tant de richesses extorquées, la veuve et l’orphelin opprimés. C’est ce qui épouvante Félix. « La rouille de son or et de son argent s’élève en témoignage contre lui, et dévore sa chair comme un feu Jacques 5.3, selon l’expression de saint Jacques. »

4° Enfin, considérez la « volupté » de Félix. C’est la dernière cause de sa « frayeur. » Et sans vous répéter ici tout ce que nous avons dit sur l’énormité de cette passion, faites seulement cette réflexion : c’est que si les tourments de l’enfer doivent être formidables à tous les hommes, ils doivent l’être surtout à un voluptueux. Un voluptueux ne refuse rien à ses sens : la moindre douleur l’épouvante. Quelle impression ne doit pas faire sur un tel homme la pensée d’un jugement ! Moi, qui m’accoutumai au plaisir et à la mollesse, je serai donc la proie « d’un ver qui ne meurt point, » et la matière « d’un feu qui ne doit jamais s’éteindre Ésaïe 65.24 ! » Moi, qui évitai la douleur avec tant de soin, je serai donc condamné à d’éternels tourments. Je n’aurai ni mets délicieux, ni voluptés recherchées. Ce corps, mon idole, que je traitais si délicatement, sera « jeté dans l’étang ardent de feu et de soufre Apocalypse 20.10, » dont « la fumée monte aux siècles des siècles Apocalypse 19.3 : » et cette douce habitude de raffiner sur les plaisirs ne fera que me rendre plus sensible à ma perte et à ma douleur.

Voilà les traits du caractère de Félix. Voilà les causes de sa frayeur. Heureux si cette frayeur produisait cette « tristesse selon Dieu, » et cette « repentance à salut, dont on ne se repent jamais 2 Corinthiens 7.10 ! » Heureux si la crainte de l’enfer le mettait dans le chemin de l’éviter ! Mais, non. Il craint, il persiste dans les sujets de sa crainte. « Il est tout effrayé ; » mais il dit à saint Paul : « Pour maintenant, va-t’en. » C’est notre dernière réflexion.

III

Que le pécheur est déraisonnable, mes frères, et qu’il renferme de contradictions dans son sein ! Car enfin, si saint Paul vient débiter à Félix des idées qu’il a creusées dans son cerveau, si l’idée qu’il a donnée du juste et de l’injuste est un préjugé, si la pensée du jugement est une chimère, d’où vient que Félix tremble, et qu’il se laisse surprendre à une terreur panique ? Que si, au contraire, saint Paul parle vérité et raison, d’où vient que Félix renvoie saint Paul ? Telle est la contradiction du pécheur. Il veut, il ne veut pas. Il accorde. Il tremble, et dit : « Pour maintenant, va-t’en. » Parlez-lui des vérités de la religion, ouvrez l’enfer à ses yeux, vous le verrez pénétré, transporté, pâlir. Suivez-le dans sa conduite, vous verrez que toutes ces vérités n’y ont aucune influence.

Mais n’en imposons-nous point à Félix ? La voix de saint Paul n’a-t-elle point fait sur son esprit plus d’impression que nous ne semblons l’insinuer ? Il « renvoie » l’apôtre, il est vrai : mais ce n’est que « pour un temps. » Et qui peut blâmer ce renvoi ? On ne peut pas être toujours dans le recueillement et dans la retraite. L’infirmité humaine demande du relâchement et du repos. Félix rappellera saint Paul dans la suite. « Pour maintenant, va-t’en : une autre fois, je te rappellerai. »

Il me tardait, je l’avoue, mes frères, d’être parvenu à cette partie de mon discours, pour vous faire voir en la personne de Félix l’image, de qui ? des scélérats ? Hélas ! de presque tous tant que nous sommes. A nous voir la plupart, dans le crime et dans l’indolence, « courir » avec les enfants du monde « dans un même abandon de dissolution 1 Pierre 4.4, » on dirait que nous avons pris notre parti ; que nous sommes entrés dans l’une ou dans l’autre de ces pensées, ou que la religion est une chimère, ou qu’il vaut mieux, à tout prendre, souffrir les supplices de l’enfer, que de se contraindre dans la pratique des vertus. Mais non : ce n’est point là notre pensée. Interrogez les plus grands pécheurs. Demandez-leur s’ils ont renoncé à leur salut. Vous n’en trouverez pas un seul qui vous dise qu’il y a renoncé. Demandez-leur ensuite s’ils croient y parvenir en suivant leur genre de vie. Ils vous diront encore que non. Demandez-leur enfin comment ils accordent donc des choses si opposées, leur vie et leur espérance. Il vous répondront qu’ils sont résolus à se réformer, qu’ils y travailleront un jour. Ils vous diront comme Félix à saint Paul : « Pour maintenant, va-t’en ; une autre fois je te rappellerai. » Il n’y a rien de si « peu sensé » que cette conduite. Une autre fois je me convertirai ! Mais qui m’a dit qu’une autre fois j’aurai des « occasions » de me convertir ? Qui m’a dit que Dieu m’adressera encore sa voix, et qu’un autre saint Paul viendra tonner à mes oreilles ?

Une autre fois je me convertirai ! Mais qui m’a dit qu’une autre fois Dieu accompagnera sa parole du secours puissant de sa « grâce ? » N’est-ce pas « Dieu » qui « donne l’accroissement, » tandis que « Paul plante » et « qu’Apollos arrose 1 Corinthiens 3.6. » Et comment puis-je me flatter que le Saint-Esprit viendra encore frapper à la porte de mon cœur, après que je lui en aurai si souvent fermé l’entrée ?

Une autre fois je me convertirai ! Mais qui m’a dit que je « voudrai » moi-même me convertir ? Les habitudes ne s’enracinent-elles point à mesure qu’on les exerce ? Un mal invétéré ne devient-il pas plus difficile à guérir ? Si je ne puis souffrir qu’on me coupe une partie gangrenée, comment souffrirai-je l’opération lorsque la plaie sera plus profonde ?

Une autre fois je me convertirai ! Mais qui m’a dit que je « vivrai » une autre fois ? La mort ne vient-elle pas à grands pas, de jour, de nuit, à toute heure ? Ne fauche-t-elle pas le riche dans son palais et le pauvre dans sa chaumière ? N’envoie-t-elle pas au-devant d’elle des avant-coureurs, des messagers, des douleurs violentes qui occupent l’âme tout entière, des délires qui rendent la raison inutile, des léthargies mortelles qui hébètent les esprits les plus vifs et les plus perçants ? Et ce qui est encore plus redoutable, ne vient-elle pas tous les jours sans avant-coureurs et sans messagers ? N’enlève-t-elle pas tous les jours celui-ci, sans lui avoir donné le temps de s’éclaircir sur un point de religion ; celui-là, de restituer un bien mal acquis ; l’autre, de se réconcilier avec son ennemi ?

Au lieu de dire « pour maintenant, va-t’en, » il fallait dire : pour maintenant, demeure. Demeure, tandis que le Saint-Esprit frappe encore à la porte de mon cœur. Demeure, tandis que ma conscience est alarmée. Demeure, tandis que je vis encore, « tandis qu’il est encore jour Jean 9.4. » Tes discours bouleversent ma conscience : n’importe. Ta main fait sur moi une violente opération : n’importe encore. Coupe, tranche, brûle, pourvu que tu sauves.

[Ce passage est imité de saint Augustin : « Seigneur, coupe et brûle en cette vie temporelle, pourvu que tu me sois propice en la vie éternelle. Mais lorsque tu me frappes de ta verge, donne-moi la patience nécessaire, pour former plutôt des louanges que des plaintes. Laurent Drelincourt a traduit en vers ce même passagea :]

a – Livre quatrième, sonnet XX.

Coupe, brûle, mon Dieu ! cette chair criminelle
N’épargne point ma vie ; éteins-la si tu veux ;
Pourvu que ta bonté répondant à mes vœux,
Me sauve des horreurs de la mort éternelle.

Cependant, quelque injuste que soit ce renvoi, il semble vouloir l’excuser. « Pour maintenant, va-t’en ; quand j’aurai le loisir, je te rappellerai. » Ce sont donc « les affaires » de Félix qui lui font renvoyer saint Paul. Malheureuses affaires ! Funestes occupations, mes frères ! Il est beau, ce semble, d’être à la tête d’une province, de parler en maître, d’être l’arbitre de la fortune d’un grand peuple, de juger de tout en dernier ressort. Mais que ces conditions, si heureuses et si éclatantes en apparence, sont au fond dangereuses pour la conscience ! Ces affaires sans nombre, le bruit, le tumulte, dissipent l’âme tout entière. Lorsqu’on est si occupé sur la terre, on ne saurait penser au ciel. Quand on n’a point de loisir, on dit à saint Paul : « Pour maintenant, va-t’en ; quand j’aurai le loisir, je te rappellerai. »

Heureux qui, parmi les distractions de la vie la plus tumultueuse, a ses heures consacrées pour entrer dans soi-même, pour éplucher sa conscience, pour travailler à « la seule chose nécessaire Luc 10.42 ! » Ou plutôt heureux qui, dans la tranquillité d’une condition médiocre, placé entre l’adversité et l’abondance, loin de la cour et des grandeurs, n’ayant « ni richesses ni pauvreté Proverbes 30.8, » selon le désir d’Agur, peut, dans le silence et dans la retraite, voir couler doucement sa vie, et faire de son salut sinon son unique, du moins sa principale occupation !

Non seulement Félix ne préfère pas son salut à toutes choses, mais il en parle avec dédain. « Quand j’aurai le loisir, je te rappellerai. » Quand j’aurai le loisir ! Ne dirait-on pas que ce dont saint Paul vient de l’entretenir n’est pas une affaire sérieuse ? Ne dirait-on pas que l’âme de Félix a été créée pour gouverner la Judée, et que ces grandes vérités de la « justice, » de la « tempérance, » et du « jugement à venir, » ne doivent servir tout au plus que de passe-temps, auquel on ne doit donner que les heures perdues ? « Quand j’aurai le loisir. »

Eh ! misérable Félix, qu’as-tu donc à faire de si important ? Est-ce d’exécuter les commissions de l’empereur ? Mais n’es-tu pas le sujet du roi des rois, de celui en la présence duquel César même n’est qu’un ver de terre ? Dieu ne t’a-t-il pas donné une âme à cultiver, des vertus à acquérir, un royaume éternel à conquérir ? Est-ce d’aller te plonger dans tes plaisirs ? Mais comment les pourras-tu goûter, après l’image effrayante du jugement, qui vient d’être peinte devant tes yeux ? La voix de saint Paul ne retentira-t-elle pas sans cesse à tes oreilles ; et comme une furie attachée obstinément à tes pas, ne troublera-t-elle point tes voluptés et ton indolence ?

Suspendons ici le cours de notre méditation, mes frères, et finissons par quelques réflexions sur les vérités que nous venons d’entendre. Nous l’avons dit dans le corps de ce discours, et nous voulons bien commencer par nous-mêmes l’application que nous en faisons. Saint Paul donne ici une leçon importante à tous les ministres de l’Évangile. Sa sincérité, son intrépidité, sa constance, sont des modèles de perfection sur lesquels tout bon pasteur doit se former. Suivons-le ce grand modèle, mes très chers et très honorés frères. « Soyons ses imitateurs, comme il l’était lui-même de Christ 1 Corinthiens 11.1. » Comme lui ne ménageons point le pécheur ; comme lui, parlons de la « justice » aux avares, de la « tempérance » aux luxurieux, du « jugement à venir » aux grands du monde, et à tous ceux que des objets moins effrayants sont incapables d’émouvoir. « Ne disons jamais paix, paix, là où il n’y a point de paix Jérémie 6.14. » Tonnons, déclamons, décochons les traits de la colère du Tout-Puissant, et ne redoutons ni les Félix ni les Drusilles de notre siècle. C’est là notre vocation. C’est la voix que Dieu adresse aujourd’hui à chacun de ceux qui ont l’honneur de succéder à saint Paul dans l’ordre du ministère.

Mais comment remplir cette vocation ? Quels murmures une pareille liberté n’exciterait-elle point dans cet auditoire ? Si nous vous parlions comme saint Paul à Félix ; si nous déclarions la guerre à chacun de vous ; si nous révélions tant de mystères d’iniquité où vous êtes enveloppés, et si nous déchirions ce voile qui cache tant de pratiques indignes : vous nous arrêteriez ; vous nous opposeriez nos infirmités et nos faiblesses ; vous nous diriez : « Pour maintenant, va-t’en, » et porte ailleurs un ministère qui nous déplaît et qui nous gêne.

Eh bien, nous voulons bien vous servir selon votre goût. Nous voulons bien déférer à vos raisons, et respecter même une fausse délicatesse. Mais si nous avons cette indulgence pour vous, permettez-nous d’en exiger à notre tour, et de faire pour un moment cette chimérique supposition.

Vous connaissez saint Paul, du moins vous le devez connaître. Si vous avez ignoré quel est son caractère, le sermon qu’il vient de faire à Félix doit suffire pour vous en tracer une juste idée. Supposez qu’au lieu de la voix que vous venez d’entendre, celle de saint Paul eût retenti dans cette assemblée. Supposez qu’au lieu que nous vous parlions maintenant, saint Paul vous parlât lui-même, et remplit la place que nous occupons. Supposez que saint Paul, ce prédicateur sincère, cet homme qui, devant Félix et devant Drusille, traitait de la justice, de la tempérance et du jugement à venir ; supposez qu’il prêchât aujourd’hui à ce troupeau. Parlons sans déguisement : quelle application ferait-il ? Quelle matière traiterait-il ? Quels vices reprendrait-il ? Quel jugement porterait-il sur la vie de plusieurs de vous ? Que dirait-il de cet esprit de mondanité qui fascine les yeux du plus grand nombre ? Que dirait-il de cette avidité insatiable d’acquérir du bien qui nous anime presque tous, qui nous rend semblables au « sépulcre, qui crie sans cesse, apporte, apporte, et qui ne dit jamais, c’est assez Proverbes 30.15 ? » Que dirait-il de cette indifférence en matière de religion, qu’on dit se trouver chez plusieurs de nous, comme si les sacrifices que nous fîmes jadis pour notre réformation avaient été les derniers efforts d’une religion expirante, et qui ne devait plus laisser de trace dans notre âme ? Que dirait-il de ces débauches infâmes qu’une coutume effrénée semble avoir autorisées, et qui ne devraient pas même être nommées parmi les chrétiens ? Suivez cette supposition. C’est saint Paul qui vous adresse ces censures. C’est lui qui ouvre à vos yeux cet enfer, qu’il ouvrit devant Félix et devant Drusille, et qui vous somme, par l’éclat redoutable de ce Dieu qui doit juger les vivants et les morts, de réformer votre vie, et d’assortir votre conduite au nom chrétien que vous avez la gloire de porter.

Pour nous, nous joindrons à la voix de l’apôtre des exhortations, des instances, des prières affectueuses. Nous vous conjurons par les entrailles de ce Dieu qui a arraché son fils de son propre sein pour vous le donner, et par l’intérêt de votre salut, de vous rendre à une voix si pathétique.

Souvenez-vous de la « justice, » de la « tempérance, » et du « jugement à venir. » Observez-la, cette « justice » dans vos commerces : ne portez jamais vos désirs sur l’interdit. « Rendez à César ce qui est à César’. » Respectez les droits du souverain. « Payez le tribut à celui à qui le tribut appartient Matthieu 22.21. » Que la misère et la petitesse même de vos ouvriers, de vos domestiques, des artisans les plus vils, vous soient vénérables : et souvenez-vous que « le peu du juste vaut mieux que l’abondance du méchant Romains 13.7. » Ne rétrécissez point l’idée de cette justice. Pensez que Dieu ne vous a pas mis au monde pour vous seuls : que vivre à soi-même est la maxime la plus indigne du chrétien, et que se retrancher dans ses monceaux d’or et d’argent, pour se mettre à l’abri des vicissitudes humaines, est la conduite la moins sortable à cette religion, qui ne respire que miséricorde et que charité.

Observez aussi « la tempérance. » Fermez à la luxure tous les chemins de votre cœur. Éloignez-vous de tout commerce scandaleux, de toute intrigue criminelle. Vivez dans la vigilance, surtout dans ce lieu licencieux, où la facilité avec laquelle on commet le crime est une tentation continuelle à s’y abandonner. Que votre « chasteté » paraisse dans vos habits, dans vos ameublements, dans vos discours. « Que vos paroles soient toujours assaisonnées de sel et de grâce Colossiens 4.6. Que les femmes, » selon la leçon de saint Pierre, aient pour « parure, non pas celle du dehors, la frisure des cheveux, mais que leur ornement soit celui de l’homme caché et du cœur, qui est d’un grand prix devant Dieu 1 Pierre 3.3-4. » Pensez que « la loi » de Dieu « est spirituelle Romains 7.14 ; » qu’il y a une impureté d’esprit et un adultère de cœur ; que certains désirs de plaire, certains mouvements étudiés, certains traits empoisonnés, certaine attention de faire brèche à la vertu des autres, lorsqu’on semble s’imposer à soi-même les lois les plus exactes et les plus sévères, sont souvent aussi criminels devant Dieu que les fautes les plus énormes où l’on est entraîné par ses sens comme malgré soi, et dans lesquelles la volonté a la moindre part.

Ayez sans cesse dans l’esprit le « jugement à venir. » Pensez, pensez qu’un œil invisible veille sur toutes vos actions. Pensez qu’elles sont toutes enregistrées dans un mémoire fidèle, qui doit être produit aux yeux de l’univers, dans ce grand jour auquel Jésus-Christ descendra du ciel avec gloire.

Mes chers frères, ne soyons point ingénieux à affaiblir cette idée en l’éloignant. La voix du jugement est prête à se faire entendre, les livres vont être ouverts. Le tribunal est déjà dressé. Nous avons la vue de l’âme aussi bornée que les yeux du corps. Ce petit cercle d’objets qui nous environnent nous remplit presque tout entiers et nous empêche de porter notre pensée sur d’autres. La vérité d’un jugement suppose de si étranges bouleversements dans l’univers, que nous n’en pouvons pas regarder le dessein comme prêt à s’exécuter. Nous ne saurions nous imaginer que la nature change de face avec tant de rapidité, et que ces affreuses révolutions, qui doivent précéder la venue du Fils de Dieu, puissent arriver de plusieurs siècles. Mais détrompons-nous ; je veux que vous ayez raison dans le principe ; vous errez dans la conséquence. L’éloignement le plus reculé de ce période n’a rien qui doive flatter votre sécurité. Si le jugement est éloigné par rapport au monde universel, il est près de chacun de vous. Il n’est pas nécessaire, par rapport à vous, que l’univers change de face, que les Juifs soient rappelés dans l’alliance, que la « voix de l’Évangile soit allée jusqu’au bout du monde, » que « le soleil soit obscurci, » que « la lune se change en sang, » que « les étoiles tombent du ciel, » que « les éléments soient dissous par la chaleur, » que « les cieux passent avec le bruit d’une effroyable tempête, » et que « la terre croule sur ses fondements. » Tout cela ne vous regarde point. Il ne faut qu’une humeur extravasée dans votre corps, il ne faut qu’un peu de sang hors de sa place, il ne faut que quelque fibre dérangée, il ne faut qu’une vapeur dans votre tête, il ne faut qu’une petite diminution ou augmentation de froid ou de chaud dans votre cerveau : et voilà que votre jugement est prononcé. Voilà, par rapport à vous, le monde bouleversé, « le soleil obscurci, la lune ensanglantée, l’Évangile prêché, le Juif converti, les étoiles tombées, les éléments dissous, les cieux roulés comme un vêtement, les fondements de la terre écroulés, et sa figure passéeb. »

bRomains 10.18 ; Joël 2.31 ; Actes 2.20 ; Matthieu 24.29 ; 2 Pierre 3.10 ; Ésaïe 24.18 ; Matthieu 13.10 ; Romains 11.26 ; Hébreux 1.12 ; 1 Corinthiens 7.31.

Entrez dans ces réflexions. Et comme tous les devoirs que nous venons de vous prescrire demandent du temps et du travail, évitons la dissipation et le trop grand nombre d’affaires. Mes frères, c’est ici où nous redoublons notre zèle, et où nous voudrions encore trouver le chemin de vos cœurs. Nous n’entrerons pas dans le détail de vos occupations. Nous ne fouillerons pas dans vos livres. Nous ne pénétrerons pas dans vos comptoirs. Nous ne mettrons pas même en question si vos commerces sont toujours légitimes, si les droits du souverain et celui des particuliers y sont ponctuellement observés. Nous supposons qu’on n’a rien à vous reprocher sur ces articles. Mais considérez seulement que les occupations les plus innocentes deviennent criminelles, lorsqu’on s’y attache avec trop d’application, et qu’on les préfère à l’ouvrage de son salut.

Cette maxime vous regarde, marchands, négociants, gens d’affaires. Vous voyez aujourd’hui la misère et la pauvreté qui ravagent un nombre infini de familles. Le soldat languit sans emploi au milieu même de la guerre et est comme obligé de mendier son pain. Le noble, loin de ses fonds, mille fois plus malheureux que le roturier, n’a aucune industrie pour travailler à sa subsistance ; le savant même est à charge, et les productions des plus grands génies ne sont pas même remarquées, bien loin d’avoir leur récompense.

Au milieu de tant d’adversités, vous seuls, vous seuls, mes frères, avez l’art d’amasser du bien. Un gouvernement doux et facile, un commerce vaste et opulent vous ouvre, s’il est permis d’ainsi dire, tous les chemins de la fortune. L’un et l’autre monde à l’envie semblent concourir pour fournir à votre opulence. Vous vivez non seulement avec commodité, mais avec splendeur. Vos maisons sont meublées avec magnificence. Vos tables sont délicieusement servies : et après avoir joui de tant d’avantages, vous les transmettez à votre postérité ; et vous les avez, et vous les goûtez encore après votre mort, en la personne d’autres vous-mêmes. Mais il vaudrait mieux mille fois qu’on vous vît grossir le nombre des misérables, que si cette faveur du ciel vous détournait de votre salut ; que si vous renvoyiez jamais saint Paul ; que si vous lui disiez comme le malheureux Félix : « Quand j’aurai le loisir, je te rappellerai ; pour cette fois, va-t’en. » J’ai des comptes à passer. J’ai des sommes à assurer. J’ai des dépêches à finir.

Éloignons-nous du bruit, du tumulte. Cherchons la retraite, le recueillement, le silence : et que la mort qui nous talonne nous engage à « ne point différer, à nous hâter à retourner sur nos pas vers les témoignages du Seigneur Psaumes 119.59-60, » pour m’exprimer avec un prophète.

Mes frères, vous n’êtes pas assez frappés de cette pensée. Mais nous, nous que Dieu a commis à la conduite d’un grand peuple ; nous que l’exercice de notre ministère appelle, s’il est permis d’ainsi dire, dans un monde de morts et de mourants, et qui voyons défiler comme un par un chaque membre d’un nombreux troupeau : nous sommes effrayés, quand nous pensons à ces délais qui entrent dans la conduite de la plupart des chrétiens. Toutes les fois que nous montons dans nos chaires, il nous semble que nous parlons pour la dernière fois. Il nous semble que nous devons épuiser toute la religion pour arracher au monde ceux qui nous écoutent, et ne les point abandonner que nous ne les ayons remis entre les bras de Jésus-Christ. Il nous semble que nous devons vous dire un éternel adieu, que nous sommes dans notre lit de mort, ou que vous êtes dans le vôtre.

Oui, chrétiens, ce moment est le seul sur lequel nous pouvons compter. C’est peut-être le seul temps de la bienveillance. C’est peut-être le dernier jour de notre Visitation. Profitons d’un temps si précieux. Ne disons plus : « tantôt, une autre fois. » Disons : « aujourd’hui, à présent, tout à l’heure. » Que le pasteur dise : J’ai été froid dans mes sermons, et relâché dans ma conduite ; et plus frappé, dans l’exercice de mon ministère, du soin de faire ma maison, que du désir d’édifier celle du Seigneur. Je prêcherai désormais avec zèle et avec ferveur, je serai vigilant, grave, sévère, désintéressé. Que l’avare dise : J’ai du bien mal acquis. Je vais purger ma maison de l’interdit ; je vais placer mon cœur avec mon trésor ; je vais renverser l’autel de Mammon, et en dresser un dans mon âme au Dieu souverain. Que l’intempérant dise : Je vais éteindre ces feux malheureux qui me brûlent, et allumer au dedans de moi les flammes de l’amour divin. Passions malheureuses, qui faites la guerre à mon âme, attachements sordides, désirs déréglés, mouvements de ma cupidité, loi des membres, je ne vous connais plus, je fais avec vous un éternel divorce. J’ouvre, dès à présent, mon cœur à la sagesse éternelle, qui daigne me le demander.

Si nous sommes dans ces heureuses dispositions, si nous nous convertissons ainsi, dès à présent aussi nous sentirons les avant-goûts de la gloire que Dieu nous prépare ; dès à présent les vérités de la religion, bien loin de jeter l’épouvante et l’horreur dans nos âmes, les combleront de consolation et de joie ; dès à présent le ciel s’ouvrira pour cet auditoire, le paradis descendra dans nos cœurs, le Saint-Esprit y viendra faire sa demeure. Il y apportera cette paix, ces transports qui surpassent tout entendement ; et en commençant notre félicité sur la terre, il nous donnera des arrhes de sa consommation. Dieu nous en fasse la grâce. A lui, au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, soit honneur et gloire, dès maintenant et à jamais ! Amen.

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