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Bible de Jérusalem – 1 Maccabées 12

Relations de Jonathan avec Rome et Sparte.

12 Jonathan, voyant que les circonstances lui étaient favorables, choisit des hommes qu’il envoya à Rome pour confirmer et renouveler l’amitié avec les Romains.b

b Ces renouvellements d’alliance sont caractéristiques de l’époque, cf. 14.18, 22. Pour le texte du traité renouvelé, cf. 8.22s.

2 Aux Spartiates et en d’autres lieux il envoya des lettres dans le même sens. 3 Ils se rendirent donc à Rome, entrèrent au Sénat et dirent : « Jonathan le grand prêtre et la nation des Juifs nous ont envoyés renouveler l’amitié et l’alliance avec eux telles qu’elles étaient auparavant. » 4 Le Sénat leur donna des lettres pour les autorités de chaque pays, recommandant de les acheminer en paix jusqu’au pays de Juda. 5 Voici la copie de la lettre que Jonathan écrivit aux Spartiates :

6 « Jonathan, grand prêtre, le sénat de la nation, les prêtres et le reste du peuple des Juifs aux Spartiates leurs frères, salut ! 7 Déjà au temps passé, une lettre fut envoyée au grand prêtre Onias de la part d’Areiosc qui régnait parmi vous, attestant que vous êtes nos frères, comme le montre la copie ci-dessous.

c « Areios » conj. d’après Josèphe ; « Darius » grec. — Areios II étant mort à huit ans, il ne peut s’agir que d’Areios Ier (309-265) et donc d’Onias Ier, contemporain d’Alexandre. La réponse à la lettre a donc tardé un siècle et demi (cf. v. 10) ! Josèphe, qui n’a pas vu que ce premier document n’est qu’une fiction diplomatique, situe l’affaire sous Onias III (mort en 174).

8 Onias reçut avec honneur l’homme qui était envoyé et prit la lettre, qui traitait clairement d’alliance et d’amitié. 9 Pour nous, quoique nous n’en ayons pas besoin, ayant pour consolation les saints livresd qui sont en nos mains,

d Les « saints livres » représentent un groupe plus large que « le livre de la Loi », 3.48, ou « le livre saint », 2 M 8.23 ; ce sont tous les livres auxquels on reconnaît une autorité divine. Le canon de l’AT se constitue alors un Psaume est cité comme « Écriture », 7.17, et le Prologue de l’Ecclésiastique (132 av. J.-C.) connaît la division en Loi, Prophètes et « autres livres » (cf. 2 M 2.13) qui restera celle de la Bible hébraïque, cf. Rm 1.2 ; 2 Tm 3.15.

10 nous avons essayé d’envoyer renouveler la fraternité et l’amitié qui nous lient à vous afin que nous ne devenions pas des étrangers pour vous, car bien des années se sont écoulées depuis que vous nous avez envoyé une missive. 11 Quant à nous, nous ne cessons pas, en toute occasion, de faire mémoire de vous aux fêtes et aux autres jours fériés, dans les sacrifices que nous offrons et dans nos prières, comme il est juste et convenable de se souvenir de ses frères.

12 Nous nous réjouissons de votre gloire. 13 Mais pour nous, tribulations et guerres se sont multipliées et les rois nos voisins nous ont combattus. 14 Nous n’avons pas voulu vous être à charge à propos de ces guerres, ni à nos autres alliés et amis, 15 car du Ciel nous vient un secours qui nous sauve. Aussi avons-nous été arrachés à nos ennemis, et ceux-ci ont été humiliés. 16 Nous avons donc choisi Nouménios, fils d’Antiochos, et Antipater, fils de Jason, et nous les avons envoyés aux Romains pour renouveler l’amitié et l’alliance qui nous unissaient à eux auparavant. 17 Nous leur avons mandé d’aller aussi chez vous, de vous saluer et de vous remettre notre lettre concernant le renouvellement de notre fraternité. 18 Et maintenant vous ferez bien de nous répondre à ce sujet. »

19 Voici la copie de la lettre qu’on avait envoyée à Onias :

20 « Areios,e roi des Spartiates, à Onias, grand prêtre, salut.

e « à Onias Areios » conj. d’après Josèphe ; « à Oniarès » grec.

21 Il a été trouvé dans un récit au sujet des Spartiates et des Juifs qu’ils sont frères et qu’ils sont de la race d’Abraham.f

f Cette légende, conforme aux fictions diplomatiques du temps, existait déjà à Sparte lorsque Jason y chercha refuge, 2 M 5.9.

22 Maintenant que nous savons cela, vous ferez bien de nous écrire au sujet de votre prospérité. 23 Quant à nous, nous vous écrivons : Vos troupeaux et vos biens sont à nous et les nôtres sont à vous.g En conséquence nous ordonnons qu’on vous apporte un message en ce sens. »

g Ce tableau idyllique trahit l’auteur de l’écrit un Juif qui trouve son idéal dans les récits sur les Patriarches.

Jonathan en Cœlé-Syrie, Simon en Philistie.

24 Jonathan apprit que les généraux de Démétrius étaient revenus avec une armée plus nombreuse qu’auparavant pour lui faire la guerre. 25 Il partit de Jérusalem et se porta à leur rencontre dans le pays de Hamath, car il ne leur donna pas le loisir d’entrer dans son territoire. 26 Il envoya des espions dans leur camp ; ceux-ci revinrent et lui annoncèrent qu’ils étaient disposés à tomber, la nuit, sur les Juifs. 27 Au coucher du soleil, Jonathan ordonna aux siens de veiller et d’avoir les armes sous la main pour être prêts au combat toute la nuit, et disposa des avant-postes tout autour du camp. 28 À la nouvelle que Jonathan et les siens étaient prêts au combat, les ennemis eurent peur et, le cœur pénétré d’épouvante, allumèrent des feux dans leur camp et s’esquivèrent.h

h « et s’esquivèrent » 2 Mss, grec luc., syr., Josèphe ; omis par le reste du grec et le lat.

29 Mais Jonathan et sa troupe ne s’aperçurent de leur départ qu’au matin, car ils voyaient briller les feux. 30 Jonathan se mit à leur poursuite mais ne les atteignit pas, parce qu’ils avaient franchi le fleuve Éleuthère.i

i L’actuel Nahr el-Kebir, qui sépare le Liban de la Syrie. C’était sans doute la frontière nord de la province de Cœlé-Syrie et Phénicie dont Jonathan était le stratège.

31 Jonathan se tourna contre les Arabes appelés Zabadéens,j les battit et s’empara de leurs dépouilles,

j Ce nom se retrouve encore dans des toponymes de l’Antiliban, par exemple Zebdâni.

32 puis, ayant levé le camp, il vint à Damas et parcourut toute la province. 33 Quant à Simon, il était parti et avait marché jusqu’à Ascalon et aux places voisines. Il se détourna sur Joppé et l’occupa. 34 Il avait appris en effet que les habitants voulaient livrer cette place forte aux partisans de Démétrius ; il y plaça une garnison pour la garder.k

k Simon agit donc en tant que stratège nommé par Antiochus VI, 11.59, mais dans son éloge de Simon, l’auteur soulignera toute l’importance que revêtait pour les Juifs la prise de ce port si disputé, 14.5.

Travaux à Jérusalem.

35 Une fois revenu, Jonathan réunit l’assemblée des anciens du peuple et décida avec eux d’édifier des forteresses en Judée, 36 de surélever les murs de Jérusalem, de dresser une haute barrière entre la Citadellel et la ville pour séparer celle-là de la ville et pour qu’elle fût isolée, afin que ses gens ne pussent ni acheter ni vendre.

l Toujours entre les mains des mercenaires de Démétrius, 11.20, que rien n’empêchait de sortir dans la ville.

37 Ils se réunirent pour rebâtir la ville : il était tombé une partie du mur du torrent qui est au levant ; il remit à neuf le quartier appelé Chaphénatha.m

m Terme à rapprocher de l’araméen kaphelta, « la double » c’est la traduction de l’hébr. ha-mishneh qui désigne le nouveau quartier, au nord-ouest du Temple, cf. 2 R 22.14. — Le « torrent » est le Cédron.

38 Quant à Simon, il rebâtit Adidan dans le Bas-Pays, la fortifia et y déposa des portes munies de verrous.

n La Hadid d’Esd 2.33, à 6 km au nord-est de Lydda, dont Simon semble avoir fait sa base, 13.13.

Jonathan tombe aux mains de ses ennemis.

39 Tryphon songeait à régner sur l’Asie, à ceindre le diadème et à mettre la main sur le roi Antiochus. 40 Redoutant que Jonathan ne le laissât pas faire et qu’il ne lui fît au besoin la guerre, il cherchait un biais pour l’appréhender et le faire périr ; s’étant mis en mouvement, il vint à Bethsân.

41 Jonathan sortit à sa rencontre avec quarante mille hommes choisis pour la bataille rangée, et vint à Bethsân. 42 Tryphon, voyant qu’il était venu avec une armée nombreuse, se garda de mettre la main sur lui. 43 Il le reçut même avec honneur, le recommanda à tous ses amis, lui fit des cadeaux et ordonna à ses amis et à ses troupes de lui obéir comme à lui-même. 44 Il dit à Jonathan : « Pourquoi as-tu fatigué tout ce peuple alors qu’il n’y a pas entre nous menace de guerre ? 45 Renvoie-les donc chez eux, choisis-toi quelques hommes pour t’accompagner et viens avec moi à Ptolémaïs. Je te livrerai cette ville ainsi que les autres forteresses, le reste des troupes et tous les fonctionnaires,o puis, prenant le chemin du retour, je m’en irai, car c’est dans ce but que je suis venu ici. »

o Tryphon reconnaît donc à Jonathan (ou fait semblant de reconnaître) sa qualité de stratège de Cœlé-Syrie et Phénicie.

46 Lui faisant confiance, Jonathan agit suivant ses dires : il renvoya ses troupes, qui regagnèrent le pays de Juda. 47 Il garda avec lui trois mille hommes dont il détacha deux mille en Galilée, et mille allèrent avec lui. 48 Lorsque Jonathan fut entré à Ptolémaïs, les Ptolémaïtes fermèrent les portes, se saisirent de sa personne et passèrent tous ceux qui étaient entrés avec lui au fil de l’épée. 49 Tryphon envoya des troupes et de la cavalerie en Galilée et dans la Grande Plaine pour exterminer tous les partisans de Jonathan. 50 Ceux-ci comprirent qu’il avait été pris et qu’il était perdu comme ceux qui se trouvaient avec lui ; ils s’encouragèrent les uns les autres et marchèrent en rangs serrés, prêts au combat. 51 Ceux qui les poursuivaient, voyant qu’ils luttaient pour leur vie, s’en retournèrent. 52 Ils arrivèrent tous sains et saufs au pays de Juda, pleurèrent Jonathan et ses compagnons et furent en proie à une grande frayeur ; tout Israël mena un grand deuil. 53 Toutes les nations d’alentour cherchèrent à les exterminer : « Ils n’ont pas de chef, disaient-ils, ni d’aide, il est temps de les attraper et nous effacerons leur souvenir du milieu des hommes. »

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