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Bible de Jérusalem – Ecclésiaste 2

2 Je me suis dit en moi-même : Viens donc que je te fasse éprouver la joie, fais connaissance du bonheur ! Eh bien, cela aussi est vanité. 2 Du rire j’ai dit : « sottise », et de la joie : « à quoi sert-elle ? » 3 J’ai décidé en moi-même de livrerk mon corps à la boisson tout en menant mon cœur dans la sagesse, de m’attacher à la folie pour voir ce qu’il convient aux hommes de faire sous le ciel, tous les jours de leur vie.

k Au lieu de lire limshôk, litt. « tirer », « entraîner » (d’où « livrer »), certains corrigent en lismôk (Ct 2.5) et traduisent « j’ai soutenu mon corps par le vin ».

4 J’ai fait grand. Je me suis bâti des palais, je me suis planté des vignes, 5 je me suis fait des jardins et des vergers et j’y ai planté tous les arbres fruitiers. 6 Je me suis fait des citernes pour arroser de leur eau les jeunes arbres de mes plantations. 7 J’ai acquis des esclaves et des servantes, j’ai eu des domestiques et des troupeaux, du gros et du petit bétail en abondance, plus que quiconque avant moi à Jérusalem. 8 Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, le trésor des rois et des provinces. Je me suis procuré chanteurs et chanteuses et tout le luxe des enfants des hommes, une dame, des dames.l

l « dame » mot rapproché du cananéen « fille, concubine ». Allusion au harem de Salomon (1 R 11.3).

9 Je me suis élevé et j’ai surpassé quiconque était avant moi à Jérusalem, et ma sagesse m’est restée. 10 Je n’ai rien refusé à mes yeux de ce qu’ils désiraient, je n’ai privé mon cœur d’aucune joie, car je me réjouissais de tout mon travail et cela fut mon sort dans tout mon travail. 11 Alors je réfléchis à toutes les œuvres de mes mains et à toute la peine que j’y avais prise, eh bien, tout est vanité et poursuite de vent, il n’y a pas de profit sous le soleil !

Bilan décevant.

12 Puis je me mis à réfléchir sur la sagesse, la sottise et la folie : Voyons, que fera le successeur du roi ? Ce qu’on a déjà fait.m

m « que fera » conj. ; « qui » hébr. — « ce qu’on a (déjà) fait » conj. ; « ce qu’on lui a (déjà) fait » hébr. Inutile de répéter l’expérience de Salomon.

13 J’ai considéré qu’il y avait avantage de la sagesse sur la folie comme du jour sur l’obscurité : 14 Le sage a des yeux dans la tête, mais l’insensé marche dans la ténèbre.n

Mais je sais, moi aussi, qu’ils auront tous deux le même sort.

n Deux maximes de sagesse traditionnelle, citées par l’Ecclésiaste et peut-être jadis acceptées par lui, mais critiquées ensuite. Beaucoup de contradictions apparentes de son livre disparaissent si l’on isole des citations de ce genre, suivies de leur critique par Qohélet.

15 Alors je me dis en moi-même : « Le sort de l’insensé sera aussi le mien, pourquoi donc avoir été aussi sage ? » Je me dis en moi-même que cela aussi est vanité.

16 Il n’y a pas de souvenir durable du sage ni de l’insensé, et dès les jours suivants, tous deux sont oubliés : le sage meurt bel et bien avec l’insensé. 17 Je déteste la vie, car ce qui se fait sous le soleil me déplaît : tout est vanité et poursuite de vent.

18 Je déteste le travail pour lequel j’ai pris de la peine sous le soleil, et que je laisse à mon successeur : 19 qui sait s’il sera sage ou fou ? Pourtant il sera maître de tout mon travail pour lequel j’ai pris de la peine et me suis comporté avec sagesse sous le soleil ; cela aussi est vanité. 20 Mon cœur en est venu à se décourager pour toute la peine que j’ai prise sous le soleil. 21 Car voici un homme qui a travaillé avec sagesse, savoir et succès, et il donne sa part à celui qui n’a pas travaillé : cela aussi est vanité, et c’est un tort grave.

22 Car que reste-t-il à l’homme de toute sa peine et de tout l’effort pour lequel son cœur a peiné sous le soleil ? 23 Oui, tous ses jours sont douloureux et sa tâche est pénible ; même la nuit il ne peut se reposer, cela aussi est vanité !

24 Il n’y a de bonheur pour l’homme que dans le manger et le boireo et dans le bonheur qu’il trouve dans son travail, et je vois que cela aussi vient de la main de Dieu,

o Cette maxime d’allure épicurienne est un argument dans une polémique. Bien que l’auteur fasse de ce paradoxe un refrain, Qo 3.12-13 ; 5.17 ; 8.15 ; 9.7, il n’y enferme pas toute sa conception de la vie, comme s’il conseillait de faire du plaisir le mobile dernier de l’action et excluait le sens du devoir.

25 car qui mangera et qui jouira, si cela ne vient de lui ?p

p Sentence traditionnelle. — « jouira », litt. « sentira » hébreu récent ; versions « boira » ou « se fera du souci ». — « si cela... », litt. « en dehors de lui » mss hébreux, grec, syr. ; « en dehors de moi (Dieu) » texte reçu, Targ., Vulg. La suite est aussi traditionnelle.

26 À qui lui plaît, il donne sagesse, savoir et joie, et au pécheur il donne comme tâche de recueillir et d’amasser pour celui qui plaît à Dieu.q Cela aussi est vanité et poursuite de vent.

q Ainsi parlaient les Sages pour justifier le scandale des richesses accordées au méchant, cf. Pr 11.8 ; 13.22 ; Jb 27.16s. Qohélet ironise en passant sur l’insuffisance de cette doctrine.

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