Adolphe Monod (1802-1856), le plus célèbre des orateurs protestants français du XIXe siècle, ne sera jamais soluble dans le néo-calvinisme américain. En tête de ce recueil de cinq sermons sur l’apôtre Paul, il importe de le signaler, non dans une intention agressive, mais dans le souci de préserver ces beaux et puissants messages de toute tentative de récupération.
Adolphe Monod a été assurément un protestant évangélique orthodoxe dans sa théologie, croyant aux dogmes essentiels qui la définissent : l’inspiration de l’Écriture, le péché originel, la Trinité, la Rédemption, l’Élection, la Prédestination… Mais homme du Réveil, il n’a jamais placé son identité, ou sa fierté, dans un système théologique faussement rigoureux. Monod appartient à cette lignée de pasteurs commencée avec Samuel Vincent, Vinet, Verny, qui se sont distancés aussi bien du rationalisme de la Révolution française, que de la froide scolastique réformée du XVIIe siècle. On ne trouve dans ses sermons rien de ces étalages pédantesques de termes d’école, rien de ces présomptions métaphysiques outrées, rien de ce pharisaïsme académique, qui caractérisent trop souvent la mode néo-calviniste.
A ce géant évangélique pourrait s’appliquer ce que lui-même disait de l’Écriture : « la Bible, le plus pratique et le moins systématique des livres… » Adolphe Monod, le plus pratique, et le moins systématique des théologiens… Peu systématique, car ses discours sur saint Paul ne se laissent pas étiqueter, ils ne sont ni thématiques, ni exégétiques, ni textuels, ils sont vivants ! Même à l’écrit on sent battre le cœur d’où ils sont sortis. Pratique, parce que l’orateur vise, non à persuader l’auditeur de son grand savoir, mais à l’entraîner, à l’émuler pour suivre le Seigneur Jésus-Christ à travers l’apôtre. Dans le quatrième sermon en particulier, celui sur la personnalité de Paul, Monod s’adresse aux jeunes de l’Église, eux qui plus tard devront prendre le relais et continuer l’œuvre du réveil. Quel conseil leur laisse-t-il ? Se barder de titres ronflants ? se muscler de force philosophique ? Non, mais au contraire de savoir mettre, comme saint Paul, toutes leurs faiblesses au service du Maître.
Dans le cinquième discours, qui est l’aboutissement des précédents, Monod aborde ce qu’il avait coutume d’appeler « la plaie du réveil » : le danger de tomber dans une orthodoxie biblique morte, un christianisme confortable, un refus de porter toute croix personnelle. Que ferait Paul aujourd’hui, en 1850, pour relever l’Église de sa décadence, se demande le prédicateur ? Il ne peut le savoir en détail, mais il est certain d’une chose, c’est que l’apôtre nous presserait encore d’être ses imitateurs comme lui-même l’était de Christ. A notre tour nous pourrions nous demander ce que prêcherait Adolphe Monod, s’il avait à nous parler aujourd’hui, deux siècles plus tard. N’en doutons pas, la réponse se trouve contenue dans les pages qui suivent.
Phoenix, le 11 janvier 2019