Théologie Systématique – II. Dogmes Mixtes

Providence

1. Fondements du dogme

Arguments historique, ontologique, théologique, téléologique, psychologique, biblique (direct et indirect). — Réponse à quelques objections.

La Providence est cette action constante et universelle de la puissance et de la sagesse de Dieu, qui conserve et régit le monde conformément aux fins qu’il s’est proposées en créant, de sorte que tout est de lui, par lui et pour lui (Romains 11.31).

Le mot Providence (providentia, προνοια) renferme la double idée de prévoir et de pourvoir. Ce mot n’est point scripturaire, dans son acception théologique. On ne le rencontre en ce sens qu’au livre apocryphe de la Sapience. Il y est dit, chap. 14, verset 3 : « La convoitise du gain a inventé le navire, et l’ouvrier l’a construit par son adresse ; mais, ô Père, c’est ta Providence qui le gouverne » (Cf. 17.2). Le substantif προνοια se trouve deux fois dans le N.T. (Actes 24.3 ; Romains 13.14) ; mais dans des acceptions ou des applications étrangères à notre dogme. Dans le premier passage il se rapporte au gouvernement de Félix, dans le second au soin de la chair. Le verbe προνοεω est employé 1 Timothée 5.8, toujours dans la même acception inférieure.

Quoique le mot Providence ne soit point biblique au sens que nous lui donnons, on ne doit se faire aucun scrupule de s’en servir. Il est consacré par un usage ancien et universel ; il exprime bien l’idée chrétienne ; il est entouré des respects du monde comme de l’Eglise ; il réveille par lui-même une foule de pensées et d’émotions qui s’y sont depuis longtemps associées et qui ne s’allieraient pas également à une autre expression. Que gagnerait-on à s’en interdire l’emploi par un littéralisme superstitieux ? Ne faut-il pas à la théologie, ainsi qu’à toutes les sciences, de ces termes généraux qui résument les doctrines ? Le mot « théologie » lui-même n’est pas biblique, non plus que celui de « Trinité » et bien d’autres ; mais ils se sont imposés par la nécessité des choses, et c’est assez pour les retenir.

La foi à la Providence est tellement liée à la foi en Dieu, tellement naturelle en quelque sorte, que bien des personnes ont jugé superflu de chercher à la légitimer. Il convient cependant d’indiquer les principaux arguments qui la fondent ou la justifient.

Elle naît d’elle-même, pour le chrétien, de l’étude des Ecritures, où tout tend à la nourrir dans les cœurs, les faits comme les enseignements : argument biblique. — On la rencontre à quelque degré dans tous les temps et chez tous les peuples : argument historique. — La conservation des êtres et leur infinie reproduction étant comme une création continue, annonce l’incessante action de la Puissance créatrice et organisatrice : argument ontologique. — Dieu doit veiller et pourvoir au but qu’il s’est proposé ; sa sagesse, sa bonté, sa justice ne permettent pas de douter qu’il s’intéresse à l’ordre et au bien général, et sa toute présence implique une activité universelle : argument théologique. — La contemplation du monde physique et moral élève à la notion de la Providence : argument téléologique. — Enfin cette notion se place au nombre des vérités premières, en tant qu’elle est un des éléments constitutifs du sentiment religieux : argument psychologique.

Commençons par les données rationnelles.

a) Argument historique. — Partout la religion, et partout aussi la Providence ; car la religion n’est que le rapport de l’homme à Dieu, et la Providence n’est au fond que l’expression de ce rapport. Sans doute, mille superstitions se sont mêlées à cette croyance humanitaire, mais la croyance elle-même est à la base de tous les cultes.

b) Argument ontologique. — Les êtres dont le monde est l’assemblage n’ont point en eux la raison de leur existencec ; leur maintien, leur durée, leur fonction n’est, autant que nous en pouvons juger, qu’un effet de la volonté souveraine qui les a produits. Il en est du monde ou de l’ensemble des êtres, comme de chaque être en particulier ; car le tout ne saurait posséder l’aséité que ne possèdent point les parties dont il se compose ; la Puissance qui a créé agit donc toujours pour conserver. Cette observation s’applique également aux lois ou aux forces de la nature. Quoique elles aient une existence et une action propre, elles ne sont en dernière analyse que les formes de l’énergie divine, que les modes d’après lesquels elle s’exerce. Dieu agit par elles et en elles. Pour anéantir l’univers, il n’aurait pas besoin de déployer sa toute puissance, il n’aurait qu’à la retirer. Comme à sa parole l’univers a comparu, ainsi il disparaîtrait si elle cessait de le soutenir. Cette induction de la contingence des créatures est d’accord avec le langage biblique. (Psaumes 104.27-30 ; Jean 5.17 ; Actes 17.23, etc.).

c – Voir dans la « Théodicée » l’argument cosmologique. — Nous partons de la notion théiste, que nous avons essayé de légitimer en opposition avec les notions déiste et panthéiste.

Mais il n’est pas nécessaire et il peut être périlleux d’insister aujourd’hui sur cet ordre de considérations. Notre siècle est aussi enclin à les exagérer que le xviiie siècle l’était à les amoindrir ou à les nier. Après avoir mis Dieu beaucoup trop en dehors du monde, sous le prisme du point de vue naturaliste et déistique, on est disposé maintenant à l’y enfermer, à l’y incarner, par la prédominance du point de vue idéaliste, mystique ou panthéistique : tant la raison ou l’opinion traverse rapidement le vrai, dans ses incessantes alternances.

A tout prendre, sans contester qu’il se trouve un fond de vérité dans ces considérations ontologiques, nous doutons qu’elles aient la valeur qu’on leur attribue de nouveau. Pures inductions logiques, elles peuvent n’être que des représentations idéales. Il n’y a de positif que les données de l’observation ou de la conscience, qui ne portent pas très loin, et celles de la révélation qui ne valent que pour la foi. Par delà est le terrain de la simple possibilité. Que savons-nous en réalité du rapport du Créateur avec la création, ainsi que de la nature et du mode de son action providentielle ? Il n’y a guère de certain que le fait.

Du reste, de quelque manière que nous concevions le maintien de l’ordre universel ; que nous le considérions comme le résultat d’une sorte de mécanisme, dont Dieu aurait arrangé dès le commencement tous les ressorts, ou comme la continuation de l’acte créateur ; qu’il tienne à une prédisposition faite une fois pour toutes, comme on le voulait hier, ou à une intervention incessante, comme on incline à le penser aujourd’hui ; qu’il s’opère médiatement ou immédiatement, il est toujours l’effet de la volonté et de la puissance divine, et la conclusion reste au fond la même.

c) Argument théologique. — Dieu a eu un but en créant : la réflexion et l’observation le disent de concert. Mais si ce but est incontestable, s’il est la raison de l’existence de l’univers, il faut, pour qu’il ne soit pas mis en péril, que Dieu tienne continuellement sous sa direction l’ensemble des forces cosmiques ; il faut surtout qu’il surveille les êtres doués d’une libre activité, qui peuvent être fidèles à leur loi ou s’en écarter à leur gré, et exercer la portion de puissance dont ils disposent dans le sens du désordre comme dans celui de l’ordre : forces volontaires, par cela même indépendantes à bien des égards et étendant leur influence sur les deux mondes, qu’arriverait-il si ces êtres étaient absolument abandonnés à eux-mêmes ? N’est-il pas nécessaire qu’ils soient sans cesse contenus ou ramenés dans leurs limites respectives ? N’est-il pas indispensable en particulier que le Pouvoir suprême veille sur ceux qui, sortis de leur voie, infidèles à leur origine et à leur destination, cherchent à propager le mal et ébranlent, autant qu’il est en eux, les bases de l’ordre et du bien par l’infraction de la loi morale ?

Déterminer quelle est cette action divine, nous ne le saurions ; mais tout annonce qu’elle est.

Elle ressort de la notion même de Dieu. Sa toute présence implique, ce semble, une activité constante et universelle. Comment concevoir que l’énergie créatrice soit partout répandue, sans être partout effective ? Mais ceci ramènerait l’argument ontologique.

L’idée de la Providence s’induit encore d’autres attributs de Dieu : de sa sagesse qui doit poursuivre jusqu’à la fin ce qu’elle s’est proposé dès le commencement : de sa bonté qui ne peut rester indifférente au sort de ses créatures ; de sa justice qui ne saurait laisser ineffectives les éternelles sanctions du bien et du mal.

d) Argument téléologique. — De la contemplation du monde, soit moral, soit physique, naît aussi la foi à la Providence. Il y a dans la marche des choses et dans leur constitution, un ordre, un plan qui frappe l’œil le moins attentif, qui devient toujours plus sensible à mesure que nos connaissances s’étendent, et qui porte dans l’âme la conviction qu’une sagesse infinie préside à cette vie générale des êtres. C’est l’impression que l’homme a toujours reçue ; et cette intuition ou cette révélation, un grand fait est venu l’éclairer et la confirmer de nos jours. L’histoire de notre terre, dont la géologie a découvert les documents, nous montre une série de formations progressives, une marche constamment ascensionnelle où se manifestent le dessein, le but, la prédisposition, par conséquent la pensée créatrice ou ordonnatrice.

Remarquons ici combien la science abuse de certains mots, tels que ceux de loi, de force, de principe. On emploie le mot loi pour indiquer et l’ordre des phénomènes et leur mode ou leur moyen de production ; il s’y associe une idée vague d’énergie occulte, de puissance spontanée. Trouver la loi des faits, c’est trouver leur raison d’être, c’est les expliquer ; et l’on s’arrête là, le but de l’investigation philosophique est censé atteint. En conséquence de cette manière de voir, on finit par considérer les lois de la nature comme la cause réelle de l’apparition des choses et de leurs formes ; et cela indépendamment de tout pouvoir constitutif en dehors de ces lois. Autrefois, à la place des lois de la nature on mettait les esprits célestes (anges des Pères : Justin, Athénagore, Tertullien, etc. ; éons des Gnostiques), confiant à leur direction les êtres et les mondes. C’était aussi plausible, au point de vue de cette époque, que l’est le dynamisme au point de vue actuel : conceptions humaines du fait divin, qui changent avec les revirements de la pensée générale, et dont on a droit de dire peut-être qu’elles sont toutes également vraies et également fausses. Assigner une loi pour cause efficiente et véritable, est un abus manifeste de langage ; c’est en faire un être qu’on doue d’intelligence et d’activité. Une loi quelconque présuppose un agent, une puissance intelligente, puisqu’elle n’est que l’ordre ou le mode selon lequel cette puissance agit. Sans cette intelligence et cette puissance, l’une et l’autre distinctes de la loi, celle-ci ne saurait rien opérer, elle n’existe même pas. La loi de la gravitation maintient, dit-on, le système des mondes, la loi de la nutrition entretient la vie des plantes et des animaux, la loi de la reproduction perpétue ce que la mort détruit incessamment, etc., etc. Oui ; mais ces lois se sont-elles produites d’elles-mêmes, avec l’ordre mystérieux et merveilleux qu’elles conservent ? Autant vaudrait dire que ce sont les législations qui fondent et régissent les Etats. On le dit sans doute ; mais par une métaphore à laquelle personne ne se méprend, parce qu’on voit derrière les lois civiles le pouvoir dont elles émanent et qui les exécute.

Qui met cela en question ? pourra-t-on nous dire. Qui ? Tout le monde à peu près, car c’est l’esprit du temps. C’est là-dessus qu’on raisonne, qu’on spécule, qu’on systématise. Voyez ces mille tendances panthéistes et naturalistes qui font naître de lui-même l’ordre universel qu’elles célèbrent et adorent, qui placent dans le monde sa cause efficiente comme sa cause finale, qui dérivent ce merveilleux Cosmos d’un principe impersonnel, inconscient, se développant éternellement par une sorte de fatalisme interne où la nécessité devient la liberté.

Il en est des mots force, principe, comme de celui de loi. Un principe, une force aveugle ne saurait rendre raison de cette admirable constitution des choses où se révèlent partout le dessein, la prédisposition. Il y faut une intelligence, une volonté, dont ce qu’on nomme force, principe, n’est que le moyen ou le mode d’action. Exclure cette intelligence ordonnatrice, « c’est raisonner à peu près comme on le ferait si l’on appelait l’art de filer ou de tisser un principe, et qu’ensuite on prétendît expliquer la fabrication des diverses étoffes en faisant abstraction de projet et d’invention chez l’artiste, ou même en se passant tout à fait de la supposition qu’il ait existé un artisted. »

d – W. Paley, Théol. natur.

Nous ne saurions trop nous tenir en garde contre ces abus de langage, sur lesquels se greffent tant d’erreurs. On parle beaucoup de préjugés populaires et trop peu de préjugés scientifiques. Chaque école, pour peu qu’elle dure, se forme un ensemble d’opinions et de locutions en rapport avec ses tendances et ses doctrines générales ; elle se fait peu à peu, pour ainsi parler, sa raison propre comme sa langue propre. C’est là pour elle la vérité et la règle de la vérité. Du principe accrédité, l’aspect et le jugement général des choses. Aussi avec quelle rapidité tout se transforme ou s’écroule, dès que le changement du principe déplace le point de vue. Nous avons assisté à l’un de ces grands revirements qui, portant la pensée d’un extrême à l’autre, font paraître noir aujourd’hui ce qui paraissait blanc hier et vice versa.

Encore une fois, gardons-nous de ces entraînements. Ces expressions qui, sous le prisme de l’opinion du jour, semblent ouvrir le fond des choses, n’en éclairent que la superficie ; elles en laissent généralement dans l’ombre les éléments ou les côtés les plus essentiels. Combien de ces locutions axiomatiques ont passé devant nous avec les explications ou les démonstrations prétendues qu’on en tirait ! (Points de vue Cartésien, Condillacien, Hégélien, etc.) Toujours cet au delà d’où tout dépend en réalité. Ainsi, pour nous borner aux termes dont nous avons ici à nous rendre compte, appelez principe immanent, force vitale, ce qui fait sortir le gland du chêne et puis le chêne du gland, je le veux bien ; mais est-il possible de croire que cela se soit établi de soi-même ? Voilà la question. Et si la science hésite à y répondre, il est en nous quelque chose qui lui est antérieur et supérieur, et qui n’hésite pas.

La contemplation du monde moral, ou, pour mieux dire, de la partie de ce monde que notre observation peut atteindre, n’éveille pas moins dans les âmes recueillies la pensée de la Providence, que la contemplation du monde physique. Il y a là, il est vrai, bien des désordres et par cela même bien des faits qui étonnent et troublent au premier abord ; mais quand nous savons que le désordre-principe, le péché, vient de l’homme ; quand nous avons reconnu la liberté et la responsabilité morale, la loi de l’épreuve et les rétributions futures ; quand, à la lumière de ces grandes doctrines que donne la conscience aussi bien que la Bible, nous avons découvert la source du mal et entrevu ses raisons et ses fins, les ombres qu’il projette sur la Providence divine s’affaiblissent si elles ne se dissipent pas.

En dehors même de ces considérations, qui ne valent que pour la foi, l’histoire de l’humanité dans son ensemble révèle la Providence à la raison, de manière à contraindre l’incrédule lui-même à la confesser. Voyez ces haines, ces rivalités, ces vengeances, ces guerres, cette soif d’extermination égale à la soif de domination ; réfléchissez à ces innombrables causes de destruction constamment et partout agissantes, et vous sentirez que la Société aurait mille fois péri si une main invisible n’eût imposé aux passions de l’homme, comme aux flots de la mer, des bornes qu’elles n’ont pu franchir.

Bien plus, au milieu des aberrations et des convulsions dont les annales humaines déroulent le sombre tableau, il se montre dans ]e monde moral un progrès continu, un développement ascensionnel, analogue à celui que la géologie constate dans le Globe, c’est-à-dire une marche inverse de celle qu’il aurait dû suivre, avec les perturbations qui le travaillent, s’il eût été abandonné à lui-même. Aussi l’histoire digne de ce nom, quelque irréligieuse qu’elle soit, proclame-t-elle d’une ou d’autre manière la Providence. L’observateur attentif se trouve fréquemment en présence de causes et d’interventions supérieures, il se sent en face d’une puissance mystérieuse qui, tout en laissant l’homme à son propre conseil, impose pourtant des limites à ses écarts ; il voit le bien sortir du mal, le désordre se punir et s’arrêter de lui-même par une loi constante, qui manifeste la Providence dans l’histoire, de même que des indices sans nombre l’annoncent dans la nature. Voyez, par exemple, la lumière religieuse, que l’erreur et le péché changent de toute part en ténèbres, se conserver dans la Judée contre le cours général des idées et des choses, en opposition avec les tendances universelles de cette époque, dans des circonstances où elle aurait dû, ce semble, être à plusieurs reprises complètement étouffée, et s’y conserver jusqu’au temps où elle devait se répandre de là sur les nations.

C’est quand le monde semble près de se dissoudre dans sa corruption, qu’il reçoit du christianisme le principe d’une vie nouvelle et supérieure. De l’irruption des barbares est sortie la civilisation moderne. Un grand historien, Jean de Muller, passa de l’incrédulité à la foi, en reconnaissant les vues providentielles qui président aux évolutions sociales et au déroulement des destinées humaines. Il est probable qu’avec un esprit plus recueilli et un cœur plus pur, nous apercevrions tous l’action divine dans la chaîne des événements de notre propre vie (Matthieu 5.5 ; 10.30). Peut-être n’est-il personne qui ne l’ait entrevue ici ou là ; et il est des hommes qui la voient et l’adorent partout, de telle sorte que leur expérience journalière vivifie sans cesse leur croyance.

e) Argument psychologique. — La notion de la Providence, comme celle de la Divinité avec laquelle elle ne fait qu’un, est une de ces révélations ou de ces intuitions qu’il faut recevoir telles que la conscience les donne et parce qu’elle les donne. Ces données immédiates de notre constitution intellectuelle et morale sont vraies, ou rien ne l’est, car tout y repose finalement. Or, avec l’idée de Dieu, l’homme aie sentiment de sa dépendance vis-à-vis de lui. Et ce n’est pas le préjugé d’un siècle ou d’un peuple ; ce n’est pas une opinion née de tel ou tel système, de tel ou tel degré de culture, de tel ou tel état social ; c’est un sentiment humain, c’est un principe universel. Partout on s’incline avec tremblement ou avec amour devant un Etre invisible et l’on cherche à se le rendre favorable, se sentant sous son regard et sous sa main ; partout quelque prière et quelque religion. Or la prière, la religion, le culte, supposent la foi à la Providence et l’attestent par cela seul. Si le sentiment religieux porte en lui-même cette conviction que Dieu règne, le sentiment moral l’implique aussi, car il unit indissolublement au bien et au mal l’espérance et la crainte, la récompense et la punition, par conséquent l’idée, obscure peut-être, mais réelle et profonde, d’une Puissance suprême qui veille sur nous.

Qu’est ce cri de la conscience, que tout le monde entend à une heure ou à l’autre, que personne ne parvient à étouffer complètement, si ce n’est la secrète impression de la Justice ou de la Providence éternelle ? Le dogme ou, si l’on veut, le fait providentiel, est donc un élément intégrant du sentiment religieux et moral ; de sorte que si ce sentiment est primitif et par suite constitutif, comme la philosophie l’accorde de plus en plus, la notion de la Providence l’est également. Dès lors elle s’impose (et s’impose telle quelle) par delà tous les raisonnements et tous les systèmes.

On s’étonne que cette dernière démonstration soit si peu pressée dans les écoles qui font de la conscience leur critère ou même leur l’acteur. C’est qu’infidèles en fait à ce qu’elles posent en principe, elles substituent en mille sens une conscience factice à la conscience réelle et la spéculation à l’intuition. Malgré les noms qu’elles se donnent, elles n’ont pas la vraie théologie de la conscience ; on peut l’avoir plus qu’elles, sans en afficher au même degré la prétention. (Voyez déjà dans Schleiermacher, le grand promoteur de cette direction).

f) Argument biblique. — Il peut se diviser en direct et indirect. L’Ecriture proclame la Providence et par des déclarations aussi expresses que nombreuses et par les faits qu’elle raconte ; elle l’enseigne et la manifeste ; elle en est la révélation et l’histoire.

Argument direct (enseignements). — La doctrine de la Providence règne d’un bout à l’autre de la Bible, parce qu’elle tient à l’essence même de la religion. Dieu préside éternellement aux révolutions du monde, aux destinées des empires et des peuples, aux conseils des rois. Il veille sur les détails comme sur l’ensemble ; il nourrit les oiseaux de l’air, il revêt les lys des champs, il ne tombe pas en terre un seul passereau sans sa permission, les cheveux de notre tête sont comptés.

La Bible se jetant, s’il est permis d’ainsi dire, dans l’extrême opposé à celui qui caractérise l’esprit de notre époque et en général l’esprit de l’homme, semble faire abstraction des causes secondes et des lois naturelles pour rapporter tout à l’action immédiate de Dieu. Elle lui attribue tous les phénomènes physiques. C’est lui qui fait lever le soleil et le dirige dans son cours ; c’est sa main qui affermit les montagnes et arrête l’Océan dans les bornes qu’il lui a assignées. Tout ce que nous rattachons aux lois et aux forces de la nature semble venir directement de Dieu.

Mais c’est spécialement dans ses rapports avec l’humanité que Dieu se révèle dans les Saintes Ecritures. De là un caractère particulier et profondément impressif de la notion biblique de la Providence. « La révélation, dit W. Paley, a un avantage que personne ne peut lui refuser, c’est qu’en rejetant l’idolâtrie, elle présente la Divinité d’une manière plus personnelle, plus déterminée, plus à notre portée que la théologie naturelle ne peut le faire. La révélation nous représente Dieu uniquement sous le rapport dans lequel il est avec nous, et ordinairement avec un caractère particulier résultant de ce rapport. Or, cette méthode est bien mieux d’accord avec la mesure de notre intelligence, que ne l’est l’idée de l’universalité de Dieu, telle que nous la déduisons de la contemplation de la nature. Cette manière de représenter Dieu paraîtra, à ceux qui ont beaucoup réfléchi sur ce sujet, extrêmement convenable et même nécessaire, vu l’imperfection de nos facultés. »

La Bible place et retient l’homme dans une entière dépendance de Dieu. Nos pas sont dirigés par l’Eternel. (Proverbes 20.24). Nous devons exposer tous nos besoins à Dieu (Philippiens 4.6), nous décharger sur lui de tous nos soucis (1 Pierre 5.7), car il fait contribuer toutes choses au bien de ceux qui l’aiment (Romains 8.27). Nos temps sont dans sa main (Psaumes 31.15 ; Job 14.5, 20 ; Actes 17.26). De là, la question fort controversée autrefois du terme de la vie humaine ; de là encore l’expression de Livre de vie, dont il est dit que Dieu y inscrit ou qu’il en efface le nom des hommes, quand il leur donne ou qu’il leur ôte soit la vie temporelle (Exode 32.32 ; Psaumes 139.16), soit la vie éternelle (Psaumes 69.28 ; Philippiens 4.3 ; Apocalypse 3.5 ; 20.15).

L’Ecriture décrit l’action de Dieu sur le monde moral de la même manière que son action sur le monde physique : étrangère à la langue de la science, ne distinguant pas en particulier les différentes catégories de causes (première et seconde, efficiente et instrumentale, etc.), elle paraît faire abstraction de la libre activité de l’homme, comme des lois et des forces naturelles.

Cette forme d’enseignement ou de langage, plus prononcée peut-être dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau, mais la même au fond dans les deux, correspond, a-t-on dit, à l’état d’enfance de l’humanité, à ce degré de développement où l’ignorance des causes secondes explique tout par la Cause première. Que cela soit vrai en thèse générale, nous ne le contestons pas ; mais il est bien plus vrai de dire que cette représentation des choses tient à l’un des buts permanents de la révélation, qui est de nourrir la foi et la piété, en rendant en quelque sorte sensible la présence divine et l’action providentielle. Pour nous placer en constante communion avec Dieu, la Bible nous le montre en tout et partout ; et il y est réellement, car tout est de lui et par lui. Ce sont nos vues étroites et surtout nos inclinations mauvaises qui nous dérobent sa présence. « Heureux ceux qui ont le cœur pur, a dit Jésus-Christ, car ils verront Dieu. » (Matthieu 5.5) ; parole profonde, à laquelle on n’est pas assez attentif.

Du reste nous n’avons plus à justifier ce côté de la doctrine biblique, objet de préventions et d’attaques si vives il y a quatre jours. Tandis que pour le xviiie siècle, Dieu n’apparaissait qu’au delà du monde qui allait sans lui, on le place maintenant dans le monde, jusqu’à l’y confondre et l’y perdre. Etranges revirements ! hier c’était sur la transcendance divine que la théodicée, d’où tout dépend, se construisait en entier ; aujourd’hui c’est sur l’immanence divine (science de mots qui couvre l’ignorance des choses). Dieu est tout en tout, répète-t-on de toutes parts avec l’apôtre, mais en un sens ontologique que certainement il n’y mettait pas. De toutes parts aussi vous entendez ce nom de Providence si longtemps remplacé par celui de Nature ; mais ce n’est pas non plus, bien s’en faut, dans l’acception chrétienne qu’on l’emploie. Sous cette expression, si douce, il se cache ce destin aveugle, sourd et muet qui régna sur l’antiquité païenne. Suite naturelle des théories et des tendances panthéistiques, ces vues se trahissent de mille manières dans la poésie, dans la philosophie et dans une nombreuse école historique qui ne voit qu’un enchaînement nécessaire de causes et d’effets dans la vie sociale. Tenons-nous donc en garde contre le piège que recèle sous ce rapport, et sous bien d’autres, la terminologie du moment.

Il y a là une double face des choses ; d’un côté l’action de Dieu, de l’autre, celle des êtres créés, des forces qui leur sont inhérentes et des lois qui les régissent ; l’une externe et, pour ainsi parler, superficielle, que manifeste l’observation ; l’autre interne et, par là même, plus profonde, que révèle la foi. C’est cette action invisible de Dieu que la Bible fait ressortir, parce que c’est celle qui appartient à la religion. La liberté et la responsabilité de l’homme semblent s’y perdre çà et là : mais cette impression n’a lieu que lorsqu’on s’arrête trop exclusivement à une face de l’enseignement ou du langage biblique ; aussi se produit-elle sur le savant, qui isole les textes pour les mieux étudier, plus que sur l’humble lecteur qui les laisse agir dans leur ensemble. En relevant l’intervention providentielle dans ses rapports mystérieux avec la prière, en l’étendant et sur l’ordre spirituel et sur l’ordre temporel, les Saintes Ecritures font partout sentir l’absolue nécessité de la vigilance et du travail. La libre responsabilité des agents moraux y est fréquemment proclamée et constamment supposée ; elle est impliquée dans les obligations qui leur sont prescrites et jusque dans les grâces qui leur sont offertes.

Argument biblique indirect. — La Bible est, par le seul fait de son existence et de son origine supérieure, une démonstration de la Providence divine. Dieu, après nous avoir parlé de diverses manières par ses prophètes, nous a parlé par son Fils (Hébreux 1.1). Mais ce fait extra-naturel en suppose d’autres du même genre, et la Bible en raconte un grand nombre. Dieu est fréquemment intervenu pour accomplir des desseins de justice ou de miséricorde ; la Bible est l’histoire de ces dispensations célestes envers notre monde, elle est l’histoire de Dieu à l’égard de l’homme. Elle nous le montre partout présent, toujours agissant, luttant sans cesse contre le mal, et versant d’En haut sur le monde ou ses jugements ou ses bénédictions. Là chute de l’homme, la condamnation et la promesse, le déluge, la vocation d’Abraham, la vie des patriarches (en particulier celles de Joseph et de Moïse, gardés l’un et l’autre pour sauver de la destruction la famille dépositaire de l’avenir du monde), la sortie d’Egypte, le don de la loi, le voyage de 40 ans dans le désert, la prise de possession du pays de Canaan… Qu’est-ce que tout cela, sinon la Providence en action ? Et le même enseignement ou le même fait ressort de toute l’histoire d’Israël. Nous voyons la main de Dieu constamment sur ce peuple, le frappant ou le bénissant, selon qu’il se révolte ou qu’il se soumet, réalisant à son égard, au travers des siècles, les promesses et les menaces de Deut. ch. 28. Si Dieu agit ainsi auprès de l’une des moindres familles de l’humanité, aurait-il oublié et abandonné les autres ? Son action y est cachée, parce que le Livre des révélations ne la dévoile pas. Mais nous pouvons la conclure de son action sur Israël. Nous le voyons disposer des peuples dont les destinées se mêlent avec celles du peuple élu. Et puis, l’intervention miraculeuse dont les enfants de Jacob sont l’objet spécial ne s’exerce-t-elle pas dans l’intérêt de tous les enfants d’Adam, n’a-t elle pas pour objet final le salut du monde ?

Contemplez le déroulement du plan de la rédemption, depuis qu’il est annoncé en Eden jusqu’au moment où il s’accomplit sur le Calvaire. Voyez, après quarante siècles de préparation et d’attente, Celui que les anges adorent, revêtir notre nature, descendre sur notre terre, s’anéantir jusqu’à la mort en faveur de notre race déchue ; et pour peu que vous croyiez, doutez de l’amour de Dieu envers nous, doutez de ses attentions et de ses sollicitudes, doutez de sa Providence (Romains 8.32).

La même impression ressort de tout l’ordre surnaturel où nous placent les Ecritures. Les miracles, intervention immédiate de Dieu dans le monde matériel comme dans le monde moral, nous montrent qu’il les tient l’un et l’autre sous sa direction, qu’il y varie, selon son bon plaisir, son action souveraine, qu’il domine et plie à ses volontés la série des causes secondes, que, par conséquent, l’univers n’est point abandonné au hasard, ni soumis à un destin aveugle, ni régi simplement par les lois et les forces générales auxquelles il est assujetti. Les miracles font tomber ces conceptions de dynamisme et de mécanisme, de fatalisme physique et historique que jette de toutes parts la science actuelle, cet évolutisme panthéiste ou naturaliste vers lequel elle penche ; ils servent ainsi, plus qu’on ne croit, à l’œuvre de la théologie, non moins qu’à celle de l’apologie chrétienne. Interruptions ou déviations momentanées du cours de la nature, ils manifestent l’Etre souverain qui a établi l’ordre universel et qui le maintient ou le change à son gré. Les prophéties nous font assister en quelque manière à ses conseils éternels ; elles nous prouvent que tous les événements sont sous sa dépendance suprême, que l’avenir est à lui comme le présent, qu’il en dispose avant même qu’il soit : et nous, qui sommes hors d’état de prévoir le lendemain, nous pouvons, à la lumière de sa Parole, entrevoir cet avenir et en contempler d’avance par la foi les principales scènes, jusqu’à la consommation des temps (Triomphe universel de l’Evangile, seconde venue de Jésus-Christ, résurrection, jugement, etc.) De quelque côté qu’on envisage soit la doctrine, soit l’histoire biblique, ne sent-on pas vivement que Dieu fait ce qu’il lui plaît dans l’armée des cieux et parmi les habitants de la terre, selon l’expression d’Esaïe, qu’il est tout en tout, selon l’expression de saint Paul ? Le miraculeux qui remplit les Ecritures est pour beaucoup dans l’influence religieuse qu’elles exercent, et à cet égard, comme à bien d’autres, on s’étonne de l’espèce d’ostracisme dont tant d’écoles, même orthodoxes, le frappent en ce moment.

Les révélations de la Bible confirment celles de la conscience, seulement et les portent beaucoup plus loin. La Bible, supposant la Providence reconnue, s’occupe moins de l’établir que d’en rectifier la notion ou d’en affermir et vivifier le sentiment. Si elle la prouve, c’est surtout en disant ou en montrant ce qu’elle est. Elle dissipe les incertitudes et comble les lacunes que laisse subsister la théologie naturelle sur des points aussi nombreux que graves, tels que le pardon et le secours divin, la prière, etc. Pour peu qu’on y réfléchisse, la haute importance de la révélation, même pour la science, se fait bientôt et vivement sentir sur cette doctrine comme sur la plupart des autres. A quelle distance les philosophies religieuses les plus élevées ne restent-elles pas de cette simple parole : Dieu fait contribuer toutes choses au bien de ceux qui l’aiment. (Romains 8.28).

Réponse à quelques objections. — Il est inutile de dire qu’on a opposé bien des objections ou des difficultés à la doctrine de la Providence (et que plusieurs, portant sur les insondables profondeurs des voies divines, ne sauraient être levées entièrement). On a dit par exemple :

1° Tout pouvant s’expliquer par l’action des lois et des causes naturelles, il n’est pas nécessaire de supposer une intervention supérieure.

Mais nous avons vu que la série des causes naturelles n’est au fond qu’une série d’effets ; que ces causes n’ont point en elles-mêmes la raison de leur existence et de leurs opérations ; que, contingentes et aveugles, elles ne sauraient rendre compte de l’ordre, du dessein, du rapport des choses entre elles, de l’application des moyens au but, de l’enchaînement des détails à l’ensemble, etc., si manifestes dans l’univers ; qu’elles impliquent par conséquent une Cause première intelligente, souveraine, et qu’elles ne sont en dernière analyse que les lois d’après lesquelles elle agit : que ces lois fonctionnent par une vertu qu’elle leur a communiquée une fois pour toutes, ou qu’elle leur communique incessamment.

2° La Providence divine ne saurait coexister avec la liberté humaine.

C’est l’antinomie que nous retrouvons au fond de presque toutes les questions théologiques. Elle existe pour l’inspiration, pour la grâce, pour la prière, etc., comme pour la Providence ; et c’est tout simple, car elle tient à l’action réciproque de Dieu et de l’homme. Or, Dieu et l’homme sont partout ensemble dans la religion, puisque la religion ne fait autre chose que renouer les liens qui doivent unir l’homme à Dieu. Aussi tout y apparaît-il comme don d’un côté, et de l’autre comme devoir ; tantôt comme produit de l’intervention divine, tantôt comme produit de l’activité humaine. Dieu appelle et opère, l’homme acquiesce et obéit ; l’homme crie à Dieu dans sa faiblesse et dans son angoisse, Dieu lui envoie son pardon et son secours : rapport incessant et universel, qui devient toujours plus manifeste, plus intime, plus profond pour la foi, et toujours plus insondable pour la raison. C’est la Providence dans le règne de la nature ; c’est le Saint-Esprit dans le règne de la grâce ; mais les deux termes s’échangent bien souvent et expriment sans doute au fond le même acte divin.

Cette objection repose sur une inconnue, puisque nous ignorons le mode d’action de la Providence ; elle est donc sans base certaine et par cela même sans valeur. Le fait de la Providence et le fait de la liberté sont également donnés par la conscience, par la raison, par l’observation, par la Bible ; quand nous ne pourrions les concilier logiquement, cela ne nous autoriserait point à rejeter celui des deux qui nous embarrasse, puisque ce serait accorder aux autres le droit de rejeter au même titre celui que nous prétendons retenir seul. Aussi en est-on venu là dans la lutte des doctrines. D’un côté on a en quelque sorte divinisé l’homme dont on fait l’unique arbitre de ses destinées, de l’autre on l’a transformé en instrument passif sous la main de Dieu. Il faut admettre à la fois et l’empire de la Providence et l’exercice de la liberté. C’est tellement nécessaire que ceux qui nient systématiquement l’une ou l’autre, sont toujours forcés, dans la pratique, de la reconnaître de quelque manière et sous quelque forme.

La solution en vogue aujourd’hui s’appuie sur la pénétration réciproque du divin et de l’humain, deux termes qu’on rapproche sans cesse et qui semblent tout expliquer en se posant ainsi côte à côte ; mais cette solution est purement nominale, quand elle n’a pas sa raison et sa fin dans la philosophie de l’identité.

3° La grande objection contre la Providence, c’est l’existence du mal, soit moral, soit physique.

Nier la réalité du mal, comme l’ont fait certains systèmes anciens et modernes (mal physique : stoïciens ; mal moral : panthéistes) ce n’est pas répondre. Dire que du mal résulte un plus grand bien, que la vertu porte ses dédommagements avec elle, que la plupart de nos souffrances viennent de nous, que nos idées de bonheur et de malheur sont variables, que cette vie est un temps d’épreuve, etc., c’est amoindrir à quelques égards la difficulté, ce n’est pas la lever. La solution biblique ne dissipe pas non plus tous les mystères ; mais elle est à la fois la plus simple et la plus profonde : Le mal physique vient du mal moral ; le mal moral dérive d’un abus de la liberté ; un moyen merveilleux de relèvement est ouvert à l’homme dans la rédemption, et nous pouvons adorer le Dieu juste et miséricordieux, dont toutes les voies sont sages, saintes et bonnes. Ce n’est pas une solution qui éclaire tout ; bien s’en faut. D’impénétrables ombres demeurent à mille égards sur la marche de la Providence comme sur l’œuvre de la création. Que de côtés obscurs ! que de pourquoi sans réponse ! Comment des êtres tels que nous, qui n’occupons qu’un point de la durée et de l’espace, sonderaient-ils ces voies divines qui se perdent dans l’immensité et dans l’éternité ? Sachons nous contenter de ce qui intéresse la conscience et la vie. Et cela, la doctrine biblique nous le donne pleinement.

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