Histoire de la Réformation au temps de Calvin

Chapitre 12
Les martyrs

(1531)

6.12

Bilney repentant prêche dans les champs – Ses ennemis et ses amis – Bilney mis en prison y trouve Petit – Dispute et procès. Condamnation de Bilney – La dernière visite de ses amis – Il est mené au supplice – Ses dernières paroles – Sa mort – Prison et martyre de Bayfield – Tewkesbury lié à l’arbre de vérité – Sa mort et celle des autres martyrs

Les premiers coups furent dirigés contre le chapelain de la cour ; les évêques trouvant dangereux d’avoir près du roi un tel homme, eussent voulu, dit Latimer lui-même, le mettre sur des charbons ardentsa. Mais Henri VIII l’aimait ; le coup manqua et les prêtres durent s’attaquer à des hommes qui n’étaient pas si bien en cour.

a – « Ye would have raked in the coals. » (Latimer, Sermons, p. 6.– Tyndale, Op., III, p. 231.)

Thomas Bilney, dont la conversion avait commencé la réformation de l’Angleterreb, avait dû faire pénitence devant la croix de Saint-Paul. Mais dès lors des terreurs inouïes l’avaient saisi. Sa chute avait révélé les défauts de sa foi. Bilney avait une piété sincère et vivante, mais un jugement moins sain que plusieurs de ses amis ; il ne s’était pas affranchi de certains scrupules qui, chez Luther et Calvin, avaient cédé à l’autorité souveraine de la Parole de Dieuc. Des prêtres consacrés par des évêques possédaient seuls selon lui le pouvoir de lier et de délierd. Ce mélange de vérité et d’erreur avait causé sa chute. On a toujours vu de ces âmes sincères, mais imparfaitement éclairées, qui, agitées par les scrupules de leur conscience, chancellent entre Rome et la Parole de Dieu.

bHistoire de la Réformation au seizième siècle, t. V, 18.2,9,12 ; 19.7 ; 20.15.

c – « A man of a timourous conscience and not fully resolved touching that matter of the church. » (Fox, Actes, IV, p. 649.)

d – « Soli sacerdotes, ordinati rite per pontifices, habent claves. » (Ibid.)

Enfin la foi avait repris le dessus chez Bilney. Quittant ses amis de Cambridge, il s’était rendu dans les comtés de l’Est pour y subir le martyre. Un jour, étant arrivé dans un ermitage des environs de Norwich, où vivait une pieuse anachorète, ses paroles la convertirent à Christe. Puis il se mit à prêcher à de grandes foulesf. Sa voix retentissait dans ces campagnes ; il versait des larmes sur sa chute. « Cette doctrine que j’ai naguère abjurée est la vérité, s’écriait-il. Vous tous qui m’écoutez, que mon exemple vous instruise. »

e – « The anachoress whom ne had converted to Christ. » (Ibid., p. 642.)

f – « Then he preached openly in the fields. » (Ibid.)

Bientôt il se dirigea du côté de Londres, s’arrêta à Ipswich, et ne se contentant plus de prêcher l’Évangile, il attaqua avec grande véhémence devant une foule étonnée les erreurs de Romeg. Quelques moines s’étaient glissés parmi ses auditeurs ; Bilney, les apercevant, s’écria : C’est l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde ; si l’évêque de Rome ose dire que c’est le capuchon de saint François qui sauve, il prononce un blasphème contre le sang du Sauveur. » L’un des moines, John Huggen, prit aussitôt note de ces paroles. Bilney continua : « Invoquer les saints et non Jésus-Christ, c’est mettre la tête au-dessous des pieds, et les pieds au dessus de la têteh » Le frère Richard Seman

g – « With great vehemency against the roman church. » (Herbert, p. 357.)

h – « Like as if a man should take and strike of the head and set it under the foot and to set the foot above. » (Fox, Actes, IV, p. 649.)

écrivit ces mots. « Il en viendra après moi, continua Bilney, qui vous prêcheront la même foi, le véritable Evangile de notre Sauveur, et vous tireront des erreurs dans lesquelles des séducteurs vous ont si longtemps retenus. » Le frère Julles se hâta d’écrire cette hardie prédiction.

Latimer, entouré des faveurs du roi et du luxe des grands, suivait de loin son ami. Il se rappelait leurs promenades dans les champs des environs de Cambridge, leurs entretiens intimes en montant la colline, qu’on appela plus tard en leur mémoire « le coteau des hérétiquesi, » et les visites qu’ils faisaient ensemble aux pauvres et aux prisonniersj. Latimer avait vu Bilney récemment encore, à Cambridge, dans l’angoisse et l’agonie, et avait cherché, mais inutilement, à lui rendre la paix. Il se réjouissait maintenant de ce que Dieu l’avait revêtu d’une si grande foik qu’il était prêt à se laisser brûler pour Christ. »

i – « Called long after the heretics hill. » (Latimer, Remains, p. XIII)

j – « Visiting the prisoners, relieving the needy. » (Ibid.)

k – « God endued himwith such strength of faith. » (Ibid, p. 52.)

Bilney se rapprochant encore de Londres arriva à Greenwich, vers le milieu de juillet. Il se procura des Nouveaux Testaments, les cacha soigneusement sous ses habits, et se rendant chez un humble chrétien nommé Staple, il les sortit « de ses manchesl » et lui demanda de les porter à ses amis. Puis, comme poussé par la soif du martyre, il se dirigea de nouveau vers Norwich, dont l’évêque, Richard Nix, aveugle et octogénaire, était au premier rang des persécuteurs. Etant arrivé au lieu solitaire, où la pieuse anachorète s’était retirée, il lui laissa le précieux volume ; cette visite devait coûter la vie à Bilney. En effet, la pauvre ermite lut ce Nouveau Testament et le prêta à des gens qui venaient la voir ; l’évêque l’apprit, en informa Thomas More ; et celui-ci fit empoigner Bilney (dit un chroniqueur françaism), le fit conduire à Londres et l’enferma à la Tour.

l – Which he had in his sleeves. » (Fox, Actes, IV, p. 32.)

m – Crespin, Actes des Martyrs, p. 101.

Bilney commença à respirer ; un fardeau lui était enlevé ; il allait trouver la peine que méritait sa chute. Dans la chambre voisine de la sienne était l’éloquent membre du parlement, John Petit, qui avait répandu en Angleterre et jusqu’au delà des mers, ses livres et ses aumônes. Le sous-geôlier de la Tour, Philips, étant un homme de bien, apprit aux deux prisonniers qu’une simple cloison les séparait, ce qui fut pour eux une grande joie ; souvent cet homme enlevait une planche de la cloison, et leur permettait de converser et de prendre ensemble un frugal repasn.

n – « By removing a board he allowed them to dine and sup together. » (Strype, p. 313.)

Ce bonheur ne dura pas longtemps. Le procès de Bilney devait s’instruire à Norwich, où il avait été saisi ; le vieux évêque Nix voulait faire un exemple dans son diocèse. Une foule de moines, augustins, dominicains, franciscains et carmélites accoururent dans la prison de l’évangéliste pour le convertir. Le docteur Gall, provincial des franciscains, ayant consenti à ce que le prisonnier fit usage des Écritureso, fut ébranlé dans sa foi ; mais l’augustin Stokes au contraire, papiste inflexible, répétait à Bilney : « Si vous mourez dans vos opinions, vous serez perdu. »

o – « As he had planted himself upon the firm rock of God’s word. » (Fox, Actes, IV, p. 643.)

Le jugement commença. Les moines d’Ipswich firent leurs dépositions. « Il a dit, déposa William Cade, que les Juifs et les Sarrasins seraient depuis longtemps convertis, si l’idolâtrie des chrétiens ne les dégoûtait du christianisme. — Je l’ai entendu s’écrier, dit Richard Neale : A bas vos dieux d’or, d’argent et de pierre ! — Il a prétendu, reprit Cade, que les prêtres enlèvent les parures des saints et les donnent à leurs femmes, puis que si celles-ci ne les trouvent pas assez belles, ils les pendent de nouveau aux imagesp. »

p – « The priests take away the offerings and hang them about their women’s necks… » (Ibid., p. 648.)

Chacun prévoyait l’issue de cette triste procédure. Un des amis de Bilney essaya de le sauver. Latimer porta la cause en chaire, conjura les juges de prononcer selon la justice. Quoique le nom de Bilney n’eût pas été prononcé, chacun comprit ce que cela voulait dire. L’évêque de Londres alla se plaindre à Henri de ce que son chapelain avait l’audace de prendre la défense de l’hérétique contre son évêque et contre ses jugesq. « Il n’y a pas de prédicateur au monde, dit Latimer, qui n’eût pu parler comme je l’ai fait, quand même Bilney n’aurait jamais existé. » Le chapelain échappa encore une fois, grâce à la faveur dont il jouissait auprès du prince.

q – « To defend Bilney and his cause. » (Latimer’s Remains, p. 330.)

Bilney fut condamné, puis dégradé par les prêtres ; enfin remis au schérif qui, plein de respect pour ses vertus, lui demandait pardon en s’acquittant de son office. Le prudent évêque écrivit au chancelier de lui remettre une ordonnance pour le brûler. « Brûlez-le d’abord, répondit rudement Thomas More, et vous me demanderez ensuite un bill d’indemnitér. »

r – « Burn him first, and then afterwards come to me for a bill of my hand. » (Ibid., p. 650.)

Quelques amis de Bilney à Cambridge, entre autres Parker, plus tard archevêque de Cantorbéry, arrivèrent à Norwich pour lui faire leurs adieux. C’était le soir, Bilney prenait alors son dernier repas ; sur la table était une chétive nourriture (Ale brew) ; ses traits montraient la joie qui remplissait son âme. « Je m’étonne, dit l’un de ses amis, que vous puissiez manger de si bon cœur. — J’imite l’exemple du pauvre habitant de nos campagnes, répliqua Bilney, qui logeant dans une maison dont les murs menacent ruine, la soutient aussi longtemps qu’il le peut. » Après ces mots, il se leva de table, il s’assit près de ses amis, et l’un d’eux lui dit : « Demain le feu vous fera sentir sa dévorante ardeur, mais le Saint-Esprit de Dieu vous prépare un rafraîchissement éternel. » — Alors Bilney, paraissant réfléchir à ce qu’on lui disait, avança la main vers la lampe qui brûlait sur la table, et mit son doigt dans la flamme. — « Que faites-vous ? s’écria-t-on. — Peu de chose, répondit-il ; je mets ma chair à l’épreuve, je brûle seulement mon doigt, puisque demain les flammes de Dieu me brûleront tout le corps. » Et tenant toujours son doigt dans le feu, comme s’il faisait une curieuse expérience, il continua : Je sens que le feu brûle conformément aux lois de la nature et par l’ordonnance de Dieu ; mais je sais aussi par la Parole du Seigneur et par l’expérience des martyrs que, même quand les flammes me consumeront, je ne les sentirai pas. Ce chaumes (et il montrait son corps) sera réduit en cendres ; mais une joie ineffable succédera à une courte douleur. » Il retira son doigt ; la première articulation était brûlée. Il ajouta : « Quand tu marcheras dans le feu les flammes ne t’embraseront point.t » Ces paroles restèrent gravées dans les cœurs de ceux qui les entendirent jusqu’à l’heure de leur mort, dit un chroniqueur.

s – « Howsoever the stubble of this my body shall be wasted by it. » (Latimer’s Remains, p. 650.)

t – Esaïe.43.1-3 — Dans la Bible de Bilney, qui se trouve à la bibliothèque de Corpus Christi, à Cambridge, ce passage est marqué en marge avec la plume.

Hors de la porte de la ville, dite porte de l’Evêque, était une basse vallée appelée le creux des Lollards (Lollard’s pit) ; elle était entourée de collines qui formaient un amphithéâtre. Le samedi 19 août, une troupe de hallebardiers vint chercher Bilney, qui parut sur la porte de la prison. Un de ses amis, s’approchant, l’exhorta à demeurer ferme ; Bilney répondit : « Au moment où le matelot monte sur son navire, et s’élance sur une mer agitée, il est ballotté par les vents ; mais l’espérance d’atteindre un port tranquille lui fait supporter le péril. La traversée commence pour moi, mais quelle que soit la tempête, mon navire sera bientôt au portu. »

u – « Shortly after shall my ship be in the haven. » (Latimer’s Remains, p. 6S4.)

Bilney franchit les rues de Norwich au milieu d’une grande foule ; sa démarche était grave ; ses traits paisibles. On lui avait rasé la tête et mis un habit de laïque. Un de ses amis, le docteur Warner l’accompagnait, un autre distribuait le long de la route de nombreuses aumônes. La procession descendit au creux des Lollards, le peuple couvrant les collines environnantes. Arrivé au lieu du supplice, Bilney se mit à genoux, pria, et s’approchant du bûcher l’embrassa avec amour et le baisav. Puis élevant les yeux vers le ciel, il récita le symbole des apôtres ; au moment où il confessa l’incarnation et la crucifixion du Sauveur, son émotion fut telle que les spectateurs en furent eux-mêmes touchés. Il se remit, posa sa robe, monta sur le bûcher et récita le psaume 143, répétant à trois reprises le second verset : « N’entre point en jugement avec ton serviteur, car nul homme vivant ne sera justifié devant toi ! » Puis il ajouta : « J’étends mes mains vers toi ; mon âme a soif de toi. » Alors se tournant vers l’exécuteur, il lui dit : « Etes-vous prêt ? — Oui, » répondit-il. Bilney se plaça debout contre le poteau et soutint lui-même la chaîne avec laquelle on l’y attacha. Son ami Werner, les yeux baignés de larmes, lui fit ses derniers adieux ; Bilney lui sourit avec bienveillance et lui dit : « O docteur ! Pasce gregem tuum. Pais ton troupeau, afin que quand le maître viendra il te trouve ainsi faisant. » Plusieurs moines qui avaient témoigné contre lui, s’apercevant de l’émotion du peuple, commencèrent à trembler et dirent à voix basse au martyr : « Ces gens croiront que c’est nous qui sommes la cause de votre mort, et ils nous retireront leurs aumônes !… » Bilney dit au peuple : « Bonnes gens, ne soyez pas irrités contre ces hommes à cause de moi ; quand même ils seraient les auteurs de ma mort, ce n’est pourtant pas euxw. Bilney savait que sa mort provenait de la volonté de Dieu. Le feu mis au bûcher couva quelques moments, puis éclata tout à coup avec violence et l’on entendit le martyr prononcer à plusieurs reprises le nom deJésus. Les flammes étaient écartées par un vent violent, qui prolongeait le supplice ; trois fois elles s’éloignèrent de Bilney ; trois fois elles revinrent à lui, jusqu’à ce qu’enfin le bûcher tout entier s’embrasant, il expira.

v – « Then rising up, he kissed it and embraced it. » (Fox, Arts, IV, p. 655, note.)

w – « It was not they. » (Latimer’s Remains, p. 655.)

Il se fit après cette mort une révolution étrange dans les esprits ; on louait Bilney, et ses persécuteurs même proclamaient ses vertus. « Mère de Christ ! » s’écria l’évêque de Norwich (c’était son jurement habituel), je crains d’avoir brûlé Abel et laissé aller Caïn ! » Latimer fut inconsolable ; près de vingt ans plus tard, il pleurait encore son ami, et prêchant un jour devant le roi Edouard, il rappelait que Bilney faisait toujours du bien, même à ses adversairesx ; il l’appelait le bienheureux martyr de Dieu. »

x – « And toward his ennemy so charitable. » (Latimer’s Remains, p. 330.)

Une mort n’était pas assez pour les ennemis de la Réformation. Stokesley, Lee, Gardiner et d’autres prêtres et prélats se sentant coupables envers Rome, qu’ils avaient sacrifiée à leur ambition personnelle, voulaient expier leurs fautes en immolant les réformateurs. Voyant sous leurs pas un abîme fatal, creusé au pontife romain par leur infidélité, ils voulaient le combler avec des cadavres. La persécution continua.

Dans les souterrains de l’évêque de Londres se trouvait alors un pieux évangéliste. Il y était debout ; des chaînes l’attachaient à la muraille par le cou, par la ceinture et par les jambes. On permettait d’ordinaire aux plus coupables prisonniers de s’asseoir, et même de se coucher par terre ; mais pour celui-ci, jamais de tel repos. C’était Richard Bayfield, coupable d’avoir transporté du continent en Angleterre, un grand nombre de Nouveaux Testaments, traduits par Tyndaley. Un de ses geôliers lui ayant appris le martyre de Bilney : « Moi aussi s’écria Bayfield, et des centaines d’hommes avec moi, nous mourrons pour la foi qu’il a confessée. » Peu après, il parut devant la cour épiscopale : « Dans quel but, lui dit Stokesley, avez-vous apporté dans le royaume les erreurs de Luther, d’Œcolampade, le grand hérétique, et autres de cette damnable secte ? — Pour faire connaître l’Évangile, répondit Bayfield, et glorifier Dieu devant ce peuplez. » En conséquence l’évêque l’ayant condamné, puis dégradé, somma le maire et les schérifs de Londres, par les entrailles de Jésus-Christa » (osa-t-il dire), de faire à Bayfield selon la louable coutume du fameux royaume d’Angleterre. — O prêtres ! dit l’évangéliste, comme saisi par l’Esprit de Dieu, ce n’est pas assez que votre vie soit mauvaise, vous vous opposez encore à ce que la vie selon l’Évangile se répande parmi le peuple. » L’évêque saisit sa crosse et en frappa si violemment Bayfield sur la poitrine, qu’il tomba en arrière et s’évanouitb. Peu à peu il se ranima et dit en revenant à lui : « Je rends grâces à Dieu, de ce que je suis délivré de la méchante Église de l’Antichrist et vais être membre de la véritable, qui triomphe dans les cieux. » Il monta sur le bûcher ; les flammes ne le touchant que d’un côté, consumèrent son bras gauche. Bayfield le détacha de son corps avec la main droite, et le bras tomba. Péri après il cessa de prier, parce qu’il avait cessé de vivre.

yHistoire de la Réformation du seizième siècle, tome V, 20.15.

z – « To the intent that the Gospel of Christ might be set forward. » (Fox, Acts, IV, p. 683.)

a – « In the bowels of Jesus-Christ. » (Ibid., p. 687.)

b – « He took his crosier staff and smote him on the breast. » (Ibid., p. 687.)

Un des marchands les plus considérés de Londres, John Tewkesbury, que les évêques avaient mis déjà une fois au chevalet, auquel ils avaient ainsi brisé les membresc, sentit son courage ranimé par le bûcher de son ami. Christ seul ! disait-il habituellement ; ces deux mots formaient toute sa théologie. Il fut saisi, conduit à Chelsea chez Thomas More, enfermé dans la loge du portier, et ses mains, ses pieds et sa tête furent placés dans des cepsd, mais on ne put obtenir de lui la rétractation qu’on demandait. Alors les sergents le conduisirent dans le jardin du chancelier et l’attachèrent à l’arbre de vérité, comme l’appelait le célèbre humaniste ; ils serrèrent même tellement les cordes que le sang lui jaillit des yeuxe ; puis ils le fouettèrent. Tewkesbury demeura ferme.

d – « Hand, foot and head in the stocks. » (Fox, Acts, IV, p. 689.)

e – « And also twisted in his brows with small ropes so that the blood started out of his eyes. » (Ibid.)

Le 16 décembre l’évêque de Londres arriva à Chelsea et la cour se forma. « Tu es un hérétique, lui dit Stokesley, un relaps ; tu as encouru la grande excommunication. Nous te livrons au pouvoir séculier. » Il fut brûlé vif à Smithfield, le 20 décembre 1531. « Maintenant, dit le fanatique chancelier, il pousse des cris dans l’enfer ! »

Telles étaient à cette époque les cruelles utopies des évêques et de l’aimable Thomas More. D’autres chrétiens évangéliques furent encore jetés en prison. En vain l’un deux s’écriait-il : « Plus on persécutera cette secte, plus on la verra s’accroîtref ; » cet avis n’arrêta pas la persécution. « Impossible, dit Fox (avec exagération sans doute) de nommer tous ceux qui furent persécutés avant les temps de la reine Anne Boleyn. Voulez-vous que je compte les grains de sable qui couvrent le rivage de la mer… ? »

f – « It will cause the sect to wax greater. » (Cotton, msc. Bibl. Ann., I, p. 810.)

C’est ainsi que la vraie réformation montrait par le sang de ses martyrs, qu’elle n’avait rien à faire avec la politique, la tyrannie, les intrigues et le divorce de Henri VIII. Si tous ces hommes de Dieu n’avaient pas été brûlés par ce prince, on eût pu s’imaginer peut-être qu’il avait été l’auteur de la transformation de l’Angleterre ; mais le sang de ces réformateurs criait jusqu’au ciel qu’il en était le bourreau.

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