C'est avec un sentiment de profonde gratitude envers Dieu que nous présentons aux lecteurs de langue française une nouvelle édition de la biographie d'Hudson Taylor.
Nous sommes redevables à la Mission à l'Intérieur de la Chine d'avoir accordé son entière approbation et son appui spirituel à nos travaux. Nous remercions la famille de feu M. le Pasteur Delattre qui a cédé gracieusement les droits d'auteur de la première édition. Le texte de cette publication a été revu entièrement et augmenté de nombreuses lettres inédites. Notre reconnaissance s'adresse également à tous nos collaborateurs, au nombre desquels notre dévouée correctrice, Mlle Denise Dupraz, et M. Ed. Gut-Neel à l'obligeance de qui sont dus les suggestifs dessins agrémentant ces pages. Enfin nous tenons à souligner ici la bonne volonté et la compréhension de nos imprimeurs.
Depuis de nombreuses années la biographie d'Hudson Taylor était épuisée. Pour la simple tâche de l'éditer à nouveau nous eûmes le sentiment d'un appel impératif, tel que l'avait eu Hudson Taylor pour l'œuvre de sa vie, lorsqu'il s'exprimait ainsi : « JE DOIS leur apporter l'Évangile ».
Un philosophe chinois, vivant au IVe siècle avant notre ère (lisait : « Afin d'atteindre le loin, il faut Partir du Proche ». Cet ouvrage fera défiler devant nous, devant l'Église — qui est proche — le silencieux et interminable cortège des âmes qui n'ont jamais entendu l'Évangile et nous croyons que des jeunes seront poussés, au loin, vers les Peuples qui attendent secours et délivrance.
LA CHINE ! Plus généralement connue par son thé, ses soies, ou parce qu'elle inventa le papier, l'imprimerie et la boussole... Mais, pour le chrétien, est-il possible de prononcer son nom sans évoquer les multitudes qui la peuplent ? Près de quatre cent cinquante millions d'âmes! Pendant la guerre, les Japonais exprimèrent leur désir de « mettre la Chine sur ses genoux ». Dans un certain sens cela se réalisa mais non pas comme ils le pensaient! Beaucoup de Chinois, en effet, dans leur détresse extrême tournèrent leurs regards vers le « Désiré des Nations », Jésus-Christ. N'est-ce point comme le présage que d'autres, plus nombreux encore, se tourneront vers Dieu, plieront les genoux, non pas dans l'angoisse de la guerre, mats dans la joie de la rédemption ? Les Mongols, les Tartares, les Mandchous, successivement, essayèrent de subjuguer ce pays qu'ils avaient nominalement conquis mais tous échouèrent. Une seule conquête aura des lendemains : dans le cœur de ce grand Peuple, celle de Jésus-Christ.
Quand Hudson Taylor arriva à Shanghaï, en 1854, missionnaire de vingt-deux ans, la Chine était une terre inconnue ; onze provinces, sur dix-huit, n'avaient jamais entendu de messager de l'Évangile. Grâce à lui, surtout, l'Intérieur de ce vaste pays fut parcouru par de courageux pionniers qui suivirent son exemple. Le secret de ce succès ? On le découvrira tout au long des lettres dont cette biographie est richement pourvue. Une phrase, une attitude quelquefois, suffiront à nous le révéler. On a dit que le succès du missionnaire dépend de son amour pour le païen. Hudson Taylor le répète dans un langage touchant : « Il y a une puissance, disait-il, à s'approcher de ce peuple », ou, encore : « Il y a une puissance à mettre la main sur l'épaule d'un homme. » Quelle compréhension de la tâche de l'homme dans l'œuvre divine ! Combien il savait, cependant, que c'est Dieu qui fait croître ! Dans sa jeunesse, n'avait-il Pas voulu apprendre, avant de quitter l'Angleterre, à toucher l'homme par la prière seule ? Il travaillait comme si la réussite dépendait de lui uniquement, de ses propres efforts seulement, et il priait sachant que Dieu seul est le Maître de la Moisson et que, sans Lui, vous ne pouvons rien faire.
Hudson Taylor avait une foi invincible, un enthousiasme pondéré, qui lui permirent d'éviter l'écueil du découragement, même dans les épreuves les plus dures. Il ne semble pas avoir connu cette inconstance et cette faiblesse qui, hélas, ont été la cause de Plus d'un échec dans les entreprises missionnaires. Alors qu'il côtoyait, en se rendant en Chine pour la première fois, les îles de la Mer de Chine, il exprima les sentiments qui étaient en lui et qui ne l'ont jamais quitté : « Oh! quel travail pour le missionnaire ! Île après île, beaucoup presque inconnues, quelques-unes très peuplées, mais sans lumière, sans jésus, sans espérance. Mon cœur est ému Pour elles. Comment est-il possible que des hommes et des femmes chrétiens restent confortablement à la maison et laissent périr des âmes ? » Et, au soir de sa vie, la même flamme emplissait encore son âme. Le Pasteur R. Saillens qui lui fit une visite peu de mois avant sa mort s'exprimait en ces termes : « ... nous avons encore devant les yeux ce beau visage si calme, si doux, ce regard clair et ferme de l'homme de foi. Nous entendons encore cette prière, si humble si enfantine, pour le Réveil, pour l'Église de Dieu, pour la Suisse et pour la France... Heureux Hudson Taylor ! Il a revu le champ de ses labeurs, le sourire de ses Chinois convertis ; sa poussière se lèvera avec la leur de la terre chinoise quand le Maître viendra. Il repose en Paix. »
Il y a quarante-deux ans que ce vaillant serviteur s'est éteint. Mais, quoique mort, il parle encore. Non seulement il a marqué d'une empreinte ineffaçable la Mission à laquelle son nom est étroitement attaché, mais il a laissé une trace profonde en d'innombrables vies. Il appartient au peuple de Dieu tout entier, et le rayonnement de sa personnalité demeure. L'histoire de sa vie a été un message de Dieu et a gagné à la Chine et à la Mission des hommes et des femmes pleins de dévouement.
Dans le premier volume, nous suivons les étapes de la croissance de l'âme d'un pionnier ; au cours du second nous voyous les résultats bénis des expériences de jeunesse : une œuvre magnifique et son développement extraordinaire. L'histoire de cette Mission parle à nos cœurs, aiguillonne notre zèle, ravive en nous le mystérieux attrait dit monde païen et nous montre qu'il existe une unité bénie, dans la diversité, des voies, entre ceux qui servent fidèlement leur Maître. La Mission à l'Intérieur de la Chine fut, dès son origine, et l'est encore aujourd'hui, une œuvre interecclésiastique. Hudson Taylor ne fut l'envoyé d'aucune église particulière et, cependant, chaque chrétien trouve en lui son frère le plus proche. Il plaidait souvent la cause des autres Missions et il priait pour elles. Il évitait sagement ce qui pouvait provoquer une mésentente entre les divers groupements qui collaboraient à la croisade dit salut, sachant que la grandeur de la tâche exigeait pour l'accomplir les forces de l'Église entière. Les pages relatant la fondation de la Mission et sa réorganisation, sont riches en instructions pratiques et l'on est rempli d'admiration et de reconnaissance en constatant qu'après quatre-vingts ans d'existence, l'œuvre est fidèle aux principes du début.
À TOUTE CRÉATURE ! C'est l'appel qu'Hudson Taylor lança à l'Église après avoir vu l'immensité de la tâche. Il nous fait songer aux paroles sorties de la fournaise africaine, lorsque Coillard, harassé, luttant désespérément, plaidait la cause des peuples non-chrétiens : « Montrez-moi la carte du monde, et sur cette carte le coin, un seul, que l'amour de Dieu ne couvre pas et pour lequel Jésus-Christ ne soit pas mort ! Le pouvons-nous ? »
Aujourd'hui encore l'appel d'Hudson Taylor doit être entendu. Puisse cette publication en apporter l'écho ! Que nos yeux s'ouvrent sur « la Moisson qui blanchit ! » ... Puissions-nous faire nôtre l'admirable prière de Taylor : « Seigneur jésus, deviens pour moi une vivante et claire réalité, plus présente au regard de ma foi qu'aucun objet visible, plus précieuse, plus intimement proche que le bien terrestre même le plus doux ».
Vevey, Juillet 1947
Georges GAUDIBERT — Marcel BLANDENIER
C'est pour moi un privilège de répondre à la demande qui m'est faite de présenter brièvement ce volume, le premier, consacré à la vie du fondateur de la Mission à l'Intérieur de la Chine. En écrivant cette introduction, j'insiste sur le sous-titre : la croissance d'une âme. En effet, ce livre relate les influences qui, de diverses manières et à des degrés différents, ont contribué à façonner la personnalité d'Hudson Taylor.
À première vue, d'aucuns pourraient penser que le fait de consacrer pas moins de la moitié de la biographie d'un homme qui eut une activité si considérable, à décrire la préparation de l'instrument Pour son œuvre, dénote un manque de proportion. Ce point n'a pas échappé aux auteurs. Mais, en étudiant et en pesant les matériaux dont ils disposaient, ils constatèrent avec une netteté toujours plus grande que la carrière et les expériences d'Hudson Taylor fournissaient une illustration remarquable de cette vérité que, lorsque Dieu suscite un homme pour un service particulier, Il lui applique tout premièrement les principes qui seront Plus tard, par les travaux et le rayonnement de l'ouvrier ainsi mûri, le moyen d'une bénédiction immense pour l'Église et pour le monde.
Aussi, qu'on ne recherche pas ici une œuvre littéraire où l'intérêt dit lecteur est éveillé par l'histoire d'un homme remarquable à tous égards. Non, ce livre a été écrit avec le souhait ardent qu'il atteigne un but pratique. Il veut en effet montrer avec force que, pour le service de Dieu, le facteur le plus important c'est un caractère façonné par l'Évangile et que, de plus, la formation d'un tel caractère dépend de l'attitude qu'adopte l'individu dans ses jeunes années. Il met en évidence la place primordiale qu'ont prise, dans le développement d'Hudson Taylor, l'hérédité et l'entourage. Le récit souligne toutefois avec soin que ces influences, en elles-mêmes, eussent été insuffisantes sans la réponse qu'il donna personnellement aux exigences de la vérité et dit devoir, telles qu'elles se présentèrent à lui dans sa jeunesse.
Car, jeune encore, il fut amené par la grâce divine à voir dans le Rédempteur crucifié la réponse donnée par Dieu Lui-même à la question de son péché. Il ne tarda Pas à accepter, d'une manière très simple et directe, l'enseignement de ce Rédempteur comme sa suprême règle de conduite. Il peut sembler superflu de dire que la vie du chrétien doit être gouvernée par les préceptes de Christ ; et cependant nombreux ont été, et nombreux sont encore, il faut le craindre, ceux qui, dans l'élan de la foi nouvelle et du premier amour, ont pris le Nouveau Testament comme seul guide, ont fléchi sous les épreuves et les difficultés de la marche chrétienne ou ont cédé peu à peu aux influences nuisibles venant des exemples qu'ils avaient eus ou de l'enseignement qu'ils avaient reçu.
Par la grâce de Dieu, il n'en fut pas ainsi pour Hudson Taylor. Ayant accepté les Saintes Écritures comme seule inspiration de sa vie, il ne tarda pas à connaître des circonstances qui, de diverses manières, mirent à rude épreuve sa fidélité. Au cours du récit, le lecteur constatera que sa persévérance dans les plus grandes difficultés et l'esprit avec lequel il se plia à une discipline sévère furent, après Dieu, les facteurs essentiels dans la formation d'un caractère de valeur, bien trempé. Sans cela, l'œuvre à laquelle il était destiné n'eût jamais pu être accomplie.
On insiste beaucoup, de nos jours, sur la nécessité qu'il y a de vivre et de travailler d'une manière « scientifique ». En effet, il est à craindre que beaucoup de faiblesses et d'échecs dans la vie chrétienne et le service de Dieu ne résultent d'un manque d'esprit scientifique dans notre façon d'interpréter les Saintes Écritures. On entend souvent Parler, par exemple, de la nécessité d'une mesure plus grande de puissance spirituelle pour l'Église et pour ses représentants dans le champ missionnaire, pour faire face d'une manière adéquate aux responsabilités qu'impliquent les portes actuellement ouvertes. Mais, le réalise-t-on assez dans la pratique ? Un tel revêtement de puissance — essentiel, comme le prouvent les premiers chapitres des Actes des Apôtres — fut accordé à des croyants qui, dans les années précédentes, malgré leurs fautes et leurs limitations, avaient « calculé la dépense » et avaient répondu sans réserve aux conditions posées par leur Seigneur pour être Ses disciples. C'est ainsi qu'à la fin de cette période, Il put leur dire : « Vous êtes de ceux qui avez persévéré avec moi dans mes épreuves. C'est pourquoi je dispose du royaume en votre faveur. » (Luc 22.28-29.)
Les disciples ne participèrent pas sans autre à la Pentecôte : ils y furent préparés par le ministère de Jean-Baptiste déjà, puis par les années passées avec leur Maître auquel ils s'étaient donnés sans réserve. Aujourd'hui, il n'en va pas autrement. Les circonstances extérieures se modifient avec les années et entraînent des changements correspondants dans l'application des principes et des méthodes de notre Seigneur ; de même, leur application à la vie de chaque croyant aura son caractère particulier. Mais il reste éternellement vrai que seul le chemin du disciple mène à la puissance spirituelle.
Je prends la liberté d'insister sur ce point, prouvé par la vie d'Hudson Taylor. Car, pour prendre les termes du prophète Esaïe, rien n'est plus facile, pour le vin, que d'être étendu, d'eau. Je veux dire que les enseignements fondamentaux de Christ, et ceux des apôtres dans les Épîtres, peuvent aisément être dépréciés et adultérés par l'immixtion d'idées et de préceptes, non seulement étrangers, mais encore contraires à l'esprit du christianisme.
C'est seulement dans la mesure où il est uni à Christ par le Saint-Esprit que le chrétien a la possibilité de mettre en pratique dans la vie quotidienne les commandements du Seigneur. Ce grand fait est souligné d'une façon, remarquable dans cette biographie. Le désir sincère et sans réserve de suivre le Seigneur, s'il est indispensable, est par lui-même aussi infructueux que les efforts de Sysiphe. Mais il est tout aussi vrai que l'opération de la grâce divine ne sera jamais connue dans sa plénitude là où il n'y a pas ce désir.
Voici le témoignage le plus éloquent que l'on puisse rendre au caractère d'Hudson Taylor : c'est plus le souvenir de ce qu'il a été que de ce qu'il a fait qui est gardé précieusement par ses collaborateurs et ceux qui l'ont connu. Il possédait à la fois des qualités de cœur et d'esprit qui ne se rencontrent pas fréquemment dans la même personne. Il était, il n'est pas exagéré de le dire, littéralement consumé d'un zèle allant jusqu'au sacrifice complet de soi-même pour la diffusion de l'Évangile ; mais il n'était cependant jamais sévère où dépourvu de sympathie pour ceux qui, pour diverses raisons, ne pouvaient travailler et souffrir autant que lui. Au contraire, sa tendresse, sa compréhension, l'ont rendu cher à ses frères et réconfortèrent ceux qui étaient découragés au milieu de la lutte ou mis à l'écart par la maladie. Son comportement bienveillant, sans prétention, sa constante amabilité et sa courtoisie, soit tact et sa patience quand on s'opposait à lui ou lorsqu'il était maltraité, s'alliaient pour donner à sa personnalité un charme tout spécial.
Bien que doué d'une puissance d'esprit et d'action sortant de l'ordinaire, il était humble et plein de boit sens pratique, toujours prît à conférer avec ses frères, il pesait avec déférence les opinions et les vœux même de ceux qui étaient beaucoup moins âgés que lui. jamais peut-être il n'y eut homme qui, avançant dans la vie, fut plus exempt de cette erreur désastreuse qui consiste à « mépriser le plus petit de ses frères ». Sans aucun doute, cette habitude d'examiner avec soin les vues de personnes plus jeunes contribua beaucoup à la réceptivité et à la souplesse que soit esprit conserva jusqu'à la fin.
Le fait que le Dr et Mme Howard Taylor sont les auteurs de cet ouvrage semblerait rendre superflu d'en souligner la valeur. Toutefois il nous paraît bon de relever qu'ils ont apporté à leur travail un soin et un labeur exceptionnels. En effet, ils étaient pénétrés de l'idée qu'il y avait, dans cette biographie, des caractéristiques qui, rendues avec fidélité, seraient éminemment propres, avec la bénédiction de Dieu, à communiquer des leçons d'une importance capitale et permanente, tant pour le peuple de Dieu en général que pour les chrétiens individuellement.
C'est pourquoi vit soin tout spécial, au prix de laborieuses recherches souvent, a été pris pour que chaque détail soit exactement donné. En outre, aucune peine n'a été épargnée pour présenter, dans leur rôle et dans leur vraie lumière, les principes qui ont gouverné cette vie si remarquable. On peut affirmer que sur chaque page, sur chaque phrase, la bénédiction d'En-haut a été invoquée avec ferveur. Le seul désir des auteurs a été de transmettre, de la part de Dieu, un message qui touche des cœurs et transforme des vies.
Londres, 19 octobre 1991
Mission à l'Intérieur de la Chine.
D.-E. HOSTE.