Synonymes du Nouveau Testament

95.
Ἄλλος, ἕτερος
Autre, différent

Ἄλλος, qui donne en latin alius, indique une différence simplement numérique ; ainsi lorsqu’il est écrit que Jésus leur enseigna une autre parabole, la nature de son nouveau récit reste la même que celle du précédent, et de celui qui suivra, ἄλλην donc dans chaque cas (Matthieu 13.23, 4, 31, 33). Par contre ἕτερος équivaut au latin alter, à l’allemand ander, et se réfère à une différence qualitative. Plusieurs passages du N.T. doivent s’interpréter en faisant soigneusement attention à ces deux cas. Par exemple, Christ promet aux disciples de leur envoyer non un ἕτερον, mais un ἄλλον Παράκλητον (Jean 14.16), un autre Consolateur semblable à lui-même. L’importance de ce ἄλλον en dogmatique a été controversée par diverses sectes se livrant à des πνευματομάχοι.

Si ἄλλος établit la négation d’identité, ἕτερος va plus loin, dans l’affirmation d’une autre identité. Quelques exemples l’illustrent : Paul écrit « Je vois une autre loi » (ἕτερον νόμον), loi distincte en nature de celle de la loi de l’Esprit de vie, une loi de péché et de mort, à l’œuvre dans ses membres (Romains 7.23). Après la mort de Josèphe s’élève en Égypte un autre roi (βασιλεὺς ἕτερος, Actes 7.18), d’une autre dynastie pense-t-on, et animé d’un autre esprit que celui du Pharaon qui avait accueilli les enfants d’Israël. La nouvelle route (ὁδὸς ἑτέρα) et le nouveau cœur (καρδία ἑτέρα) que Dieu promet de donner à son peuple sont effectivement de nature nouvelle (Jérémie 39.39 ; Deutéronome 29.22) ; l’esprit de Caleb différait de celui des autres espions (ἕτερον πνεῦμα Nombres 14.24). Dans la parabole des talents le serviteur paresseux est ἕτερος (Luc 19.18). Lorsqu’Iphigénie s’écrie : ἕτερον, ἕτερον αἰῶνα καὶ μοῖραν οἰκήσομεν, elle aspire à une vie et des conditions différentes. L’esprit mauvais qui a quitté la maison, y revient après qu’elle ait été balayée et ornée, avec sept esprits pires que lui (ἕτερα πνεύματα, Matthieu 12.45). Les brigands crucifiés en compagnie du Seigneur sont deux autres malfaiteurs (ἕτεροι δύο κακοῦργοι, Luc 23.32) ; ἄλλοι δύο aurait été inconcevable. Dans son épître Jude parle d’une ἑτέρα σάρξ (v. 7), preuve de la perversité qui avait cours à Sodome. Après sa résurrection Christ apparaît aux disciples ἐν ἑτέρᾳ μορφῇ (Marc 16.12), expression qui marque un changement du mode d’existence de son corps, comme dans la Transfiguration (Luc 9.29). Dieu proclame la nouvelle alliance par des lèvres autres et différentes (χείλεσιν ἑτέροις 1 Corinthiens 14.21), et même les langues de la Pentecôte sont des ἕτεραι γλώσσαι (Actes 2.4). On pourrait multiplier les exemples où ἕτερος ne pourrait pas être échangé avec ἄλλος sans une perte de sens (Matthieu 11.3 ; 1 Corinthiens 15.40 ; Galates 1.6). Il arrive même qu’à première vue ἄλλος semblerait le mot le mieux adapté, et que pourtant ἕτερος le remplace pour une bonne raison. Ainsi dans Luc 22.65 ἕτερα πολλά rend compte de deux sortes d’injures distinctes envers Christ, celles des Romains qui le prenaient pour un conspirateur cherchant à s’emparer du trône de César, et celles des Juifs qui ne supportaient pas sa prétention d’être Fils de Dieu. Néanmoins il ne faut pas croire qu’ἕτερος soit constamment le signe d’une différence de qualité ; voir en Hébreux 11.36 un contre-exemple.

Ce que nous avons dit de ἕτερος vaut autant pour ses mots dérivés : ἑτερόγλωσσος (1 Corinthiens 14.21), par lequel l’apôtre veut signaler l’inintelligibilité des nouvelles langues. Il est vrai qu’en Ézéchiel 3.6 on trouve au contraire ἀλλόγλωσσος ; en 1 Timothée 1.3 ἑτεροδιδασκαλεῖν pour dénoncer d’autres enseignements ; en 2 Corinthiens 6.14 ἑτεροζυγεῖν parler d’un joug mal apparié, comme celui d’un bœuf avec un âne (Deutéronome 22.10). En grec ecclésiastique nous trouvons ἑτεροδοξία, qui suggère un éloignement de la foi chrétienne qui va au-delà de la simple différence d’opinion.

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