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Bible de Jérusalem

Job 7.1-

7 N’est-ce pas un temps de servicez qu’accomplit l’homme sur terre,
n’y mène-t-il pas la vie d’un mercenaire ?a

z Au sens du service militaire, cf. Job 14.14, à la fois lutte et corvée. Grec traduit « épreuve »; Vulg. militia.

a Le mercenaire, payé à la journée, Dt 24.15 ; Mt 20.8, peine chaque jour pour les autres du matin au soir. De même l’esclave, Lv 25.39-40.

2 Tel l’esclave soupirant après l’ombre
ou l’ouvrier tendu vers son salaire,
3 j’ai en partage des mois d’illusion,
à mon compte des nuits de souffrance.
4 Étendu sur ma couche, je me dis : « À quand le jour ? »
Sitôt levé : « Quand serai-je au soir ? »b
Et des pensées folles m’obsèdent jusqu’au crépuscule.

b « le jour » grec ; omis par hébr. — « quand serai-je au soir » mî yitten `ereb conj. ; middad `ereb hébr., inintelligible.

5 Vermine et croûtes terreuses couvrent ma chair,
ma peau gerce et suppure.
6 Mes jours ont couru plus vite que la navette
et disparu sans espoir.
7 Souviens-toic que ma vie n’est qu’un souffle,
que mes yeux ne reverront plus le bonheur !

c Solidaire de l’humanité souffrante, résigné à mourir, Job ébauche une prière, pour demander à Dieu quelques instants de paix avant sa mort.

8 Désormais je serai invisible à tout regard,
tes yeux seront sur moi et j’aurai disparu.
9 Comme la nuée se dissipe et passe,
qui descend au shéol n’en remonte pas.d

d Selon l’opinion courante, que l’auteur semble partager ici et Job 10.21 ; 14.7, 22 ; 16.22, cf. 2 S12.23 ; Ps 88.11, etc., il est impossible de remonter du shéol. Cf. Nb 16.33.

10 Il ne revient pas habiter sa maison
et sa demeure ne le connaît plus.
11 Et c’est pourquoi je ne puis me taire,
je parlerai dans l’angoisse de mon esprit,
je me plaindrai dans l’amertume de mon âme.
12 Suis-je la Mer, moi, ou le monstre marin,e
pour que tu postes une garde contre moi ?

e Selon les cosmogonies babyloniennes, Tiamat (la Mer), après avoir contribué à donner naissance aux dieux, avait été vaincue et soumise par l’un d’eux. L’imagination populaire ou poétique, reprenant cette imagerie, attribuait à Yahvé cette victoire, antérieure à l’organisation du Chaos, et le voyait maintenir toujours en sujétion la Mer et les Monstres ses hôtes. Cf. Job 3.8 ; 9.13 ; 26.12 ; 40.25s ; Ps 65.8 ; 74.13-14 ; 77.17 ; 89.10-11 ; 93.3-4 ; 104.7, 26 ; 107.29, 148.7 ; Isa 27.1 ; 51.9.

13 Si je dis : « Mon lit me soulagera,
ma couche atténuera ma plainte »,
14 alors tu m’effraies par des songes,
tu m’épouvantes par des visions.
15 Ah ! je voudrais être étranglé :f
la mort plutôt que mes douleurs !g

f À l’encontre du « lassé de la vie » égyptien, Job n’envisage pas le suicide. C’est d’ailleurs un acte qui n’est rapporté qu’exceptionnellement dans l’AT, cf. 2 S 17.23.

g « mes douleurs » `aççebôtay conj. ; « mes os » `açmôtay hébr.

16 Je m’en moque, je ne vivrai pas toujours ;
aussi, laisse-moi, mes jours ne sont qu’un souffle !
17 Qu’est-ce donc que l’homme pour en faire si grand cas,
pour fixer sur lui ton attention,h

h L’auteur semble reprendre avec une ironie amère des expressions du Ps 8. La sollicitude de Dieu pour l’homme devient ici une surveillance exigeante. L’auteur du Ps 139 y trouvait un motif de confiance. Job, lui, se sent traité comme un ennemi par le Dieu qui l’observe. Se débattant contre une notion juridique de la religion et du péché, il cherche en tâtonnant le Dieu de miséricorde, v. 21.

18 pour l’inspecter chaque matin,
pour le scruter à tout instant ?
19 Cesseras-tu enfin de me regarder,
pour me laisser le temps d’avaler ma salive ?
20 Si j’ai péché, que t’ai-je fait, à toi,i
l’observateur attentif de l’homme ?
Pourquoi m’as-tu pris pour cible,
pourquoi te suis-je à charge ?j

i Dieu ne peut être atteint par le péché.

j « te suis-je » grec ; « me suis-je » hébr.

21 Ne peux-tu tolérer mon offense,
passer sur ma faute ?
Car bientôt je serai couché dans la poussière,
tu me chercheras, et je ne serai plus.k

k Ces derniers mots, inattendus, réintroduisent l’image d’un Dieu incliné mystérieusement vers l’homme.