Ce n’est pas au lecteur solitaire et muet que nous adressons cet avis ; mais au lecteur, à haute voix, présidant un culte de famille ou d’église.
Bien lire à haute voix n’est pas chose facile ; plus difficile encore est-il de bien lire un discours où l’esprit, le cœur et la conscience des auditeurs doivent être à la fois réveillés. Qu’on m’enseigne les mathématiques avec une voix criarde ou sonore, n’importe ; pourvu qu’on soit clair, cela suffit ; mais qu’on me lise un discours religieux avec hâte, et l’effet en est perdu.
Ce n’est pas seulement l’articulation distincte et mesurée des mots que réclame une telle lecture, c’est encore l’intelligence du sujet ; je dirai plus : c’est une communauté de sentiment avec l’auteur qu’on lit. Les mêmes paroles prononcées sur deux tons différents ont quelquefois deux sens opposés. Des paroles chrétiennes peuvent même devenir inintelligibles en passant par une bouche incrédule. Cette assertion paraîtrait peut-être étrange aux gens du monde, mais elle sera comprise des hommes de foi.
Sans aller si loin, voyez comme le gros du public attache de l’importance à la manière, au ton avec lesquels un sermon est prononcé en chaire. Comme le déclamateur est vite reconnu, malgré sa belle voix et son geste gracieux ; et comme dès lors l’édification de l’auditoire est compromise, pour ne pas dire complètement empêchée. D’autre part, qu’un homme simple, mais profondément convaincu, vienne vous parler du cœur, avec une voix faible ; comme au contraire vous tendez l’oreille, buvez ses paroles, et finalement, recevez du bien dans votre âme !
Trois conditions sont donc requises pour que la lecture d’un discours chrétien produise les effets désirés :
- qu’il soit lu d’une manière distincte et modérée ;
- qu’il soit bien compris par le lecteur lui-même ;
- enfin que ce lecteur soit dans le sentiment qui a dicté le discours à l’auteur.
Pour atteindre ce triple résultat, nous conseillons un moyen unique, c’est que le lecteur, avant de lire un de ces discours devant son public, le lise d’abord pour lui-même en particulier. Par cette préparation de la veille, il en saisira mieux le sens et le sentiment, et dès lors il pourra mieux les transmettre à ses auditeurs du lendemain.
Si nous ne donnons pas un second conseil, c’est qu’il est sous-entendu. Le lecteur, comme le prédicateur, éprouvera sans doute le besoin de se préparer à l’accomplissement de sa tâche par le recueillement et la prière ; il sentira de même qu’il y aurait un contraste pénible entre un train de vie habituellement léger et l’heure sérieuse d’une lecture chrétienne ; il comprendra qu’il remplit à sa manière un sacerdoce, et que le salut d’âmes immortelles est intéressé à sa simple lecture. S’il en est ainsi, ce lecteur sera le premier auditeur de ces discours, comme il en recevra le plus de bien.