L’exode, le sentier de la vie

Préface

Ce livre est une véritable mine de renseignements et une étude impressionnante du livre de l’Exode. Depuis l’esclavage des Hébreux en Égypte jusqu’à la fin de leurs pérégrinations dans le désert, tout y est minutieusement analysé. Je relèverai particulièrement deux aspects de ce travail monumental.

Le premier a trait au cadre historique de la vie de Moïse et de l’Exode. Historiens et archéologues ont toujours été très divisés sur le sujet. Les uns, les plus nombreux, situent ces événements aux temps de Séthi Ier et de Ramsès II, au XIIIe siècle avant Jésus-Christ. Les autres défendent une date plus ancienne en se fondant sur les fouilles archéologiques faites depuis une cinquantaine d’années en Égypte et au Proche Orient. Celles, par exemple, menées récemment par une équipe autrichienne à Tell el Dab’a (qui correspond à Avaris, la capitale des Hyksos et celle du pays de Gosen – en égyptien ancien : Het Waret). L’étude la plus complète du problème chronologique a été celle de John Bimson publiée en 19781. Selon ces spécialistes, de plus en plus nombreux ces dernières années, la vie de Moïse en Égypte se serait déroulée sous les règnes de Thoutmosis II et de Hatshepsout. Cette dernière serait la « fille de pharaon » qui sauva Moïse des eaux et assura son éducation princière. Le pharaon dont Moïse dut fuir la colère en se réfugiant à Madian serait alors Thoutmosis III. Le règne de ce roi dura exactement le temps de l’exil de Moïse qui revint en Égypte à sa mort. Cette histoire se serait donc située entre 1530 et 1450 avant Jésus-Christ environ. C’est l’option qu’a retenue Gérard Rebeyrotte, ce qui est à son crédit.

1 John J. Bimson, Redating the Exodus and Conquest, University of Sheffield, 2e édition 1981, The Almond Press, Sheffield.

Dans ce même domaine de la chronologie, il est une autre question qui a bouleversée le monde scientifique. De plus en plus d’historiens et d’archéologues remettent en cause la chronologie traditionnelle de l’Égypte ancienne, de la Grèce antique et du Proche Orient en général. Le plus connu de ces spécialistes est David Rohl dont les ouvrages ont été largement répandus. Le premier, celui qui lança publiquement le débat est intitulé A Test of Time2. Il fut publié en 1995 et donna lieu à une série télévisée. Avec une grande abondance d’arguments et de preuves, il abaisse la chronologie traditionnelle de l’Égypte de 350 années3. Déjà, en 1991, une équipe de chercheurs, regroupant plusieurs disciplines sous la direction du Pr. Peter James, publiait Centuries of Darkness qui affinait et corrigeait le travail de David Rohl en raccourcissant cette chronologie et celle des pays méditerranéens de 250 années. Deux arguments principaux sont à la base de cette remise en question. Le premier est la certitude que les pharaons de la 21e à la 25e dynastie ne régnèrent pas sur toute l’Égypte, mais sur des portions de son territoire. De sorte qu’ils ne se succédèrent pas l’un à l’autre, comme on l’avait cru, mais gouvernèrent au même moment, chacun dans sa région. Le deuxième argument, plus général, vient du constat que dans l’histoire de l’Égypte ancienne, comme dans celle de la Grèce et de plusieurs pays du Moyen Orient, historiens et archéologues insèrent deux ou trois siècles dits « obscurs ». Il s’agit de périodes au cours desquelles la civilisation de ces pays semble avoir nettement régressé. On trouve, par exemple, certains types de poteries dans des couches profondes datées d’avant le onzième siècle avant notre ère. Puis, en remontant dans le temps, plus rien pendant près de trois siècles. Ensuite, dans des couches correspondant aux environs des huitièmes et neuvième siècles, on retrouve des poteries identiques à celles du onzième siècle. L’explication donnée par les révisionnistes c’est que les couches vierges correspondent à un phénomène sismique et non à une période où la civilisation se serait effondrée. Il y aurait donc continuité entre les couches du huitième siècle et celle datées, à tort, au onzième. D’où le raccourcissement de la chronologie traditionnelle de 250 à 300 années4.

2 Qu’il compléta avec The Lords of Avaris sur la Grèce et The Lost Testament sur la chronologie de l’Ancien Testament.

3 Cette chronologie fut fixée par Sir Flinders Petrie à la fin du XIXe siècle et reprise par Maspéro et tous les égyptologues. Elle donna lieu à une légère modification quand certains archéologues préférèrent la raccourcir de deux ou trois décennies.

4 Voyez, à ce sujet, la mise au point récente de John Bimson, When did it Happen ? New Contexts for Old Testament History, Cambridge, Grove Books 2003.

Le deuxième aspect de ce travail gigantesque concerne la construction du Tabernacle. Gérard Rebeyrotte, grâce à ses compétences d’ingénieur du génie civil, en donne une description minutieuse. Il va jusqu’à nous montrer comment toutes les pièces de ce temple démontable s’imbriquaient les unes dans les autres et pouvaient être facilement désassemblées. C’est là, je le crois, la partie la plus innovante et la plus intéressante de cet ouvrage monumental.

Paul Vaiss, professeur des universités

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