Le livre de Judith est l’histoire d’une victoire du peuple élu contre ses ennemis, grâce à l’intervention d’une femme. La petite nation juive s’affronte à l’imposante armée d’Holopherne, qui doit soumettre le monde au roi Nabuchodonosor et détruire tout autre culte que celui de Nabuchodonosor déifié. Les Juifs sont assiégés dans Béthulie qui, privée d’eau, est sur le point de se rendre. Alors paraît Judith, une jeune veuve, belle, sage, pieuse et décidée, qui triomphera successivement de la veulerie de ses compatriotes et de l’armée assyrienne. Elle reproche aux chefs de la ville leur manque de confiance en Dieu, puis elle prie, se pare, sort de Béthulie et se fait conduire devant Holopherne. Elle emploie contre lui la séduction et la ruse et, laissée seule avec le soudard ivre, elle lui tranche la tête. Pris de panique, les Assyriens s’enfuient, leur camp est mis au pillage. Le peuple exalte Judith et se rend à Jérusalem pour une solennelle action de grâces.
Il semble que l’auteur ait multiplié délibérément les entorses à l’histoire pour détacher l’attention d’un contexte historique précis et la reporter tout entière sur le drame religieux et son dénouement. C’est un récit habilement composé, qui s’apparente étroitement aux apocalypses. Holopherne, serviteur de Nabuchodonosor, est une synthèse des puissances du mal, Judith, dont le nom signifie « la Juive », représente le parti de Dieu, identifié à celui de la nation. Ce parti paraît voué à l’extermination mais Dieu procure son triomphe par les faibles mains d’une femme, et le peuple saint monte vers Jérusalem. Ce livre a des contacts certains avec Daniel, Ézéchiel et Joël ; la scène se passe dans la plaine d’Esdrelon, près de cette plaine d’Harmagedôn où saint Jean placera la bataille eschatologique d’Ap 16.16. La victoire de Judith récompense sa prière, son observance scrupuleuse des règles de pureté légale, et cependant la perspective du livre est universaliste : le salut de Jérusalem est assuré à Béthulie, dans cette Samarie odieuse aux « bien pensants » du judaïsme étroit, le sens religieux du conflit est dégagé par Achior, qui est un Ammonite, Jdt 5.5-21, et se convertit au vrai Dieu, Jdt 14.5-10. Le livre a été écrit en Palestine vers le milieu du IIe siècle avant notre ère, dans l’atmosphère de ferveur nationale et religieuse qui fut créée par le soulèvement des Maccabées.
1 C’était en la douzième année de Nabuchodonosor,b qui régna sur les Assyriens à Ninive la grande ville. Arphaxad régnait alors sur les Mèdes à Ecbatane.c
a Le texte de la Vulg. est assez différent du texte grec. On donne ici en notes ses additions les plus significatives et, en marge, un repérage approximatif de sa numérotation des vv., là où elle diffère du grec.
b Nabuchodonosor, roi de Babylone (604-562 av. J.-C.), ne fut jamais appelé « roi d’Assur » et ne régna pas à Ninive, détruite depuis 612 Par son père, Nabopolassar. Sur les libertés du récit avec l’histoire, voir l’Introd. — Nabuchodonosor est ici le type du souverain puissant et impie, adversaire du peuple de Dieu.
c Arphaxad est inconnu de l’histoire. Son nom a fait penser à Phraorte (675-653), fondateur du royaume de Médie dont Ecbatane (aujourd’hui Hamadan) fut la capitale.
5 Or, vers cette époque, le roi Nabuchodonosor livra bataille au roi Arphaxad dans la grande plaine située sur le territoire de Ragau.
d Les hauts plateaux de l’Iran occidental.
e L’auteur veut sans doute désigner l’Élymaïde, province occidentale de l’Empire perse, cf. 1 M 6.1. — L’« Hydaspe » doit être le Choaspès, qui passe dans la plaine de Suse.
f Ce nom désigne probablement les Chaldéens.
7 Nabuchodonosor, roi des Assyriens, envoya un message à tous les habitants de la Perse, à tous ceux de la région occidentale, de la Cilicie, de Damas, du Liban, de l’Anti-Liban, à tous ceux de la côte,
g Le texte a énuméré tous les vassaux ou amis de Nabuchodonosor.
h Littéralement « un homme seul », réduit à chercher de toutes parts des appuis ; à moins qu’il ne faille comprendre « un homme de rien ».
i Littéralement « toute la terre ». L’expression, fréquente dans Jdt, ou bien désigne la région considérée dans le contexte (= « tout le pays »), ou bien est un trait d’emphase.
j À la liste des vv. 7-11 s’ajoutent maintenant Moab, Ammon et la Judée. — L’expression « les frontières des deux mers » est une façon d’exprimer une domination universelle, comp. Ps 72.8 ; Mi 7.12 ; Za 9.10.
13 Avec ses propres forces, il livra bataille au roi Arphaxad en la dix-septième année et, dans ce combat, le vainquit. Il culbuta toute son armée, sa cavalerie, ses chars,
16 Il s’en retourna ensuite avec ses troupes et l’immense foule qui s’était jointe à eux, incommensurable cohue d’hommes armés. Alors, dans l’insouciance, ils s’adonnèrent à la bonne chère, lui et son armée, cent vingt jours durant.