Synonymes du Nouveau Testament

23.
Στέφανος, διάδημα
Couronne de vainqueur, couronne royale

N’allons point confondre ces deux vocables parce que notre mot « couronne » s’étend à tous deux. Je doute fort que στέφανος soit jamais employé, dans la littérature classique, en parlant d’une couronne royale ou impériale. C’est la couronne de la victoire qu’on remportait dans les jeux, du mérite civil ou de la valeur militaire, ou de la joie nuptiale, ou de l’allégresse aux jours de fête — la couronne tressée de chêne, de lierre, de persil, de myrte, d’olivier, ou imitant en or ces feuilles ou d’autres — la couronne de fleurs, de violettes ou de roses (voir Athenæus, xv, 9-33), c’est la tresse, ou la guirlande, le « Kranz » des Allemands, qui n’est pas la « Krone ». Jamais, pas plus que corona en latin, στέφανος n’est l’emblème et le signe de la royauté. Le διάδημα était le βασιλείας γνώρισμα, comme l’appelle Lucien (Pisc. 35, cf. Xenoph., Cyr. viii, 3, 13 ; Plutarch., De Frat. Am. 18) ; c’était proprement un bandeau de toile, « tænia » ou « fascia » (Curtius, 3.3), entourant le front ; en sorte qu’il n’y a point d’expression plus commune que celle-ci : περιτιθέναι διάδημα, pour indiquer la prise de possession de la dignité royale (Polyb., v, 57, 4 ; Joseph., Ant. xii, 10, 1) ; chez les Latins, « diadema » est le seul « insigne regium » (Tacit., Annal, xv, 29). Selden ouvre sa très savante discussion sur la distinction entre couronne et diadème, dans ses Titles of honour, c. viii, § 2, par ces paroles : « Quoique dès les temps anciens on ait confondu ces noms, cependant le diadème, à parler rigoureusement, était une chose bien différente de ce qu’est maintenant une couronne ou de ce qu’elle était. Ce n’était qu’un bandeau de soie, de toile ou de quelque chose semblable. Et il ne paraît pas qu’on se servît d’aucune autre couronne comme symbole de la royauté, si ce n’est dans quelques royaumes de l’Asie, et cela, jusqu’au commencement de l’établissement du christianisme dans l’empire romain. »

Un passage de Plutarque nous fait bien saisir la différence entre nos deux vocables. La couronne royale qu’Antoine offre à César, cet auteur la décrit comme διάδημα στεφάνῳ δάφνης περιπεπλεγμένον (Cæs. 61). Ici le στέφανος est seulement la guirlande ou la tresse de laurier qui enlaçait le diadème ; en effet, selon Cicéron (Phil. 2.34), César était déjà « coronatus » (ἐστεφανωμένος), et il pouvait l’être comme consul, lorsque Antoine lui fit son offre. C’est en nous rappelant cette distinction que nous expliquerons une autre version dans Suétone (Cæs. 79), du même incident. On place sur la statue de César « coronam lauream candida fascia præligatam » (ses statues, Plutarque nous l’apprend également, étaient διαδήμασιν ἀναδεδεμένοι βασιλικοῖς) ; sur quoi les tribuns commandent qu’on enlève, non la « corona », mais la « fascia », qui était le diadème où se trouvait cachée, et là seulement, la perfide suggestion que César se proclamerait roi !

Pour se convaincre du soin avec lequel ces termes sont distingués dans les Septante, que l’on compare dans le premier livre des Maccabées (le seul écrit où διάδημα revienne assez fréquemment) les passages où l’on emploie ce mot (tels que 1 Maccabées 1.9 ; 6.15 ; 8.14 ; 11.13, 54 ; 12.39 ; 13.32), et ceux où l’on se sert de στέφανος (1 Maccabées 4.57 ; 10.29 ; 11.35 ; 13.39 ; cf. 2 Maccabées 14.4).

Dans le N. T., il est clair que le στέφανος dont parle St. Paul est toujours celui du conquérant, non du roi (1 Corinthiens 9.24-26 ; 2 Timothée 2.5). Si l’allusion de St. Pierre (1 Pierre 5.4) ne s’applique pas aussi directement aux jeux des Grecs, cependant lui aussi établit un silencieux contraste entre les couronnes du ciel, qui ne se flétrissent jamais, entre l’ἀμαράντινος στέφανος τῆς δόξης, et les guirlandes de la terre, qui perdent si vite leur beauté et leur fraîcheur. Dans Jacques 1.12 ; Apocalypse 2.10 ; 3.11 ; 4.4, il est peu probable qu’il soit question en aucune manière des jeux des Grecs ; la répugnance des Juifs (Joseph., Ant. xv, 8,1-4), et sans doute aussi des membres juifs de l’Église, était si grande pour ces jeux qu’ils regardaient comme idolâtres et profanes, qu’une image tirée des récompenses provenant de semblables amusements les aurait plutôt repoussés qu’attirés. Cependant là encore le στέφανος ou le στέφανος τῆς ζωῆς, est l’emblème, non de la royauté, mais de la joie et de la félicité, de la gloire et de l’immortalité. Nous pouvons être d’autant plus enclins à croire qu’il en était ainsi pour St. Jean par le fait, que, en trois occasions, où assurément il veut parler de couronnes royales, c’est διάδημα qu’il emploie, Apocalypse 12.3 ; 13.1 (Cf. Apocalypse 17.9-10, αἱ ἑπτὰ κεφαλαὶ… βασιλεῖς ἑπτά εἰσιν) ; Apocalypse 19.12. Dans ce dernier verset il est dit d’une manière sublime de Celui qui est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, que « sur sa tête il y avait plusieurs couronnes » (διαδήματα πολλά) ; expression dont il nous est difficile de comprendre toute la magnificence, aussi longtemps que nous nous représentons des couronnes telles que les portent aujourd’hui nos monarques, mais dont nous saisissons la beauté du premier coup, quand nous considérons ces couronnes comme des « diadèmes », c’est-à-dire comme d’étroits bandeaux attachés autour du front. Ces « nombreux diadèmes » seront alors les gages des nombreuses royautés — de la terre, du ciel, de l’enfer (Philippiens 2.10) — qui appartiennent à Christ, royautés jadis usurpées ou assaillies par le grand Dragon rouge, l’usurpateur des dignités et des honneurs du Seigneur, et qui, par conséquent, porte aussi ses sept diadèmes (Apocalypse 13.1), mais qu’a reconquises ouvertement et à toujours Celui auquel ces diadèmes appartiennent de droit : absolument comme lorsque Ptolémée, roi d’Egypte (pour comparer les choses terrestres aux célestes), entra en vainqueur dans Antioche, il plaça deux « couronnes », ou plutôt deux « diadèmes » (διαδήματα) sur sa tête, le diadème de l’Asie et le diadème de l’Egypte (1 Maccabées 11.13) ; ou, comme nous lisons dans Diodore de Sicile (i, 47) de quelqu’un ἔχουσαν τρεῖς βασιλείας ἐπὶ τῆς κεφαλῆς, le contexte montrant clairement qu’il s’agit de trois diadèmes, symboles d’une triple royauté.

Le seul endroit où στέφανος pourrait paraître désigner une couronne royale, c’est Matthieu 27.29, avec ses parallèles dans les autres Évangiles : l’action de tresser la couronne d’épines (στέφανος ἀκάνθινος) et de la placer sur la tête du Sauveur, forme évidemment dans cet endroit une partie de cette royauté fantastique dont les soldats romains auraient bien voulu que Jésus se revêtît. Mais on avait composé cette couronne de matériaux (probablement le juncus marinus ou le lycium spinosum) auxquels il est clair que l’expression διάδημα ne pouvait pas convenir ; c’est pourquoi le terme qui était le plus propre à désigner les matériaux avec lesquels on avait fait la couronne, remplace ici celui qui aurait été le plus convenable pour désigner le but auquel on la destinait.

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