Le titre anglais original de ce livret d’une centaine de pages, paru pour la première fois en 1642, est : The Triumph of Faith, avec comme sous-titre : Christ Exhibited in His Death, Resurrection, Ascension, Sitting at God’s right Hand, and His Intercession. Il fut réédité en 1814 à Londres, prolongé par un autre traité de Goodwin, d’à peu près la même longueur : A treatise, displaying the affectionate tenderness of Christ’s heart, now in heaven, to sinners on earth. C’est sur ce livre que la maison d’édition suisse de Vevey, de laquelle sortit plus tard la Bible Darby, a traduit librement le premier de ces deux traités, et l’a publié en 1840, joint à un traité de Darby lui-même sur la Résurrection, le tout sans nom d’auteur apparent.
Ces particularités appellent deux questions : 1° Quelles modifications la liberté des traducteurs a-t-elle introduite dans la pensée de Goodwin ? 2° Pourquoi avoir supprimé son deuxième traité, pour le remplacer par un de Darby ?
1) Le texte en français ayant à peu près le même nombre de pages que celui en anglais, ce n’est donc pas pour le résumer que la traduction n’a pas voulu être étroite. Un coup d’œil suffit à se rendre compte des nombreuses références bibliques qui criblent le français, et qui sont absentes de l’anglais. C’est là le style mômier des darbystes de l’époque, brevet obligé de biblicisme, qui n’existait pas à ce degré chez les puritains, et qui dans la pratique ralentirait considérablement la lecture s’il fallait vérifier tous ces versets.
Entrant ensuite dans la lecture, on y découvre des expressions suspectes, qui assurément ne pouvaient venir de Goodwin. Ainsi : « … et il ne cessera d’y être que quand la Cène cessera sur la terre par l’enlèvement de l’Église dans les cieux. » La disparition instantanée de l’Église, pour laisser place à la grande tribulation sur terre, voilà le thème obsessionnel de l’eschatologie darbyste, évidemment inconnu de Goodwin, comme on peut le vérifier en lisant ses notes sur l’Apocalypse. Plus loin : « … s’il y avait un seul des élus qui manquât au grand appel qu’en fera un jour le cri de l’Archange. » Même allusion à 1 Thessaloniciens 4.16, qui est un anachronisme par rapport aux conceptions de Goodwin. Plus loin encore : « Il n’est pas sacrificateur in partibus, comme certains Ministres d’une certaine église. » Goodwin, qui était un congrégationaliste, ne se serait pas exprimé ainsi sur les prêtres catholiques, ils les qualifiait plutôt de papistes, expression supprimée par le ou les traducteurs. En bref, si la traduction française ne colle pas fidèlement à l’original, ce n’est pas pour des raisons de place ou de style, mais pour des raisons militantes.
2) Quant au second traité, c’est sans doute sa couleur un peu mystique qui a décidé les éditeurs à le supprimer. Il existe d’ailleurs au sujet de ce texte une rumeur prétendant qu’il aurait donné naissance à la dévotion catholique au cœur de Jésus. Quoiqu’il en soit, amalgamer le nom de Darby à celui du célèbre Goodwin, sans placer par fausse modestie aucun des deux sur la page de titre, était une bonne opération de propagande dans ces jours-là, où la lutte entre les églises établies et les dissidentes battait son plein dans le canton de Vaud… quand bien même la vérité aurait obligé à dire que Goodwin dans son vrai caractère eût immanquablement foudroyé Darby comme hérétique et schismatique.
Abstraction faite de ces détails, il reste dans ces cinq chapitres, cinq grands sermons, propres à revivifier en nous le souvenir de tout ce que le Fils de Dieu a fait, et fait encore en notre faveur, et par voie de conséquence à renouveler notre désir de consécration à un si grand Sauveur.
Phoenix, le 8 décembre 2021
Qui est-ce qui condamnera ? Christ est celui qui mourut, bien plus, qui ressuscita, qui même est à la droite de Dieu, et qui même intercède pour nous.
Romains 8.34