Explication du Psaume 51

§ 67. Ce que signifie plus blanc que neige.

Mais il se présente ici une question théologique ; comment est-il possible que nous puissions être rendus plus blancs et plus nets que la neige, puisqu’il y a encore dans les plus saints les restes du péché ? Je réponds : J’ai souvent dit que l’homme régénéré a en soi deux principes : l’Esprit et la chair ; sans doute que si l’on considère l’homme tout entier, il reste encore en lui des résidus du péché, que l’apôtre appelle les souillures de la chair et de l’esprit ; les souillures de l’esprit sont les doutes, les incrédulités, les imperfections de la foi, les murmures contre Dieu, les impatiences, les imperfections qu’il y a dans la connaissance que nous avons de Dieu ; les souillures de la chair sont : les adultères, les concupiscences, les homicides, les querelles : celles-là se contractent et se sèment par les hérétiques, et celles-ci par les scandales du monde, de sorte que le corps et l’esprit se souillent.

Quoique donc à cause de ce qui reste encore de ces souillures en nous, nous ne soyons pas parfaitement saints, comme nous devrions l’être ; cependant comme nous avons reçu le baptême, qui est un bain très pur, et que nous avons la parole de Dieu qui est plus pure que l’or, nous avons aussi reçu en même temps par le Baptême et par la Parole, le sang de Jésus qui est très pur. C’est donc cette pureté qu’un fidèle reçoit par la foi dans la parole et dans les sacrements, qui fait qu’il est plus pur et plus net que la neige, même plus pur que le soleil, que les étoiles, et que toutes les choses du monde, quoiqu’il ait encore en lui les restes de ses souillures de la chair et de l’esprit, parce que ces souillures sont couvertes et comme englouties dans le sang de Jésus et par sa pureté, que nous recevons et que nous embrassons par la foi. Mais il faut bien remarquer que cette pureté par laquelle nous sommes plus nets que neige, n’est pas la nôtre propre, mais est une pureté étrangère, car Jésus nous revêt et nous pare de sa justice ; que si tu voyais un fidèle, ce qu’il est hors de la justice de Jésus, tu verrais que même dans sa plus grande sainteté, il n’a non seulement aucune pureté, mais qu’il est dans une laideur et dans une noirceur diaboliques. Que fait donc le Pape en nous ôtant Jésus, en nous privant et en affaiblissant la vertu des sacrements ? Il nous dépouille, il nous réduit à être seuls et à paraître seuls devant Dieu. C’est là ôter au fidèle toute pureté et ne lui laisser que le péché.

Quand donc on te demandera : Puisque le péché est toujours attaché à l’homme, comment peut-il être lavé de manière qu’il devienne plus blanc que neige ? Réponds, qu’il faut considérer le fidèle non en lui-même, mais en tant qu’il est en Jésus ; alors tu trouveras que les croyants sont lavés et purifiés dans le sang de Jésus ; or, qui voudrait être assez profane pour nier que le sang de Jésus ne soit très pur ? Pourquoi donc un cœur qui est dans ce sang, douterait-il de sa pureté et de sa netteté ? Est-ce parce qu’il sentirait encore les restes du péché en lui-même ? Mais il n’est pas question de ce qu’il sent et de ce qui est en lui-même, mais il est question de ce que Jésus est en lui. Un enfant qui est porté sur les bras d’une servante, qui est comme conduit et gouverné par elle, en est-il moins l’héritier de son père ? Si vous considérez l’état de cet enfant par rapport à la suggestion où il est à l’égard de cette servante, il semble qu’il en soit le serviteur, il ne laisse pourtant pas en effet d’être l’héritier du père, parce qu’il est son fils et qu’il est né de lui, et non de la servante. C’est le jugement qu’il faut porter sur un chrétien : il faut te considérer comme tu es sorti du Baptême, ou tel que tu es devenu par ton Baptême, et non pas tel que tu es par ta naissance et par la corruption naturelle que tu as contractée de tes parents. Car la seconde naissance prévaut sur la première, car elle n’est pas de l’homme mais de Dieu, et de la semence de sa parole, que la foi a embrassée et reçue, comme notre prophète l’a amplement montré jusqu’ici.

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