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Bible de Jérusalem – Sagesse 17

Cinquième antithèse : ténèbres et colonne de feu.m

17 Oui, tes jugements sont grands et difficiles à saisir !
C’est pourquoi des âmes sans instruction se sont égarées.

m À la plaie des ténèbres, Ex 10.21-23 ; Ps 105.28, l’auteur oppose la lumière qui continuait d’éclairer le monde entier et les Israélites, v. 18 et 18.1, puis la lumière de la Loi, 18.4, mais l’antithèse proprement dite fait intervenir la « colonne de feu » 18.3.

2 Alors que des impies s’imaginaient tenir en leur pouvoir une nation sainte,
devenus prisonniers des ténèbres, dans les entraves d’une longue nuit,
ils gisaient enfermés sous leurs toits, s’étant exclus de la providence éternelle.
3 Alors qu’ils pensaient demeurer cachés avec leurs péchés commis dans le secret,
sous le sombre voile de l’oubli,
ils furent dispersés, en proie à de terribles frayeurs,
épouvantés par des hallucinations.n

n L’auteur va dramatiser étrangement la plaie des ténèbres. La description qui suit amplifie en divers sens le récit biblique et s’apparente au midrash hellénistique, utilisant peut-être des légendes juives et des spéculations rabbiniques qu’on retrouve chez Philon d’Alexandrie. On relèvera en même temps l’orientation apocalyptique de l’ensemble :les ténèbres d’Égypte deviennent l’anticipation ou l’image des ténèbres infernales, cf. surtout vv. 14, 21. L’auteur s’en prend à la magie, 17.7 et aux mystères du milieu alexandrin. Il analyse aussi la psychologie de la peur, surtout 17.12 ; cf. 5.2, et les discours des impies, 2 ; 5, sont à l’arrière-plan.

4 Car l’antre qui les détenait ne les préservait pas de la peur ;
des bruits en se répercutant résonnaient autour d’eux,
et des spectres lugubres, au visage morne, leur apparaissaient.
5 Aucun feu n’avait assez de force pour les éclairer,
et l’éclat étincelant des étoiles
ne parvenait pas à illuminer cette nuit infernale.
6 Ils n’entrevoyaient
qu’un bûcher qui s’allumait de lui-même, semant la peur.
Terrifiés par cette vision qu’ils distinguaient mal,
ils tenaient pour pire ce qu’ils venaient de voir.

7 Les artifices de l’art magique demeuraient impuissants,o
et le démenti infligé à la prétention de savoir était humiliant ;

o Après une réussite temporaire, Ex 7.11, 22 ; 8.3, ils avaient échoué, Ex 8.14, et même porté malheur à leurs auteurs, Ex 9.11. Il semble bien qu’à travers les magiciens du Pharaon, l’auteur s’en prenne aux magiciens de son temps. Cf. 12.4 ; 18.13.

8 car ceux qui promettaient de bannir de l’âme malade les terreurs et les troubles
étaient eux-mêmes malades d’une appréhension ridicule.
9 Même si rien d’effrayant n’avait à leur faire peur,
effarouchés aux passages de bestioles et par les sifflements de reptiles,
10 ils tremblaient à en mourir,
et refusaient même de regarder cet air, que d’aucune manière on ne peut fuir.
11 Car la perversité s’avère singulièrement lâche et se condamne elle-même ;
pressée par la conscience, toujours elle grossit les difficultés.p

p Première mention de la « conscience » dans la Bible grecque, cf. Ac 23.1 ; le mot désigne ici la conscience morale reprochant les péchés commis. — La réflexion élimine les causes imaginaires de la peur. Mais la conscience chargée la trouble et l’empêche d’accomplir son œuvre.

12 La peur en effet n’est rien d’autre
que la défaillance des secours de la réflexion ;q

q Cette définition de la peur, unique dans la Bible, s’inspire de textes hellénistiques qui soulignent eux aussi combien alors la raison défaille et trahit ; l’originalité de l’auteur consiste à relier la peur à la mauvaise conscience et, plus encore, à la méconnaissance de Dieu, 17.1.

13 moins on compte intérieurement sur eux,
plus on trouve grave d’ignorer la cause qui provoque le tourment.r

r On peut comprendre aussi « L’incapacité de prévoir intérieurement (les maux) exagère l’ignorance de la cause... ».

14 Pour eux, durant cette nuit sortie des antres de l’Hadès impuissant,
endormis d’un même sommeil,
15 ils étaient tantôt poursuivis par des spectres monstrueux,
tantôt paralysés par la défaillance de leur âme ;
car une peur subite et inattendue les avait inondés.s

s « avait inondés » mss ; « s’était abattue » texte reçu.

16 Ainsi encore, celui qui tombait là, quel qu’il fût,
se trouvait emprisonné, enfermé dans cette geôle sans verrous.
17 Qu’on fût laboureur ou berger,
ou qu’on fût occupé à peiner dans le désert,
surpris, on subissait l’inéluctable nécessité ;
18 car tous avaient été liés par une même chaîne de ténèbres.
Le vent qui siffle,
le chant mélodieux des oiseaux dans les rameaux touffus,
le bruit cadencé d’une eau coulant avec violence,
19 le rude fracas des pierres dégringolant,
la course invisible d’animaux bondissants,
le rugissement des bêtes les plus sauvages,
l’écho se répercutant au creux des montagnes,
tout les terrorisait et les paralysait.
20 Car le monde entier était éclairé par une lumière étincelante
et vaquait librement à ses travaux ;
21 sur eux seuls s’étendait une pesante nuit,
image des ténèbres qui devaient les recevoir.
Mais ils étaient à eux-mêmes plus pesants que les ténèbres.

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