6 Job prit la parole et dit :
2 Oh ! Si l’on pouvait peser mon affliction,
mettre sur une balance tous mes maux ensemble !
3 Mais c’est plus lourd que le sable des mers,
voilà pourquoi mes paroles bredouillent.
4 Les flèches de Shaddaï en moi sont plantées,
mon humeur boit leur venin
et les terreurs de Dieu sont en ligne contre moi.
5 Voit-on braire l’onagre auprès de l’herbe tendre,
le bœuf mugir à portée du fourrage ?
6 Un aliment fade se mange-t-il sans sel,
le blanc de l’œufp a-t-il quelque saveur ?
p « blanc de l’œuf » selon une interprétation du Targ. ; d’autres songent à une plante le suc du pourpier ou le jus de la mauve.
7 Or ce que mon appétit se refuse à toucher,
c’est là ma nourriture de malade.q
q Le v. 7, très difficile, est interprété d’après la Vulg. (qui rattache les deux hémistiches en une seule phrase). — « de malade », litt. « dans ma maladie » conj. ; « comme une maladie » hébr. — La répugnance de Job devant sa misérable nourriture (à la fois réelle et symbolique) traduit son dégoût de la vie. Ses amis bien nourris sont incapables de comprendre.
8 Oh ! que se réalise donc ma prière,
que Dieu réponde à mon attente !
9 Que Lui consente à m’écraser,
qu’il dégage sa main et me supprime !
10 J’aurai du moins cette consolation,
ce sursaut de joie en de cruelles souffrances,
de n’avoir pas renié les décrets du Saint.r
r En faisant acte de révolte contre la Providence. Le « Saint » désigne ici Yahvé, cf. Isa 6.3 ; Ha 3.3.
11 Ai-je donc assez de force pour attendre ?
Voué à une telle fin, à quoi bon patienter ?
12 Ma force est-elle celle du roc,
ma chair est-elle de bronze ?
13 Aurai-je pour appui le néant
et tout secourss n’a-t-il pas fui loin de moi ?
s « secours » grec, syr. ; « sagacité » hébr.
14 Refusert la pitié à son prochain,
c’est rejeter la crainte de Shaddaï.u
t « Refuser » mss hébr. ; « fondre » TM.
u La bonté pour autrui est le signe d’une religion authentique.
15 Mes frères ont trahi comme un torrent,
comme le cours des torrents qui débordent.
16 La glace assombrit leurs eaux,
au-dessus d’eux fond la neige,v
v Texte difficile litt. « noircis (ou troublés) à cause de la glace, sur eux disparaît la neige ».
17 mais, dès la saison brûlante, ils tarissent,
ils s’évanouissent sous l’ardeur du soleil.
18 Pour eux, les caravanes quittent les pistes,
s’enfoncent dans le désert et s’y perdent.
19 Les caravanes de Téma les fixent des yeux,
en eux espèrent les convois de Saba.
20 Leur confiance se voit déçue ;
arrivés près d’eux, ils restent confondus.w
w « Leur confiance », litt. « ils ont espéré », syr., Targ. ; « il a espéré » hébr. — « près d’eux » conj. ; « près de lui » hébr.
21 Tels vous êtes pour moi à cette heure :x
à la vue du fléau, vous prenez peur.
x « Tels » ken conj. ; « car » kî hébr. — « pour moi » lî conj. ; « pas » lo’ hébr.
22 Vous ai-je donc dit : « Faites-moi tel don,
offrez tel présent pour moi sur vos biens ;
23 arrachez-moi à l’étreinte d’un oppresseur,
délivrez-moi des mains d’un violent ? »
24 Instruisez-moi, alors je me tairai ;
montrez-moi en quoi j’ai pu errer.y
y Par inadvertance ou par ignorance, cf. Lv 4 ; Nb 15.22-29 ; Ps 19.13.
25 On supporte sans peine des discours équitables,
mais vos critiques, que visent-elles ?
26 Prétendez-vous censurer des paroles,
propos de désespoir qu’emporte le vent ?
27 Vous iriez jusqu’à tirer au sort un orphelin,
à faire bon marché de votre ami !
28 Allons, je vous en prie, tournez-vous vers moi.
vous mentirais-je en face ?
29 Retournez-vous, je vous en prie, pas de fausseté ;
retournez-vous, car je reste dans mon droit.
30 Y a-t-il de la fausseté sur mes lèvres ?
Mon palais ne sait-il plus discerner l’infortune ?