Explication du Psaume 51

§ 66. David réclame ici une autre hysope que celle des purifications mosaïques.

Il veut donc ici réfuter les dépravateurs et les corrupteurs de la Loi, qui voulaient se servir de ces aspersions pour laver les péchés, quoique la rémission et la purification aient été promises seulement par la semence bénie, que tous les fidèles attendaient. La rémission des péchés a été la même dans tous les siècles, car Christ est le même hier et aujourd’hui et le sera éternellement. Les anciens étaient sauvés et recevaient la rémission de leurs péchés par la foi et la confiance au Messie à venir, et nous recevons ces choses par la foi au Messie venu, qui a souffert et qui a été glorifié. David dans ce passage traite la même matière que celle qui fait le principal but de toute l’épître aux Hébreux, qui s’occupe surtout à examiner cette question : Si le sacerdoce lévitique est suffisant pour la rémission des péchés, pourquoi Dieu en promet-il un autre qui ne soit point selon l’ordre d’Aaron, mais selon l’ordre de Melchisédec ? Dès lors, si les aspersions des eaux de la cendre de la génisse pouvaient laver et ôter le péché, David n’en demanderait point une autre : Puis donc que David recherche une autre aspersion et une autre hysope pour être lavé, il s’ensuit que tout le culte lévitique est non seulement inutile, mais même dangereux si on y attache l’opinion qu’il puisse justifier ; il permet donc que le peuple se lave et se purifie selon la Loi, mais d’une manière légitime ; savoir, afin que le peuple soit consacré à Dieu d’une sainteté simplement extérieure, mais non d’une sainteté intérieure devant Dieu dans la conscience ; car pour celle-ci il faut une autre aspersion ; c’est-à-dire, celle qui se fait non avec les eaux d’expiation et la cendre de la génisse, mais dans le sang de Jésus par la foi en Lui.

Voici donc en quoi consistait la chose, que les Juifs ne devaient point abuser de ces cérémonies, mais en bien user selon les intentions de Dieu, sans quoi ils avaient à attendre la ruine de toute leur Loi, et même la perte de leur salut. Car pour ce qui concerne simplement l’œuvre extérieure, ces aspersions mosaïques pourraient encore être gardées, pourvu qu’on admette ces deux choses : Premièrement, qu’on croie au Messie venu, et non à venir, comme les fidèles sous la Loi ; car c’est pour cela qu’ils étaient lavés pour témoigner par là qu’ils étaient et qu’ils voulaient demeurer en la foi de l’aspersion et de la purification parfaite du péché, qui devait être faite par le Messie ; secondement, pourvu qu’on n’attache et qu’on n’attribue aucune justice à ces aspersions, mais que ceux qui seraient arrosés et qui se serviraient de ces aspersions, n’en crussent pas être d’un cheveu meilleurs devant Dieu. Avec ces deux choses on pourrait encore se servir sans danger des aspersions lévitiques ; mais les Juifs ne veulent pas admettre ces deux points, ils veulent que le Messie soit encore à venir, et attribuent à leurs cérémonies une justice ; or, c’est là sans doute nier que Jésus soit venu en chair, et blasphémer la justice parfaite qui est par la foi en Jésus-Christ. Plutôt que de souffrir et de recevoir de pareilles choses, nous aimerions mieux que Moïse pérît avec toutes ses cérémonies.

Il faut bien remarquer ce que David dit ici, car si cette justice légale qui était pourtant ordonnée de Dieu ne justifiait point devant Dieu, combien moins la justice civile et politique pouvait-elle justifier ? Que dirons-nous des cultes et des œuvres qu’on entreprend sans et même contre la Parole de Dieu ? comme nous voyons le Papisme plein de ces cultes inventés par la volonté des hommes. Cherchons donc une aspersion spirituelle et une purification intérieure, que Saint-Pierre appelle l’aspersion du sang de Christ, dont sont arrosés tous ceux qui entendent l’Évangile de Jésus et qui y croient (1 Pierre 1.2). Ceux qui ne croient point à la Parole de l’Évangile sont bien aussi arrosés, mais cette Parole et ce sang de Jésus les jugera, parce que l’incrédulité les empêche d’être lavés. A cette aspersion appartiennent les sacrements du baptême et de la cène, car nous sommes arrosés du sang de Jésus, dans le baptême nous sommes baptisés en la mort de Christ, et dans la Cène on distribue aux fidèles le sang de Jésus et son corps (1) : et dans le ministère de la Parole on trouve aussi cette aspersion, parce qu’elle nous annonce que Jésus a satisfait par son sang pour les péchés du monde. Il n’y a de notre côté qu’à croire fermement comme ces mystères nous sont annoncés dans la Parole, et comme ils nous sont présentés dans les sacrements et dans les symboles et marques de notre foi, afin de consoler et de fortifier nos âmes par cette foi et cette confiance en l’aspersion du sang de Jésus.

[Par respect pour l’œuvre de Luther, nous n’avons voulu faire aucun retranchement dans cet ouvrage ; mais nous croyons devoir avertir les lecteurs que cet illustre réformateur énonce dans ce passage, sur la sainte Cène, et dans un autre sur les sacrements, une doctrine qui diffère de celle de nos Églises réformées et de la nôtre. On a nommé consubstantiation la doctrine luthérienne sur la Cènea.]

aNote des Editeurs de 1842.

Toute la différence qu’il y a entre l’Église de la Nouvelle Alliance et les fidèles de l’Ancienne, c’est qu’eux croyaient en cette aspersion comme devant se faire, et nous, nous la croyons déjà faite et consommée. Et voilà la première partie de ce verset, c’est que David rejette ces purifications légales comme incapables de justifier, ensuite, il prie d’être arrosé de la foi au Messie futur, qui devait arroser de son sang son église. C’est cette parole de la foi qu’il prie Dieu de lui faire entendre et recevoir, comme les paroles qui suivront le feront voir plus clairement ; c’est par cette foi que les fidèles de l’Ancien Testament ont été sauvés, comme nous le sommes aussi maintenant, quoique notre condition soit sans doute meilleure, parce que nous voyons la chose dans une lumière plus claire ; et nous trouvons cette foi non seulement dans la parole, mais nous la trouvons aussi enveloppée dans les signes et dans les symboles des sacrements du baptême et de la Cène ; c’est pourquoi Jésus-Christ dit : Plusieurs rois et plusieurs prophètes ont souhaité de voir les choses que vous voyez, et ne les ont point vues. C’est pourtant la même foi par laquelle les uns et les autres sont sauvés. De sorte que si quelqu’un demandait, pourquoi David désire une telle aspersion du sang de Jésus qui n’était pas encore accomplie, la réponse est facile, c’est que l’aspersion pour le pardon des péchés a toujours été la même depuis le commencement de l’Église, et que cette aspersion est celle du sang de Jésus ; seulement le temps est un peu différent : pour eux cette aspersion était future et à venir, et pour nous elle est passée et accomplie ; de sorte que si quelques-uns n’en sont pas participants, ce n’est pas la faute du sang de Jésus, mais de l’incrédulité de l’homme.

Cette doctrine est facile, mais il coûte de la peine à se la bien appliquer et à l’embrasser, de sorte qu’on s’assure fortement dans son cœur, que nulle satisfaction, nulle œuvre, nulle loi et nulle justice étrangère n’a de valeur devant Dieu pour justifier, mais qu’il n’y a que cette seule et unique aspersion qui puisse le faire ; car cette foi-là est agitée de plusieurs pensées, puisque l’esprit de l’homme ne peut pas se résoudre à mépriser la justice extérieure et civile ; et la Loi de Moïse, parce qu’elle est commandée de Dieu, incline facilement l’esprit à croire qu’elle ne saurait déplaire à Dieu quand quelqu’un la lui présente : et d’ailleurs notre chair et notre raison corrompues nous persuadent facilement d’y ajouter un grand prix, nous voyons qu’on punit les malfaiteurs et que fort peu évitent les peines qu’ils méritent : est-il donc possible de croire que Dieu qui poursuit de son jugement même sur cette terre des offenses souvent peu graves, n’agira pas à l’égard de nos péchés avec la même rigueur, mais qu’il nous les pardonnera gratuitement ? Voilà sans doute une chose difficile à croire ; enfin Satan ennemi juré de cette doctrine ne manque pas de son côté de faire tous ses efforts pour la renverser.

Il est donc difficile de s’arrêter et de s’attacher fermement à cette seule chose que ce qui nous justifie se trouve uniquement dans cette aspersion, il est difficile de s’arrêter et d’embrasser par la foi une telle vérité. Car quand la chair gémit sous le sentiment du péché, elle tourne d’abord ses pensées pour savoir comment elle pourra satisfaire à son péché par quelqu’œuvre qui lui soit opposée. L’usage et la coutume ont beaucoup fortifié notre nature dans cette inclination qu’elle a déjà d’elle-même ; car cette doctrine de satisfaire au péché par quelques bonnes œuvres a été reçue dans les églises et dans les monastères. Mais ne colloquons point Moïse avec ses lois et ses cérémonies dans le ciel, mais laissons-le avec ses Juifs, sur la terre, pour régler seulement cette vie temporelle ; car il n’y en a qu’un seul qui est monté et qui est descendu ; savoir, le Fils de Dieu, et le Fils de l’homme, Jésus-Christ ; c’est Celui de qui nous avons reçu commandement du Père de l’écouter, c’est Celui qui a porté les péchés du monde ; voilà la seule aspersion, la seule purification par laquelle nous sommes sauvés ; et le principe et le fondement, c’est de ne point être rebelle à la révélation céleste quand tu entends une telle doctrine, mais d’y croire et de l’embrasser. Car la nouvelle vie qui suit et qui vient après, ne doit pas être regardée comme une satisfaction pour les péchés précédents, mais comme un devoir et une obéissance ; et d’ailleurs comme c’est le Saint-Esprit qui l’a produit en nous, on n’en peut pas établir un mérite propre, pour apaiser Dieu, et pour expier le péché qu’on reconnaît par la foi être expié par Jésus-Christ seul.

Mais comme j’ai dit, cette doctrine est fort difficile à conserver : pendant qu’on n’est point dans la tentation, elle paraît fort facile ; mais quand le trouble commence a venir, et que nous sommes agités des pensées et du sentiment de la colère de Dieu, c’est alors qu’on éprouve qu’il coûte des peines et des combats pour croire cette doctrine. Que chacun donc soit averti de ne rien présumer de soi-même, car ces choses-là peuvent bien être enseignées et écoutées, et même on peut les croire et les admettre ; mais dans la tentation, y demeurer fermement attaché, c’est un don et une grâce particulière du Saint-Esprit ; tant la nature est encline à se laisser aller à ces pensées égarées de propre mérite, de satisfaction et autres tromperies du Diable. Quand donc tu entends parler de satisfaction, crois et soutiens qu’il n’y a qu’une seule véritable satisfaction, qui est celle de la foi ; savoir, que Jésus-Christ a porté et a expié tes péchés. Pourvu que cette satisfaction soit regardée comme seule capable d’expier le péché, sans y mêler en aucune manière les tiennes ; il te sera permis ensuite de mortifier ta chair, d’exercer assidûment la charité, de vaquer à ta vocation et de faire toutes les autres bonnes choses que la parole de Dieu autorise. Cette obéissance est agréable à Dieu, parce qu’elle est faite dans une bonne fin, non pour satisfaire pour ses péchés, mais seulement pour obéir à Dieu. Mais que font les hommes qui cherchent leur propre justice ? Ils recherchent beaucoup de bonnes œuvres, ils établissent et inventent même beaucoup de différents cultes, par lesquels ils veulent servir Dieu, dans l’intention et dans le dessein de lui plaire et de se purifier du péché. Mais n’est-ce pas là renier Jésus et nier qu’il soit établi de Dieu pour satisfaire pour nous, afin qu’en reconnaissance de cette satisfaction, nous lui obéissions, nous le louions et le servions par la foi ? Mais comme ces rechercheurs de satisfactions ne font pas cela, mais qu’ils veulent établir leurs jeûnes, leurs prières et leurs œuvres pour des justices auxquelles ils espèrent que Dieu aura égard, c’est pourquoi ils entendront un jour la voix du Père qui commandera qu’ils soient jetés dans les enfers avec toutes leurs justices et leurs jeûnes, par lesquels ils n’ont rien fait que de blasphémer le Fils de Dieu.

Quand donc il est question de la justice qui vaut devant Dieu, il faut entièrement que toute la loi soit abolie et regardée comme inutile dans l’œuvre de notre justification ; et il ne faut rien admettre que la loi de l’Esprit et de la promesse, qui nous présente Jésus-Christ mort pour nous et pour nos péchés : cette parole est une parole de grâce et de promesse qui n’exige rien de nous comme fait la loi, mais qui nous offre une satisfaction plénière dans le sacrifice accompli de Jésus-Christ, lequel a imposé et mis fin à toute la Loi de Moïse : c’est pourquoi David rejette si librement cette aspersion imparfaite de la Loi, et demande d’être arrosé, non par un sacrificateur lévitique, mais par le Rédempteur, afin qu’il reçoive dans sa conscience, une pureté plus complète que ne l’est celle de la neige.

Les mots que l’interprète tourne : Arrose-moi ou purifie-moi, signifient d’après le texte hébreu, expie, ou absous-moi : mais c’est le même sens, puisque les expiations se faisaient par les aspersions : et parce que les aspersions se faisaient avec de l’hysope, c’est pourquoi David fait mention de l’hysope, pour montrer comme au doigt où il veut viser ; savoir, qu’il ne recherche pas l’aspersion qui se faisait avec l’hysope du sacrificateur, mais qu’il veut que Dieu lui-même le nettoie avec un autre hysope, qu’ainsi il parle contre les expiations légales.

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