Histoire de la Réformation du seizième siècle

14.9

La Réfutation – Charles la rejette – Entrevue avec les princes protestants – Les Suisses – La tétrapolitaine – Confession de Zwingle – Divisions – Exclusion de l’Électeur – Le choix de l’Électeur – Sa réponse – Nouvelle réfutation – Une concession – L’Écriture et la hiérarchie – Ordre de Charles – Mélanchthon et le nonce – Résolution de l’Empereur – La réfutation offerte et refusée – Nouvelle période – La violence – Le consistoire – Recours à Dieu – Deux miracles – Jean le Persévérant et les princes – Essais de séduction – Pantomime – Les spectres – La nuit du 6 août

La commission, chargée de réfuter la Confession, s’assemblait deux fois par joura, et chacun des théologiens qui la composaient y apportait ses réfutations et ses haines.

a – Bis die convenire dicuntur. (Zw. Epp. 2, p. 472.)

Le 13 juillet, l’ouvrage étant achevé, Eck, avec sa bande, » dit Mélauchtonb, le remit à l’Empereur. Quel fut l’étonnement de ce prince, en voyant un écrit de deux cent quatre-vingts pages rempli d’injuresc ! « Les mauvais charpentiers perdent beaucoup de bois, dit Luther, et les écrivains impies salissent beaucoup de papier. » Ce n’était pas tout : on avait joint à la réfutation huit appendices sur les hérésies que Mélanchthon avait dissimulées, disait-on, et l’on y exposait les contradictions et « les horribles sectes » que le luthéranisme avait enfantées. Enfin, ne se bornant pas à cette réponse officielle, les théologiens romains, qui voyaient luire sur eux le soleil du pouvoir, remplissaient Augsbourg de pamphlets outrageux.

b – Eccius cum sua commanipulatione. (Corp. Ref. 2, p. 193.)

c – Longum et plenum conviciis scriptum. (Ibid.)

Il n’y eut qu’un sentiment sur la réfutation papiste : on la trouva confuse, violente, avide de sangd. Charles-Quint avait trop de goût pour ne pas sentir la différence qu’il y avait entre le ton grossier de cet écrit et la noble dignité de la Confession de Mélanchthon. Il roula, mania, froissa, endommagea tellement les nombreuses feuilles de ses docteurs, que, quand il les leur rendit deux jours après, il n’y en avait plus que douze qui fussent restées entières, dit Spalatin. Charles aurait eu honte de faire lire en diète un tel mémoire, et demanda, en conséquence, une nouvelle rédaction, plus courte et plus modéréee. Cela n’était pas facile ; car les adversaires, confus et stupéfaits, dit Brentz, de la noble simplicité de la Confession évangélique, ne savaient ni par où commencer ni par où finir ; aussi mirent-ils près de trois semaines à refaire leur travailf.

d – Adeo confusa, incondita, violenta, sanguinolenta et crudelis ut puduerunt. (Ibid.)

e – Hodie auctoribus ipsis Sophistis, a Cæsare rursus esse redditam ut emendetur et civilius componatur. — Lenius respondendum. (Coch., p. 194.)

f – Nostra confessioneita stupidos, attonitos, et confusos. (Corp. Ref. 2, p. 198.)

Charles et ses ministres doutaient fort de la réussite ; c’est pourquoi, laissant pour le moment les théologiens, on imagina une autre manœuvre. « Prenons à partie chacun des princes protestants, se dit-on ; isolés, ils ne résisteront pas. » En conséquence, le 15 juillet, le margrave de Brandebourg vit arriver chez lui ses deux cousins, les électeurs de Mayence et de Brandebourg, et ses deux frères, les margraves Frédéric et Jean-Albert. Abandonnez cette nouvelle foi, lui dirent-ils, et revenez à celle qui existait il y a un siècle. Si vous le faites, il n’y a pas de faveurs que vous ne deviez attendre de l’Empereur ; sinon, redoutez sa colèreg. »

g – C. R., II, p. 206. F. Urkundenbuch, II, p. 93.

Le 16 juillet, le duc Frédéric de Bavière, le comte de Nassau, les sieurs de Rogendorf et de Truchsès, se firent annoncer chez l’électeur de Saxe, de la part de Charles. « Vous avez sollicité de l’Empereur, lui dirent-ils, de confirmer le mariage de votre fils avec la princesse de Juliers, et de vous conférer l’investiture de la dignité électorale ; mais Sa Majesté vous déclare que si vous ne renoncez pas à l’hérésie de Luther, dont vous êtes le principal fauteur, elle ne vous accordera point vos demandes. » En même temps, le duc de Bavière, recourant aux instances les plus pressantes, accompagnées des gestes les plus animésh et des menaces les plus sinistresi, somma l’Électeur d’abandonner sa foi. « On assure, ajoutèrent les envoyés de Charles, que vous avez fait alliance avec les Suisses. L’Empereur ne peut le croire, mais il vous ordonne de lui faire connaître la vérité. »

h – Mit reden und Gebehrden prachtig erzeigt. (Ibid. 207.)

i – Minas diras promissis ingentibus adjiciens. (Zw. Epp. 2, p. 484.)

Les Suisses ! c’était dire la révolte. Cette alliance était le fantôme qu’on invoquait sans cesse à Augsbourg, pour épouvanter Charles-Quint. Et en effet, déjà des députés, ou du moins des amis des Suisses, paraissaient à Augsbourg, et rendaient ainsi la position toujours plus grave.

Bucer était arrivé deux jours avant la confession, et Capiton le jour qui l’avait suiviej ; il était même question que Zwingle se joignît à euxk. Tout Augsbourg, sauf les députés strasbourgeois, avait ignoré la présence de ces docteursl. Ce ne fut que vingt et un jours après leur arrivée que Mélanchthon l’appritm définitivement, tant était grand le mystère dont les Zwingliens devaient s’entourer. Ce n’était pas sans raison : une conférence ayant été demandée par eux à Mélanchthon : « Qu’ils écrivent, répondit-il ; je compromettrais notre cause en m’abouchant avec eux. »

j – Venimus huc, ego pridie solemnitatis Divi Johannis, Capito die dominica sequente. (Ibid. 472.)

k – Rumor apud nos est, et te cum tuis Helvetiis comitia advolaturum. (Ibid. 431, 467.)

l – Ita latent ut non quibuslibet sui copiam faciant. (Corp. Ref. P. 196.)

m – Capito et Bucerus adsunt. Id hodie certo comperi. Ibid. Cinglianæ civitates propriam Confessionem obtulerunt Cæsari. (Corp. Ref. P. 187.)

Bucer et Capiton, dans leur retraite, avaient mis leur temps à profit pour composer la Confession tétrapolitaine ou des quatre villes. Les députés de Strasbourg, de Constance, de Memmingen et de Lindau la présentèrent à l’Empereurn. Ces villes s’y purgeaient du reproche de guerre et de révolte qu’on leur faisait souvent ; elles déclaraient que leur seul motif était la gloire de Christ, et professaient la vérité librement, courageusement, mais sans insolence et sans moquerieo. »

n – Cinglianæ civitates propriam confessionem obtulerunt Caesari. (C. R., II, p. 187.) — Cette confession se trouve dans Niemeyer, Collectio Confessionum, p. 740.)

o – Ingenue ac fortiter ; citra procaciam tamen et sannas, id fateri et dicere quod res est. (Zw. Epp. 2, p. 485.)

Zwingle fit parvenir en même temps à Charles-Quint une confession particulièrep, qui excita une rumeur universelle. « N’ose-t-il pas y dire, s’écriaient les Romains, que l’espèce mitrée et échalassée (par où il entend les évêques) est dans l’Église ce que les bosses et les écrouelles sont dans le corpsq ! — N’insinue-t-il pas, disaient les Luthériens, que nous commençons à regarder en arrière, après les oignons et les aulx de l’Egypte ! » — On dirait tout simplement qu’il a perdu la tête, s’écriait Mélanchtonr. Toutes les cérémonies, selon lui, doivent être abolies ; tous les évêques doivent être supprimés : en un mot, le tout est parfaitement helvétique, c’est-à-dire, souverainement barbare. »

p – Voyez Niemeyer, Collectio Confessionum, p. 16.

q – Pedatum et mitratum genus Episcoporum. Id esset in Ecclesia, quod gibbi et strumata in corpore. (Ibid.) Zwingle compare les évêques aux échalas secs et stériles qui supportent les ceps.

r – Dicas simpliciter mente captum esse. (Corp. Ref. P. 193.)

Un seul homme fit exception dans ce concert de reproches, et ce fut Luther. « Zwingle me plaît assez, ainsi que Bucer, » écrivit-il à Jonas. Par Bucer, il entendait sans doute la Confession tétrapolitaines. Cette parole doit être remarquée.

s – Zwinglius mihi sane placet, et Bucerus. (L. Epp. 4, p. 110.)

Ainsi trois confessions, déposées aux pieds de Charles-Quint, attestaient les divisions qui déchiraient le protestantisme. En vain Bucer et Capiton insistaient-ils auprès de Mélanchthon pour qu’on cherchât à s’entendre, et lui écrivaient-ils : « Nous irons où vous voudrez, quand vous le voudrez ; nous ne prendrons avec nous que Sturm, et, si vous le désirez, nous ne le prendrons pas mêmet. » Tout était inutile. —Ce n’est pas assez qu’un Chrétien confesse Christ ; il doit aussi confesser ses frères, quand même ceux-ci seraient sous l’opprobre du monde. Celui qui vous reçoit me reçoit, » a dit le Maître ; mais les Protestants ne comprenaient pas ce devoir. « Le schisme est dans le schisme, » disaient les Romains ; et l’Empereur se flattait d’une victoire facile. « Rentrez dans l’Eglise, » leur criait-on de toutes parts. » « Cela veut dire, répondaient les Strasbourgeois, laissez-nous remettre dans votre bouche le mors avec lequel nous vous mènerons partout où il nous plairau. »

t – Veniemus quo et quando tu voles. (Corp. Ref. 2, p. 208.)

u – Una tamen omnium vox : Revertimini ad Ecclesiam. (Zw. Epp. 2, p. 484.)

Toutes ces choses affligeaient profondément l’Électeur, qui se trouvait toujours sous le poids de la demande et des menaces de Charles-Quint. L’Empereur ne lui avait pas adressé une seule fois la parolev, et l’on disait partout que son cousin George de Saxe serait proclamé électeur à sa place.

Le jour après la fête de Saint-Jacques, il y eut une grande pompe à la cour. Charles, couvert de ses vêtements impériaux, dont la valeur, disait-on, dépassait deux cent mille ducats d’or, et déployant dans toute sa personne une majesté qui imprimait le respect et la craintew, conféra à plusieurs princes l’investiture de leurs dignités ; l’Électeur seul fut exclu de ces faveurs. Bientôt on lui fit mieux comprendre encore ce qu’on lui réservait, et on lui insinua que s’il ne se soumettait pas, l’Empereur le chasserait de ses États, et le punirait du dernier châtimentx.

v – Colloquium ejus nondum frui potuisse. (Seck. 2, p. 154.)

w – Apparuit Cæsar majestate insignitus vestibus suis imperialibus. (Corp. Ref. 2, p. 242.)

x – Muller, Gesch. Der protestation, p. 715.

L’Électeur pâlit, car il ne doutait point que les choses n’en vinssent véritablement là. Comment avec son petit territoire résisterait-il à ce monarque puissant, qui avait vaincu la France et l’Italie, et qui voyait maintenant l’Allemagne à ses pieds ? Et d’ailleurs, quand il le pourrait, en aurait-il le droit ? D’affreux cauchemars poursuivaient Jean jusque dans ses rêves. Il se croyait couché sous une immense montagne, sous laquelle il se débattait péniblement tandis que son cousin George se tenait debout sur le sommet, et paraissait le braver.

Enfin Jean sortit de cette agitation. « Il faut, dit-il, que je renonce ou à Dieu ou au monde : eh bien, mon choix n’est pas douteux. C’est Dieu qui m’a fait électeur, moi qui n’en étais pas digne ; je me jette dans ses bras, et qu’il fasse de moi ce qui lui semblera bon ! » Ainsi l’Électeur, par la foi, fermait la bouche des lions, et surmontait les royaumesy.

yHébreux 11.33-34.

Toute la chrétienté évangélique avait pris part à la lutte de Jean le Persévérant : on sentait que s’il tombait à cette heure, tout tombait, et l’on s’efforçait de le soutenir. « Ne craignez point, lui criait-on de Magdebourg, car Votre Altesse se trouve sous l’étendard de Jésus-Christz. — L’Italie attend, lui écrivait-on de Venise. Si pour la gloire de Jésus-Christ il vous fallait mourir, n’ayez point de peura. » Mais c’était de plus haut que venait son courage. J'ai vu Satan tomber du ciel comme un éclair, a dit le Maîtreb. L’Électeur vit de même, dans ses songes, George tomber du haut de sa montagne, et se briser à ses côtés.

z – Unter dem Heerpannyr Jesu Christi. (Ibid. p. 131.)

a – Italos omnes expectare… Etiam si mors subeunda tibi foret ob Christi gloriam. (Corp. Ref. 2, p. 228.)

bLuc 10.18.

Une fois décidé à tout perdre, Jean, libre, heureux, tranquille, assembla ses théologiens. Ces hommes généreux voulaient sauver le prince. « Gracieux Seigneur, dit Spalatin, rappelez-vous que la parole de Dieu étant l’épée du Saint-Esprit, doit être tenue, non par le glaive séculier, mais par la main du Tout-Puissantc. — Oui, dirent tous les docteurs, nous ne voulons pas que pour nous sauver vous exposiez vos enfants, vos sujets, vos États, votre couronne… Nous nous livrerons plutôt aux mains de l’ennemi, et nous le conjurerons de se contenter de notre sangd. » Jean, touché de ces discours, se refusa pourtant à leurs instances, et répéta fermement cette parole, qui était devenue sa devise : « Je veux aussi confesser mon Sauveur ! »

c – Gottes Wort keines wegs durch weltlich Schwert. (F. Urkund. 2, p. 82.)

d – Sie wollen ihnen an ihrem Blute genugen lassen. (Ibid. 90.)

Le 21 juillet, il répondit à la menace par laquelle, cinq jours auparavant, Charles avait tâché de l’ébranler. Il prouva à l’Empereur qu’étant l’héritier légitime de son frère, on ne pouvait lui refuser l’investiture, que lui avait d’ailleurs assurée la diète de Worms. Il ajouta qu’il ne croyait pas aveuglément ce que disaient ses docteurs ; mais qu’ayant reconnu que la parole de Dieu était la base de leur enseignement, il confessait de nouveau et sans hésitation les articles de l’Apologie. Je conjure donc Votre Majesté, continua-t-il, de permettre que moi et les miens nous rendions compte à Dieu seul de ce qui concerne le salut de nos âmese. Le margrave de Brandebourg fit la même réponse. Ainsi échoua cette manœuvre habile, par laquelle on avait espéré rompre la force de la Réformation.

e – Forstemann’s Urkundenbuch, pp. 80-92, 113-119.

Six semaines s’étaient écoulées depuis la confession, et point encore de réfutation. « Les Papistes, du moment qu’ils ont ouï l’Apologie, disait-on, ont tout à coup perdu la parolef. » Enfin les théologiens romains remirent leur travail, revu et corrigé, et persuadèrent à Charles de le présenter en son propre nom. Le manteau de l’État semblait alors convenir admirablement aux allures de Rome. « Ces sycophantes, dit Mélanchton, ont voulu s’entourer de la peau du lion, pour nous paraître d’autant plus terriblesg. » Tous les États de l’Empire furent convoqués pour entendre la réfutation.

f – Papistas obmutuisse ad ipsorum Confessionem. (Cochl. P. 195.)

g – Voluerunt sycophantæ theologi λεοντῆν illam sibi circumdare, ut essent nobis formidabiliores. (Corp. Ref. P. 252.)

Le mercredi 3 août, à deux heures de l’après-midi, l’Empereur siégeait sur son trône, dans la chapelle du palais palatin, entouré de son frère et des électeurs, princes et députés. L’électeur de Saxe et ses alliés furent introduits, et le Comte-Palatin, que l’on appelait « la bouche de Charles, » leur dit : « Sa Majesté ayant remis votre confession à quelques docteurs de diverses nations, illustres par leur science, leurs mœurs et leur impartialité, a lu avec le plus grand soin leur réponse, et vous la transmet comme la sienne propre, ordonnant que tous les membres et les sujets du Saint-Empire l’acceptent d’un accord unanimeh. »

h – Velut suam suaque publica auctoritate roboratam, ab omnibus unanimi consensu acceptandam. (Urkundenbuch, II, p. 144.)

Alors Alexandre Schweiss prit le cahier, et lut la réfutation.

Le parti romain approuvait quelques articles de la confession ; il en condamnait d’autres ; et dans certains passages, moins importants, il distinguait ce qu’il fallait rejeter et ce qu’il fallait accepter.

Il cédait sur un point capital, l’opus operatum. Les Protestants ayant dit dans leur treizième article que la foi était nécessaire dans le sacrement, le parti romain y adhérait, abandonnant ainsi une erreur que la Papauté avait si vivement défendue contre Luther, dans cette même ville d’Augsbourg, par la bouche de Cajétan.

De plus, on reconnaissait comme vraiment chrétienne la doctrine évangélique sur la Trinité, sur Christ, sur le Baptême, sur les peines éternelles et sur l’origine du mal.

Mais sur tous les autres points Charles, ses princes et ses théologiens se déclaraient inébranlables. Ils soutenaient que les hommes naissent avec la crainte de Dieu, que les bonnes œuvres sont méritoires, et que ce sont elles qui justifient, mêlées avec la foi. Ils maintenaient les sept sacrements, la messe, la transsubstantiation, le retranchement de la coupe, le célibat des prêtres, l’invocation des saints, et ils niaient que l’Église fût une assemblée des saints.

Cette réfutation était habile à quelques égards, et surtout dans ce qui concernait la doctrine des œuvres et de la foi. Mais sur d’autres points, en particulier sur le retranchement de la coupe et le célibat des prêtres, les arguments étaient d’une faiblesse désespérante, et contraires aux données les plus incontestables de l’histoire.

Tandis que les Protestants s’étaient placés sur le terrain des Écritures, dont ils soutenaient l’exclusive autorité, leurs adversaires, tout en consentant à quelques réformes, maintenaient l’origine divine de la hiérarchie, et voulaient que l’on se soumît absolument à ses lois. Ainsi le caractère essentiel, qui distingue encore Rome et la Réformation, ressortait avec clarté dans cette controverse.

Parmi les auditeurs qui remplissaient la chapelle du palais palatin, se trouvait caché, au milieu des députés de Nuremberg, Joachim Camérarius, qui, pendant la lecture de Schweiss, penché sur ses tablettes, y écrivait avec soin tout ce qu’il pouvait recueillir. En même temps, d’autres Protestants parlaient entre eux, s’indignaient et ricanaient même, à ce qu’assure l’un de leurs adversairesi. « Vraiment, disaient-ils d’un commun accord, toute cette réfutation est digne d’Eck, de Faber et de Cochlée ! »

i – Multi e Lutheranis inepte cachinnabantur. (Cochlœus, 5, p. 895.)

Quant à Charles-Quint, peu charmé de ces dissertations théologiques, il sommeillait durant la lecturej ; mais il se réveilla quand Schweiss eut fini, et son réveil fut celui du lion.

j – Imperator iterum obdormivit. (Corp. Ref. 2, p. 245.)

En effet, le Comte-Palatin, reprenant alors la parole, déclara que Sa Majesté trouvait les articles de cette réponse orthodoxes, catholiques, conformes à l’Évangile ; qu’elle exigeait donc que les Protestants abandonnassent leur confession, maintenant réfutée, et adhérassent à tous les articles qui venaient d’être exposésk ; que s’ils s’y refusaient, l’Empereur se rappellerait son office, et saurait se montrer l’avocat et le défenseur de l’Église romaine.

k – Petiit Cæsar ut omnes in illos articulos consentiant. (Ibid.)

Ce langage était assez clair. Les adversaires, s’imaginant avoir réfuté les Protestants, leur commandaient de se tenir pour battus. La violence, les armes, la guerre, tout était contenu dans les cruelles paroles du ministre de Charlesl. Les princes représentèrent que la réfutation adoptant quelques-uns de leurs articles, et rejetant les autres, ils avaient besoin de l’examiner avec soin ; ils priaient en conséquence qu’on leur en donnât copie.

l – Orationis summa atrox. (Ibid. 253.)

Le parti romain conféra longuement sur cette demande ; la nuit était proche : le Comte-Palatin répondit que, vu l’heure avancée et l’importance de l’affaire, l’Empereur ferait connaître plus tard sa volonté. La Diète se sépara, et Charles-Quint, indigné de l’audace des princes évangéliques, dit Cochlée, regagna avec humeur ses appartementsm.

m – Cæsar non æquo animo ferebat eorum contumaciam. (Cochl. P. 195.)

Les Protestants, au contraire, se retiraient pleins de paix, la lecture de la réfutation leur ayant donné autant de courage que celle de la confession mêmen. Ils reconnaissaient dans leurs adversaires un grand attachement à la hiérarchie, mais une grande ignorance de l’Évangile, trait caractéristique du parti romain, et cette pensée les affermissait dans leur foi. « Certainement, disaient-ils, l’Église ne saurait être là où n’est pas la connaissance de Christo. »

n – Facti sunt erectiore animo. (Corp. Ref. 2, p. 259.)

o – Ecclesiam ibi non esse, ubi ignoratur Christus.

Mélanchthon seul était toujours épouvanté. Il marchait par la vue et non par la foi. Convaincu du coup qui menaçait la Réforme, et se rappelant les sourires du Légat, il s’empressa, dès le 4 août, de faire une nouvelle démarche auprès de Campeggi, lui demandant encore la coupe pour les fidèles, et pour les prêtres des femmes légitimes. Alors, disait-il, nos pasteurs se replaceront sous le gouvernement des évêques, l’Église redeviendra un seul corps, et nous pourrons prévenir ces sectes innombrables, dont la postérité est menacéep. » Ce coup d’œil de Mélanchthon sur l’avenir est remarquable : ce n’est pas à dire pourtant qu’il préférât, comme plusieurs, une unité morte à une diversité vivante. Campeggi, sûr maintenant de triompher par le glaive, remit dédaigneusement ce mémoire à Cochlée, qui s’empressa de le réfuter. On ne sait qui, de Mélanchthon ou du légat romain, était le plus aveuglé. Dieu ne permit pas un arrangement qui eût de nouveau asservi son Église. Charles-Quint employa la journée du 4 et la matinée du 5 à se consulter avec le parti ultramontain. « Ce ne sera jamais par la discussion que nous parviendrons à nous entendre, disaient quelques-uns ; et si les Protestants ne se rangent pas volontairement, il ne nous reste qu’à les contraindre. » On se décida néanmoins pour un parti mitoyen. Charles suivit pendant toute la Diète une politique habile. D’abord il refusait tout, espérant par un coup de force entraîner les princes ; puis il accordait quelques points sans importance, dans la pensée que les Protestants, qu’il croyait avoir perdu toute espérance, estimeraient d’autant plus le peu qu’il leur cédait. Ce fut encore ce qu’il fit en cette circonstance. Le 5, après midi, le Comte-Palatin annonça que l’Empereur accorderait la communication de la réfutation, mais sous trois conditions, savoir : que les Protestants ne répliqueraient pas ; qu’ils se mettraient promptement d’accord avec l’Empereur, et qu’ils n’imprimeraient ni ne communiqueraient à personne la réfutation qu’on leur aurait confiéeq.

p – Quod nisi fiet, quid in tot sectis ad posteros futurum sit. (Corp. Ref. 2, p. 248.)

q – Forstemanns Urkundenbuch, II, p. 179. (Corp. Réf., II, p. 256 ; Brücks Apol., p. 7a.)

Ce message fit éclater les murmures des Protestants. « Ces conditions sont inadmissibles, » disaient-ils tous. — Les Papistes nous présentent leur papier, ajoutait le chancelier Brück, comme le renard offrit un brouet clair à sa commère la cigogner. »

r – Gleich wie der Fuchs brauchet, da er den Storch zu Gast lud. (Brücks Apologie, p. 74.)

Ce brouet fut par lui servi sur une assiette,
La cigogne, au long bec, n’en put attraper miette.

Si la réfutation, continuait-il, vient à être connue sans notre participation (et comment l’empêcher ?), on nous en fera un crime : gardons-nous d’accepter une offre si perfides ! Nous avons déjà, par les notes de Camérarius, divers articles de cet écrit ; et si nous omettons quelque point, nul n’aura le droit de nous le reprocher. » Le lendemain, 6 août, les Protestants déclarèrent à la Diète qu’ils préféraient décliner la copie qui leur était ainsi offerte, et s’en remettre à Dieu et à Sa Majestét. Ainsi ils rejetaient tout ce que l’Empereur leur proposait, et même ce que celui-ci regardait comme une faveur.

s – Quando exemplum per alios in vulgus exire poterat. (Corp. Ref. 2, p. 76.)

t – Dass sie es Gott und Kays. Maj. Beschlen muften. (Urkund. 2, p. 181.)

L’agitation, la colère et l’épouvante se manifestèrent sur tous les bancs de l’auguste assembléeu. Cette réponse, c’était la rébellion, c’était la guerre. George de Saxe, les princes de Bavière, tous les partisans passionnés de Rome, frémissaient d’indignation. Il y eut un mouvement subit et impétueux, une explosion de murmures et de haine ; et l’on eût pu craindre que les deux partis n’en vinssent aux mains en présence même de l’Empereur, si l’archevêque Albert, l’électeur de Brandebourg, et les ducs de Brunswick, de Poméranie et de Mecklembourg, se jetant au milieu d’eux, n’eussent conjuré les Protestants de mettre fin à cette déplorable scène, et de ne pas pousser à bout l’Empereurv. On se sépara le cœur rempli d’émotion, d’appréhension et de troubles.

u – Und darob wie man Spuren mag, ein Entzet zen gehabt. (Ibid.)

v – Hi accedunt ad nostros principes et jubent omittere hoc certamen, ne Cæsar vehementius commoveatur. (Corp. Ref. 2, p. 254.)

Jamais la Diète n’avait présenté des chances si funestes. Les espérances de conciliation, proclamées dans l’édit de convocation, n’avaient été qu’un appât trompeur ; maintenant le masque était jeté : la soumission ou l’épée, voilà le choix offert à la Réformation. Tout annonçait que le temps des tâtonnements était fini, et que l’on entrait dans celui de la violence.

En effet, le Pape avait réuni à Rome, dans son palais, le 6 juillet, le Consistoire des cardinaux, et leur avait annoncé l’ultimatum des Protestants, savoir : la coupe pour les laïques, le mariage pour les prêtres, l’omission de l’invocation des saints dans le sacrifice de la messe, l’abandon des biens ecclésiastiques déjà sécularisés, et, pour tout le reste, la convocation d’un concile. Ces concessions, dirent les cardinaux, sont opposées à la religion, à la discipline et aux lois de l’Églisew ; nous les rejetons donc, et votons des actions de grâces à l’Empereur, pour le zèle avec lequel il s’emploie à ramener les transfuges. » Le Pape ayant ainsi prononcé, tout essai de conciliation devenait inutile.

w – Oppositas religioni, disciplinæ, legibusque Ecclesiæ. (Pallav. 1, p. 234.)

Campeggi, de son côté, redoublait de zèle. Il parlait comme si, dans sa personne, le Pape même fût présent à Augsbourgx. Que l’Empereur et les princes bien pensants forment une ligue, disait-il à Charles ; et si les rebelles, également insensibles aux menaces et aux promesses, s’obstinent dans leur voie diabolique, alors que Sa Majesté saisisse le fer et le feu, s’empare de tous les biens des hérétiques, et extirpe jusqu’à la racine ces plantes vénéneusesy. Puis on instituera de saints inquisiteurs qui se mettront à la piste des restes de la Réforme, et procéderont contre eux, comme en Espagne contre les Maures ; on mettra au ban l’Université de Wittemberg ; on brûlera les livres hérétiques, et l’on renverra dans leurs couvents les moines fugitifs. Mais il faut s’exécuter avec courage. »

x – Als were der Papst selbst gegenwartig gewest. (Brück, Apol. 62.)

y – Se alcuni… perseverassero in questa diabolica via quella S.M. potra mettere la mano al ferro e alfoco et radicitus extirpare questa venenata pianta. (Instructio data Cæsari a reverendissimo Campeggi in dieta Augustana, 1530.)

Tandis que le Pape et la Diète redoublaient d’instance auprès de Charles-Quint, les princes protestants, retenus par l’indignation, n’ouvraient pas même la bouchez, et semblaient éprouver une faiblesse dont l’Empereur était désireux de profiter ; mais sous cette faiblesse il y avait une force cachée. « Il ne nous reste, s’écriait Mélanchton, qu’à embrasser les genoux du Seigneur. » Et, en effet, on y prenait peine : Mélanchthon demandait des prières à Luther ; Brentz en demandait à son Eglisea. Un cri de détresse et de foi parcourait toute l’Allemagne évangélique : « Vous aurez des brebis, écrivait Brentz, si vous nous envoyez des brebis : vous savez ce que j’entendsb. » Les brebis qui devaient être offertes en sacrifice, c’étaient les prières des saints.

z – Tacita indignatio. (Corp. Ref. 2, p. 254.)

a – Tu cum Ecclesia interim orabis, ut Deus dirideat tumultum gentium et principum hujus mundi adversus Christum. Amen. (Ibid., p. 261.)

b – Habebitis oves, si oves ad nos mittatis, p. intelligitis quæ volo. (Ibid. 246.)

L’Église ne fit pas défaut. « Réunis chaque jour, écrivait-on de quelques villes à l’Electeur, nous demandons pour vous force, grâce et victoire, victoire pleine d’allégresse. » Mais l’homme de la prière et de la foi, c’était surtout Luther. Un courage calme et sublime, et où la fermeté brille à côté de la joie ; un courage qui s’élève et s’exalte à mesure que le danger augmente, voilà ce que les lettres de Luther nous présentent alors à chaque ligne. Les images les plus poétiques sont pâles à côté des expressions pleines d’énergie qui sortent en bouillonnant de l’âme du Réformateur.

« J’ai vu dernièrement deux miracles, écrivait-il le 5 août au chancelier Brück ; voici le premier. Comme j’étais à la fenêtre, je découvris les étoiles du ciel, et ce vaste et magnifique firmament, où le Seigneur les a placées. Je ne pus découvrir nulle part les colonnes sur lesquelles le Maître fait reposer cette voûte immense, et cependant le ciel ne tombait pas…

Voici le second. Je voyais d’épais nuages suspendus au-dessus de nous, comme une vaste mer. Je n’apercevais ni terrain qui leur servit d’appui, ni cordeaux qui les soutinssent dans les airs ; et pourtant ils ne tombaient pas sur nous, mais ils nous saluaient rapidement et s’enfuyaient.

Dieu, continuait-il, saura choisir la manière, le temps, le lieu convenable de la délivrance, et il ne tardera pas. Ce que les hommes de sang ont commencé, ils ne l’ont pas encore fini… Notre arc-en-ciel est faible leurs nues sont menaçantes… Les ennemis viennent à nous avec d’effrayantes machines… Mais à la fin on verra de quel côté jouent les balistes, et de quelles mains partent les javelotsc. Que Luther périsse seulement : si Christ est vainqueur, Luther est vainqueurd. »

c – In fine videbitur cujus toni. (L. Epp. 4, p. 130.)

d – Vincat Christus modo, nihil refert si pereat Lutherus, quia victore Christo victor erit. (Ibid. 139.)

Jamais le parti romain, qui ne savait pas ce que c’était que la victoire de la foi, ne s’était cru plus près de la réussite. Les docteurs ayant réfuté la confession, les Protestants devaient, pensaient-ils, se déclarer convaincus, et tout serait alors remis sur l’ancien pied : tel était le plan de campagne de l’Empereur. Il presse donc les Protestants, il les somme ; mais, au lieu de se soumettre, ceux-ci annoncent une réfutation de la réfutation Alors Charles regarde à son épée, et tous les princes qui l’entourent font de même.

Jean de Saxe comprit ce que cela voulait dire, mais il demeura ferme. « La ligne droite, disait-il (ce proverbe lui était familier), est le chemin le plus court. » C’est cette indomptable fermeté qui lui a valu dans l’histoire le nom de Jean le Persévérant.

Il n’était pas seul : tous ces princes protestants, qui avaient grandi au milieu des cours, et qui étaient habitués à rendre à l’Empereur une humble obéissance, trouvaient alors dans leur foi une indépendance qui confondait Charles-Quint.

Dans le dessein de gagner le margrave de Brandebourg, on lui laissa entrevoir la possibilité de lui accorder en Silésie des possessions sur lesquelles il avait des droits. « Si Christ est Christ, répondit-il, la doctrine que j’ai professée est la vérité. — Mais savez-vous, répliqua vivement son cousin l’électeur Joachim, quel est votre enjeu ? — Sans doute, reprit le Margrave : on dit que l’on me chassera de ce pays ; eh bien, à la garde de Dieu ! » Un jour, le prince Wolfgang d’Anhalt rencontra le docteur Eck : « Docteur, lui dit-il, vous pensez à la guerre ; mais vous trouverez à qui répondre. J’ai rompu en ma vie plus d’une lance au service de mes amis. Jésus-Christ mon Seigneur mérite certes que j’en fasse autant pour lui. »

A la vue de cette décision, chacun se demandait si Charles, au lieu de guérir le mal, ne l’augmentait pas : réflexions, critiques, plaisanteries, se succédaient dans la société des bourgeois ; et le bon sens du peuple manifestait, à sa manière, ce qu’il pensait de la folie de son chef. Nous en citerons un exemple.

On raconte qu’un jour l’Empereur étant à table dans son palais avec plusieurs princes catholiques-romains, on vint annoncer que quelques comédiens demandaient, selon la coutume, la permission de divertir leurs seigneuries. D’abord on vit paraître un vieillard couvert d’un masque, et revêtu d’un manteau de docteur, qui s’avança avec peine, portant dans ses bras un fagot de bois, du droit et du tortu ; il s’approcha du vaste foyer de la salle gothique, y jeta sa charge pêle-mêle, puis aussitôt se retirae. Charles et ses convives lurent écrit sur son dos ce nom : Jean Reuchlin. Alors parut un autre personnage, à la marche intelligente, qui employa tous ses efforts pour faire aller de pair le bois droit et le bois tortuf, mais qui, voyant qu’il y perdait sa peine, hocha la tête, tourna le dos, et disparut. On lut : Érasme de Rotterdam. Presque aussitôt s’avança un moine,à l’œil vif, à l’allure décidée, portant dans un réchaud des charbons allumésg. Il mit le bois en ordre, l’alluma, souffla, attisa, en sorte que la flamme s’éleva, éclatante et pétillante, dans les airs ; ce que voyant, il se retira, et l’on lut sur son dos : Martin Luther.

e – Persona larva contecta, habitu doctorali portabat struem lignorum. (J.L. Fabricius. Opp. Omnia, 2, p. 231.)

f – Hic conabatur curva rectis exæquare lignis. (Ibid.)

g – In azula ferens ignem et prunas. (Ibid.)

Alors s’approcha un personnage magnifique, recouvert de tous les insignes impériaux, qui, voyant le feu si ardent, tira son épée, et s’efforça, à grands coups de dague, de l’éteindre ; mais plus il frappait, plus le feu augmentait : il s’étonne, il s’irrite, et, voyant la flamme s’étendre, il abandonne la place à pas précipités. Son nom, à ce qu’il paraît, ne s’offrit pas aux yeux des assistants, mais tous le devinèrent.

Bientôt l’attention générale fut excitée par une scène nouvelle : un homme, couvert d’un manteau de velours rouge, d’un rochet, d’une aube de laine blanche descendant jusqu’aux talons, et portant autour du cou une étole dont les extrémités étaient ornées de perles, s’avança majestueusement. Voyant la flamme qui déjà remplissait le foyer, il frappe des mains, de terreur ; puis, regardant autour de lui, il cherche s’il ne trouvera rien pour l’éteindre. Il voit de loin, tout au bout de la salle, deux amphores, remplies l’une d’eau et l’autre d’huile ; il se précipite vers elles, saisit le vase d’huileh, et la verse sur le feu. Alors la flamme s’étend avec une force telle que le pontife s’enfuit effrayé, en levant les mains au ciel. Sur son dos on lisait : Léon X.

h – Currens in amphoram oleo plenam. (Ibid. 232.)

Le mystère était fini ; mais, au lieu de réclamer leur salaire, les prétendus comédiens avaient disparu. Personne ne demanda la morale du drame.

Cependant la leçon fut inutile, et la majorité de la Diète, prenant à la fois le rôle attribué à l’Empereur et celui attribué au Pape, se mit à préparer les moyens nécessaires pour éteindre le feu allumé par Luther. On négociait en Italie avec le duc de Mantoue, qui s’engageait à envoyer quelques régiments de cavalerie légère par delà les Alpesi et en Angleterre avec Henri VIII, qui n’avait pas oublié l’écrit de Luther, et faisait promettre à Charles, par son ambassadeur, un immense subside d’argent, pour détruire les hérétiquesj.

i – Che tentano col Duca di Mantova d’aver il modo di condurre 1000 cavalli leggieri d’ Italia in caso si facesse guerra in Germania. (Nic. Tiepolo Relat. Ranke)

j – Cui (Cæsari) ingentem vim pecuniæ in hoc sacrum bellum contra hæreticos Anglus promisisse fertur. (Zw. Epp. 2, p. 484.)

En même temps, des prodiges effrayants annonçaient aussi le sombre avenir qui menaçait la Réforme. A Spire, au milieu de la nuit, des spectres affreux étaient apparus, ayant la forme de moines, l’œil irrité et la démarche précipitée. « Que voulez-vous, leur avait-on demandé ? — Nous allons, avaient-ils répondu, à la diète d’Augsbourg. » Le fait fut examiné avec soin, et on le trouva parfaitement authentiquek. « Ah ! s’écriait Mélanchthon, l’interprétation n’en est pas difficile ; les esprits malins viennent à Augsbourg pour contrecarrer nos efforts et détruire la paix ; ils nous présagent des troubles horriblesl. » Personne n’en doutait. — « Tout s’achemine à la guerre, disait Erasmemn. — La Diète ne se terminera, écrivait Brentz, que par la ruine de toute l’Allemagne. — Il y aura une boucherie des saints, s’écriait Bucer, plus sanglante que les massacres de Dioclétieno. » La guerre et le sang ! tel était le cri universel.

k – Res et diligenter inquisita et explorata maximeque ἀξιόπιστος. (Corp. Ref. 2, p. 259.)

l – Monachorum Spirensium φάσμα plane significat horribilem tumultum. (Ibid. 260.)

m – Video rem plane tendere ad bellum. (Corp. Ref. Aug. 12, p. 268.)

n – Comitia non finientur nisi totius Germaniæ malo et exitio. (Corp. Ref. 2, p. 216.)

o – Laniena sanctorum qualis vix Diocletiani tempore fuit. (Buc. Ep. Aug. 14, 1530.)

Tout à coup, dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 août, un grand tumulte éclate dans la ville d’Augsbourgp. On va, on vient dans les rues ; les messagers de l’Empereur les parcourent ; le sénat se rassemble, et reçoit la défense de laisser sortir qui que ce soit par les portes de la villeq ; en même temps tout est sur pied dans les casernes impériales ; les soldats préparent leurs armes, les compagnies se forment ; et au point du jour, vers trois heures du matin, les troupes de l’Empereur, en opposition à l’usage constamment suivi dans les diètes, relèvent les soldats de la ville et prennent possession des portes. On annonce aux habitants que ces portes ne s’ouvriront pas, et que des ordres ont été donnés par Charles-Quint pour surveiller de près l’électeur de Saxe et ses alliésr. Terrible réveil pour ceux qui se flattaient encore de voir les débats religieux se terminer sans l’épée. Ces mesures inouïes, n’est-ce pas le commencement de la guerre et le signal d’une affreuse commotion ?

p – Tumultum magnum fuisse in civitate. (Corp. Ref. 2, p. 277.)

q – Facto autem intempesta nocte Cæsar senatui mandavit, ne quenquam per portas urbis suæ emittant. (Ibid.)

r – Daff man auf den Churfurst zu Sachsen… Aufschen haben soll. (Brück, Apol. P. 80.)

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