Bible de Jérusalem – 1 Maccabées 6
Fin d’Antiochus Épiphane.e
6 Cependant le roi Antiochus parcourait les provinces d’en haut. Il apprit qu’il y avait en Perse une ville du nom d’Élymaïs,f fameuse par ses richesses, son argent et son or,
e Chronologiquement, cet épisode trouverait sa vraie place avant la Dédicace du Temple, 4.36. Le récit de la fin d’Antiochus Épiphane, rapporté de façon analogue par Polybe, est beaucoup plus sobre qu’en 2 M.
f En fait, on ne connaît pas de ville du nom d’Élymaïs, forme grecque de « Élam », Gn 10.22. L’Élymaïde est le pays autour de Suse, ancienne capitale de la Perse, Ne 1.1, et, au sens restreint, la région montagneuse au nord-est de cette ville.
2 avec un temple très richeg renfermant des pièces d’armure en or, des cuirasses et des armes qu’y avait laissées Alexandre, fils de Philippe, roi de Macédoine, qui régna le premier sur les Grecs. g Le temple de Nanaia-Artémis, cf. 2 M 1.13.
3 Il vint donc tenter de prendre cette ville pour la piller, mais il n’y réussit pas, les gens de la ville ayant eu connaissance de la chose.
4 Ils s’opposèrent à lui les armes à la main. Il fut mis en fuite et quitta les lieux avec beaucoup de tristesse pour regagner Babylone.
5 Il était encore en Perse quand on vint lui annoncer la déroute des armées qui étaient entrées dans le pays de Juda.
6 Lysias, en particulier, s’étant avancé avec une forte armée, avait dû fuir devant les Juifs devenus plus redoutables grâce aux armes, aux ressources et à la quantité de dépouilles enlevées aux armées vaincues ;
7 ceuxci avaient renversé l’abomination construite par lui sur l’autel à Jérusalem et entouré leur lieu saint de hautes murailles comme auparavant, ainsi que Bethsour, une de ses villes.
8 À ces nouvelles, le roi, frappé de stupeur, fut en proie à une violente agitation : il se jeta sur sa couche et tomba malade de chagrin parce que les choses ne s’étaient pas passées selon ses désirs.h h En réalité, Antiochus devait être mort avant ces événements, mais l’auteur de doit adapter son récit à la chronologie qu’il s’est fixée.
9 Il demeura là plusieurs jours, retombant sans cesse dans une profonde mélancolie. Lorsqu’il se vit sur le point de mourir,
10 il convoqua tous ses amis et leur dit : « Le sommeil s’est retiré de mes yeux et mon cœur est abattu par l’inquiétude.
11 Je me suis dit à moi-même : À quelle affliction suis-je réduit et en quel flot de tristesse suis-je maintenant plongé ? Moi qui étais bon et aimé au temps de ma puissance !
12 Mais à cette heure je me souviens des maux dont j’ai été l’auteur à Jérusalem, quand je pris tous les objets d’argent et d’or qui s’y trouvaient et que j’envoyai exterminer sans motif les habitants de Juda.
13 Je reconnais donc que c’est à cause de cela que ces malheurs m’ont atteint et que je meurs d’une profonde affliction sur une terre étrangère ! »i
i En fait, la Perse relevait encore de l’empire séleucide. — Pour l’auteur de 1 M, c’est le pillage du Temple de Jérusalem, et non de celui d’Artémis comme pour l’auteur de 2 M, qui est sanctionné par la mort du roi. Mais l’un et l’autre lui prêtent les mêmes sentiments de repentir.
Avènement d’Antiochus V.
14 Il fit appeler Philippe,j un de ses amis, et l’établit sur tout le royaume.
j Ce Philippe qu’on retrouve en 6.55 et 2 M 9.29 est distinct du Philippe de 2 M 5.22 ; 8.8. Nommé régent et tuteur du jeune Antiochus, il reçoit en dépôt les insignes royaux destinés à ce dernier.
15 Il lui donna son diadème, sa robe et son sceau, pour qu’il prît soin de l’éducation et de l’entretien d’Antiochus, son fils, en vue du trône.
16 Le roi Antiochus mourut en ce lieu, l’année cent quarante-neuf.k k En septembre ou octobre 164.
17 Lysias, à la nouvelle de sa mort, lui donna pour successeur son fils Antiochus qu’il avait élevé depuis son enfance et qu’il surnomma Eupator.
Le siège de la Citadelle de Jérusalem par Judas Maccabée.
18 Les gens de la Citadelle bloquaient Israël autour du sanctuaire et s’ingéniaient à lui faire du mal en toute occasion, et à soutenir les païens.
19 Résolu à les exterminer, Judas convoqua tout le peuple pour les assiéger.
20 On se rassembla et l’on mit le siège devant la Citadelle en l’an cent cinquante ;l on construisit des batteries et des machines.
l C’est-à-dire 163/162. Le siège de la Citadelle suit l’expédition en Idumée qui eut lieu après la Pentecôte 163, 1.33. L’auteur de 2 M n’en parle pas.
21 Mais des assiégés rompirent le blocus, et avec eux des Israélites impies,
22 qui allèrent chez le roi et lui dirent : « Jusqu’à quand tarderas-tu à nous rendre justice et à venger nos frères ?
23 Nous avons consenti volontiers à servir ton père, à nous conduire selon ses ordres et à observer ses édits ;
24 m à cause de cela nos concitoyens nous ont pris en aversion. Bien plus, ils ont tué tous ceux d’entre nous qui sont tombés entre leurs mains et ont pillé nos héritages.
m Au début du v. le texte (sauf quelques mss et Vulg.) ajoute « ils y ont mis le siège et », dittographie du v. 20.
25 Ils ont porté la main non seulement sur nous mais encore sur tous tes territoires.n n « tes territoires" Vet. Lat. ; « leurs territoires" grec ; « nos territoires » Vulg.
26 Voici qu’ils investissent aujourd’hui la Citadelle de Jérusalem pour s’en rendre maîtres et qu’ils ont fortifié le sanctuaire et Bethsour.
27 Si tu ne te hâtes pas de les prévenir, ils en feront encore davantage et tu ne pourras plus les arrêter. »
Campagne d’Antiochus V et de Lysias. Bataille de Bethzacharia.
28 À ces mots, le roi se mit en colère et réunit tous ses amis, les chefs de son armée et les maréchaux.o
o C’est en fait Lysias qui agit Antiochus n’a que neuf ans. — « maréchaux », Littéralement « préposés aux rênes », titre non attesté ailleurs.
29 Des autres royaumes et des îles de la mer il lui vint aussi des troupes mercenaires.
30 Le nombre de ses forces s’éleva à cent mille fantassins, vingt mille cavaliers et trente-deux éléphants dressés au combat.
31 Ils vinrent par l’Iduméep et assiégèrent Bethsour qu’ils combattirent longtemps à l’aide de machines. Mais les autres, opérant des sorties, y mettaient le feu et luttaient vaillamment.
p Sans doute par la vallée du Térébinthe, 1 S 17.2, et Odollam, 2 M 12.38. Un premier accrochage aura lieu à Modîn, cf. 2 M 13.14.
32 Alors Judas partit de la Citadelle et vint camper à Bethzachariaq en face du camp royal.
q À 9 km au nord de Bethsour. Le nom est encore porté par un village.
33 Le roi, debout de grand matin, enleva sa troupe d’un bond sur le chemin de Bethzacharia où les armées prirent leur position de combat et sonnèrent de la trompette.
34 On exposa à la vue des éléphants du jus de raisin et de mûre pour les disposer à l’attaque.
35 Les bêtes furent réparties parmi les phalanges. Près de chaque éléphant on rangea mille hommes cuirassés de cottes de mailles et coiffés de casques de bronze, sans compter cinq cents cavaliers d’élite affectés à chaque bête.
36 Ceux-ci prévenaient tous les mouvements de la bête et l’accompagnaient partout sans jamais s’en éloigner.
37 Sur chaque éléphant, comme appareil défensif, une solide tour de bois était assujettie par des sangles, et dans chacune se trouvaient les trois guerriers combattantr sur les bêtes, en plus de leur cornac.
r « trois » conj. ; « trente (ou trente-deux) » grec et lat. L’original hébr. avait sans doute shalîshîm, « les trois (hommes qui montaient un char) », cf. Ex 14.7 ; 15.4 ; 2 R 10.25 ; le traducteur aura lu shelôshîm, « trente ». — « le cornac », Littéralement « l’hindou » expression qui avait fini par désigner la profession.
38 Quant au reste de la cavalerie, le roi la répartit sur les deux flancs de l’armée pour harceler l’ennemi et couvrir les phalanges.s
s Littéralement « pour harceler (l’ennemi) et protéger (ou serrer) dans les phalanges ». — Une partie du texte a pharanxin au lieu de phalanxin « pour serrer dans les gorges » (cf. v. 40 ?).
39 Lorsque le soleil frappa de ses rayons les boucliers d’or et d’airain,t les montagnes en furent illuminées et brillèrent comme des flambeaux allumés.
t C’est peut-être une réminiscence biblique, cf. 1 R 10.16.
40 Une partie de l’armée royale se déploya sur les hauts de la montagne et une autre en contrebas ; ils avançaient en formation solide et ordonnée.
41 Tous étaient troublés en entendant les clameurs de cette multitude, le bruit de sa marche et le fracas de ses armes, armée immense et forte s’il en fut.
42 Judas et sa troupe s’avancèrent pour engager le combat, et six cents hommes de l’armée du roi succombèrent.
43 Éléazar surnommé Auârân aperçut alors une des bêtes caparaçonnée d’un harnais royal et surpassant toutes les autres par la taille. S’imaginant que le roi était dessus,
44 il se sacrifiau pour sauver son peuple et acquérir un nom immortel. u Littéralement « se donna lui-même », cf. Ga 1.4 ; Tm 2.6 ; Tt 2.14. — Il doit s’agir de l’action que 2 M 13.15 situe « aux environs de Modîn ».
45 Il eut la hardiesse de courir sur la bête au milieu de la phalange, tuant à droite et à gauche, si bien que, devant lui, les ennemis s’écartèrent de part et d’autre.
46 S’étant glissé sous l’éléphant, il le frappa par en dessous et le tua. La bête s’écroula à terre sur Éléazar qui mourut sur place.
47 Les Juifs, voyant les forces du royaume et l’impétuosité des troupes, se retirèrent devant elles.
Prise de Bethsour et siège du mont Sion par les Syriens.
48 L’armée royale monta au-devant des Juifs à Jérusalem, et le roi mit en état de siège la Judée et le mont Sion,
49 tandis qu’il faisait la paix avec ceux de Bethsour qui évacuèrent la ville : ils n’avaient pas de vivres pour soutenir un siège, car c’était l’année sabbatique accordée à la terre.v
v D’après Lv 25.1, l’année sabbatique excluait semailles et moissons. Elle avait commencé en automne 164 puisque cette disette date de l’automne 163.
50 Le roi prit Bethsour et y plaça une garnison pour la garder.
51 Il assiégea assez longtemps le sanctuaire, dressant contre lui batteries et machines, lance-flammes et balistes, scorpions pour flèches et frondes.w w Les « scorpions » sont des arbalètes. Cette description de l’artillerie de siège séleucide est la plus complète que l’on connaisse.
52 Les assiégés aussi dressèrent des machines contre celles des assiégeants et l’on combattit longtemps.
53 Mais il n’y avait pas de vivres dans les dépôtsx parce que c’était la septième année et que les Israélites ramenés en Judée du milieu des nations avaient consommé les dernières réserves. x « dans les dépôts » angeiois conj. d’après lat. ; « dans le sanctuaire » hagiois grec.
54 On laissa peu d’hommes dans le saint lieu parce qu’on était en proie à la famine ; les autres se dispersèrent chacun chez soi.
Le roi accorde aux Juifs la liberté religieuse.
55 Philippe, que le roi Antiochus avait de son vivant choisi pour élever Antiochus, son fils, en vue du trône,
56 était revenu de Perse et de Médie avec les troupes qui avaient accompagné le roi, et cherchait à s’emparer de la direction des affaires.
57 Lysias n’eut rien de plus pressé que de signifier le départ. Il dit au roi, aux généraux de l’armée et aux hommes : « Nous dépérissons chaque jour, notre ration se fait maigre et le lieu que nous assiégeons est bien fortifié. Du reste, les affaires du royaume nous attendent.
58 Donnons donc la main droite à ces hommes, faisons la paix avec eux et avec toute leur nation.
59 Accordons-leur de vivre suivant leurs coutumes comme auparavant, car c’est à cause des coutumes que nous avons abolies qu’ils se sont irrités et ont fait tout cela. »y
y Ce revirement s’explique par la mort d’Antiochus Épiphane, champion de l’hellénisation forcée, par la lassitude que le manque de vivres engendre dans les deux camps, v. 57, par les intrigues de Philippe, v. 56.
60 Le roi et les chefs approuvant ce motif, il envoya traiter de la paix avec les Juifs, qui acceptèrent.
61 Le roi et les chefs confirmèrent l’accord par serment et là-dessus les assiégés sortirent de la forteresse.
62 Alors le roi entra au mont Sion et, voyant la force de ce lieu, il viola le serment qu’il avait prêté et donna l’ordre de démanteler toute l’enceinte.z z Le rescrit du roi, 2 M 11.25, rendait le Temple aux Juifs et ne mentionnait pas les remparts, mais notre auteur les considère comme inséparables et voit donc en ce geste le manquement à une promesse.
63 Puis il partit en toute hâte et retourna à Antioche où il trouva Philippe maître de la ville. Il lui livra bataille et s’empara de la ville par la force.