3 Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, prêtre de Madiân ; il l’emmena par-delà le désert et parvint à la montagne de Dieu, l’Horeb.v
u Ce premier récit, 3.1—4.17, de la vocation de Moïse est d’une grande complexité. Si une partie du texte contient des éléments de tradition yahviste et élohiste, ils seraient moins considérables qu’on ne le pensait. À la tradition yahviste appartient l’essentiel des vv. 1-6, puis des vv. 7-8 et 16-17, mais la description de la Terre Promise comme terre où coulent le lait et le miel, et la liste des peuples, vv. 8 et 17, sont dues probablement à une rédaction deutéronomiste. De la tradition élohiste, en dehors de quelques fragments en 1-6, vient l’essentiel des vv. 9-15, mais les vv. 12 et 15 pourraient être des additions. 3.18-20 et 4.1-17 seraient des développements postérieurs, et en 3.21-22 nous avons une notice isolée. Ainsi, dans la tradition yahviste, nous avons la théophanie du buisson ardent suivie de la mission de Moïse pour annoncer que Yahvé est sur le point d’intervenir ; dans la tradition élohiste, tout est centré sur la vocation de Moïse, dont le récit est similaire à celui de Jr 1 :, et l’une de ses objections donne lieu à la révélation du nom de Yahvé. Une rédaction plus récente, mais probablement antérieure à la tradition sacerdotale du récit de 6.2-13 et 7.1-7, développe en 4.1-17 ce qui se rapporte aux signes de crédibilité et donne Aaron pour compagnon et interprète de Moïse.
v Horeb est le nom de la montagne du Sinaï dans le cadre historique du Deutéronome et dans la rédaction deutéronomiste du livre des Rois. C’est ici une glose, comme en 17.6.
w Dieu est à ce point transcendant qu’une créature ne peut le voir et vivre.
7 Yahvé dit : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses.
x Désignation, fréquente dans le Pentateuque, de la Terre Promise, mais elle vient probablement d’une rédaction deutéronomiste. Il se pourrait même que Nb 16.13, qui dit la même chose de l’Égypte, soit le texte le plus ancien.
10 Maintenant va, je t’envoie auprès de Pharaon, fais sortir d’Égypte mon peuple, les Israélites. »
11 Moïse dit à Dieu : « Qui suis-je pour aller trouver Pharaon et faire sortir d’Égypte les Israélites ? »
y Si la deuxième partie du verset est une addition, le signe donné est l’assistance même de Dieu et non pas un acte de culte sur la « montagne de Dieu », v. 1.
13 Moïse dit à Dieu : « Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : « Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous. » Mais s’ils me disent : « Quel est son nom ? », que leur dirai-je ? »
z La tradition yahviste fait remonter le culte de Yahvé aux origines de l’humanité, Gn 4.26, et utilise ce nom divin dans toute l’histoire patriarcale. D’après la tradition élohiste, à laquelle ce texte appartient, le nom de Yahvé n’a été révélé qu’à Moïse comme le nom du Dieu des Pères. La tradition sacerdotale, 6.2-3, s’accorde avec elle, précisant seulement que le nom du Dieu des Pères était El Shaddaï ; cf. Gn 17.1. Ce récit, l’un des sommets de l’AT, pose deux problèmes le premier, philologique, concerne l’étymologie du nom « Yahvé »; le second, exégétique et théologique, le sens général du récit et la portée de la révélation qu’il transmet. 1° On a cherché à expliquer le nom Yahweh par d’autres langues que l’hébreu ou par diverses racines hébraïques. Il faut certainement y voir le verbe « être » sous une forme archaïque. Certains reconnaissent ici une forme factitive de ce verbe « il fait être », « il amène à l’existence ». C’est beaucoup plus probablement une forme du thème simple, et le mot signifie « il est ». 2° Quant à l’interprétation, le mot est expliqué au v. 14, qui est une addition ancienne de la même tradition. On discute sur le sens de cette explication ’ehyeh ’asher ’ehyeh . Dieu, parlant de lui-même, ne peut employer que la première personne « Je suis ». L’hébreu peut se traduire littéralement « Je suis ce que je suis » (ou « je serai qui je serai »), ce qui signifierait que Dieu ne veut pas révéler son nom ; mais précisément, Dieu donne ici son nom qui, selon la conception sémitique, doit le définir d’une certaine manière. Mais l’hébreu peut aussi se traduire littéralement « Je suis celui qui suis », et, d’après les règles de la syntaxe hébraïque, cela correspond à « Je suis celui qui est », « Je suis l’existant »; c’est bien ainsi que l’ont compris les traducteurs de la Septante Ego eimi ho ôn . Dieu est le seul vraiment existant. Cela signifie qu’il est transcendant et reste un mystère pour l’homme, et aussi qu’il agit dans l’histoire de son peuple et dans l’histoire humaine qu’il dirige vers une fin. Ce passage contient en puissance les développements que lui donnera la suite de la Révélation, cf. Ap 1.8 « Il était, il est et il vient, le maître de tout. »
16 « Va, réunis les anciens d’Israël et dis-leur : « Yahvé, le Dieu de vos pères, m’est apparu — le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob — et il m’a dit : Je vous ai visitésa et j’ai vu ce qu’on vous fait en Égypte,
a Quand il s’agit de Dieu, la « visite » implique un droit absolu de regard, de jugement et de sanction. Ses interventions dans la destinée des individus ou des peuples peuvent apporter le bienfait, 4.31 ; Gn 21.1 ; 50.24-25 ; Ps 65.10 ; 80.15 ; Sg 3.7-13 ; Jr 29.10 ; cf. Lc 1.68 ; ou le châtiment, 1 S 15.2 ; Sg 14.11 ; 19.15 ; Jr 6.15 ; 23.34 ; Am 3.2.
20 Aussi j’étendrai la main et je frapperai l’Égypte par les merveilles de toute sorte que j’accomplirai au milieu d’elle ; après quoi, il vous laissera partir.
21 « Je ferai gagner à ce peuple la faveur des Égyptiens, et quand vous partirez, vous ne partirez pas les mains vides.