Synonymes du Nouveau Testament

10.
Δειλία, φόβος, εὐλάβεια
Couardise, peur, crainte

De ces trois mots, le premier est toujours employé dans un mauvais sens ; le second est un terme plus doux, pouvant se prendre en bonne part, pouvant aussi se prendre en mauvaise, et occupant à peu près le milieu entre les deux autres. Le troisième est employé régulièrement dans un bon sens, quoiqu’il n’ait pas toujours échappé au mauvais. Δειλία, en latin « timor », θρασύτης est le contrepied de « témérité », (Plato, Tim. 87 a) ; notre mot « couardise ». Il ne se rencontre qu’une seule fois dans le N. T., 2 Timothée 1.7 ; mais δειλιάω se trouve dans Jean 14.27 ; et δειλός dans Matthieu 8.26 ; Marc 4.40 ; Apocalypse 21.8. Dans ce dernier passage, les δειλοί, sans aucun doute, sont « les lâches » qui, en temps de persécution, ont renié la foi dans la crainte de souffrir ; cf. Eusèbe, Hist. Eccl., 8.3. Δειλία se joint à ἀνανδρεία (Plato, Phædr. 254c ; Leg. 2.659 a), à λειποταξία (Lysias, Orat. in Alcib. p. 140), à ψυχρότης (Plutar., Fab. Max. 17), à ἔκλυσις ; (2 Maccabées 3.24) ; Josèphe l’attribue aux espions qui firent un mauvais rapport sur la Terre promise (Ant. 3.15.1) ; ce substantif est toujours opposé à ἀνδρεία comme δειλός l’est à ἀνδρεῖος : voir, par exemple, la longue discussion sur la valeur et sur la lâcheté dans Platon (Protagoras, 360 d) et la description animée du δειλός dans les Caractères (29) de Théophraste. Il va sans dire que la δειλία n’avoue point qu’elle est craintive ; elle abrite sa poltronnerie sous le titre honorable d’εὐλάβειαa (Philo, De Fort. 739), et aime à déclarer qu’elle est en réalité ἀσφάλεια (Plutar., An. an Cor. App. Pej. 3 ; Philo, Quod Det. Pot. Insid. 11).

a – « And call that providence, which we call flight. » Dryden.

Φόβος répondant au latin « metus », est un terme moyen, et comme tel, il est employé, dans le N. T., quelquefois dans un mauvais sens, mais plus souvent dans un bon. Ainsi, dans un mauvais sens : Romains 8.15 ; 1 Jean 4.18 ; cf. Sagesse 17.11 ; et dans un bon : Actes 9.31 ; Romains 3.18 ; Éphésiens 6.5 ; 1 Pierre 1.17. C’est ainsi un μέσον, vox media ; Platon, dans le passage précité du Protagoras, y ajoute αἰσχρός chaque fois qu’il veut indiquer la timidité qui messied à un homme.

Εὐλάβεια ne se trouve que deux fois dans le N. T. (Hébreux 5.7 ; 12.28), et chaque fois avec le sens de piété, mais d’une piété qui caractérise la crainte de Dieu. Ce vocable grec est dérivé de εὖ et de λαμβάνεσθαι ; l’image, qui est au fond du mot, se rapporte à l’action de prendre avec soin, de manier avec prudence quelque vase précieux et fragile qui, si on le maniait rudement ou avec moins de précaution, pourrait aisément être brisé. Mais un tel soin, une telle prudence dans la conduite des affaires (le mot est joint par Plutarque à πρόνοια, Marc. 9), prudence qui naît sans doute de la crainte de ne pas réussir, est facilement exposée à être taxée de timidité. Ainsi Démosthène, qui oppose εὐλάβεια à θράσος déclare qu’il n’était qu’εὐλαβής, dans telle affaire où ses ennemis l’accusaient d’être δειλός et ἄτολμος : ainsi εὐλαβής δυσέλπιστος, Plutar., Fab. 17. Il n’est donc pas étonnant qu’on ait commencé par considérer la peur comme étant un élément essentiel de l’εὐλάβεια, quoique la plupart du temps il ne s’agisse point d’une peur déshonnête, mais telle qu’un homme sage et bon n’aurait pas honte d’entretenir. Cicéron écrit (Tusc. 4.6) : « Declinatio [a malis] si cum ratione fiet, cautio appelletur, eaque intelligatur in solo esse sapiente ; quæ autem sine ratione et cum exanimatione humiliatque fracta, nominetur metus ». L’orateur a probablement présente à l’esprit la définition des Stoïciens ; car ceux-ci, tandis qu’ils désavouaient le φόβος comme un πάθος, et admettaient l’εὐλάβεια, qu’ils définissaient une ἔκκλισις σὺν λόγῳ (Clément d’Alexandrie, Strom., 2.18), dans le cercle des vertus ; ainsi Diogène de Laërce (vii, 1, 116) : τὴν δὲ εὐλάβειαν ἐνατίαν φασὶν εἶναι τῷ φόβῳ οὖσαν εὔλογον ἔκκλισιν. φοβηθήσεσθαι μὲν γὰρ τὸν σοφὸν οὐδαμῶς εὐλαβηθήσεσθαι δέ.

Cependant ces distinctions à l’aide desquelles les Stoïciens essayaient d’échapper aux difficultés de leur théorie morale, ainsi que la concession qu’ils faisaient, par ex., que le sage pouvait éprouver « suspiciones quasdam etiam iræ affectuum », mais non les « affectus » eux-mêmes, (Seneca, De Ira, 1.16), tout cela, après tout, ne valait rien ; ils avaient admis la chose, et maintenant ils ne s’escrimaient plus que pour des mots ; ils n’étaient que des ὀνοματομάχοι, comme les en accuse un Péripatéticien de leurs adversaires. Voir en cette matière, la discussion complète dans Clément, Strom.n, 7-9, et comp. August., De Civit. Dei, ix, 4.

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