Le Réveil dans l’Église Réformée

2.2.2 Henri Pyt.

Enfance et jeunesse. — Conversion. — Suffragance à Saverdun. — Ministère à Valenciennes et dans le Nord. — Colportage. — Évangélisation dans la Beauce. — Consécration à Londres. — Ministère à Bayonne. — Controverse catholique. — Boulogne. — Paris et Versailles.

Henri Pyt naquit à Sainte-Croix, canton de Vaud, le 5 avril 1796. Son père, qui était horloger, vint s’établir à Genève, et ce fut dans cette ville que s’écoulèrent l’enfance et la jeunesse du futur évangéliste. Il fut envoyé d’abord au collège, puis à l’Académie, et ce fut pendant ses études théologiques qu’il se convertit. Dès l’enfance, il avait eu des sentiments sérieux que contribua à développer son éducation chrétienne ; à l’âge de treize ans, il envoyait à sa grand’mère des prières que lui-même avait composées. Des épreuves de famille, la mort de son père et de sa mère tournèrent de plus en plus ses regards vers les réalités invisibles. Il s’affilia, en 1812, à la Société des Amis, suivit les cultes moraves, assista aux lectures que faisait Moulinié, en un mot, devint l’un des membres de cette société d’étudiants d’où est sorti le Réveil. Nous ne le suivrons pas dans son développement spirituel : son histoire est constamment mêlée à celle de ce mouvement que nous avons retracé dans notre premier livre, et qui aboutit à la fondation de l’Église du Bourg-de-Four.

Mais voici que le zèle missionnaire s’empare des membres de cette Église, et, en juin 1818, Pyt quitte Genève pour aller remplir les fonctions de suffragant à Saverdun. Il part, accompagné de sa jeune sœur, Pauline, et sa femme, Jeanne Bost, la sœur d’Ami Bost. A Montpellier, il rencontre Lissignol, qui l’accueille fraternellement. Ce n’est pas une réception moins cordiale qui l’attend à Saverdun.

Il se met aussitôt à l’œuvre, mais ne tarde pas à s’apercevoir qu’il est dans un milieu tout différent de celui de Genève : « Priez beaucoup pour que mon zèle soit augmenté, écrit-il à ses amis, et que je m’acquitte en fidèle serviteur de la grande tâche qui vient de m’être confiée. Je ne sais ce que le Seigneur fera de moi à Saverdun ; mais j’y suis pour faire sa volonté. Autant que j’ai pu le voir, on y est mort ; la bonne doctrine n’y trouvera pourtant pas d’obstacle, parce qu’on y est orthodoxea. »

a – Guers, Vie de Henri Pyt. Toulouse, Londres et Paris, 1850, p. 42-43.

En effet, sa prédication est accueillie sans murmures ; elle en réjouit même plusieurs. Mais le prédicateur lui-même se sent dépaysé dans une Église dont il ne connaît pas encore par expérience les usages et dont les formes lui causent quelque appréhension. Prêcher en robe, du haut d’une chaire élevée, lui est comme une petite épreuve à traverser. Bientôt il a la joie de voir son travail porter des fruits : des conversions de malades, l’établissement et la fréquentation d’une réunion de prières, l’accueil affectueux reçu chez la famille d’O…b, lui sont autant d’encouragements précieux.

b – Il est à regretter que l’auteur de la Vie de Pyt n’ait pas toujours cité les noms propres en toutes lettres. L’emploi de la simple initiale, évidemment par discrétion, nous enlève souvent ainsi le privilège de connaître tel ou tel ami du Réveil.

Vers la fin de 1818, il a l’occasion de voir Robert Haldane à Montauban. Au cours de leurs entretiens, Pyt comprend que sa véritable vocation est d’être évangéliste, indépendant de tout engagement ecclésiastique. Il se met alors au service de la Société continentale, qui le laisse libre de choisir lui-même son champ de travail. Tout d’abord il ne s’éloigne pas de Saverdun, fait des tournées d’évangélisation dans les Pyrénées, dans l’Ariège, le Tarn et l’Aveyron, revient voir à Montauban Haldane, puis retourne à Saverdun, où il reste jusqu’au milieu de juillet 1819c.

c – Voir, sur quelques résultats de l’œuvre de Pyt et de Vergé à Saverdun, Archives du Christianisme, mars 1819.

La Société continentale l’invite alors à se rendre à Valenciennes où un mouvement de réveil semblait se manifester. Pyt part, le cœur tremblant devant la tâche qu’il a à accomplir : « Je sens, écrit-il, mon indignité et mon incapacité absolue de faire la moindre chose de moi-même ; c’est pour cela que j’éprouve vivement le besoin de recourir au Sauveur. Grâces lui soient rendues de ce qu’il ne mesure pas ses bienfaits à nos mérites, mais aux siens ; c’est là ce qui me console et me fortifie : si je n’ai rien mérité, Christ a tout mérité pour moi, voilà ma joie et le fondement de mes espérances. Joignez vos prières aux miennes pour que je sois béni dans ce que j’entreprends pour le nom de Jésusd. »

d – Guers, Vie de Pyt, p. 71.

Cependant cette situation de libre évangéliste convenait à son caractère : il évangélise sur les routes, dans des réunions qu’il convoque chez lui ; il essaie de vendre quelques Bibles ; il a même certaines difficultés avec l’autorité et est obligé d’envoyer au préfet une sorte de note exposant ses principes et le but de son œuvre.

Bientôt la sympathie d’amis chrétiens vient le fortifier : une dame pieuse de Valenciennes, mère d’un pasteur évangélique, ancien condisciple de Pyt, met à sa disposition, pour des assemblées religieuses, un grand salon dans lequel il commence à prêcher aux protestants de la localité.

Mais ce n’est pas tant à Valenciennes que dans les environs que son travail porte des fruits. « Invité à aller prêcher dans la petite congrégation de Saulzoire, éloignée de Valenciennes de quelques lieues, écrit-il dans son journal à la date du 18 septembre 1819, je m’y rendis aussitôt, et j’eus le bonheur d’y trouver une réunion de cent cinquante à deux cents âmes disposées à écouter la prédication de Christ crucifié. La plupart des membres de cette réunion sont des prosélytese. Le premier jour que je passai au milieu d’eux fut un jour bénif

e – Voir le récit de la construction et de l’inauguration du temple de Saulzoire dans les Archives du Christianisme, septembre 1819.

f – Guers, Vie de Pyt, p. 77.

Peu après il va à Quiévy, où il est reçu avec joie. Son journal relate de touchants épisodes de ces visites. Après une de ses premières prédications, il voit s’approcher de lui un paysan qui vient lui dire les larmes aux yeux : « Vous êtes mon meilleur ami. » — « Cette vérité que Jésus est puissant pour sauver les plus grands pécheurs, ajoute Pyt, et qu’il ne rejette aucun de ceux qui vont à lui l’avait frappé ; je l’exhortai donc à s’abandonner à ce grand Sauveur, et j’ai lieu d’espérer que son cœur n’est pas resté étranger à la grâce de Dieug. »

gIbid., p. 79.

D’autres fois le zèle des auditeurs revêt une forme tout à fait inattendue : un jour, à Saulzoire, après un culte, quelques personnes s’entretenaient avec Pyt : tout à coup, l’une d’elles, ancien militaire, élève la voix et s’adressant à l’ami chez qui ils étaient : « M. M…, voulez-vous que nous donnions quinze sols au tambour du village, afin qu’il aille publier par tous les coins que nous avons ici un missionnaire qui vient nous expliquer la Parole de Dieu, et que tous ceux qui voudront l’entendre le pourront ? — Non, mes amis, répond le vieux M. M…, vous savez que le maire est catholique ; il nous empêcherait d’exécuter ce que vous proposez. Faisons autrement : que M. Pyt vienne nous visiter la veille de Noël, et nous inviterons nos connaissances catholiques à venir l’entendre. » La proposition est acceptée, et l’on décide de faire, la veille de Noël, à dix ou onze heures du soir, un service dans le temple. On choisit cette heure, afin que les catholiques, qui sont sur pied cette nuit-là, puissent venir sans être vus. Après avoir soupe, continue Pyt, nous commençâmes une conversation des plus intéressantes, et nous ne nous séparâmes qu’à minuit. Rien ne me paraissait étrange comme de voir une douzaine de paysans, la pipe à la bouche, au milieu d’une épaisse atmosphère de fumée de tabac, s’entretenir avec empressement du salut qui est en Christh. »

h – Guers, Vie de Pyt, p. 84-85.

A la fin de décembre, il va à Nomain, où il trouve une petite congrégation de cent quarante personnes. Elle devait son origine à la simple lecture d’une Bible découverte en 1810 par un agriculteur dans un coin de sa maison ; lue dans beaucoup de familles, elle leur fit connaître la vérité. En 1811 un petit temple fut construit à frais communs par cet intéressant troupeau ; quelques évangélistes le visitèrent, et, en 1819, Pyt s’y rendit.

« Le délassement principal de plusieurs des membres de cette congrégation, dit-il, est la lecture de l’Écriture sainte. Plusieurs catholiques, qui n’ont encore aucune relation avec les protestants, la lisent aussi. Rien ne m’édifia comme d’apprendre la manière dont les protestants passent à Nomain les longues soirées d’hiver. On se réunit chez quelque ami, et là, tandis que les femmes filent, les hommes lisent l’Écriture sainte, entremêlant cette lecture de conversations qui y sont relatives, et de quelques chants de psaumes. »

Il y avait pourtant des points obscurs dans la foi des convertis de Nomain : la doctrine de la justification était mal comprise ; mais Pyt n’aurait pas pu trouver des auditeurs mieux disposés à reconnaître leurs erreurs et à les abandonner. Il leur expliqua que le salut ne se trouve que dans la foi aux mérites de Jésus-Christ, et insista sur ce texte : « Tout est accompli. » En partant, il s’arrêta chez un paysan avec lequel il avait beaucoup discuté, et il lui rappela cette parole : Tout est accompli. « A ces mots, dit-il, ses yeux se remplirent de larmes, et il me dit, en mettant la main sur son cœur : Je la garde lài. »

i – Guers, Vie de Pyt, p. 91, 94.

C’était souvent chez des jeunes gens que le réveil se manifestait, et ce fait réjouissait profondément l’évangéliste.

Une satisfaction d’une autre nature lui fut accordée en 1820 : il put aller faire un voyage en Suisse, s’y retrempa dans la communion fraternelle de ses amis, et revint à son poste animé d’un nouveau courage.

Il quitte alors Valenciennes pour se fixer à Nomain ; un jour on l’engage à aller dans un village voisin, à Lannoy ; il ne peut s’y rendre, et ce sont deux paysans de Nomain qui vont répéter à Lannoy la prédication du pasteur.

Dans la même année, les protestants de Nomain se constituèrent en Église, sans que Pyt voulût d’ailleurs intervenir en rien dans une résolution aussi grave. Leur exemple fut suivi dans les différentes localités de cette contrée où la prédication de l’Évangile avait porté des fruits.

Ce fut aussi à ce moment que, sur l’initiative de l’Église de Nomain, Pyt organisa le colportage : il y fut puissamment secondé par le zèle de jeunes gens qui voulaient faire quelque chose pour l’avancement du règne de Dieu. Les noms de quelques-uns de ces premiers colporteurs du département du Nord sont parvenus jusqu’à nous ; ce furent : Ladam, Ferdinand Caulier, Alexis, etc. Dès le début, leur œuvre fut bénie, et ils ont certainement contribué pour une bonne part à l’évangélisation et au réveil de cette région.

Malheureusement l’hostilité des adversaires de Pyt, catholiques ou incrédules, redoubla en présence de ces succès ; et, comme il n’était ni pasteur consacré, ni Français, il fut contraint de s’éloigner et d’abandonner l’œuvre commencée. Les colporteurs la poursuivirent : peu à peu de nouvelles églises s’organisèrent, qui ne prirent que le nom de chrétiennes, ne voulant s’appeler ni catholiques, ni protestantes, et la bénédiction de Dieu continua à reposer sur ce champ de travail.

Pyt était parti de Valenciennes le 12 décembre 1820 ; il se dirigea, sur l’invitation du comité de la Société continentale, vers Orléans. La chaire ne lui fut pas accordée dans cette ville ; il dut se borner à tenir des réunions particulières jusqu’au moment où, dit son biographe, le préfet, à l’instigation du pasteur, le pria de s’éloigner d’Orléansj.

j – Guers, Vie de Pyt, p. 113.

Il se rendit alors à Guillonville, en Beauce, sur la limite des départements du Loiret et d’Eure-et-Loir. Ses débuts y furent difficiles ; il demanda un aide au comité de Londres, et celui-ci envoya auprès de lui le colporteur Ferdinand Caulier, de Nomain. Leurs efforts combinés ne furent pas stériles ; mais Pyt ne resta que peu de temps dans la Beauce : il laissa son œuvre entre les mains de Caulier, soutenu par Porchat, qui y était arrivé en juin 1821.

Quand Pyt s’éloigna de la Beauce, au milieu de 1821, il croyait ne faire qu’une absence momentanée, pendant laquelle il devait visiter une nouvelle station, Bayonne, qu’on venait d’indiquer au comité de Londres. En réalité, il ne devait plus revenir dans le centre de la France et son activité allait s’exercer dans une autre contrée, le Béarn.

Mais auparavant il reçut à Londres, en juillet 1821, l’imposition des mains, dans la même chapelle où Guers et Gonthier venaient d’être consacrés. Pyt avait commencé, en effet, son ministère sans recevoir de consécration, estimant que la consécration intérieure et l’appel de Dieu suffisaient ; mais il reconnut plus tard, comme Guers lui-même, que si la consécration extérieure n’est pas indispensable, « elle est conforme au principe des églises apostoliques ; c’est, dit Guers, une solennelle désignation, ou mise à part pour l’œuvre du Seigneur, en même temps qu’un élément d’ordre clairement indiqué dans sa Parole ; elle est toujours accompagnée de sa bénédiction quand elle est donnée et reçue dans les conditions et avec les dispositions qu’elle réclame…k »

k – Guers, Le premier réveil, p. 241.

Après sa consécration, Pyt prend la route du midi de la France : il passe à Limoges et s’arrête à Montauban où il est reçu par le professeur Bonnard et le pasteur Marzials. Il y donne plusieurs prédications, ainsi qu’à Nègrepelisse et à Lagarde ; à Nègrepelisse, il est amené par les circonstances à baptiser des enfants et à donner la sainte Gène. Il célèbre les deux cérémonies, ce qu’il n’avait pas fait encore dans une église nationale ; cet incident devait avoir plus tard pour lui de graves conséquences.

De Montauban il va à Bayonne, passant par Toulouse, Bagnères-de-Bigorre, Tarbes, Pau, Orthez et prêchant dans toutes ces villes. Arrivé à destination, il reçoit un excellent accueil des protestants ; une chapelle est bâtie ; on l’inaugure le 23 décembre 1821l. Chose singulière, Pyt qui avait quitté Saverdun pour être libre prédicateur de l’Évangile, se retrouve à Bayonne pasteur régulier d’une véritable Église. Il avoue d’ailleurs que « pour réussir en France, il faut se soumettre aux formes religieuses établies, aussi bien qu’on le peut, salva conscientiam, » aveu significatif, dans la bouche d’un évangéliste dont le zèle et l’indépendance de caractère ne sont pas suspects !

l – Voir Archives du Christianisme, avril 1822.

m – Guers, Vie de Pyt, 141.

Du reste, Pyt vit son travail béni et les encouragements ne lui manquèrent pas. Bayonne n’absorba pas d’ailleurs toute son activité ; il annonça l’Évangile à Orthez, Salies, Sauveterre, et dans beaucoup d’autres localités du Béarn, même dans la Haute-Garonne, l’Ariège et le Tarn.

Le sort religieux de l’Espagne le préoccupait aussi vivement ; beaucoup d’Espagnols résidaient à Bayonne ; le pasteur et sa femme apprirent leur langue pour pouvoir leur faire quelque bien, et leur distribuèrent le Nouveau Testament traduit en espagnol.

Il intéressa même à son évangélisation en Espagne le curé d’un village voisin de la frontière et lui confia des Nouveaux Testaments à distribuer.

Toutes ces préoccupations et ces efforts ne devaient pas être vains. A Bayonne, un de ses auditeurs, prêtre espagnol fugitif, appelé don Juan Caldéron, se convertit et devint agent de la Société continentale : il annonça l’Évangile à ses compatriotes réfugiés en Angleterre, puis se maria et vint s’établir en France où il fut évangéliste dans un département de l’ouest.

Ce fut au milieu de ces encouragements que les anciennes hésitations de Pyt au point de vue ecclésiastique se réveillèrent : il réfléchit aux circonstances dans lesquelles il avait baptisé et donné la sainte Cène à Négrepelisse, puis à Bayonne pendant deux ans ; ses scrupules au sujet du baptême (il était baptiste, ainsi que Porchat) devinrent plus angoissants que jamais ; il se décida enfin à écrire aux anciens de Bayonne qu’il ne pouvait plus rester au milieu d’eux que comme prédicateur de l’Évangile ; on essaya de le faire revenir sur sa décision, mais il ne céda pas à ces affectueuses instances et reprit la position de simple évangéliste.

Il s’occupe alors de l’évangélisation des Basques, fait réimprimer, sous les auspices de la Société Biblique de Londres, le Nouveau Testament dans leur langue et le répand. Mais le clergé manifeste la plus vive opposition et va jusqu’à brûler le volume partout où il le trouve.

La conversion des Juifs, nombreux à Bayonne, les Sociétés bibliques, les missions sont autant d’œuvres auxquelles Pyt porte un profond intérêt. Il recueille chez lui un enfant, à la figure intelligente, à l’esprit éveillé, au caractère gai, ouvert, qui lui avait été recommandé par une de ses parentes : Pyt l’élève avec une tendresse toute paternelle, et après avoir été l’instrument de sa conversion, il devient son premier instituteur et son meilleur ami. Cet enfant devait être l’un des serviteurs de Dieu les plus éminents en même temps qu’une des gloires les plus pures de notre protestantisme moderne : il s’appelait Eugène Casalis.

L’activité de Pyt allait encore s’exercer dans un autre domaine. Les jésuites avaient écrit, sous le nom de l’évêque de Bayonne, une Lettre aux Protestants d’Orthez ; Pyt est invité à répondre : il le fait dans sa Réponse à la seconde lettre de M. l’évêque de Bayonne aux Protestants d’Orthez (1826), réponse que le consistoire d’Orthez approuva et publia. Pyt y avait révélé de réelles qualités de controversiste, et avait mis son adversaire en face de problèmes insolubles, de son propre aveu. L’évêque, reconnaissant qu’il s’était pris dans ses propres filets, retira en effet du commerce tous les exemplaires invendus de sa lettre.

Pyt resta dans le département des Basses-Pyrénées jusqu’à la fin de mars 1830. A ce moment, la Société continentale l’envoya à Boulogne-sur-Mer. Froidement accueilli par la population catholique et même par les protestants, il se tourna vers les Anglais en résidence à Boulogne ; peu de mois après, il alla faire un voyage dans le nord de l’Irlande pour faire connaître la Société continentale et intéresser les chrétiens irlandais à son œuvre.

A peine rentré à Boulogne, il en repartit pour gagner cette fois sa dernière résidence terrestre et exercer son ministère à Paris et à Versailles, toujours sous les auspices de la Société continentale. A Paris, ses efforts tendirent principalement à la réunion et au groupement des chrétiens de la capitale ; à Versailles, il fut surtout évangéliste, puis devint pasteur de l’Église libre de cette ville. Là encore il fut secondé dans son œuvre par des colporteurs. L’épidémie cholérique de 1832, en frappant les esprits de terreur, parut un appel adressé d’Eu Haut, et, en un mois, dix mille exemplaires de la Bible furent vendus à Paris.

Le départ du pasteur de l’Église libre de Paris mit Pyt à la tête de ce troupeau ; il était en même temps agent central de la Société continentale ; Guers, qui avait rempli pendant plusieurs années ces fonctions, venait en effet de s’en démettre.

Mais ce n’était pas tout : il semble qu’à mesure que le terme de la carrière approche, le serviteur de Dieu soit dévoré d’un zèle toujours grandissant pour combattre jusqu’au bout le bon combat. Le saint-simonisme était alors dans toute sa vogue ; Pyt va l’attaquer jusque dans des réunions publiques.

Une association singulière venait de se former à Paris, sous le nom de Société de civilisation : composée de libres-penseurs, appartenant à la classe éclairée et influente, elle avait ouvert, dans l’Athénée royal, une école de philosophie éclectique, et elle invitait toutes les convictions à s’y produire au grand jour ; deux chrétiens, répondant à l’appel, s’étaient présentés : M. Philippe Boucher, qui avait été nommé professeur de méthodisme, et Henri Pyt, qui fut professeur de christianisme. Ce dernier inséra dans le Semeur des fragments de ses cours, intitulés : Nécessité d’une révélation, l’Évangilen. Les leçons étaient suivies de discussions, souvent très animées.

nLe Semeur, t. II, p. 390, 404, 427.

En 1834, Pyt soutenait une nouvelle controverse avec un prêtre catholique, l’abbé Guyon, à Versailles. Il était entré, à la requête des chrétiens nationaux de Paris, dans la plupart des comités et des sociétés formées à cette époque. Il fit encore plusieurs voyages en Angleterre, en Suisse, dans le midi de la France…

A toutes ces fatigues vinrent se joindre des tristesses, les démêlés de la Société continentale de Londres avec la Société évangélique de Paris, qui refusa d’entrer en relations avec elle, la lutte contre l’irvingisme, qui envahit les églises du Nord, où Pyt avait fidèlement prêché le pur Évangile.

Toutes ces occupations et préoccupations usaient les forces du vaillant évangéliste. L’heure du départ allait sonner prématurément… Ce fut le 21 juin 1835 que Pyt rendit son âme à Dieu : « C’est avec douleur, écrivait Frédéric Monod dans les Archives du christianisme, que nous annonçons la mort d’un frère, d’un ami, d’un compagnon d’œuvre, qui, depuis beaucoup d’années, consacrait sa vie à annoncer l’Évangile en France, et qui nous était devenu particulièrement cher depuis qu’il s’était fixé à Paris, et que nous avions eu le privilège d’entretenir avec lui des rapports intimes. M. le pasteur Pyt s’est endormi au Seigneur, le 21 juin, dans sa quarantième année, après une longue maladie, dont le cours a été marqué par de vives souffrances. Le désir formel, exprimé par notre frère, que les feuilles religieuses s’abstiennent de rendre à sa mémoire l’hommage qu’il eût été si doux à nos cœurs de lui offrir, nous interdit d’entrer ici dans des détails sur une vie dont le Seigneur a daigné se servir pour avancer son règne. Il nous sera du moins permis de dire que l’Église de France toute entière pleurera ce fidèle serviteur, qui lui appartenait par les liens les plus étroits de la foi et de l’affection chrétienne… »

Archives, 1835, p. 95. Outre les ouvrages cités plus haut, on a de Pyt un traité intitulé : Le Messie promis ; une brochure de polémique religieuse : Quelques mots à l’abbé Guyon, Paris, 1831 ; des articles de journaux, et les matériaux de deux sermons sur Rom.3.8 : La loi établie par les principes et par les conséquences de la foi. Paris, 1835.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant