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Bible de Jérusalem

Genèse 3

Le récit du paradis.

3 Le serpentf était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? »

f Le serpent sert-il de masque à un être hostile à Dieu et ennemi de l’homme ? On sait que la tradition sapientielle, puis le NT et toute la tradition chrétienne, y ont reconnu l’Adversaire (ou Tentateur), le Diable, cf. Jb 1.6. En faveur de cette identification on note le fait que le serpent prend le contrepied de la prohibition divine, comme si Dieu voulait cacher à l’homme et à la femme ce qui arriverait s’ils mangeaient le fruit défendu ; elle est pourtant en tension avec la description qui le présente comme un simple animal, mais rusé, et avec la condamnation à marcher sur son ventre et à manger de la poussière, v. 14. Peut-être l’intervention d’un animal rusé comme tentateur n’est qu’une manière de suggérer que l’homme et la femme n’ont qu’eux-mêmes à blâmer de leur transgression. L’auteur présenterait comme un dialogue entre le serpent et la femme ce qui est le résultat d’un processus humain l’attrait du fruit défendu mène à la transgression ; 3.6 décrit ce processus humain.

2 La femme répondit au serpent : « Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. 3 Mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sous peine de mort. » 4 Le serpent répliqua à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! 5 Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux,g qui connaissent le bien et le mal. »

g On doit noter la différence de perspective par rapport à 1.26-27 là c’est Dieu lui-même qui crée l’homme et la femme à son image, ici « être comme des dieux » (ou « comme Dieu ») serait une entreprise humaine.

6 La femme vit que l’arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu’il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement. Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea. 7 Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus ;h ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes.

h Ce que l’homme et la femme perçoivent apparaît comme quelque chose d’inconvenant. Dans la conscience de leur nudité il y aurait déjà une manifestation du désordre que le péché introduit dans l’harmonie de la création.

8 Ils entendirent le pas de Yahvé Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du jour, et l’homme et sa femme se cachèrent devant Yahvé Dieu parmi les arbres du jardin. 9 Yahvé Dieu appela l’homme : « Où es-tu ? » dit-il. 10 « J’ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l’homme ; j’ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché. » 11 Il reprit : « Et qui t’a appris que tu étais nu ? Tu as donc mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ! » 12 L’homme répondit : « C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé ! » 13 Yahvé Dieu dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? » Et la femme répondit : « C’est le serpent qui m’a séduite, et j’ai mangé ! »

14 Alors Yahvé Dieu dit au serpent :

« Parce que tu as fait cela,
maudit sois-tu entre tous les bestiaux
et toutes les bêtes sauvages.
Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la terre
tous les jours de ta vie.
15 Je mettrai une hostilité entre toi et la femme,
entre ton lignage et le sien.
Il t’écrasera la tête
et tu l’atteindras au talon. »i

i Ce verset constate l’hostilité fondamentale entre le serpent et l’humanité, mais laisse entrevoir la victoire finale de l’humanité c’est une première lueur de salut, le « Protévangile ». La traduction grecque, en commençant la dernière phrase par un pronom masculin, attribue cette victoire non au lignage de la femme en général, mais à l’un des fils de la femme ; ainsi est amorcée l’interprétation messianique déjà présente dans la tradition juive ancienne, puis reprise et explicitée par beaucoup de Pères de l’Église. Avec le Messie, sa Mère est impliquée, et l’interprétation mariologique de la traduction latine ipsa conteret est devenue traditionnelle dans l’Église.

16 À la femme, il dit :j

« Je multiplierai les peines de tes grossesses,
dans la peine tu enfanteras des fils.
Ta convoitise te poussera vers ton mari
et lui dominera sur toi. »

j La condamnation divine frappe les coupables et la vie de l’homme et de la femme en est profondément affectée la femme en tant que mère et épouse et l’homme comme travailleur subissent les conséquences de leur transgression. On ne peut pas hâtivement conclure que sans le péché la situation de l’homme et de la femme aurait été différente, mais il y a une perception profonde des conséquences de la transgression le péché de l’homme bouleverse l’ordre voulu par Dieu. La femme, séductrice pour l’homme, n’est plus l’associée et l’égale de celui-ci, 2.18-24, car l’homme agit en maître et asservit la femme. À son tour, l’homme doit s’acharner à tirer sa subsistance d’un sol hostile qui est loin de ressembler au jardin d’Éden. Ces situations pénibles sont le lot de l’être humain, mais pour que soit clairement dégagé l’enseignement d’une faute héréditaire, il faudra attendre que saint Paul mette en parallèle la solidarité de tous dans le Christ sauveur et dans Adam le pécheur, Rm 5.

17 À l’homme, il dit :

« Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger,
maudit soit le sol à cause de toi !
À force de peines tu en tireras subsistance
tous les jours de ta vie.
18 Il produira pour toi épines et chardons et tu mangeras l’herbe des champs.
19 À la sueur de ton visage
tu mangeras ton pain,
jusqu’à ce que tu retournes au sol,
puisque tu en fus tiré.
Car tu es glaise
et tu retourneras à la glaise. »

20 L’homme appela sa femme « Ève », parce qu’elle fut la mère de tous les vivants.k

k Étymologie populaire le nom d’Ève, Havvah, est expliqué par la racine hayah « vivre ».

21 Yahvé Dieu fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et les en vêtit. 22 Puis Yahvé Dieu dit : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal !l Qu’il n’étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l’arbre de vie, n’en mange et ne vive pour toujours ! »m

l L’homme pécheur s’est érigé en juge du bien et du mal, 2.17, ce qui est le privilège de Dieu.

m L’arbre de vie avait été mentionné en 2.9 à côté de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Ici il s’agirait d’empêcher que l’homme ne s’empare du fruit de cet arbre et n’en mange ; d’où la surveillance du v. 24. C’est une tradition parallèle à celle de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, mais elle sert le dessein de l’auteur la quête de l’immortalité est à la fois inscrite au cœur de l’homme et en dehors de ses possibilités. C’est une grâce dont la parole de Dieu se fera l’écho le moment venu. Le Paradis perdu par la faute de l’homme est à l’image du Paradis retrouvé par la grâce de Dieu.

23 Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d’Éden pour cultiver le sol d’où il avait été tiré. 24 Il bannit l’homme et il posta devant le jardin d’Éden les chérubins et la flamme du glaive fulgurantn pour garder le chemin de l’arbre de vie.

n Les gardiens du Paradis ne sont pas des chérubins avec un glaive (emprunt à l’imagerie babylonienne et assyrienne, cf. Ex 25.18), mais plutôt les chérubins et la « flamme du glaive fulgurant ». L’éloignement du Paradis traduit en termes d’espace l’éloignement de Dieu au jardin où l’homme avait été placé, 2.15, Dieu lui-même venait prendre la brise du soir, 3.8 !