Le triomphe de la foi justifiante

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Introduction.
Christ exemple et objet de la foi justifiante.

Le chant de triomphe et l’espèce de défi, que Paul met ici dans la bouche de l’Église, est emprunté à une prophétie d’Esaïe, dans laquelle c’est évidemment Christ qui parle. Pour entrer dans l’esprit de cette prophétie, il faut se représenter le fils de l’homme devant le tribunal des hommes, en butte à d’insultantes humiliations, mais soumis à la volonté de son Père, et fortifié par l’assurance, que lui donnaient les promesses divines, de sortir vainqueur du conflit dans lequel son amour l’avait engagé. Il dit, Ésaïe 50.5-8 :

« Le Seigneur, l’Éternel, m’a ouvert l’oreille, et moi, je n’ai point résisté, je ne me suis pas retiré en arrière ; j’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je n’ai point dérobé mon visage aux outrages et aux crachats. Le Seigneur, l’Éternel, m’aidera ; c’est pourquoi l’outrage ne m’a point abattu ; c’est pourquoi j’ai rendu ma face semblable à un caillou, et je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie ; qui veut plaider contre moi ?… »

Dans ce passage, Jésus exprime une double confiance : celle d’être aidé du Père dans la terrible lutte qu’il devait soutenir avec les puissances ténébreuses ; et celle d’être justifié (comme il le fut par sa résurrection, Romains 1.4) des condamnations qui seraient prononcées contre Lui.

La communion qui existe entre Jésus et ses membres ; sa qualité de Chef ou de Tête relativement à son Église ; le nom de second Adam qu’il porte comme représentant de l’humanité ; l’imputation qui est faite aux croyants de ses souffrances et de sa gloire ; tout cela explique suffisamment pourquoi l’Apôtre se sert, et les élus avec lui, d’un langage analogue à celui de leur Chef, pour exprimer la sainte confiance, qu’ils sont justifiés et que rien ne peut les séparer de l’amour de Dieu en Jésus-Christ. Comme l’honneur répandu sur le Chef rejaillit sur les membres, ceux-ci possèdent le même privilège que celui-là. Leur justification ne pouvant être séparée de celle du Christ, ils peuvent triompher dans la certitude de la leur, comme le Christ a triomphé dans la certitude de la sienne.

I. — Mais de cette circonstance découle le fait très consolant que Christ a vécu par la foi comme vivent les élus ; et qu’à cet égard, il nous est un grand et parfait modèle. Il est écrit que nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce (Jean 1.16), c’est-à-dire, des grâces correspondantes aux siennes. Or, la foi étant la principale, devait exister et agir en Jésus : comment ? c’est ce qu’il sera facile de découvrir dans les paroles mêmes de la prophétie.

D’abord Il vivait de foi pour lui-même, en tant qu’homme et envoyé du Père. Sa justification en était l’objet, quoiqu’il ne dût pas être justifié de la même manière que nous, c’est-à-dire, par l’imputation d’une justice étrangère : et les fondements de sa foi étaient les promesses ou la fidélité de Celui qui l’avait envoyé. Son langage en Ésaïe 50.8-9, indique suffisamment qu’il attendait de Dieu sa justification future, aussi bien que la force nécessaire pour s’acquitter de la charitable mais effrayante mission qu’il avait entreprise. Obéir à Dieu dans une chair en ressemblance de chair de péché, souffrir dans cette chair toutes les affreuses conséquences de la chute, se charger de la culpabilité et de la peine de toute iniquité, comparaître à la barre de ces tribunaux humains, représentants, pour lui, de la justice divine ; telle est la tâche qu’il s’était imposée, la coupe que le Père lui avait assignée, le baptême duquel il devait être baptisé ; et quelle tâche ! quelle coupe ! quel baptême ! Or, ne l’oublions pas, s’il eût failli en un iota, en un seul trait de lettre, à l’accomplissement de son œuvre, l’effet des sentences qui furent prononcées à deux reprises contre lui, et exécutées sur la croix, subsisterait encore : la tombe renfermerait la dépouille mortelle de Jésus, et il ne siégerait pas maintenant à la droite de Dieu. Mais le Christ descendit des cieux avec une promesse dans sa main (Ésaïe 53.10-12), et il en vécut pendant ses souffrances, comme nous l’apprenons du chap. 50. Aussi l’entendons-nous, méprisant la honte en vue de la joie qui lui était proposée (Hébreux 12.2) s’assurer que le Père lèvera le scandale de la croix par un acte de son éclatante puissance, et déclarera bientôt la justice de son envoyé, justice cachée au monde dans le moment de la crucifixion. Au Psaumes 22, dans lequel le Saint-Esprit rend témoignage à ses souffrances et aux gloires qui devaient les suivre, le Messie se présente à nous sous le même aspect, c’est-à-dire dans l’exercice de la foi aux promesses de Dieu : et dans le Psaume 16, où il est parlé de sa descente au sépulcre, le même Esprit nous fait entendre par avance les accents de la foi du Christ, dans le bienheureux espoir de cette résurrection qui devait attester tout ensemble son innocence et notre justification.

Mais Jésus vivait aussi de foi pour nous ; et cela d’une façon particulière et merveilleuse. Substitut de l’homme aussi bien qu’Envoyé du Père, il ne pouvait séparer ces deux charges importantes dans la perspective d’être justifié, ni par conséquent se considérer à part de ceux qu’il représentait. Ainsi dans ses souffrances et son anéantissement jusqu’à la mort, la foi lui montrait non seulement son propre ministère justifié, mais aussi la même grâce accordée en lui, et jusqu’à la fin, à des milliers et des millions de pécheurs qui devaient vivre de son sang et de sa justice. Et en expirant, il remit au Père ce trésor d’indulgences, de grâces et de gloire pour le distribuer à qui de droit, savoir à tous ceux qui lui avaient été ou qui lui seraient donnés du Père. Quelle foi ! surtout quand on réfléchit qu’elle embrasse toutes les âmes qui peupleront un jour la nouvelle Jérusalem, lorsque Dieu sera tout en tous.

Quel miracle de foi, dirons-nous aussi, qu’un homme seul, triomphant au nom et à la place de tous ! Car Il était semblable à nous en toutes choses sans péché (Hébreux 4.14) ; et l’on ne peut pas douter que l’œuvre de notre salut n’ait été celle de sa foi, tout comme celle de son amour et de sa puissance, ainsi qu’il le paraît d’après Hébreux 2.12-17. Car quel est le sens de cette parole : Je me confierai en lui ? Sans doute elle prouve que Jésus était un homme participant à la chair et au sang : mais n’y voit-on pas aussi, en la considérant avec le contexte, une ferme assurance exprimée par le Christ, qu’il serait le salut d’une race de frères et d’enfants, au milieu de laquelle il louerait un jour le Père, ainsi qu’il l’exprime au Psaume 22, versets 22 et suivants ?

Chrétiens, ne sont-ce pas là de puissants motifs à vivre vous-mêmes de foi ? Ah ! prenez courage si la vôtre chancelle, et élevez vos cœurs au-dessus de ces doutes fréquents, de ces craintes, de ces défiances, de ces pensées flottantes, tristes suggestions qui ne viennent pas de Celui qui vous appelle. Quel exemple que celui de Christ ! Confiance pour lui-même, confiance pour ses élus ; assurance parfaite que sa condamnation aux yeux du monde serait levée par un triomphe sur le sépulcre, qu’il terrasserait la puissance des ténèbres, qu’à sa suite il emmènerait captifs ceux que l’homme fort avait pillés, qu’eux-mêmes seraient rendus justes comme lui, et qu’un jour, par leur résurrection, ils seraient déclarés fils de Dieu (Luc 20.36) ; tout cela sur une simple promesse, sur un mot sorti de la bouche de Dieu dont il s’était fait serviteur pour notre bien ; en faut-il davantage pour nous exciter à marcher sur ses traces, nous qui avons aussi, avec la promesse d’être justifiés en croyant, toute l’œuvre de Christ pour garant de cette justification ? Si Dieu a donné des âmes à son Fils, dans la confiance que le Fils les sauverait ; si le Fils s’est abaissé dans la confiance que le Père ratifierait ses paroles ; ne pouvons-nous pas nous reposer sur l’un et l’autre pour le salut de notre âme seule, sachant d’ailleurs que c’est faire Dieu menteur et se perdre soi-même que de refuser à Dieu cette confiance ?

Pécheurs qui lisez ces lignes, et qui tremblez en voyant la multitude d’accusations qui partent, comme autant de foudres, tant du sein de votre conscience que de la loi parfaite du Seigneur, soyez aussi poussés à la foi par l’exemple de Christ ; et ne tombez pas dans un découragement, naturel sans doute pour qui ne voit que le péché, mais qui ne glorifie nullement le Seigneur. Considérez de quel épouvantable fardeau l’âme de Jésus a été surchargée : on peut dire que dans un sens et par imputation, il était, selon l’expression hardie de Luther, le plus grand pécheur qui se soit jamais vu sur la terre ; car il portait l’iniquité de nous tous : et cependant, voyez : Jésus ne doute pas que ce fardeau ne lui soit ôté ; il ne doute pas qu’il ne soit enseveli avec lui dans les entrailles de la terre ; et que lui-même ne ressorte du sépulcre, lavé et blanchi de toute l’ordure dont nous l’avons couvert, avec une chair glorifiée, apte à jouir de la gloire céleste. Et toi, chère âme, qui n’as pas à porter l’iniquité de tous, toi qui n’es pas responsable d’une infinité de transgressions (quoique chaque transgression ait un démérite infini), refuseras-tu d’avoir bon courage, et de croire que l’œuvre de Christ, œuvre de l’amour divin, œuvre agréée du Père, ne soit plus que suffisante pour te constituer parfaitement juste ?

Tu me répondras peut-être que Christ, étant Dieu manifesté en chair, pouvait savoir de science certaine quel serait le fruit de son ministère de réconciliation ; mais que, quant à toi, tu n’es qu’un pauvre pécheur. — Mais considère, en premier lieu, que, dans le Christ, la foi était l’œuvre de son humanité et non celle de la divinité proprement dite. Pour la divinité, il n’y a pas lieu à la foi ; car on croit ce qu’on ne voit pas, sur le témoignage de quelqu’un fidèle ; tandis que Dieu voit toutes choses de loin et dès l’éternité ; il n’a rien à apprendre de personne. Considère ensuite que, si tu crois réellement que Jésus qui a été crucifié est le Christ, le Messie promis, et qu’il est ressuscité des morts par la gloire du Père qui lui a ainsi témoigné son bon plaisir, tu as été uni à lui, en sorte que c’est pour toi, et en ton nom, qu’il a dit : Qui me condamnera ? Tu peux le répéter avec confiance après lui, et tu y es encouragé par tout ce qui l’y encourageait lui-même. Ce qui pouvait le mettre en danger de condamnation, c’étaient tes péchés, tous les péchés de son peuple ; et pourtant, regarde quelle certitude il a par avance d’être justifié de tous ces péchés-là. En eût-il laissé un seul, même le moindre, sans satisfaction plénière, son œuvre était perdue ; mais tu sais qu’il est maintenant vivant aux siècles des siècles, et que, comme le bouc Hazazel ou le passereau vivant (Lévitique ch. 14 et 16), il a emporté toute iniquité dans une terre inhabitable : pourquoi donc douter que les tiennes soient de ce nombre, et ne pas te voir justifié en Lui ? Observe encore qu’il tirait son assurance de sa divinité ou de son union avec le Père, tandis que tu dois placer la tienne sur lui ; raison de plus pour imiter la sienne, car ici tu n’as pas seulement les mêmes promesses que lui pour te fortifier, mais encore tu as et lui et les promesses. Même, dans un sens, tu as plus de sujets d’être assuré, que Jésus n’en avait dans son humiliation. Car c’est au fort de la souffrance, sous le poids de l’indignation et de l’abandon du Ciel et de la terre, que nous l’entendions s’écrier : Celui qui me justifie est près ; qui est-ce qui plaidera contre moi ? C’est quand on le condamne avec charge de blasphème, qu’on le traite comme un criminel prêt à monter sur l’échafaud, qu’il se fortifie par la pensée que nul ne le condamnera. Tandis que toi, pauvre âme, tu le vois non pas mourant, mais vivant après avoir été mort, justifié et non pas condamné, assis sur le trône et non pas cloué à la croix ; puis donc que tu sais qu’il a été condamné et justifié, qu’est-ce qui t’empêche de te joindre aux accents de sa foi ?

Mais il était Fils de Dieu, ajouteras-tu ; il le savait et moi j’ignore encore si je le suis. — Eh bien ! va te remettre, corps et âme, entre les mains de ce puissant Rédempteur, afin qu’il te délivre quand et comment il voudra, et lors même que tu ne te sentiras pas adopté du Seigneur, cependant tu n’en seras pas moins son enfant. Et quant aux choses que tu allègues pour justifier tes craintes ou ton découragement, savoir la quantité, la nature et la grandeur de tes péchés, souviens-toi du nombre, de l’énormité de ceux que Jésus a portés, et de la parole qui est sortie de sa bouche en justice : Tout péché et tout blasphème seront pardonnés aux hommes (Matthieu 12.31), parole qui déclarait par avance le fruit de ses saintes souffrances. Or, si ton Sauveur a été déchargé de la culpabilité de tous ces péchés et de tous ces blasphèmes, s’il a été justifié de toute sorte d’iniquités, qui empêche que tu ne le sois aussi en croyant en lui ?

II. — Je ferai remarquer ensuite que, dans les expressions triomphantes de l’Apôtre, celui-ci nous présente Christ mort, ressuscité et glorifié, comme le seul fondement de la foi justifiante. Ce sont les œuvres de Christ, et rien qu’elles, qui tirent de la bouche de Paul, et de celle des élus, le cantique de victoire qu’ils entonnent en présence de toute condamnation, de toute accusation qui pourraient sortir du Ciel ou de la terre contre eux. Ainsi nous apprenons ici comment la foi doit s’exercer à l’égard de Christ, après avoir vu comment celle de Christ s’est exercée pour nous ou en faveur de nous.

Or je dis que Jésus est l’objet de la foi qui justifie, à trois égards particuliers.

1° — Il en est le seul objet en tant que cause fondamentale de notre justification. Dieu est celui qui justifie le méchant (Romains 4.5) ; en cette qualité, il est bien aussi l’objet de la foi ; mais qui sont les méchants que Dieu justifie ? évidemment ceux qui s’approchent de lui par Christ (Hébreux 7.25) ou qui ont reçu préalablement Jésus comme le Bien-Aimé de Dieu. Condamné par sa conscience, le pécheur est renvoyé à Christ, comme Pharaon renvoyait les Égyptiens à Joseph, et c’est quand il a vu et compris le but de l’obéissance et de la mort de Christ, qu’il espère être reçu de Dieu, et se présente avec assurance au trône de la grâce afin d’obtenir miséricorde (Hébreux 4.16) ; car hors de Christ, que peut-il voir en Dieu de propre à le rassurer dans sa misère ? Aussi est-il dit que c’est par Lui (Christ) que nous croyons en Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts… afin que notre foi et notre espérance fussent en Dieu (1 Pierre 1.21). Avant l’apparition de Jésus en chair, ce n’était non plus qu’en vertu de la promesse du Messie que les fidèles s’approchaient de Jéhovah comme du Dieu de l’alliance. Mais leur foi étant obscure, ils demeuraient encore sous un Esprit de servitude, (Romains 8.15), et la crainte remplissait souvent leur cœur. C’est pourquoi Jésus exhorte ses disciples qui croyaient en Dieu à croire aussi en lui (Jean 14.1) afin d’obtenir un vif sentiment de leur justification et de leur qualité d’enfants de Dieu. — Dieu est proprement sans doute le premier objet vers lequel se tournent les regards de l’homme qui se convertit ; mais Christ est le premier objet de sa foi proprement dite ; puis il vient à Dieu comme à son Père. C’est ce qui explique ces expressions de l’Apôtre : Conjurant les Juifs et les Grecs de se convertir à Dieu et de croire en Jésus-Christ notre Seigneur (Actes 20.24).

2° — Christ est aussi le seul objet de la foi justifiante, par opposition à nos sentiments ou à nos affections. — Plusieurs se reposent, pour se croire justifiés, sur ce que leur conscience a été réveillée et troublée ; c’est une double erreur. Si vous êtes troublés, vous n’êtes pas en repos, et si vous êtes en repos vous n’êtes pas troublés. On a bien mal entendu les paroles du Seigneur (Matthieu 11.28) quand on a supposé que ce caractère de travaillés et de chargés était un indice de justification, et qu’on a exhorté certaines âmes à se confier là-dessus ; excellent moyen pour leur faire perdre le sentiment de leur misère, et les plonger dans une fausse sécurité ! Voir dans cette invitation autre chose qu’un encouragement à croire au Fils de Dieu, donné aux âmes que leurs péchés tiennent loin de lui, c’est leur attribuer un sens faux, et faire un Christ des angoisses d’une conscience réveillée. Les connaissez-vous, ces angoisses ? avez-vous reçu un cœur tremblant et une détresse d’âme ? gardez-vous d’être guéris autrement qu’en recevant Christ. Car s’il n’était que mort, et non point ressuscité, nous serions encore dans nos péchés (1 Corinthiens 15.17) ; vous de même, quoique mis à mort par le péché (Romains 7.11-13), si vous ne possédez pas la foi, la vie de la résurrection (Coloss.2.12-13), vous demeurerez encore dans vos transgressions.

Bien moins encore devez-vous vous faire un fondement de justification des grâces que vous avez reçues, ou du changement qui s’est opéré dans votre intérieur, dans vos goûts et dans vos affections. La conscience ne se paie pas de ces choses, quoique bonnes et agréables à Dieu ; ni la justice de Dieu non plus. Si vous étiez tenté de le faire, lisez l’Épître aux Galates, et vous apprendrez de quel œil le Seigneur voit ceux qui veulent joindre leurs œuvres à la sienne, et l’obéissance de l’homme à celle de Christ. Vos œuvres ont-elles été crucifiées pour vous, ou avez-vous été baptisés dans un autre ou pour un autre nom que celui de Jésus ? Filles de la foi, fruits de l’Esprit, elles prouvent aux autres que nous avons reçu Christ, et nous prouvent à nous-mêmes que nous suivons les traces de Christ ; mais deviennent-elles un sujet de confiance ? Saisissons-nous le fruit pour arriver au tronc ? alors le fruit nous reste à la main et nous retombons avec lui.

3° — Enfin Christ est le premier objet de la foi justifiante, et non pas les promesses de pardon et de justification qui sont faites à cause de lui. Bien des pauvres âmes, convaincues de péché, cherchent dans la parole de Dieu quelque chose sur quoi prendre pied ; et y trouvant les promesses de grâce, s’y attachent ou se reposent sur elles sans regarder à Celui à cause duquel elles sont faites, et qui sont ceux qu’elles concernent proprement. C’est imiter la colombe de Noé qui, après avoir volé çà et là, revint bien se poser sur l’arche, mais y serait périe, si Noé n’eût avancé sa main et ne l’eût retirée au-dedans de l’arche. Faisons-y bien attention ; les promesses de pardon ne sont pas les lettres de grâce d’un prince de la terre, qui ne contiennent qu’un simple acte, ou une simple attestation de rémission ou de commutation de peine ; en sorte que, pour en avoir le profit, il suffit d’avoir en main la lettre scellée du sceau royal. Mais Dieu pardonne dans une promesse comme ferait un prince qui proposerait à un criminel la main d’une de ses filles, condition qui, étant acceptée, emporterait de fait et de droit le pardon du coupable. C’est toujours de Christ, et non de pardon ou d’assurance de pardon, qu’il est parlé au pécheur inquiet ; tout comme c’est à croire au Fils de Dieu que les ministres du Seigneur doivent exhorter tout homme ; car Dieu ne traite qu’avec ceux qui viennent à lui par Jésus et qui ont auparavant obéi à l’ordre de recevoir le Fils. Les exemples en sont si nombreux et si connus, qu’on nous dispensera de faire autre chose que d’en citer quelques-uns : Actes 2.37-38 ; 7.37 ; 13.37-39 ; 16.30-31 ; 26.17-18, etc. — Et d’ailleurs n’est-ce pas Christ qui a été le sujet de la première promesse par laquelle Dieu est venu mettre un remède à l’introduction du péché dans le monde ? (Genèse 3.15) N’est-ce pas en Christ que tout autant de promesses qu’il y a en Dieu sont oui et amen, (2 Corinthiens 1.19) et Christ n’est-il pas lui-même appelé l’alliance du peuple ? (Ésaïe 42.6) Pouvons-nous posséder l’héritage uniquement parce que les titres en sont entre nos mains, et sans être, au préalable, unis avec l’héritier ? Saisissons donc Christ avant toutes choses, et n’espérons pas manger les fruits du paradis de Dieu sans monter sur l’arbre qui les porte ; ou être nourris de la pâture du Seigneur sans avoir choisi Jésus pour Berger, sans avoir obéi à Celui qui a crié dans la nuée : C’est ici mon Bien-Aimé en qui j’ai mis tout mon bon plaisir, écoutez-le. (Matthieu 17.5)

Toute promesse, de quelque genre qu’elle soit, nous ramène à Christ, tend à nous rappeler Christ, est basée sur Christ, et ne peut s’accomplir en nous qu’en vertu du regard qu’elle nous fait porter vers Christ. C’est un principe que nous devons demander à Dieu de planter dans notre cœur, afin que nous apprenions à ne pas vivre dans l’espoir de recevoir des bénédictions spirituelles, sans considérer auparavant le Médiateur, Dieu et homme, qui en est le fondement et le trésor. Celui qui a le Fils a la vie ; mais celui qui n’a point le Fils n’a point la vie (1 Jean 5.12), tel est l’ordre invariable que Dieu a établi : espérer quelque vie hors de Christ, c’est à la fois se nourrir d’une chimère et faire Dieu menteur, Paul ne fait reposer l’assurance qu’il a d’être justifié, que sur Jésus ; et s’il est vainqueur de toute crainte de condamnation, c’est dans le Fils de Dieu, mort, ressuscité et glorifié.

Mais comment cette mort, cette résurrection et cette gloire rendent-elles la foi triomphante ? C’est ce qui fera le sujet des chapitres suivants.

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