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Bible de Jérusalem

1 Corinthiens 8-10

2. LES IDOLOTHYTESx

L’aspect théorique.

8 Pour ce qui est des viandes immolées aux idoles, « nous avons tous la science », c’est entendu. Mais la science enfle ; c’est la charité qui édifie.

x Les idolothytes sont les viandes des animaux sacrifiés aux idoles et dont le surplus, non utilisé aux banquets sacrés, était vendu au marché, 10.25, ou consommé dans les dépendances du temple, 8.10. Les Corinthiens étaient divisés à ce sujet pouvait-on les manger sans pactiser avec l’idolâtrie ? Paul cite, pour les corriger, les arguments des forts, vv. 1, 4, 8 et répond comme en Rm 14-15 le chrétien est libre mais la charité exige de lui qu’il respecte les opinions des scrupuleux et qu’il évite de les scandaliser. Paul ne fait pas usage du décret de Jérusalem, Ac 15.20, 29, et paraît même l’ignorer, Ac 15.1.

2 Si quelqu’un s’imagine connaître quelque chose, il ne connaît pas encore comme il faut connaître ; 3 mais si quelqu’un aime Dieu, celui-là est connu de lui.y

y Au sens biblique, c’est-à-dire « aimé de Dieu ». Cf. Os 2.22.

4 Donc, pour ce qui est de manger des viandes immolées aux idoles, nous savons qu’« une idole n’est rien dans le monde » et qu’« il n’est de Dieu que le Dieu unique ». 5 Car, bien qu’il y ait, soit au ciel, soit sur la terre, de prétendus dieux — et de fait il y a quantité de dieux et quantité de seigneursz —,

z Paul constate simplement un fait. Les « dieux » sont les êtres fictifs de l’Olympe et les corps sidéraux ; les « seigneurs » sont les hommes divinisés.

6 pour nous en tout cas, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et vers qui nous allons, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui viennent toutes choses et par qui nous allons.a

a Acclamation baptismale. Dans le texte grec, les verbes ne sont pas explicités, mais les prépositions sont d’abord l’indication d’un mouvement. Compléter par le verbe être, comme dans la plupart des versions, c’est ici pétrifier la pensée.

Le point de vue de la charité.

7 Mais tous n’ont pas la science. Certains, par suite de leur fréquentation encore récente des idoles,b mangent les viandes immolées comme telles, et leur conscience, qui est faible, s’en trouve souillée.

b Var. « de l’idée qu’ils se font encore de l’idole ».

8 Ce n’est pas un aliment qui nous fera comparaître en jugement devant Dieu.c Si nous n’en mangeons pas, nous n’avons rien de plus ; et si nous en mangeons, nous n’avons rien de moins.

c Les var. du grec permettent d’autres traductions moins probables.

9 Mais prenez garde que cette liberté dont vous usez ne devienne pour les faibles occasion de chute. 10 Si en effet quelqu’un te voit, toi qui as la science, attablé dans un temple d’idoles, sa conscience à lui qui est faible ne va-t-elle pas se croire autorisée à manger des viandes immolées aux idoles ? 11 Et ta science alors va faire périr le faible, ce frère pour qui le Christ est mort ! 12 En péchant ainsi contre vos frères, en blessant leur conscience, qui est faible, c’est contre le Christ que vous péchez.d

d Le Christ ici c’est la communauté comme en 1.13 ; 6.15 ; 12.12.

13 C’est pourquoi, si un aliment doit causer la chute de mon frère, je me passerai de viande à tout jamais, afin de ne pas causer la chute de mon frère.

L’exemple de Paul.e

9 Ne suis-je pas libre ? Ne suis-je pas apôtre ? N’ai-je donc pas vu Jésus, notre Seigneur ? N’êtes-vous pas mon œuvre dans le Seigneur ?

e Dans la question des idolothytes, la charité doit primer la liberté du jugement propre. Paul va montrer comment lui-même a renoncé, par charité envers tous, à certains droits que lui conférait l’apostolat.

2 Si pour d’autres je ne suis pas apôtre, pour vous du moins je le suis ; car c’est vous qui, dans le Seigneur, êtes le sceau de mon apostolat. 3 Ma défense contre ceux qui m’accusent, la voici : 4 N’avons-nous pas le droit de manger et de boire ?f

f Aux frais des communautés.

5 N’avons-nous pas le droit d’emmener avec nous une épouse croyante,g comme les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas ?

g Littéralement « une sœur comme femme ».

6 Ou bien, est-ce que moi seul et Barnabé, nous n’avons pas le droit de ne pas travailler ? 7 Qui fait jamais campagne à ses propres frais ? Qui plante une vigne et n’en mange pas le fruit ? Qui fait paître un troupeau et ne se nourrit pas du lait du troupeau ?

8 N’y a-t-il là que propos humains ? Ou bien la Loi ne le dit-elle pas aussi ? 9 C’est bien dans la Loi de Moïse qu’il est écrit : Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain. Dieu se mettrait-il en peine des bœufs ? 10 N’est-ce pas évidemment pour nous qu’il parle ? Oui, c’est pour nous que cela a été écrit : celui qui laboure doit labourer dans l’espérance, et celui qui foule le grain, dans l’espérance d’en avoir sa part. 11 Si nous avons semé en vous les biens spirituels, est-ce chose extraordinaire que nous récoltions vos biens temporels ?

12 Si d’autres ont ce droit sur vous, ne l’avons-nous pas davantage ? Cependant nous n’avons pas usé de ce droit. Nous supportons tout au contraire pour ne pas créer d’obstacle à l’Évangile du Christ. 13 Ne savez-vous pas que les ministres du temple vivent du temple, que ceux qui servent à l’autel partagent avec l’autel ? 14 De même, le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile.

15 Mais je n’ai usé, moi, d’aucun de ces droits, et je n’écris pas cela pour qu’il en soit ainsi à mon égard ; plutôt mourir que de... Mon titre de gloire, personne ne le réduira à néant. 16 Annoncer l’Évangile en effet n’est pas pour moi un titre de gloire ; c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! 17 Si j’avais l’initiative de cette tâche, j’aurais droit à une récompense ; si je ne l’ai pas, c’est une charge qui m’est confiée. 18 Quelle est donc ma récompense ? C’est qu’en annonçant l’Évangile, j’offre gratuitement l’Évangile, sans pleinement user du droit que me confère l’Évangile.

19 Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, afin de gagner le plus grand nombre. 20 Je me suis fait Juif avec les Juifs, afin de gagner les Juifs ; sujet de la Loi avec les sujets de la Loi — moi, qui ne suis pas sujet de la Loi — afin de gagner les sujets de la Loi. 21 Je me suis fait un sans-loi avec les sans-loi — moi qui ne suis pas sans une loi de Dieu, étant sous la loi du Christh — afin de gagner les sans-loi.

h Au sens de la loi d’amour vécue par le Christ, Ga 6.2.

22 Je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver à tout prix quelques-uns. 23 Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, afin d’en avoir ma part.

24 Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter. 25 Tout athlète se prive de tout ; mais eux, c’est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable. 26 Et c’est bien ainsi que je cours, moi, non à l’aventure ; c’est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide. 27 Je meurtris mon corps au contraire et le traîne en esclavage, de peur qu’après avoir été celui qui proclame aux autres, je ne sois moi-même disqualifié.i

i Le passage utilise le vocabulaire sportif de l’époque. Paul invite les « forts » à l’imiter en sacrifiant leurs droits par charité, en vue de la récompense céleste, de même que les athlètes se privent de tout pour remporter le prix.

Le point de vue de la prudence et les leçons du passé d’Israël.j

10 Car je ne veux pas que vous l’ignoriez, frères : nos pères ont tous été sous la nuée, tous ont passé à travers la mer,

j Cette section commente le dernier mot de la section précédente « disqualifié ». Le danger d’être rejeté existe les exemples tirés de l’histoire d’Israël le montrent. Et la cause de cette élimination a été l’orgueil et la présomption. Que les « forts » se gardent donc de ces vices.

2 tous ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, 3 tous ont mangé le même aliment spirituel 4 et tous ont bu le même breuvage spirituelk — ils buvaient en effet à un rocher spirituell qui les accompagnait, et ce rocher c’était le Christ.

k Paul évoque la nuée et le passage de la mer Rouge, figures du baptême, la manne et l’eau du rocher, figures de l’Eucharistie, pour inviter les Corinthiens à la prudence et à l’humilité les Hébreux au désert ont, d’une certaine façon, bénéficié des mêmes dons qu’eux ; ils ont néanmoins déplu à Dieu pour la plupart, v. 5.

l Selon une tradition rabbinique, le rocher de Nb 20.8 suivait Israël au désert. Paul emploie le passé car ce rocher n’existe plus.

5 Cependant, ce n’est pas le plus grand nombre d’entre eux qui plut à Dieu, puisque leurs corps jonchèrent le désert.

6 Ces faits se sont produits pour nous servir d’exemples,m pour que nous n’ayons pas de convoitises mauvaises, comme ils en eurent eux-mêmes.

m Littéralement « de types », que Dieu a suscités pour figurer par avance les réalités spirituelles de l’ère messianique (« antitypes », 1 P 3.21, mais cf. He 9.24). Bien que dépassant la conscience claire des auteurs inspirés, ce sens « typique » (ou « allégorique », Ga 4.24) des Livres Saints n’en est pas moins scripturaire parce que voulu de Dieu, auteur de toute l’Écriture. Ordonné à l’instruction des chrétiens, il a été souvent dégagé par les auteurs du NT. Paul l’inculque à plusieurs reprises, v. 11 et 9.9s ; Rm 4.23s ; 5.14 ; 15.4 ; cf. 2 Tm 3.16, et des écrits entiers comme le quatrième évangile ou l’épître aux Hébreux sont fondés sur une typologie de l’AT.

7 Ne devenez pas idolâtres comme certains d’entre eux, dont il est écrit : Le peuple s’assit pour manger et boire, puis ils se levèrent pour s’amuser. 8 Et ne forniquons pas, comme le firent certains d’entre eux ; et il en tomba vingt-trois milliers en un seul jour. 9 Ne tentons pas non plus le Seigneur,n comme le firent certains d’entre eux ; et ils périrent par les serpents.

n Var. « le Christ ».

10 Et ne murmurez pas, comme le firent certains d’entre eux ; et ils périrent par l’Exterminateur.

11 Cela leur arrivait pour servir d’exemple, et a été écrit pour notre instruction à nous qui touchons à la fin des temps. 12 Ainsi donc, que celui qui se flatte d’être debout prenne garde de tomber. 13 Aucune tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter.o

o Tenter, c’est d’abord éprouver, mettre à l’épreuve, reconnaître la réalité derrière les apparences. Dieu « tente » l’homme, bien qu’il le connaisse à fond, Jr 11.20, 2 Ch 32.31, pour lui donner l’occasion de manifester l’attitude profonde de son cour, Gn 22.1 ; Ex 16.4 ; Dt 8.2, 16 ; 13.4 ; Jdt 8.25-27. Mais cette épreuve est souvent provoquée par des circonstances extérieures, ou encore par le Diable, le « Tentateur », Jb 1.8-12 ; Mt 4.1 ; 7.5 ; 1 Th 3.5 ; Ap 2.10, ou par la convoitise, Jc 1.13-14 ; 1 Tm 6.9, ce qui donne au mot le sens d’une séduction, d’une attirance vers le mal, dont le fidèle peut néanmoins triompher avec l’aide de Dieu, Si 44.20 ; Mt 6.13 ; 26.41 ; Lc 8.13 ; 1 P 1.6-7. Jésus a voulu lui-même être tenté pour renforcer ainsi sa soumission à la volonté du Père, Mt 4.1 ; 26.39-41 ; He 2.18 ; 4.15. Quant à l’homme qui « tente » Dieu, son attitude est blasphématoire, Ex 17.2, 7 ; Ac 15.10.

Les repas sacrés. Ne point pactiser avec l’idolâtrie.

14 C’est pourquoi, mes bien-aimés, fuyez l’idolâtrie. 15 Je vous parle comme à des gens sensés ; jugez vous-mêmes de ce que je dis. 16 La coupe de bénédiction que nous bénissons,p n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ?

p C’est-à-dire la coupe sur laquelle nous prononçons la bénédiction comme le Christ lors de la dernière Cène.

17 Parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons à ce pain unique.q

q Par la communion au corps du Christ les chrétiens sont unis au Christ et entre eux. L’Eucharistie réalise l’unité de l’Église dans le Christ. Cf. 12.12.

18 Considérez l’Israël selon la chair.r Ceux qui mangent les victimes ne sont-ils pas en communion avec l’autel ?

r C’est-à-dire l’Israël de l’histoire, cf. Rm 7.5. Les chrétiens, eux, sont « l’Israël de Dieu », Ga 6.16, le véritable Israël.

19 Qu’est-ce à dire ? Que la viande immolée aux idoles soit quelque chose ? Ou que l’idole soit quelque chose ?... 20 Mais ce qu’on immole, c’est à des démons et à ce qui n’est pas Dieu qu’on l’immole. Or, je ne veux pas que vous entriez en communion avec les démons. 21 Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur et la coupe des démons ; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons.s

s Aux vv. 16-18, la communion eucharistique au Christ est comparée aux repas sacrificiels de l’AT où les fidèles sont en communion avec l’autel. Au v. 21, la table eucharistique est opposée à celle des repas sacrés qui suivent les sacrifices païens. Paul situe l’Eucharistie dans une perspective sacrificielle.

22 Ou bien voudrions-nous provoquer la jalousiet du Seigneur ? Serions-nous plus forts que lui ?

t La jalousie de Dieu, Ex 20.5 ; Dt 4.24, que l’AT liait au thème nuptial, Os 2.21s, reparait plusieurs fois dans le NT. Ici le mot a son sens plein, où l’adoration du vrai Dieu exclut toute « communion » avec l’idolâtrie ; ailleurs il insiste sur une fidélité qu’il faut garder à tout prix, 2 Co 11.2, ou sur l’ardeur au service de la foi, Ac 22.3 ; Rm 10.2 ; Ga 1.13-14 ; Ph 3.6.

Les idolothytes. Solutions pratiques.

23 « Tout est permis »; mais tout n’est pas profitable. « Tout est permis »; mais tout n’édifie pas. 24 Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui. 25 Tout ce qui se vend au marché, mangez-le sans poser de question par motif de conscience ; 26 car la terre est au Seigneur, et tout ce qui la remplit. 27 Si quelque infidèle vous invite et que vous acceptiez d’y aller, mangez tout ce qu’on vous sert, sans poser de question par motif de conscience.

28 Mais si quelqu’un vous dit : « Ceci a été immolé en sacrifice », n’en mangez pas, à cause de celui qui vous a prévenus, et par motif de conscience. 29 Par conscience j’entends non la vôtre, mais celle d’autrui ; car pourquoi ma liberté relèverait-elle du jugement d’une conscience étrangère ?u

u Il faut agir ainsi pour respecter la conscience erronée de l’autre, non pour se soumettre à son jugement faux.

30 Si je prends quelque chose en rendant grâce, pourquoi serais-je blâmé pour ce dont je rends grâce ?

Conclusion.

31 Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. 32 Ne donnez scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l’Église de Dieu, 33 tout comme moi je m’efforce de plaire en tout à tous, ne recherchant pas mon propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés.