Bible de Jérusalem – Juges 8
Reproches des Éphraïmites.c
8 Or les hommes d’Éphraïm dirent à Gédéon : « Quelle est donc cette manière d’agir envers nous : tu ne nous as pas convoqués lorsque tu es allé combattre Madiân ? » Et ils le prirent violemment à partie.
c Éphraïm apparaît ici comme subordonné à Manassé, cf. 7.24, 25b, mais les Éphraïmites supportent mal d’être ainsi au second rang. Éphraïm finira par établir sa supériorité sur Manassé, ce qu’exprime la préférence qui lui est donnée par Jacob dans Gn 48.17.
2 Il leur répondit : « Qu’ai-je donc fait en comparaison de vous ? Le grappillage d’Éphraïm, n’est-ce pas plus que la vendange d’Abiézer ?
3 C’est entre vos mains que Dieu a livré les chefs de Madiân, Oreb et Zéeb. Qu’ai-je pu faire en comparaison de vous ? » Sur ces paroles, leur emportement contre lui se calma.
C. LA CAMPAGNE DE GÉDÉON EN TRANSJORDANIE ET LA FIN DE GÉDÉON
Gédéon poursuit l’ennemi au-delà du Jourdain.d
4 Gédéon arriva au Jourdain et le traversa, mais lui et les trois cents hommes qu’il avait avec lui étaient harassés par la poursuite.
d Cette campagne est présentée comme la suite de celle racontée à 7.1-22, cf. 8.4, mais c’est originairement une tradition indépendante, concernant peut-être un autre raid des Madianites. Elle est en tout cas différente de l’épisode de 7.25 où les « chefs » de Madiân ont d’autres noms que les « rois » de Madiân, v. 5. Les précisions géographiques concernant Sukkot, Penuel et la Transjordanie indiquent une tradition locale.
5 Il dit donc aux gens de Sukkot : « Donnez, je vous prie, des galettes de pain à la troupe qui me suit, car elle est harassée, et je suis à la poursuite de Zébah et de Çalmunna, rois de Madiân. »e e Zébah, « victime » et « Çalmunna », « ombre errante » semblent être des noms imaginés pour les besoins du récit.
6 Mais les chefs de Sukkot répondirent : « Le poing de Zébah et de Çalmunna est-il donc entre tes mains pour que nous donnions du pain à ton armée ? » —
7 « Eh bien ! répliqua Gédéon, lorsque Yahvé aura livré en ma main Zébah et Çalmunna, je vous déchirerai les chairs sur les épines du désert et les chardons. »
8 De là, il monta à Penuel et il parla de la même manière aux gens de Penuel, qui répondirent comme l’avaient fait les gens de Sukkot.
9 Il répliqua également aux gens de Penuel : « Quand je reviendrai sain et sauf, je détruirai cette tour. »
Défaite de Zébah et de Çalmunna.
10 Zébah et Çalmunna se trouvaient dans le Qarqor avec leur armée, environ quinze mille hommes, tous ceux qui étaient restés de l’armée des fils de l’Orient. Ceux qui étaient tombés étaient au nombre de cent vingt mille hommes tirant l’épée.
11 Gédéon monta par la route de ceux qui habitent sous la tente, à l’est de Nobah et de Yogbéha, et il battit l’armée, alors qu’elle se croyait en sûreté.
12 Zébah et Çalmunna s’enfuirent. Il les poursuivit et il s’empara des deux rois de Madiân, Zébah et Çalmunna. Quant à l’armée, il la mit en déroute.
Les vengeances de Gédéon.
13 Après la bataille, Gédéon fils de Yoash s’en revint par la montée de Harès.f
f « par la montée » grec ; « d’au-dessus » (?) hébr.
14 Ayant arrêté un jeune homme des gens de Sukkot, il le questionna et celui-ci lui donna par écrit les noms des chefs de Sukkot et des anciens, soixante-dix-sept hommes.
15 Gédéon se rendit alors auprès des gens de Sukkot et dit : « Voici Zébah et Çalmunna, au sujet desquels vous m’avez raillé, disant : Le poing de Zébah et de Çalmunna est-il donc en ta main pour que nous donnions du pain à tes gens harassés ? »
16 Il saisit alors les anciens de la ville et, prenant des épines du désert et des chardons, il déchirag les gens de Sukkot.
g « déchira » versions et v. 7 ; « fit connaître » hébr.
17 Il détruisit la tour de Penuel et massacra les habitants de la ville.
18 Puis il dit à Zébah et Çalmunna : « Comment donc étaient ces hommes que vous avez tués au Tabor »h — « Ils te ressemblaient, répondirent-ils. Chacun d’eux avait l’air d’un fils de roi » — h On ne sait rien de cette bataille du Tabor. Gédéon fait savoir aux deux rois qu’ils ont tué ses frères et justifie par là son rôle de vengeur du sang, cf. Nb 35.19.
19 « C’étaient mes frères, fils de ma mère, reprit Gédéon. Par la vie de Yahvé ! si vous les aviez laissés vivre, je ne vous tuerais pas. »
20 Alors il commanda à Yéter, son fils aîné : « Debout ! Tue-les. » Mais l’enfant ne tira pas son épée, il n’osait pas, car il était encore jeune.
21 Zébah et Çalmunna dirent alors : « Debout ! toi, et frappe-nous, car tel est l’homme, telle est sa force. » Alors Gédéon se leva, il tua Zébah et Çalmunna et il prit les croissants qui étaient au cou de leurs chameaux.
Gédéon. La fin de sa vie.
22 Les hommes d’Israël dirent à Gédéon : « Sois notre souverain, toi, puis ton fils, puis ton petit-fils, puisque tu nous a sauvés de la main de Madiân. »
23 Mais Gédéon leur répondit : « Ce n’est pas moi qui serai votre souverain, pas plus que mon fils, Yahvé sera votre souverain. »i
i Les vv. 22-23 interrompent le fil du récit. Gédéon refuse la royauté héréditaire qu’on lui propose ; il exprime ainsi la position d’un rédacteur qui récuse l’institution royale, cf. 1 S 8.7 ; 12.12.
24 « Laissez-moi, ajouta Gédéon, vous faire une requête. Que chacun de vous me donne un anneau de son butin. » Les vaincus avaient en effet des anneaux d’or, car c’étaient des Ismaélites.
25 « Nous les donnerons volontiers », répondirent-ils. Il étendit donc son manteau et ils y jetèrent chacun un anneau de son butin.j j « il étendit » grec ; pluriel hébr.
26 Le poids des anneaux d’or qu’il avait demandés s’éleva à mille sept cents sicles d’or, sans compter les croissants, les pendants d’oreilles et les vêtements de pourpre que portaient les rois de Madiân, sans compter non plus les colliers qui étaient au cou de leurs chameaux.
27 Gédéon en fit un éphodk qu’il plaça dans sa ville, à Ophra. Tout Israël s’y prostitua après lui et ce fut un piège pour Gédéon et sa maison.k Il s’agit non pas de l’éphod-pagne, 1 S 2.18, mais d’un objet cultuel utilisé pour la divination, cf. 1 S 2.28. Gédéon le destinait sûrement au culte de Yahvé, mais le rédacteur deutéronomiste le condamne, tout comme il jugera suspect l’éphod de Mika, 17.3s.
28 Ainsi Madiân fut abaissé devant les Israélites. Il ne releva plus la tête et le pays fut en repos pendant quarante ans, aussi longtemps que vécut Gédéon.
29 Yerubbaal, fils de Yoash, s’en alla donc et demeura dans sa maison.
30 Gédéon eut soixante-dix fils, issus de lui, car il avait beaucoup de femmes.
31 Sa concubine qui résidait à Sichem lui enfanta, elle aussi, un fils, auquel il donna le nom d’Abimélek.
32 Gédéon, fils de Yoash, mourut après une heureuse vieillesse et on l’ensevelit dans le tombeau de Yoash, son père, à Ophra d’Abiézer.l
l Les vv. 30-32 ressemblent aux notices sur les « petits » juges, cf. 10.1-5 ; 12.8-15. Le v. 29, qui reprend le nom de Yerubbaal, viendrait mieux à la suite de 6.25-32.
Rechute d’Israël.
33 Après la mort de Gédéon, les Israélites recommencèrent à se prostituer aux Baals et ils prirent pour dieu Baal-Berit.m
m Baal-Berit ou El-Berit est le dieu de l’alliance vénéré par les Cananéens de Sichem, 9.46. Sichem est aussi le lieu où avait été conclue une alliance avec Yahvé, Jos 24 le syncrétisme était presque inévitable.
34 Les Israélites ne se souvinrent plus de Yahvé, leur Dieu, qui les avait délivrés de la main de tous les ennemis d’alentour.
35 Et à la maison de Yerubbaal-Gédéon, ils ne montrèrent pas la gratitude méritée par tout le bien qu’elle avait fait à Israël.