Vie de John Hunt, missionnaire aux îles Fidji

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Travaux et voyages

(1846-1847)

Trois préoccupations. — Une tournée missionnaire. — Habitudes de dévotion de Hunt. — Réglementation de la prière. — Préoccupations au sujet de la sainteté. — Lettres à ses parents d’Angleterre : Etat de l’œuvre ; comment meurent les Fidjiens convertis ; exhortations. — Dépérissement. — Activité d’esprit. — Nouvelle maison. — Dévouement de Hunt. — La confiance qu’avaient les indigènes en sa parole. — Un nouveau voyage missionnaire. — Baptêmes et prédications. — Idées sur la Cène. — Un chef presque chrétien. — Le salut des païens. — L’évangélisation au moyen des colons. — Conversion d’un chef. — Guerres fidjiennes. — Transformation du peuple de Viwa. — Hunt au milieu des cannibales les plus cruels de Fidji. — Les maisons de Mba. — Une navigation de nuit. — Un malade imaginaire. — Analyse d’une méditation de Hunt. — Constructions de chapelles et de maisons missionnaires.

Au début de l’année 1846, John Hunt résumait dans les termes qui suivent les perspectives qu’il aimait à proposer à son activité spirituelle : « Il est trois choses dont je veux m’imposer la poursuite, selon les moyens que Dieu me départira : la conversion des Fidjiens au christianisme, non seulement nominalement, mais en vérité ; la traduction des Saintes Écritures dans leur langue, et enfin le réveil de la sainteté chrétienne dans mon pays. Les deux premiers objets, je puis les poursuivre en personne au moyen de mon activité ; le dernier, je ne le puis que par le moyen de la plume. Dieu soit loué pour le succès qu’il a donné à mes travaux pendant Tannée dernière, quanta mes deux premiers objets, et je dois aussi le bénir pour ce que j’ai pu faire quant. au troisième. J’ai écrit, j’ai prié, j’ai prêché sur ce sujet et j’ai à quelque degré augmenté la connaissance que j’ai de cette matière, l’une des plus dignes de l’attention d’un missionnaire chrétien. Dans l’exercice de la médecine, dans l’instruction de la jeunesse, dans les visites pastorales, je n’ai été ni aussi diligent ni aussi utile que j’eusse désiré et que j’eusse pu l’être. Oh ! que je sois plus fidèle à l’avenir ! »

Dès le mois de janvier, il visita les diverses stations assez disséminées qui composaient son vaste circuit. Ce voyage se termina le 6 février, et il écrivait ce jour-là dans son journal : « Nous sommes arrivés heureusement chez nous. Grâce à Dieu, je n’ai jamais autant joui d’un voyage, je ne me suis jamais senti autant encouragé dans mon œuvre et autant béni dans ma vie intérieure. Puisse cette tournée être en bénédiction permanente au peuple que j’ai visité aussi bien qu’à moi-même ! Nous avons trouvé en un état réjouissant tous ceux que nous avions laissés à la maison, et cela ajoute une dernière mesure à notre bonheur. Un missionnaire seul peut bien connaître ces joies-là. »

Les fragments de lettres qui suivent nous font pénétrer dans le sanctuaire de la vie intérieure du missionnaire et nous initient à ses aspirations et à ses habitudes de piété.

« Mes prières quotidiennes, écrit-il à son collègue Williams, ont pour sujets constants les objets suivants : Conserver un sentiment clair du pardon de Dieu et de son amour, obtenir la purification du péché, être rempli de la plénitude de Dieu, enfin marcher dans la lumière comme il est lui-même dans la lumière. Ces besoins-là reviennent tous les jours dans mes requêtes. Oh ! que du moins elles soient accompagnées de ferveur et de cette foi en Jésus qui s’approprie ses grâces !

Je sens qu’il m’est profitable d’être systématique dans l’accomplissement de mes dévotions particulières, non seulement quant à l’exactitude, mais aussi quant aux bénédictions que j’ai à réclamer. Quand, dans mes prières, j’ai exposé à Dieu les sujets que je viens de mentionner dans l’ordre où je les ai indiqués, j’ai l’habitude de m’adresser à notre bon Père céleste comme au Dieu de la nature, le priant de me préserver de tout mal provenant des choses extérieures, et de me faire jouir de tout bien, corporel ou intellectuel, qui peut me venir d’ici-bas. Je m’adresse à lui ensuite, en sa qualité de Providence et de Maître des nations de la terre, et je le prie de me délivrer de tout mal et de toute erreur politique, et de me rendre utile dans cette sphère, s’il m’appelle jamais à y intervenir, en me donnant, par exemple, de la sagesse dans mes relations, avec les pouvoirs de la terre, afin que l’influence que je puis exercer sur eux soit salutaire. Ma prière se tourne alors vers Dieu envisagé comme le Père des familles humaines ; et c’est alors que je réclame les bénédictions de famille et que je demande que les miens soient préservés des calamités de toute nature qui peuvent les atteindre. Puis, je prie le grand chef de l’Église, en faveur de mes collègues, de notre œuvre, etc. Enfin, je m’efforce de résumer toutes mes requêtes en une seule, en m’adressant à la source bénie de toute grâce, et je sollicite les lumières, les secours et les consolations dont j’ai besoin. Je termine alors par l’Oraison dominicale. Dans un pareil exercice, je sens parfois que ma prière devient l’expression de l’abandon et de la confiance de mon âme, plutôt qu’un cri de détresse adressé à Dieu. Il me semble alors que je jouis déjà des biens que je réclame, et que mon âme bénie va se perdre en Dieu. Sans doute, je suis encore loin d’expérimenter dans ma vie ce que je demande dans mes prières ; mais je continuerai à demander jusqu’à ce que je reçoive une réponse.

Cher frère, je viens de vous faire part de ce que nul ne connaît que moi jusqu’à présent. Mes affaires les plus secrètes sont celles qui se passent entre mon âme et son Dieu. J’ai raconté aujourd’hui pour la première fois à un homme ce que je dis continuellement à mon Père céleste. Je me suis trouvé conduit à le faire, et j’ose espérer que vous ne le trouverez pas inconvenant. »

Les esprits superficiels et exaltés ne trouveront certainement pas de leur goût cette réglementation de la prière. Des chrétiens très sincères d’ailleurs pourront aussi y objecter. Mais, si l’on prend la peine d’y réfléchir, on s’apercevra bientôt que la prière étant un exercice, un travail de l’âme, l’ordre et la méthode, loin de lui nuire, peuvent la fortifier et la diriger. Sans doute il est des prières toutes d’élan et d’inspiration dont la liberté absolue, je dirai presque l’incohérence font la puissance et la grandeur ; la foi alors a des ailes et se passe fort bien des appuis humains ; la prière est toute dans un cri, dans un soupir, dans une contemplation muette, et nulle prière ne vaut celles-là. Mais combien rares dans la vie sont ces pures extases de la foi ! combien souvent la prière laissée à l’inspiration du moment se traîne languissante terre à terre ! Dans les dévotions particulières surtout, ce danger est fréquent, et il n’est pas de chrétien qui n’en ait fait l’expérience et qui n’ait déploré le désordre et par suite la distraction qui règnent dans ses prières ; les demandes s’y enchaînent au hasard, sans que l’âme les ait, pour ainsi dire, mûries à l’avance par un sérieux examen de ses besoins ; souvent même l’âme s’épuise en vaines interjections, en stériles efforts qui la dessèchent. Comment y remédier, sinon en s’efforçant de faire de ses dévotions particulières une chose sérieuse entre toutes, et en quelque sorte la condensation et le résumé de sa vie elle-même. Telle était assurément la pensée de John Hunt ; esprit essentiellement pratique, il prenait au sérieux la piété et entendait en faire la vie de son âme, au sens absolu. L’esprit systématique qu’il apportait dans sa vie publique et dans l’accomplissement de ses devoirs pastoraux, il croyait devoir l’apporter aussi dans sa vie intime et dans ses relations avec Dieu.

On a vu par un des fragments ci-dessus que John Hunt travaillait à un ouvrage destiné à encourager et à fortifier les aspirations vers le progrès chrétien et vers la sainteté au milieu des églises évangéliques de sa patrie. Ce sujet se rattachait à tout un ordre de pensées et d’expériences qui lui tenaient fort à cœur. « Notre ouvrage avance, écrivait-il à son collègue Calvert, le confident habituel de ses pensées. J’espère vous le communiquer à notre prochaine rencontre. Ce qui me manque, c’est une expérience plus approfondie et plus de relations avec des chrétiens vivants. Je ne puis guère trouver dans les livres ce qui répondrait à mon dessein ; j’aurais besoin d’observations faites sur les faits eux-mêmes ; un an ou deux passés au milieu de nos bons méthodistes d’Angleterre me ferait un grand bien. Mon ouvrage ne sera pas prêt d’ailleurs avant quelques années ; dans son état actuel il est insuffisant. Je demande continuellement à Dieu qu’il nous rende capables de faire quelque chose qui puisse contribuer à faire avancer la cause de la sainteté chrétienne dans notre pays, indépendamment de ce que nous pouvons faire pour améliorer l’état spirituel de ces îles. »

Dix jours plus tard, le 3 juillet, il écrivait au même correspondant : « Notre ouvrage avance graduellement. J’étudie ce même sujet dans mes réunions du vendredi soir, depuis quelques semaines, ce qui m’a été d’un grand secours. Le sujet est de toute importance, et je le considère comme étant l’une des affaires réelles de ma vie comparativement si inutile. Je ressens un grand désir de me dévouer sans partage à la volonté de Dieu ; malheureusement ma volonté s’y oppose trop encore ; je ne sais pas assez renoncer à moi-même. Je manque trop de cette « perfection » dont parle Jacques.3.2. Je me sens particulièrement défectueux à cet égard. Je suis en général très heureux et très ardent, et je suis en danger de dire trop. Combien il est facile de contrister le Saint-Esprit ! J’ai pourtant un peu de foi en Jésus, et j’éprouve que je l’aime beaucoup. Priez pour moi. »

Ce désir de travailler au bien spirituel de ses compatriotes, que nous avons rencontré si vivement exprimé, est touchant chez un missionnaire accablé de travail, aux antipodes de son pays. Nous trouvons la preuve dans une de ses lettres, que c’était là plus qu’un vague désir. Cette lettre adressée à ses parents est pleine d’affectueuses exhortations. Elle le fait connaître sous une face où nous n’avons guère eu le loisir de l’étudier et nous fournit encore quelques renseignements nouveaux sur son œuvre. Nous en donnerons quelques extraits.

« Chers parents et amis,

Votre lettre datée du 21 avril 1845 nous est arrivée en août 1846. Nous avons été très reconnaissants de recevoir une lettre de vous. Vous étiez bien lorsque vous nous écrivîtes ; mais vous ne nous dites pas si la chère mère est heureuse dans le sentiment de la faveur de Dieu. Je voudrais connaître spécialement de quelle manière prospèrent vos âmes, car c’est la chose essentielle. Si vous aimez Dieu, toutes choses travailleront ensemble pour votre bien. Mais si vous ne l’aimez pas, rien ne vous sera en bénédiction. Votre désir de nous revoir est parfaitement naturel ; mais vous devez vous en remettre complètement à Dieu. C’est Lui qui nous envoie et c’est Lui seul aussi qui peut nous rappeler. Si nous devons retourner en Angleterre, la chose aura lieu ; mais si ce n’est pas le cas, vous devez vous soumettre. Et quelle bénédiction que nous soyons employés dans une aussi bonne œuvre ! Que sommes-nous que Dieu nous ait honorés, au point de nous appeler à prêcher l’Évangile aux païens ! Si l’apôtre Paul considérait comme une faveur d’être ainsi employé, combien ne devons-nous pas adorer la condescendance de Dieu qui nous a enlevés à l’ignorance, à la misère et au péché, pour nous faire asseoir parmi les princes de son peuple ! J’ai la confiance que mes chers amis sont reconnaissants envers Dieu à notre sujet et qu’ils considèrent comme une bénédiction que nous travaillions et que nous souffrions pour une si bonne cause. »

Après avoir parlé d’affaires domestiques et de l’état de la mission, Hunt continue :

« Je voudrais seulement que mes chers parents, que mes frères, que mes sœurs, que toutes mes relations jouissent du bonheur dont quelques-uns de nos Fidjiens jouissent. Plusieurs qui, il y a peu de temps encore, étaient au nombre des pires cannibales du monde, se réjouissent maintenant en Dieu leur Sauveur. Il y a peu d’années, ils ressemblaient plus à des démons incarnés qu’à des hommes. Ils sont maintenant « assis aux pieds de Jésus, vêtus et dans leur bon sens. » Plusieurs sont morts au Seigneur depuis que nous sommes à Viwa. Un Fidjien qui est mort dernièrement a consacré ses dernières heures à exhorter ses amis à persévérer dans l’amour et dans le service de Dieu. Il disait : « Je suis sauvé. Je vais aller au ciel, je n’ai aucun doute à ce sujet. Soyez diligents, et quand je serai parti, souvenez-vous d’avoir le culte de famille trois fois par jour. » Autrefois, quand les Fidjiens mouraient, ils exhortaient leurs amis à venger, en tuant leurs ennemis, les offenses qu’on leur avait faites ; mais maintenant, Dieu soit loué ! beaucoup parmi eux meurent de telle sorte qu’on pourrait bien dire : « Que je meure de la mort de ces justes ! »

Mais, mes chers amis, quel est le secret de tout cela ? Comment se fait-il que ces cannibales soient sauvés, tandis que beaucoup de prétendus chrétiens meurent dans leurs péchés et s’en vont à la misère éternelle ? C’est là une question sérieuse. La seule réponse que je puisse y faire est celle-ci : « Les païens proprement dits croient à l’Évangile et les païens-chrétiens n’y croient pas. Nous prêchons ici le même Évangile que vous entendez en Angleterre, et nous le prêchons de la même manière ; je ne crois pas qu’il repose, tout compté, sur le ministère chrétien dans ces îles une influence divine plus considérable que celle qui l’accompagne chez vous, et cependant, en y regardant de près, il est certain qu’il remporte ici plus de succès. La raison en est, comme je l’ai dit, dans le fait que les cannibales de Fidji croient aux bonnes nouvelles qui leur sont apportées, tandis que la plupart des chrétiens de nom de notre pays n’y croient pas.

Nous avons, comme vous devez le penser, beaucoup d’opposition en même temps que beaucoup de succès. Plusieurs fois les païens « ont projeté des choses vaines. Les rois de la terre se sont assemblés et les princes ont consulté ensemble contre l’Éternel et contre son Oint. » Mais jusqu’ici l’Éternel a été notre délivrance. Les grâces que nous avons reçues de lui sont grandes et nombreuses ; nos épreuves l’ont été également ; on peut dire que rien ici n’est ordinaire, et vous ne pouvez pas, dans un pays chrétien, vous faire une juste idée de nos joies et de nos peines. Nous sommes d’ailleurs parfaitement heureux dans notre famille, dans nos âmes et dans l’œuvre de Dieu. Nous avons d’excellents collègues, et, dans les diverses parties de l’Angleterre, un grand nombre de chers amis. Nous avons tout ce dont nous avons besoin. Que béni soit Dieu de qui procèdent toutes bénédictions ! »

Le grand travail de John Hunt, pendant l’année 1846, fut sa traduction du Nouveau Testament. Nous nous sommes étendu sur ce travail ; nous n’y reviendrons pas. Ce que nous n’avons pas assez dit, c’est le retentissement douloureux qu’avaient ces grands travaux dans la constitution physique du missionnaire. Son activité laissa des traces fécondes dans l’histoire de la mission, mais il acheta ses succès au prix de sa santé et même de sa vie. Chaque progrès dans son œuvre, chaque élan, chaque effort correspondait à un déclin, à un affaiblissement, à une souffrance dans sa vie physique. Les personnes du dehors ne s’apercevaient pas de ce dépérissement, si lent qu’il était presque imperceptible, mais les yeux de Madame Hunt, que l’affection et l’anxiété rendaient perspicaces, suivaient avec effroi cet envahissement du mal. Le missionnaire lui-même n’était pas étranger, comme nous l’avons vu, à ces pressentiments, et ses lettres portent souvent la trace de ses préoccupations à cet égard. Toutefois, l’énergie de cette âme si bien trempée avait le dessus, et elle oubliait, dans l’ardeur de l’action, le poids accablant de la chétive enveloppe qu’elle traînait après elle. Les règles de prudence que Hunt s’était imposées à une autre époque étaient peut-être trop mises de côté dans ce moment de dévorante activité. On eût dit qu’il voulait accumuler, sur le court espace de chemin qui lui restait à franchir, tout le travail et toutes les œuvres d’une longue vie, et ainsi donner en intensité à son existence ce qui allait lui manquer en durée. Pour cet homme de Dieu, la vie n’avait de prix, en effet, que dans la mesure où elle servait à propager la vérité, et la vérité pour lui, c’était l’Évangile.

Ce n’était pourtant pas un esprit étroit que cet humble travailleur tout dominé par le désir d’avancer le règne de son Maître ; il savait, du haut de son îlot perdu dans les mers du Sud, jeter un regard sur le monde entier, et il s’intéressait vivement aux nouvelles qui lui en revenaient. La littérature générale ne lui était pas étrangère non plus ; il y voyait l’une des manifestations importantes de l’esprit humain, et à ce titre il la jugeait digne de ses études ; il savait pourtant que les préoccupations littéraires sont de leur nature envahissantes, et il savait se rappeler qu’elles n’avaient droit qu’à une portion très restreinte de son temps. « Je n’ai pas borné mes études, écrivait-il vers ce moment, à la théologie et à mes traductions de l’Écriture. J’ai donné quelque attention à la littérature générale ; mais ce qu’un missionnaire peut faire dans cette voie est bien peu de chose en vérité. »

Après avoir cédé, comme nous l’avons vu, la maison qu’il avait construite à l’établissement typographique de la mission. il dut s’occuper à en élever une autre pour sa famille. La population blanche d’Ovalau, qui avait contracté de grandes obligations envers lui et qui lui était fort attachée, lui rendit de grands services pour cette construction. Elle fut finie vers cette époque, et le commencement de 1847 y vit la famille missionnaire assez commodément installée.

Une chose frappait d’admiration ceux qui voyaient à l’œuvre John Hunt. Quelles que fussent ses occupations, on savait qu’il n’hésitait jamais à les interrompre pour répondre au premier appel, et qu’il ne reculait devant aucune peine pour venir en aide à ses paroissiens bien-aimés. Et l’aide empressée qu’il apportait alors ne l’était pas de mauvaise grâce et à contre-cœur ; on sentait qu’il était heureux de se dépenser pour rendre quelques services à ceux qui l’entouraient. L’homme d’étude ne laissait percer aucune mauvaise humeur, lorsqu’il lui fallait laisser interrompue une phrase commencée, au risque de n’en pas retrouver le fil bien facilement à son retour. Rien ne l’arrêtait dans l’accomplissement du devoir. Aussi la sainteté de sa vie et son attachement à son œuvre lui avaient-elles gagné la vénération des natifs, et même de ceux qui n’avaient pas encore cru à l’Évangile. Ils aimaient comme un père cet homme de Dieu dont la vie était sans tache et dont la parole était à l’abri du soupçon. Ils savaient qu’ils pouvaient compter sur son amitié et qu’à l’heure du besoin ils pouvaient avec confiance venir à lui. Leur confiance en sa véracité était absolue ; une expérience constante leur avait fait comprendre qu’ils pouvaient s’appuyer sur sa parole ; et ce trait augmentait encore leur respect pour lui, par le contraste qu’il faisait avec les habitudes de mensonge et de fourberie trop répandues à Fidji, comme aussi parmi les commerçants étrangers qui se montraient dans ces parages. Un jour que l’un de ces derniers se permettait de mettre légèrement en suspicion, devant quelques Fidjiens, la probité de leur missionnaire, ils l’apostrophèrent de la sorte : « Le soleil se lèvera-t-il demain ? — Assurément, répondit-il. — Eh bien, aussi sûre est la parole de Misi Oniti (M. Hunt). »

Dans les premiers jours de 1847, John Hunt entreprit une tournée missionnaire que nous ferons connaître par quelques extraits de son journal.

« 27 avril 1847. — Ce matin j’ai quitté ma chère femme et mes amis de Viwa, et nous avons vogué vers Kavoula, avec l’intention de faire une visite pastorale aux diverses localités de ce circuit. La journée était fort belle, ce qui m’a permis de lire une partie du livre de Reed, The Advancement of Religion, que j’ai trouvé profond et qui m’a humilié. En vérité, il a contribué à affermir la conviction que j’ai depuis longtemps que, comme chrétien et comme ministre, j’ai besoin de devenir un tout autre homme pour répondre à l’intention qu’a eue le Seigneur en m’envoyant à Fidji. Nous ne sommes entrés dans la baie qu’assez tard dans la nuit, mais nous avions une belle lune et de bons pilotes. Nous avons rencontré Paul qui revenait à Viwa, et qui nous a remis un billet de Vérani, nous annonçant qu’un chef de Mba et une ou deux autres personnes ont embrassé le christianisme. Vérani voulait retourner à Viwa, mais il n’a pas osé abandonner ses nouveaux convertis qui lui tiennent fort à cœur. Je me demande avec anxiété quel évangéliste il nous serait possible de placer à Mba. Que Dieu nous dirige !

28 avril. — J’ai pris ce matin les informations que j’ai jugé nécessaires au sujet de ceux qui se préparent à être baptisés. Dans l’après-midi j’ai marié deux couples, baptisé dix-sept adultes et deux enfants, et prêché sur ce passage : « Pour moi je vous baptise d’eau en signe de repentance, etc. » J’avais une forte migraine, mais elle n’a pas empêché la bénédiction de Dieu de descendre sur nous.

29 avril. — Ce matin j’ai prêché sur : « Simon, fils de Jona, m’aimes-tu ? » J’ai ensuite interrogé plusieurs des membres de la société au sujet de leur expérience sur ce point spécial, leur demandant à chacun : « Sentez-vous que vous aimez Jésus ? » Ils ont tous pu répondre affirmativement. Puisse leur conduite ne pas donner un démenti à leur profession ! J’ai administré ensuite la Cène, qui nous a procuré une bénédiction spéciale. Je me suis étendu particulièrement sur la présence de Christ dans ce sacrement. Cette vérité a été tellement pervertie par les papistes que les protestants se sont peut-être jetés à l’extrême opposé. Il y a dans la Cène une présence de Christ qui est très réelle pour le cœur qui croit. Ce ne peut-être sans doute qu’une présence spirituelle, puisqu’elle doit s’adresser à l’esprit.

Dans l’après-midi, les membres de la société nous ont fait visite à la maison de l’évangéliste. Ils nous apportaient une grande quantité d’yams et d’autres choses encore, comme témoignage de leur affection. Ils ont chanté ensuite le Te Deum devant la maison. Leur gratitude envers Dieu et leur amour pour nous nous ont paru sincères. Notre évangéliste indigène est un excellent homme ; mais il faudrait ici un missionnaire. L’évangéliste Wesley nous a prêché cette après-midi un sermon qui sera utile, je l’espère, et qui clôt la série de nos services religieux dans cette localité.

30 avril. — Ce matin nous avons laissé nos amis de Kavoula, et nous nous sommes rendus à Nairara, où nous avons surpris, par notre arrivée, à la fois l’évangéliste et le peuple. Nous avons eu une conversation avec le chef de l’endroit pour essayer de le décider à embrasser le christianisme ; mais il ne veut pas s’y résoudre pour le présent. Namosimaloua et Vérani avaient déjà échoué l’un et l’autre auprès de lui. Il paraît écouter les conseils et subir l’influence d’un chef de Viti Levou. J’ai mis dans mes exhortations toute l’insistance dont j’étais capable, et j’ai essayé de lui décrire quels terribles châtiments attendent dans l’autre vie ceux qui refusent de se convertir. Il m’a écouté avec beaucoup d’attention, mais sans paraître visiblement ému. Nous l’avons laissé sans qu’il nous ait fait connaître ses intentions définitives, mais avec la persuasion qu’il embrassera bientôt la vérité. Le soir, l’évangéliste est venu nous prier de passer le dimanche, dans l’espérance que le chef se déciderait à embrasser le christianisme. Nous nous sommes rendus volontiers à son avis.

1ermai. — J’ai continué aujourd’hui la lecture du livre de Reed, et je crois qu’elle me sera très profitable. Les vues qu’il y exprime au sujet de la conversion du monde sont, me semble-t-il, très justes en général, et l’esprit que respire l’ouvrage tout entier est excellent. Une opinion de l’auteur, complètement nouvelle pour moi, m’a paru, à première vue, très satisfaisante ; je voudrais cependant la voir plus amplement développée et surtout la voir solidement appuyée sur la Parole de Dieu. Cette idée est que, ceux-là seront sauvés parmi les païens qui auraient accepté l’Évangile s’il leur avait été offert. Ce ne sont pas là les termes mêmes de l’auteur, mais c’est là sa pensée, autant que j’ai pu la saisira. Je suis convaincu en effet qu’il y a un grand nombre de païens qui embrasseraient l’Évangile, s’il leur était présenté d’une manière convenable. Mais qui est suffisant pour le leur présenter ? Combien difficile est cette tâche qui semblerait, si l’on en croyait certaines gens, être à la portée du premier venu !

a – Voici les paroles de Reed : « Nous reconnaissons avec bonheur que partout où il y a une disposition d’esprit qui ferait recevoir le salut, s’il se présentait, il y a essentiellement un état de salut. »

Une idée de l’écrivain me semble fort sujette à caution. Il pense que le christianisme pourrait être propagé avec plus de succès que par le passé, au moyen des industriels et des colons. Une objection à ce mode d’évangélisation c’est que, aux yeux des païens, le commerce est naturellement associé avec une certaine classe d’hommes qui sont au nombre des plus grands adversaires du christianisme. Dès qu’un étranger a un caractère purement commercial, il est confondu par les natifs avec les capitaines de vaisseau et les trafiquants de toute sorte dont l’unique objet, en visitant ces parages, est d’y faire de bonnes affaires, sans se soucier le moins du monde des intérêts spirituels ou temporels des païens. Je crois que, moins un missionnaire a à s’occuper des affaires matérielles, et plus son influence et son utilité peuvent être grandes, pour le salut des âmes. Jésus-Christ enleva ses disciples aux affaires de la vie, pour qu’ils pussent s’occuper, avec une entière liberté, du royaume spirituel de Dieu en eux-mêmes et dans les autres. Un homme dont l’occupation consiste à répandre sur la terre la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit, n’a pas besoin d’une autre occupation que celle-là. Ce travail-là implique de sa part une attention assidue aux progrès et au développement de ce royaume dans sa propre âme, attention sans laquelle il ne réussirait pas auprès des autres. Son âme ne prospérera véritablement que s’il sait consacrer une part grande et régulière de son temps à la lecture de l’Écriture, à la méditation et à la prière. Ceux qui par nécessité sont engagés dans les affaires peuvent bien prospérer spirituellement, sans donner beaucoup de temps aux exercices de dévotion privée ; mais ceux qui ont été mis à part pour l’œuvre du Seigneur ne pourraient pas impunément perdre, dans un emploi commercial quelconque, le temps qu’ils doivent consacrer à la prière. Ma conclusion est que ceux dont l’ouvrage consiste à répandre le christianisme doivent être aussi débarrassés que possible d’affaires temporelles. Et je voudrais que nous en fussions un peu plus débarrassés à Fidji que nous ne le sommes.

2 mai. Dimanche. — Au point du jour, nous avons eu une réunion de prières. Le chef, accompagné de huit ou neuf autres personnes, s’y trouvait afin de prier pour la première fois le vrai Dieu. Puisse-t-il être fidèle et devenir un chrétien véritable ! Plusieurs chefs en vérité sont poussés par des motifs bien mêlés en renonçant au paganisme ; mais nous devons nous réjouir pourtant en les voyant amenés, en quelque mesure, sous l’influence de l’Évangile. Notre journée a été bonne. Je me suis efforcé de montrer à mes auditeurs quels droits l’amour de Dieu s’est acquis sur eux, par le don de son Fils pour leur salut. C’est ici en vérité une église toute jeune ; mais, Dieu l’affermira, j’en ai la confiance.

3 mai. — Nous avons laissé nos amis de Nairara ce matin. Nous avons visité deux villes païennes sur notre route et nous y avons prêché l’Évangile, essayant de décider le peuple à renoncer à ses faux dieux. Tous ont dit qu’ils sentaient qu’il serait bon pour eux d’agir ainsi ; mais chacun attend que quelque autre donne l’exemple, ils ajoutent que, tant que la guerre n’est pas finie, ils n’ont pas le temps de s’occuper de religion. Les Fidjiens voient assez clairement que le christianisme seul peut mettre fin à leurs guerres ; pourtant ils sont toujours disposés à se lancer dans de nouveaux combats, et ne voient pas que chaque guerre chez eux en prépare une nouvelle. Le seul moyen d’établir la paix sur une base solide est, pour chaque parti, d’apporter ses armes et de les déposer aux pieds de Jésus-Christ et d’ensevelir toute animosité dans le sépulcre où sera couché le paganisme désormais abandonné. Les Fidjiens voient fort bien ce que le christianisme fera des guerriers de l’archipel, par ce qu’il a fait à Viwa. Le peuple de Viwa était toujours en guerre autrefois. En traversant cette partie des îles Fidji, on rencontre presque à chaque pas des traces de leurs luttes passées. Ici c’est une île qu’ils ont rendue déserte et désolée ; là, une ville qu’ils ont entièrement détruite au moyen de la violence et de la trahison ; ailleurs, vous trouverez les quelques misérables habitants d’une ville jadis populeuse, qui ont fait vœu de laisser pousser leur barbe sans la couper, jusqu’au jour où ils pourront venger, sur le peuple de Viwa, la destruction de leur ville et le massacre de leurs frères. Mais maintenant les habitants de Viwa s’efforcent de répandre l’Évangile de la paix là où ils portaient autrefois les horreurs de la guerre. Cinq d’entre eux sont maintenant employés comme catéchistes réguliers, d’autres sont prédicateurs, locaux, d’autres poursuivent le cours d’études nécessaires pour occuper ces postes si importants dans l’Église. Ce sont là des preuves du christianisme qui sont sensibles pour tous et qui portent plus loin la conviction dans l’esprit des païens que ne le ferait une traduction de Home, de Watson ou de Paley, à supposer qu’elle fût possible.

Nous avons atteint Nangranga avant la nuit, et j’ai pu prêcher en plein air à une assemblée à peu près attentive. L’évangéliste indigène qui habite ici est un excellent homme ; mais le vieux chef en réclame un autre qui soit de Tonga. Ce pauvre vieillard ne connaît pas grand chose en fait de christianisme, et ne contribue à peu près en rien à ses progrès au milieu de son peuple. C’est bien ici le temps des petits commencements.

4 mai. — Nous nous sommes dirigés vers Mba, que nous n’avons atteint qu’assez tard dans la nuit, le vent ayant été faible tout le jour. Nous sommes à quarante ou cinquante milles de Nandronga et à cent vingt milles de Viwa. La nuit était noire lorsque nous avons pénétré dans la rivière qui paraît très dangereuse, à cause des mangliers très rapprochés et très épais qui croissent sur ses bords. Nous avons atteint la ville sans accident, et nous avons été reçus avec bienveillance par le chef qui a renoncé au paganisme. Après avoir pris quelques rafraîchissements, nous nous sommes entretenus quelques instants, puis nous avons prié et nous avons pris congé les uns des autres, pour nous reposer. C’est sans doute à la grâce de Dieu qu’un missionnaire est redevable de la tranquillité d’âme et de l’absence de crainte qu’il possède en de telles circonstances ; et c’est certainement à sa Providence qu’il est redevable d’être préservé de toute aventure fâcheuse. Le peuple de Mba est, en fait de cannibalisme, le peuple le plus cruel et le plus féroce de Fidji. On dit que les habitants ont bâti un temple, mais qu’ils attendent pour le consacrer solennellement que l’occasion se présente de tuer un homme blanc, pour tirer vengeance de la mort d’un chef de Mba massacré, il y a quelques années, par un capitaine américain. Je ne puis affirmer la parfaite exactitude de ces détails, mais je puis dire que j’ai été deux fois en leur pouvoir, et que je n’ai nulle raison de les soupçonner de mauvaises intentions à mon égard.

5 mai. — Nous avons tenu un service dans la maison du chef, dont la famille, composée de onze personnes, a embrassé le christianisme. Un certain nombre de chrétiens étaient présents et ont écouté avec attention ce que j’ai essayé de leur faire comprendre sur la nature et les obligations du christianisme. Nous avons rencontré ici plusieurs hommes de Nandronga, auxquels j’ai prêché l’Évangile ; ils ont paru passablement intéressés ; mais ils ont refusé d’embrasser le christianisme pour cette fois. Ils ont ramené leur vieille raison ; ils veulent d’abord tuer, et par conséquent manger leurs ennemis, puis ils deviendront chrétiens. Les deux chefs de Mba qui ne sont pas chrétiens m’ont donné la même raison. Cependant la Providence semble leur apprendre que ce n’est pas en combattant qu’ils mettront fin à leurs guerres. Oh ! puissent-ils aimer et embrasser la religion du Prince de la paix !

6 mai. — Il a plu presque toute la nuit, et ce matin le temps ne permettait pas de s’embarquer. Je me suis donc déterminé à faire le meilleur usage possible de ma journée. Je me suis rendu en conséquence au plus grand mbouri (temple), et j’y ai trouvé à bien employer ma matinée, en prêchant aux natifs qui se rencontraient là et en écrivant mon journal. Deux personnes se sont décidées ce matin à devenir chrétiennes, et j’ai la confiance que cette bonne œuvre s’étendra.

Les maisons sont bâties ici sur un modèle tout différent de celui que l’on suit dans d’autres îles. Plusieurs d’entre elles, principalement les temples, ont une apparence extérieure sphérique, sauf le sommet qui se relève en pointe et affecte la forme conique, ce qui leur donne un peu l’air de nos meules de foin. L’intérieur a assez bonne apparence ; les solives sont très rapprochées, et, au lieu de se servir de roseaux, on fait un entrelacement de bambous en guise de plafond ; ce treillis très convenablement fait est très serré et très compact, et ne permet pas aux débris du gazon qui couvre le toit de tomber dans la maison. Ces maisons ont une grande durée et sont aussi chaudes que des fours.

Nous avons eu un autre service le soir, après lequel j’ai compté que vingt-trois personnes ont embrassé la vérité dans ce lieu. Nous avons passé la soirée à leur enseigner le vakalousa (la confession des péchés), etc. Quoique leur langage soit très différent de celui de Mbau, ils comprennent cependant presque tout ce qui leur est dit dans ce dernier dialecte.

7 mai. — Nous sommes partis de bonne heure ce matin pour Rakiraki. Le vent nous a été favorable pendant une assez longue distance, puis il est tombé, ce qui nous a retardés et nous a forcés de nous arrêter à Vatéa, où nous avons trouvé un certain nombre de gens de Rakiraki occupés à la pêche ; nous leur avons annoncé l’Évangile, mais ils ont paru peu désireux de l’écouter. La nuit venue, le vent a semblé devenir favorable et nous nous sommes décidés à naviguer toute la nuit. Le voyage a été bon, tout compté. Toutefois notre canot a échoué plusieurs fois ; son mât et sa voile ont tombé même à la mer, et nous avons été un instant en danger. Dieu nous a miséricordieusement préservés, et, au point du jour, nous nous sommes trouvés à peu de distance de notre destination. La nuit avait été fatigante et nous n’avions guère pu dormir, mais un bon feu allumé à notre arrivée et une provision de yams à discrétion nous ont enlevé tout sentiment de lassitude.

8 mai. — Nous avons atteint Thokova, et nous avons trouvé le vieux chef possédant, comme toujours, un embonpoint excessif, et, comme toujours, réclamant la santé. Je lui ai demandé ce qu’il entendait par santé, puisqu’il s’imaginait ne pas la posséder. Il s’est contenté de me répondre : « Mé ou boula, — Faites-moi vivre, » — ce qui serait fort bien, s’il s’agissait pour lui d’autre chose que de la vie du corps ; mais, hélas ! le pauvre homme ne semble pas porter ses regards au delà de cette vie purement animale. Son frère, qui fait également profession extérieure de christianisme, partage les mêmes idées. Le peuple semble avoir le désir de devenir chrétien, mais je crois que ce qui l’empêche, ce sont justement ces deux chefs qui prétendent être chrétiens. Cette localité me rappelle Somosomo.

9 mai. — Nous avons eu trois services aujourd’hui. Notre vieux chef avait à peu près promis que sa famille ferait profession de christianisme aujourd’hui ; mais, lorsque le moment est venu, il s’en est tiré au moyen d’un mensonge. N’ayant que peu d’auditeurs au service de l’après-midi, je me suis adressé principalement aux évangélistes indigènes qui m’entouraient, et j’ai pris pour sujet la parabole du semeur. Voici une esquisse de cette méditation :

Division. I. Le semeur. II. La semence. III. Les diverses natures de terrains, dans lesquels tombe la semence.

I. Le Semeur a trois choses à faire :

  1. Choisir la semence qui doit être jetée en terre. Cela réclame de la sagesse.
  2. Semer la semence. Cela réclame de la diligence et de l’activité. Semer est un travail difficile.
  3. S’assurer que la semence est convenablement recouverte par la terre, protégée, sarclée, etc. Cela réclame beaucoup de soins, c’est-à-dire prières, soins pastoraux et discipline.

II. La Semence. Ce doit être :

  1. La Parole de Dieu ; l’Écriture convenablement lue ou citée.
  2. L’interprétation vraie et naturelle de cette Parole.
  3. Tout sentiment qui correspond aux vérités de la Bible, quoiqu’il ne soit pas exprimé dans les termes mêmes de l’Écriture.

III. Les Terrains. Ce sont :

  1. Le grand chemin, c’est-à-dire le pécheur endurci et indifférent.
  2. Le terrain pierreux, c’est-à-dire celui qui croit sans une ferme persuasion et qui abandonne la vérité sans de bonnes raisons.
  3. Le terrain épineux, c’est-à-dire celui qui est tourmenté par les soucis et trompé par les richesses du monde.
  4. Le bon terrain, c’est-à-dire celui qui croit, considère et pratique ce qu’il a entendu.

10 mai. — Nous nous sommes décidés à faire voile, vers la grande île de Vanoua Levou. Le vent était fort et nous promettait une rude traversée ; mais l’esprit de notre équipage était excellent ; on cargua la voile, selon la bonne coutume de Tonga, pour affronter la tempête, si elle se présentait. Cette manœuvre nous réussit, et nous pûmes atteindre Mboua sains et saufs, avant la nuit. Nous avons trouvé nos amis en bonne santé et dans un bon état spirituel, ce qui a rempli nos âmes de reconnaissance envers Dieu et nous a donné un nouveau courage. Quel contraste entre cette place et celle que nous venons de visiter !

11 mai. — Ce matin, j’ai vu le chef de Mboua, et je lui ai promis de faire bâtir la maison du missionnaire de son côté de la rivière, s’il veut promettre de devenir chrétien. Il n’a pas accepté ma proposition et a exprimé le désir que la maison soit bâtie à Tiliva, ce qui plaît beaucoup au peuple. On s’est mis à l’ouvrage sur-le-champ, et les choses ont l’air de marcher d’un bon train. Le service du soir a été intéressant.

12 mai. — La maison a avancé rapidement aujourd’hui. Vers midi, un résident américain m’a fait appeler pour lui donner quelques remèdes. Le soir, j’ai présidé un nouveau service et administré la sainte-cène. Ce peuple a fait de grands progrès depuis une année, mais il a encore beaucoup à faire. On a construit une belle chapelle.

13 mai. — Parti pour Ndama. J’ai présidé deux services dans la nouvelle chapelle, qui est encore mieux que celle de Mboua. C’est de beaucoup le meilleur édifice de l’endroit, et c’est là tout ce qu’on peut désirer. L’œuvre a fait de grands progrès ici dans l’année.

14 mai. — Nous nous sommes rendus à Solevou. J’ai trouvé David très malade, quoique un peu moins que précédemment.

15 mai. — J’ai prêché ce matin en fidjien et j’ai baptisé plusieurs personnes ; j’ai ensuite prêché en anglais. Ici encore, nous avons une nouvelle chapelle supérieure à tout ce qui existe dans la localité ; elle a été construite par les gens de Nandi.

16 mai. — J’ai visité les malades ; puis, j’ai eu une conversation avec le peuple de Solevou au sujet d’un terrain sur lequel on pourrait bâtir la maison du missionnaire. J’ai obtenu un terrain, mais ce sont les chrétiens de Nandi qui doivent construire la maison, et je dois aller demain matin les prévenir.

17 mai. — Nous avons été de bonne heure à Nandi. Les gens sont enchantés de la perspective d’avoir un missionnaire.

18 mai. — J’ai eu dans la journée une multitude d’occupations. Le soir, j’ai marié plusieurs couples, puis, j’ai prêché, et j’ai ensuite réuni les évangélistes indigènes pour m’entretenir avec eux de divers sujets importants. Ces deux derniers jours, j’ai lu Cecil. Aucun livre n’a le pouvoir de me remuer autant que celui-là. »

John Hunt nous apparaît, dans ces extraits, ce qu’il fut toute sa vie, dominé par la pensée de sa vocation et désireux de ne pas perdre une occasion d’annoncer l’Évangile. Ces notes rapides, écrites au soir de journées fatigantes, ne laissent jamais percer le souci de se mettre en évidence ; le missionnaire semble s’y cacher ; ce ne sont, à ses yeux, que des memorandas destinés à lui conserver le souvenir des commencements de l’œuvre. Mais, pour les lecteurs perspicaces, ces extraits ont leur signification, et ils n’ont pas eu de peine à y reconnaître l’homme de Dieu dans le déploiement de toute l’énergie de son âme mise au service de la sainte cause de l’Évangile.

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