Histoire de la Réformation du seizième siècle

13.4

Édit d’Ofen – Libéralisme de Luther – Winckler tué. Martyre de Fletsted – Charpentier – Kayser – Effroi du peuple – Othon de Pack – Fraude de Pack – Le Landgrave à Dresde – Le document – Alliance avec l’Électeur – Ligue évangélique – Conseil pacifique des Réformateurs – Parti mitoyen pris par l’Électeur – Surprise des princes papistes – L’opinion publique – Dangers et force de la Réforme

Ces triomphes de l’Evangile ne pouvaient passer inaperçus ; il y eut une réaction puissante ; et en attendant que les circonstances politiques permissent d’attaquer en grand la Réforme sur le sol même où elle s’était établie, et de la poursuivre par des diètes, et, s’il le fallait, avec des armées, on se mit à la persécuter en détail dans les pays romains, avec des tortures et des échafauds.

Dès le 20 août 1627, le roi Ferdinand, dans un édit d’Ofen en Hongrie, établit un tarif de crimes et de peines dont voici un échantillon :

Crimes. Châtiments
Manque d’aller à confesse. Prison, amende.
Parler contre le purgatoire. Bannissement.
Parler contre les saints. Prison, bannissement et autres peines.
Dire que Marie a été une femme comme une autre. Châtiment corporel, confiscation ou mort.
Prendre la sainte cène à la manière hérétique. De même ; de plus, la maison où la cène a eu lieu confisquée ou à jamais rasée.
Consacrer le sacrement sans être prêtre romain. Mort par le glaive, par l’eau ou par le feua.
Nier la divinité ou l’humanité du Christ. Mort par le feu.

a – Die sollen mit dem Feuer, Schwerdt oder Wasser gestrafft werden. (Ferd. Mandat, L. Opp., XIX, p. 596.)

Telle n’était pas la législation de Luther. Link lui ayant demandé s’il était permis au magistrat de mettre à mort les faux prophètes, entendant par là les sacramentaires dont Luther attaquait la doctrine avec tant de forceb, le Réformateur lui répondit : « Je suis lent quand il y va de la vie, même si l’on est grandement coupablec ; je ne puis aucunement admettre que les faux docteurs soient mis à mortd ; il suffit de les éloigner. » Depuis des siècles l’Église romaine se baignait dans le sang : Luther fut le premier à professer les grands principes d’humanité et de liberté religieuse. Sans doute ils ne devaient pas être aussitôt admis par tous les protestants ; les restes de papisme ne pouvaient s’extirper d’un seul coup, les racines en étaient trop profondes ; mais Luther jeta son pain sur la surface des eaux, et avec le temps on l’a retrouvée.

b – Contra hostes sacramentarios strenue nobiscum certare. (Ad Lenkium, 14 juillet 1528.)

c – Ego ad judicium sanguinis tardus sum, etiam ubi meritum abundat. (Ibid.)

d – Nullo modo possum admittere falsos doctores occidi. (Ibid.)

e – Eccl.11.1

On avait quelquefois recours contre la Réforme à des voies plus expéditives que l’échafaud même. George Winckler, pasteur de Halle, ayant été cité devant l’archevêque Albert à Aschaffenbourg, au printemps 1527, pour avoir distribué la cène sous les deux espèces, avait été renvoyé absous par ce prélat, au grand désappointement des chanoines. Le ministre, monté sur le cheval du fou de cour du prince-cardinal, qu’on lui avait prêté par ironie peut-être, retournait chez lui en suivant un chemin inusité, au milieu des bois, quand des cavaliers se jetèrent sur lui, l’assassinèrent sans rien lui prendre, et s’enfuirent par des chemins non frayésf. « Le monde, s’écria Luther, est une caverne d’assassins sous le commandement du Diable, une auberge dont l’hôte est un brigand, et qui porte cette enseigne : Au mensonge et au meurtre ; et il n’est personne qu’on y égorge plus volontiers que ceux qui y annoncent Jésus-Christ. »

f – Mox enim ut interfecerunt, aufugerunt per avia loca, nihil prædæ aut pecuniæ capientes. (Cochl. p. 152.)

Bientôt la persécution se déchaîna ouvertement sur le Brandebourg, la Souabe et les bords du Rhin. « Cologne ! Cologne ! s’écriait le martyr Fletsted, en marchant au supplice dans les rues de cette ville, pourquoi persécutes-tu la parole de Dieu ? Il y a un nuage dans les airs qui crèvera bientôt sur toi avec furie. » Puis, le bourreau l’ayant fait entrer dans une maisonnette faite de bois et de paille, et l’ayant fait asseoir nu, sur un bloc, à côté de son frère Clarenback, déjà étranglé par les chaînes de fer qu’on lui avait serrées autour du cou, Fletsted s’écria : « Frère, le Seigneur t’a été propice… et moi je te suis. » Alors le feu ayant été mis à cette maison de mort, le martyr mourut étouffég.

g – Les martyrs de Rabuz, II, 243, 249 ; et de Crespin, p. 101.

A Munich, George Charpentier était conduit à l’échafaud pour avoir nié que le baptême d’eau puisse sauver l’homme par sa vertu. Quand vous serez jeté dans le feu, lui dirent quelques-uns de ses frères, donnez-nous un signe auquel nous reconnaissions que vous persistez en la foi. — Tant que je pourrai ouvrir la bouche, répondit-il, je confesserai le nom de Jésush. » Les bourreaux l’étendirent sur une échelle, lui lièrent un sachet de poudre à canon autour du cou, puis le lancèrent dans les flammes. Aussitôt Charpentier cria : « Jésus ! Jésus ! » et le bourreau l’ayant tourné et retourné avec des crochets, le martyr répéta encore à plusieurs reprises : « Jésus ! » et rendit l’âme.

h – Dum os aperire licebit, servatoris nostri nomen profiteri nunquam intermittam. (Scultet. 2, p. 110.)

A Landsberg, neuf hommes furent jetés dans le feu, et à Munich vingt-neuf dans les eaux. A Schærding, Léonard Kayser, disciple et ami de Luther, condamné par l’évêque de Passau, eut la tête rasée, et, revêtu d’une souquenille, fut placé sur un cheval. Alors les bourreaux s’étant mis à jurer parce qu’ils ne pouvaient démêler les liens dont ils voulaient l’enchaîner : « Chers amis, leur dit-il avec douceur, vos liens ne sont pas nécessaires : Christ, mon Seigneur, m’a déjà lié. » Arrivé près du bûcher, Kayser regarda la foule, et s’écria : « Voilà la moisson ; ô maître, envoie tes ouvriers ! » Ensuite il monta sur l’échafaud, et dit : « O Jésus ! je suis à toi, sauve-moi ! » Ce furent ses dernières parolesi. « Qui suis-je, moi verbeux diseur, s’écria Luther en apprenant cette « mort, à côté de ce grand faiseurj ? »

i – Incenso jam igne, clara voce proclamavit : Tuus sum, Jesu! Salva me!

j – Seckend. 2, p. 85. Tam impar verbosus prædicator, illi tam potenti verbi operator. (L. Epp. 3, p. 1214.)

Ainsi la Réformation manifestait par des œuvres éclatantes la vérité qu’elle était venue rétablir : savoir, que la foi n’est pas, comme Rome le prétend, une connaissance historique, vaine, mortek, mais une foi vivante, l’œuvre de l’Esprit-Saint, le canal par lequel Christ remplit le cœur de nouveaux désirs et de nouvelles affections, le culte véritable du Dieu vivant.

k – Si quis dixerit fidem non esse veram fidem, licet non fit viva, aut eum qui fidem sine charitate habet, non esse christianum, anathema sit. (Conc. Frid. Sess. 6, p. 28.)

Ces martyres remplirent l’Allemagne d’horreur, et de sinistres prévisions descendirent des trônes dans les rangs du peuple. Au foyer domestique, dans les soirées d’hiver, il n’était question que de prisons, de tortures, d’échafauds, de martyres ; et le moindre craquement faisait trembler les femmes, les enfants, les vieillards. Ces récits grossissaient de bouche en bouche ; le bruit d’une conspiration universelle contre l’Evangile se répandait dans tout l’Empire. Les adversaires, profitant de cette terreur, annonçaient d’un air mystérieux qu’il fallait s’attendre, dans cette année (1528), à quelque mesure décisive contre la Réformel. Un misérable résolut de profiter de cet état des esprits pour satisfaire son avarice.

l – Nescio quid mirari quod hoc anno contra reformationem expectandum sit. (Seckend. 2, p. 101.)

Nuls coups ne sont plus terribles pour une cause, que ceux qu’elle se porte à elle-même. La Réformation, atteinte d’un vertige, fut alors sur le point de se détruire. Il y a un esprit d’erreur qui conspire contre la cause de la vérité, séduisant par la rusem. La Réformation allait éprouver ses atteintes et chanceler sous l’attaque la plus redoutable, le trouble des pensées et l’éloignement des voies de la sagesse et de la vérité.

m – 2Cor.11.3.

Othon de Pack, vice-chancelier du duc George de Saxe, était un homme adroit et dissipateurn, qui tirait parti de sa place, et recourait, pour avoir de l’argent, à toutes sortes de pratiques. Le Duc l’ayant une fois envoyé à la diète de Nuremberg comme son représentant, l’évêque de Mersebourg le chargea de sa contribution pour le gouvernement impérial. Cet argent ayant été plus tard réclamé de l’Évêque, Pack déclara l’avoir remis à un bourgeois de Nuremberg, dont il exhiba la signature et le sceau. Cet acte était faux ; Pack lui-même en était l’auteuro. Cependant ce malheureux paya d’effronterie ; et n’ayant pu être convaincu, il ne perdit pas la confiance de son maître. Bientôt il trouva l’occasion d’exercer plus en grand son talent criminel.

n – Homo erat versutus, et præterea prodigus, quo vitio ad alia inductus est. (Seckend. 2, p. 94.)

o – Il se trouve dans les archives de Dresde.

Nul n’avait plus de soupçons à l’égard des Papistes que le landgrave de Hesse. Jeune, susceptible, inquiet, il prêtait sans cesse l’oreille. Or, en février 1528, Pack se trouvant à Cassel pour assister Philippe dans une affaire difficile, le Landgrave lui fit connaître ses craintes. Si quelqu’un devait avoir aperçu quelque chose des projets des Papistes, c’était le vice-chancelier du plus grand ennemi de la Réforme. L’astucieux Pack poussa un soupir, baissa les yeux, et se tut. Aussitôt Philippe, inquiet, le pressa, et lui promit de ne rien faire qui fût nuisible au Duc. Alors Pack, comme s’il se fût laissé arracher à regret un secret important, avoua que la ligue contre les Luthériens avait été conclue à Breslau le mercredi après le dimanche de Jubilate, 12 mai 1527 ; et il s’engagea à procurer l’original de cet acte au Landgrave, qui lui assura pour ce service une rémunération de 10 000 florins. C’était la plus belle affaire que ce malheureux eût jamais faite ; mais aussi elle n’allait à rien moins qu’à renverser l’Empire de fond en comble.

Le Landgrave était hors de lui. Il se contint cependant, voulant, avant que d’informer ses alliés, avoir vu de ses propres yeux. Il se rendit donc à Dresde. « Je ne puis, lui dit Pack, vous fournir l’original ; le Duc le porte toujours avec lui, pour le faire lire à d’autres princes, qu’il se propose de gagner. Il l’a montré naguère à Leipzig au duc Henri de Brunswick. Mais voici une copie faite par ordre de son altesse. » Le Landgrave prit le document, qui portait toutes les marques de la plus parfaite authenticité. Le cordon de soie noire le traversait, et était fixé aux deux extrémités par le sceau de la chancellerie ducalep. Au-dessus se trouvait l’empreinte de l’anneau que le duc George portait toujours à la main, avec les trois écussons que Philippe avait vus si souvent, en haut le crancelin, en bas les deux lions. Il n’a plus de doute sur l’authenticité du document. Mais que dire de l’indignation du Landgrave en lisant cet acte coupable ? Le roi Ferdinand, les électeurs de Mayence et de Brandebourg, le duc George de Saxe, les ducs de Bavière, les évêques de Salzbourg, Wurtzbourg et Bamberg, se coalisent pour sommer l’électeur de Saxe de leur livrer l’archi-hérétique Luther, tous les prêtres, moines et nonnes apostats, et de rétablir l’ancien culte. A défaut, on envahira ses États, et on en dépossédera à jamais ce prince et ses descendants. La même mesure devra ensuite être appliquée au Landgrave. Seulement (« c’est votre beau-père, dit-on à Philippe, qui a fait insérer cette clause) ses États lui seront rendus, vu sa jeunesse, s’il se réconcilie pleinement avec la sainte Église. » Le document fixait de plus le contingent d’hommes et d’argent des confédérés, et la part qu’ils auraient aux dépouilles des deux princes hérétiquesq.

p – Cui filum sericum circumligatum, et sigillum cancellaviæ impressum erat. (Seck. 2, p. 4.)

q – Hortleber, De Bello Germanico. 2, p. 579.

Plusieurs circonstances semblaient confirmer l’authenticité de cet acte. Ferdinand, Joachim de Brandebourg et George de Saxe s’étaient, en effet, trouvés réunis, le jour indiqué, à Breslau, et un prince évangélique, le margrave George, avait vu Joachim sortir de la chambre de Ferdinand, en tenant à la main un grand parchemin muni de plusieurs sceaux. Le Landgrave, ému, fit prendre copie de l’acte, promit pour le moment le secret, remit à Pack 4 000 florins, et s’engagea à lui payer le reste de la somme convenue, s’il lui procurait l’original. Puis, voulant conjurer l’orage, il courut à Weimar faire part à l’Électeur de cette trame inouïe.

« J’ai vu, dit-il à Jean et à son fils ; il y a plus, j’ai eu entre les mains un exemplaire de cet horrible traité. Les sceaux, les signatures, rien n’y manquer. En voici la copie, et je m’engage à mettre sous vos yeux l’original. Le danger le plus affreux nous menace, nous, nos fidèles sujets, et la parole de Dieu. »

r – Num is affirmabat se archetypon vidisse, commemorabat σφραγίδας. (Corp. Ref. 1, p. 986.)

L’Electeur n’avait aucune raison de douter du récit que le Landgrave venait de lui faire. Il fut étourdi, confondu, entraîné. Les mesures les plus promptes pouvaient seules éloigner des désastres inouïs ; il fallait risquer tout pour échapper à une perte certaine. L’impétueux Philippe lançait feu et flammes ; son plan de défense était tout préparé ; il le présenta, et, dans le premier moment de consternation, il emporta d’assaut le consentement de son allié. Le 9 mars 1528, les deux princes convinrent de faire usage de toutes leurs forces pour se défendre, et même de prendre l’offensive ; et de sacrifier leur vie, leur honneur, leur rang, leurs sujets, leurs Etats, pour sauver la parole de Dieu. Les ducs de Prusse, de Mecklembourg, de Lunebourg, de Poméranie, les rois de Pologne, de Danemark, le margrave de Brandebourg, devaient être invités à entrer dans cette alliance. Six cent mille florins étaient destinés aux frais de la guerre. Pour se les procurer, on ferait des emprunts, on engagerait des villes, et l’on vendrait les joyaux des églisest. Déjà on levait une puissante arméeu. Le Landgrave partit lui-même pour Nuremberg et pour Anspach. L’épouvante était générale dans ces contrées ; la commotion se faisait sentir dans toute l’Allemagnev, et même au dehors. Jean Zapoly, roi de Hongrie, alors réfugié à Cracovie, promit 100 000 florins pour lever une armée, et 20 000 florins par mois pour la solder. Ainsi l’esprit de ténèbres et d’erreur faisait perdre la tête aux princes. S’il entraînait aussi les Réformateurs, la ruine de la Réforme n’était pas éloignée.

s – Mirabiliter incensus erat. (Ibid.)

t – Venditisque templorum donariis. (Seckend. 2, p. 95.)

u – Magno studio validum comparaverunt ambo exercitum. (Cochlœus, p. 171.)

v – Non leviter commotos esse nostrorum animos. (Corp. Ref. 2, p. 986.)

Mais Dieu veillait sur son œuvre. Appuyés sur le rocher de la Parole, Mélanchton et Luther répondirent : Il est écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu. Dès que ces deux hommes, que le danger menaçait, car c’était eux que l’on devait livrer à la puissance papale, virent le jeune Landgrave tirer son glaive, et le vieil Electeur lui-même porter la main à la poignée, ils poussèrent un cri d’alarme, et ce cri, entendu dans le ciel, sauva la Réforme.

Luther, Mélanchton, Poméranus firent aussitôt parvenir à l’Électeur l’avis suivant : « Que l’attaque ne vienne point de notre côté, et que le sang ne coule pas par notre faute. Attendons l’ennemi, et cherchons la paix. Envoyons une ambassade à l’Empereur pour lui faire connaître ces complots odieux. »

C’est ainsi que la foi des enfants de Dieu, si méprisée des politiques du monde, les conduisait droitement, alors que les diplomates s’égaraient.

L’Électeur et son fils, se rangeant à l’avis des Réformateurs, déclarèrent au Landgrave qu’ils ne prendraient pas l’offensive. Philippe fut consterné. « Les préparatifs des Papistes ne valent-ils pas une attaquew ? s’écria-t-il. Quoi ! nous menacerons de la guerre, et nous ne la ferons pas ! Nous enflammerons la haine de nos adversaires, et nous leur laisserons le temps de préparer leurs forces ! Non, non ; en avant ! c’est ainsi que nous nous assurerons une paix honorable. — Si le Landgrave veut commencer la guerre, répondit le Réformateur, l’Électeur n’est pas obligé d’observer le traité ; car il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Dieu et le droit sont au-dessus de toute alliance. Gardons-nous de peindre le Diable sur notre porte, et de le prendre pour compèrex. Mais si le Landgrave est attaqué, l’Électeur doit lui venir en aide, car Dieu veut que l’on garde sa foi. »

w – Landgravius præparamenta adversariorum pro aggressione habebat. (Seck. 2, p. 95.)

x – Man darf den Teufel nicht uber die Thur malen, noch ihn zu gevattern bitten. (L. Epp. 3, p. 321.)

Ce conseil que donnaient les Réformateurs était désintéressé. Jamais homme condamné à la question n’endura un supplice semblable au leur ; aux craintes que leur inspirait le Landgrave succédaient celles que leur causaient les princes ultramontains. Ce rude exercice les laissait tout meurtris. « Je suis consumé de douleur, disait Mélanchton, et ces angoisses me mettent à la plus horrible torturey. L’issue, ajoutait-il, ne se trouvera qu’à genoux et devant Dieuz. »

y – Curæ vehementer cruciarunt. (Corp. Ref. 1, p. 985.)

zἘν γούνασι Θεοῦ. (Ib. 988)

Enfin l’Électeur, tiré en sens contraire par les théologiens et les politiques, prit un parti mitoyen ; il résolut de rassembler son armée, mais seulement, dit-il, pour obtenir la paix. « Hélas ! s’écria Mélanchton, le pilote doit suivre, non la route qu’il croit être la plus droite, mais celle que les vents lui permettent de prendrea. » Philippe de Hesse se rendit de même, et envoya aussitôt des copies du fameux traité au duc George, au duc de Bavière et aux représentants de l’Empereur, en leur demandant de renoncer à de si cruels desseins. « J’aimerais mieux, écrivait-il à son beau-père, me voir couper un membre, que de vous savoir dans une telle alliance. »

a – Gubernatori cursus tenendus est quem sinunt vend, non quem rectissimum esse novit. (Ib., 387.)

On ne saurait décrire la surprise des cours d’Allemagne à la lecture de ce document. Le duc George répondit aussitôt au Landgrave qu’il s’était laissé tromper par d’impertinentes sottises ; que celui qui prétendait avoir vu l’original de cet acte était un infâme menteur et un désespéré fripon ; et qu’il sommait le Landgrave de le lui faire connaître, sans quoi on pourrait bien le croire lui-même l’inventeur de cette fable insolente. Le roi Ferdinand, l’électeur de Brandebourg, tous les prétendus conjurés, parlèrent de même.

Philippe de Hesse reconnut qu’il avait été trompéb ; sa honte ne peut se comparer qu’à sa colère. Il avait donc justifié lui-même l’accusation de ses adversaires qui l’appelaient un jeune écervelé, et avait compromis au plus haut degré la cause de la Réforme et celle de son peuple. « Si cela n’était pas arrivé, dit-il plus tard, cela n’arriverait plus maintenant. Je n’ai rien fait dans toute ma vie qui m’ait causé plus de chagrin. »

b – Wir fuhlten dass wir betrogen waren. (Hortleber, 4, p. 567.)

Pack, épouvanté, s’enfuit auprès du Landgrave, qui le fit arrêter ; et des envoyés des divers princes que ce malheureux avait compromis s’étant réunis à Cassel, l’on procéda à son interrogatoire. Il prétendit que l’acte original de l’alliance avait vraiment existé dans les archives de Dresde. L’année suivante, le Landgrave le chassa de la Hesse, montrant ainsi qu’il ne le craignait pas ; et plus tard, Pack, découvert en Belgique, fut, sur la demande du duc George, toujours impitoyable à son égard, saisi, mis à la question, et enfin décapité.

Le Landgrave ne voulut pas avoir pris inutilement les armes. L’archevêque-électeur de Mayence dut, le 11 juin 1528, renoncer, dans le camp de Herzkirchen, à toute juridiction spirituelle sur la Saxe et la Hessec. Ce n’était pas un petit avantage.

c – Kopp. Hess. Gerichts. Verf. 1, p. 107.

L’opinion publique fit aussi ses réserves. A peine avait-on posé les armes, que Luther prit la plume et commença une autre guerre. « Que les princes impies nient cette alliance tant qu’ils voudront, écrivit-il à Link, je sais de science certaine qu’elle n’est pas une chimère. Sangsues insatiables, ils ne se donneront aucun repos qu’ils ne voient toute l’Allemagne baignée dans son sangd. » La pensée de Luther fut celle à laquelle on s’arrêta généralement. « Le document présenté au Landgrave peut être, dit-on, de l’invention de Pack ; mais tout cet échafaudage de mensonges repose sur quelque vérité. Si l’alliance n’a pas été conclue, elle a été conçuee. » Cette affaire eut de tristes effets. Elle souffla la division dans le sein de la Réforme, et attisa la haine entre les deux partisf. Les étincelles des bûchers de Kayser, de Winckler, de Charpentier et de tant d’autres martyrs, accrurent encore le feu qui menaçait d’embraser l’Empire. C’est dans des circonstances si critiques, et avec des dispositions si menaçantes, que s’ouvrit la fameuse diète de Spire, en mars 1529. L’Empire et la Papauté s’apprêtaient réellement à anéantir la Réformation, mais d’une autre manière que Pack ne l’avait prétendu. Il restait à savoir s’il se trouverait dans l’Église renouvelée plus de force vitale qu’il n’y en avait eu dans tant de sectes que Rome avait facilement étouffées. Heureusement que la foi avait grandi, et que la constitution donnée à l’Église avait prêté plus de force à ses adhérents. Tous étaient décidés à défendre une doctrine si pure, et un ordre ecclésiastique si supérieur à celui de la Papauté. Pendant trois années de calme, l’arbre évangélique avait poussé de profondes racines, et si l’orage venait à fondre, il pouvait maintenant le braver.

d – Sanguisugæ insatiabiles quiescere nolunt, nisi Germaniam sanguine madere sentiant. (14 juin 1528.)

e – Non enim prorsus confecta res. (C. R., I, 988.)

f – Hæc minæ apud inimicos odia auxerint. (Ibid. 985.)

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