chapitre précédent retour chapitre suivant

Bible de Jérusalem – Daniel 4

Nabuchodonosor raconte son rêve.

4 Moi, Nabuchodonosor,y je me tenais sans souci dans ma maison, et florissant dans mon palais.

y Le grec précise : « En l’an dix-huit de son règne, Nabuchodonosor dit ». — Malgré des omissions, ce chap. est dans les LXX plus long d’un quart que le texte massorétique.

2 J’ai eu un songe : il m’a épouvanté ; des angoisses, sur ma couche, et les visions de ma tête m’ont tourmenté. 3 Je décrétai : qu’on m’amène tous les sages de Babylone pour qu’ils me fassent connaître l’interprétation du rêve. 4 Magiciens, devins, chaldéens et exorcistes sont venus : je leur dis mon rêve, ils ne m’en donnèrent pas l’interprétation. 5 Puis se présenta devant moi Daniel, surnommé Baltassar, selon le nom de mon dieu,z et en qui réside l’esprit des dieux saints.a Je lui dis mon songe :

z Le nom du dieu Bel, comme pour Balthazar, cf. 5.1.

a C’est-à-dire l’inspiration divine que Pharaon, par exemple, discerne en Joseph à la sagesse de ses conseils, Gn 41.38 ; cf. Isa 11.2 ; 63.10-11. — Il ne faut pas corriger le pluriel de l’araméen en un singulier (ainsi Théodotion.) : Nabuchodonosor parle comme un païen qu’il est encore ; voir au contraire 4.34. De même Balthazar à 5.11, 14.

6 « Baltassar, chef des magiciens, je sais qu’en toi réside l’esprit des dieux saints et qu’aucun secret ne t’embarrasse : voicib le songe que j’ai eu ; donne-m’en l’interprétation.

b « voici » hazî conj. ; « les visions de (mon songe) » hezwê aram.

7 « Sur ma couche, j’ai contemplé les visions de ma tête :

« Voici : un arbrec
au centre de la terre,
très grand de taille.

c Pour le symbolisme de l’arbre représentant la puissance croissante d’une nation, comparer Ez 17.1-10 et 22-24 et surtout Ez 31.3-14 ; Isa 10.33 — 11.1.

8 L’arbre grandit, devint puissant,
sa hauteur atteignait le ciel,
sa vue, les confins de toute la terre.
9 Son feuillage était beau, abondant son fruit ;
en lui chacun trouvait sa nourriture,
il donnait l’ombre aux bêtes des champs,
dans ses branches nichaient les oiseaux du ciel
et toute chair se nourrissait de lui.
10 Je contemplai les visions de ma tête, sur ma couche.
Voici : un Vigilant,d un saint descend du ciel.

d C’est-à-dire un ange, toujours en éveil au service de Dieu. Comparer les roues « pleines d’yeux (ou de « reflets ») tout autour », Ez 1.18 ; les anges « yeux du Seigneur », Za 4.10b. Le terme « Vigilant », propre à dans la Bible, est très fréquent dans les Apocryphes, notamment le Livre d’Hénok, les Jubilés et les Testaments des Patriarches , et le « Document de Damas »: il désigne les archanges, souvent les archanges déchus. Dans la tradition postérieure, les Vigilants sont les anges gardiens.

11 À pleine voix, il crie :
« Abattez l’arbre, brisez ses branches,
arrachez son feuillage, jetez son fruit,
que les bêtes fuient son abri
et les oiseaux ses branches.
12 Mais que restent en terre souche et racines
dans des liens de fer et de bronze,
dans l’herbe des champs.
Qu’il soit baigné de la rosée du ciel
et que l’herbe de la terre soit sa part avec les bêtes des champs.
13 Son cœur se détournera des hommes,e
un cœur de bête lui sera donné
et sept tempsf passeront sur lui !

e Ou peut-être : « Son cœur cessera d’être un cœur d’homme ».

f Les « temps », ailleurs périodes mal déterminées, sont ici très probablement des années.

14 C’est la sentence que prononcent les Vigilants,
la question tranchée par les saints,g
afin que sache tout vivant
que le Très-Haut a domaine sur le royaume des hommes :
il le donne à qui lui plaît
et élève le plus bas d’entre les hommes ! »

g Les Vigilants, les saints, ne font que transmettre la sentence divine.

15 Tel est le songe que j’ai eu, moi Nabuchodonosor, roi. Toi, Baltassar, donne-m’en l’interprétation, car aucun des sages de mon royaume n’a pu m’en faire connaître l’interprétation ; mais toi tu le peux, puisque en toi réside l’esprit des dieux saints. »

Daniel interprète le rêve.

16 Alors Daniel, surnommé Baltassar, fut un instant confondu et troublé dans ses pensées. Le roi dit : « Baltassar, ne sois pas troublé par ce songe et son interprétation. » Baltassar répondit : « Monseigneur, ce songe soit pour ceux qui te haïssent, et son interprétation pour tes adversaires ! 17 Cet arbre que tu as vu, grand et fort et élevé, atteignant au ciel et visible par toute la terre, 18 au beau feuillage, au fruit abondant, portant nourriture pour tous, sous lequel demeurent les bêtes des champs — et dans ses branches nichent les oiseaux du ciel —, 19 c’est toi, ô roi, qui es devenu grand et puissant, et ta grandeur a augmenté et a atteint jusqu’au ciel, et ton empire jusqu’aux confins de la terre.

20 « Quant à ce qu’a vu le roi : un Vigilant, un saint, descendu du ciel, qui disait : « Abattez l’arbre, détruisez-le, mais la souche et ses racines, laissez-les en terre, dans des liens de fer et de bronze, dans l’herbe des champs, et qu’il soit baigné de la rosée du ciel et que sa part soit avec les bêtes des champs jusqu’à ce que sept temps soient passés sur lui » — 21 voici quelle en est l’interprétation, ô roi, et la décision du Très-Haut qui est venue sur mon Seigneur le roi :

22 « Tu seras chassé d’entre les hommes
et avec les bêtes des champs sera ta demeure,
tu te nourriras d’herbe, comme les bœufs,
tu seras baigné de la rosée du ciel,
sept temps passeront sur toi,
jusqu’à ce que tu aies appris
que le Très-Haut a domaine sur le royaume des hommes
et qu’il le donne à qui lui plaît.

23 « Et cette parole : « Laissez la souche et les racines de l’arbre », c’est que ton royaume sera préservé pour toi jusqu’à ce que tu aies appris que les Cieux ont tout domaine. 24 C’est pourquoi, ô roi, agrée mon conseil : romps tes péchés par les œuvres de justice, et tes iniquités en faisant miséricorde aux pauvres, afin d’avoir longue sécurité. »h

h Le verbe traduit par « rompre » a donné un substantif araméen signifiant « salut, rédemption »: on pourrait traduire « rachète tes péchés ». Les « œuvres de justice » répondent à tout l’ensemble des « justes » rapports entre Dieu et les hommes, qui comprend et dépasse infiniment la justice légale ou les justices purement humaines. Au sens étroit, le terme désigne les œuvres pies, notamment l’aumône, comme dans Tb 12.9 ; 14: 11.

Le rêve se réalise.

25 Tout cela advint au roi Nabuchodonosor. 26 Douze mois plus tard, se promenant sur la terrasse du palais royal de Babylone, 27 le roi disait : « N’est-ce pas là cette grande Babylonei que j’ai bâtie, pour en faire ma résidence royale, par la force de ma puissance et pour la majesté de ma gloire ? »

i Babylone fut une des merveilles du monde ancien. Le nom de la ville va devenir le symbole des choses humaines magnifiques mais fragiles et, au delà, le symbole de l’orgueil humain et démoniaque, l’antithèse de la Jérusalem céleste qui est la cité de Dieu. Cf. Ap 14.8 ; 16.19 ; 17.5 ; 18:.2, 10, 21, qui reprend le thème des Prophètes, Isa 21.9, etc. Tout ce chap. veut montrer l’humiliation de cet orgueil : Nabuchodonosor ne retrouve son état normal qu’en se convertissant au vrai Dieu.

28 Ces paroles étaient encore dans sa bouche, quand une voix tomba du ciel :

« C’est à toi qu’il est parlé, ô roi Nabuchodonosor !
La royauté s’est retirée de toi,
29 d’entre les hommes tu seras chassé,
avec les bêtes des champs sera ta demeure,
d’herbe, comme les bœufs, tu te nourriras,
et sept temps passeront sur toi,
jusqu’à ce que tu aies appris
que le Très-Haut a domaine sur le royaume des hommes
et qu’il le donne à qui lui plaît. »

30 Et aussitôt, la parole s’accomplit en Nabuchodonosor : il fut chassé d’entre les hommes ; comme les bœufs, il mangea de l’herbe, son corps fut baigné de la rosée du ciel, et ses cheveux poussèrent comme des plumes d’aigle et ses ongles comme des griffes d’oiseau.

31 « Au temps fixé,j moi, Nabuchodonosor, je levai les yeux vers le ciel : l’intelligence me revint ; alors je bénis le Très-Haut,
louant et glorifiant Celui qui vit à jamais :
son empire est un empire éternel,
son royaume, pour toutes les générations.

j Dans les LXX, la guérison du roi est due à sa contrition et à sa prière : un ange lui apparaît en songe pour lui annoncer que son royaume lui sera rendu.

32 Tous les habitants de la terre, c’est comme s’ils ne comptaient pas,
selon son bon plaisir, il agit avec l’armée du ciel
et avec les habitants de la terre.
Nul ne peut arrêter sa main
ou lui dire : « Qu’as-tu fait là ? »

33 À cet instant, l’intelligence me revint, et pour l’honneur de ma royauté me revinrent gloire et splendeur ; mes conseillers et mes grands me réclamèrent, je fus rétabli dans ma royauté, et ma grandeur fut accrue. 34 À présent, moi, Nabuchodonosor,

je loue, exalte et glorifie le Roi du Ciel,
dont toutes les œuvres sont vérité,
toutes les voies justice,
et qui sait abaisser ceux qui marchent dans l’orgueil. »

chapitre précédent retour chapitre suivant