Le triomphe de la foi justifiante

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Triomphe de la foi dans la mort de Christ.

Qui est-ce qui condamnera ? Christ est celui qui mourut.
Romains 8.34

En présentant Christ comme premier objet de la foi justifiante, l’Apôtre nous invite à regarder, non pas à la personne du Sauveur, mais à ses œuvres et à sa gloire actuelle. Car quoiqu’il y ait pour les fidèles affermis une grande utilité et une grande consolation sous d’autres rapports, à contempler la personne même du Christ, ce n’est pas tant ce qu’il est, que ce qu’il a fait ou ce qu’il fait encore, qui doit être l’aliment de notre foi, quand il s’agit de notre justification. Et même ce ne sont ni la vie actuelle de Jésus, ni son intercession qui doivent attirer l’attention d’un pécheur lorsque, sur l’ordre de Dieu, il vient à lui pour la première fois par Jésus. Le Christ mort sur la croix, le Christ donnant sa vie pour l’homme : voilà le commencement de la foi du pécheur, comme l’autel des holocaustes était le premier objet qui frappait la vue quand on venait au tabernacle. Il est très vrai que le Christ ressuscité doit nécessairement faire partie de la substance de la foi pour que celle-ci nous console (Romains 10.9 ; 1 Corinthiens 15.17). Jésus devenu homme, Jésus comparaissant en forme de chair de péché et pour le péché (Romains 8.3) Jésus fait malédiction pour nous sur la croix ; c’est le lait qu’il faut à une âme qui n’a encore d’yeux que pour apercevoir ses propres ténèbres, parce qu’elle a besoin d’amour, et que c’est dans la croix que se montre celui de Dieu pour l’homme pécheur (Romains 5.6-8). La gloire de Christ, proprement dite, ne peut être contemplée dans sa perfection que par les Anges ou les Saints ressuscités (1 Jean 3.2) celle qu’on découvre par la foi dans le temps présent, est aperçue seulement par les âmes affranchies (2 Corinthiens 3.16-18). Quant aux pécheurs qui ont besoin de grâce et d’amour, c’est à Jésus qui mourut qu’ils doivent venir, afin que leurs cœurs soient consolés. Voilà le premier échelon par lequel la foi monte dans le sanctuaire, pour se glorifier ensuite dans l’espérance de la gloire de Dieu (Romains 5.2).

C’est d’ailleurs dans la croix que nous voyons ce qui nous justifie foncièrement, c’est-à-dire, le don que Jésus fait de sa vie, afin d’épargner la nôtre, et de nous rendre celle que nous avons perdue par le péché. C’est dans la croix que nous contemplons la cause de la rémission des offenses, et le moyen de leur expiation, savoir l’effusion du sang (Hébreux 9.22). Aussi, avant toutes choses, Paul avait-il prêché à Corinthe, Christ mort pour nos péchés selon les Écritures (1 Corinthiens 15.3) ; et ne publiait-il la réconciliation de l’homme avec Dieu que comme opérée dans la mort de Jésus (Romains 5.10 ; 2 Corinthiens 5.19-21 ; Colossiens 1.19-22). On peut remarquer aussi que le seul signe visible que Jésus nous ait laissé de son amour, le repas de la Cène, est destiné à perpétuer la mémoire de sa mort douloureuse ; et que la foi en Jésus est expressément appelée la foi en son sang, l’effusion de ce sang étant la déclaration de la justice de Dieu dans la rémission des péchés, ou la justification des pécheurs qui croient (Romains 2.24-25).

Ainsi Jésus mourant sur la croix, chargé de nos transgressions, étant à la fois la démonstration de la justice de Dieu envers le péché, de son amour envers le pécheur, et du droit que sa miséricorde s’est acquis de pouvoir s’exercer sans empiéter sur celui des autres perfections divines, doit être aussi la substance première dont la foi justifiante doit se nourrir ; car la rédemption par son sang est la première des bénédictions spirituelles que nous trouvons dans le Christ (Éphésiens 1.3-5). Comme la puissance du péché c’est la loi, Christ crucifié est la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu (1 Corinthiens 15.56 ; 1.23-24) ; son sacrifice, source ouverte pour le péché et la souillure (Zacharie 12.1), est ce qui donne force et cours à toutes les promesses de la. parole de Dieu. Si nous ne pouvons le voir maintenant que dans les cieux, n’oublions pas qu’il s’y trouve non seulement sur le trône, mais aussi comme l’Agneau qui a été mis à mort, et au devant du trône (Apocalypse 5.6), et en nous approchant de ce dernier, pour y contempler la perfection de notre justification, rappelons-nous que celui qui y est assis et élevé, répandit jadis sur le Calvaire ce sang qui, dans les cieux, crie de meilleures choses qu’Abel (Hébreux 12.24).

Mais que notre œil soit simple en regardant au Christ mis à mort, et pénètre au-delà de ce que la chair peut apercevoir dans les souffrances du Seigneur. Car la chair y peut découvrir de quoi remuer certaines affections naturelles, mais qui ne profitent de rien à l’âme qui les éprouve, quoiqu’elles soient excitées par les mêmes objets extérieurs qui donnent à la foi de la consolation, de la fermeté et de la joie. Ainsi plusieurs prédicateurs charnels se servent souvent de la grandeur, de la profondeur et de la multitude des souffrances de Jésus, pour faire vibrer dans le cœur de leur auditoire charnel comme eux, des sentiments de pitié envers l’innocente victime de la fureur des Juifs, d’indignation contre les bourreaux du Fils de Dieu, d’attendrissement et d’admiration pour l’héroïsme de Jésus au milieu de ses souffrances. Et quand, par leurs exclamations, leurs doléances, leurs anathèmes contre le sanhédrin, Pilate, ses soldats et le peuple de Jérusalem ; quand, après avoir exalté tout ce que le caractère du Fils de l’homme peut présenter de sublime, dans son innocence, sa patience, sa constance surhumaine, ils sont parvenus à mettre un auditoire en pleurs ou à provoquer des émotions du genre de celles qu’une histoire tragique ou quelques scènes romanesques peuvent exciter ; ils pensent avoir fait une brillante conquête sur les cœurs, et avoir prêché avec succès. Mais ne trouvent-elles pas ici à la lettre leur application, les paroles de Jésus adressées à ces filles de Jérusalem qui l’accompagnaient en se lamentant et en se frappant la poitrine (Luc 22.27-28), quand il se rendait en Golgotha ? Non, Jésus ne veut rien de ces sentiments humanitaires, réveillés par le tableau de ses souffrances. Ce que l’on accorde souvent à des événements purement fictifs, ce qui n’est que le fruit de la nature ou de l’imagination, réchauffées par le tableau de l’innocence aux prises avec la cruauté, ne peut plaire le moins du monde à Celui qui demande des affections spirituelles chez les auditeurs de la Parole. Aussi l’arbre se connaît à ses fruits ; et tel qui pleure ou s’extasie devant un crucifix, un tableau de Christ flagellé ou crucifié, ou quelque sermon dans lequel le talent de l’orateur s’est inspiré de ce que l’histoire de la Passion présente de charnellement pathétique, demeurera dans sa légèreté, son orgueil, sa propre justice, sa mondanité, ses haines, ses médisances, en un mot, dans tout ce que devrait écraser et détruire dans le cœur une méditation sérieuse des souffrances de Jésus : et surtout sa conscience, chargée d’un péché qu’il ne sent pas et n’a pas découvert à la lueur de la croix, demeurera aussi souillée et aussi cautérisée qu’auparavant.

C’est qu’en effet il y a dans les souffrances et la mort du Christ autre chose à contempler qu’un être juste, étranger à notre siècle, couvert d’opprobres et d’avanies de toute espèce, et envoyé à un supplice déclaré maudit par la loi de Moïse, lors même que nous verrions encore dans cet être un Dieu incarné. Le cœur, l’intention, le dessein de Christ dans sa passion, voilà, chers lecteurs, ce qui forme l’essentiel, voilà ce que vous devez discerner dans les récits que quatre auteurs inspirés nous ont laissés du jugement que Dieu a fait passer sur son Bien-Aimé par le ministère des iniques. C’est là ce qui fait la joie du Chrétien déjà justifié qui revient à porter ses regards sur la croix, et ce qui attire à Christ cette âme angoissée qui cherche un asile contre les terribles accusations d’une conscience réveillée. Je ne dirai pas tout ce que, considérée sous cet aspect, la mort de Jésus nous prêche ; car elle est non seulement un fécond et un éloquent, mais aussi un puissant prédicateur (1 Corinthiens 1.18). Me bornant donc à ce qui concerne le sujet de la justification, je prierai le lecteur de remarquer que si les Évangélistes ne font aucune réflexion sur le but de la passion de Jésus pendant le cours du récit qu’ils nous en ont laissé, le Seigneur du moins ne l’a pas caché pendant l’exercice de son ministère (Matthieu 20.28 ; 26.26-28 ; Jean 3.15 ; 6.51 ; 10.17, etc.) ; et les auteurs sacrés enchérissent sur ce sujet d’une manière remarquable, comme l’on peut s’en convaincre par la lecture des passages suivants : Ésaïe 53.3-6,10-11 ; Daniel 9.24,26 ; Luc 24.46-47 ; Romains 5.6-10 ; 6.6,10 ; 8.3, et tant d’autres qui doivent être connus de nos lecteurs. Dans la mort de Christ, Dieu avait donc un dessein, dessein formé avant tous les siècles, dessein d’amour, incompréhensible pour les hommes, et dans lequel les Anges désirent de regarder jusqu’au fond. C’est là ce qui doit être lu dans la croix et dans les meurtrissures du Fils de l’homme, et ce que Pierre fait remarquer aux habitants de Jérusalem, auxquels il prêche la rémission des péchés au nom de Jésus, afin d’amener leurs âmes à ce puissant et charitable Rédempteur. Il leur apprend que c’est par le conseil déterminé de Dieu, que le Christ a été livré (Actes 2.23), et que par conséquent sa mort n’était pas due proprement à la trahison de Judas, à la rage des gouverneurs ou à la lâcheté de Pilate, mais à un conseil pris dès longtemps entre le Père et Christ (conseil que nous rapporte Paul aux Hébreux 10.4-16) ; savoir, d’ôter le péché du monde par le sacrifice de la croix, le seul qui pût laisser aux entrailles de la miséricorde divine, la liberté de justifier et de pardonner. Ainsi, c’est en vertu d’un décret de grâce antérieur à tous les siècles et dicté par un amour inconcevable pour des créatures coupables, que le Fils de Dieu est descendu sur la terre, ses souffrances étant tellement nécessaires que cette coupe n’a pas pu être éloignée de lui. Oh ! que de pensées doivent réveiller en nous ces paroles solennelles : Père, s’il était possible ! Et pourquoi cette impossibilité ? Ah ! c’est que Jésus était lié par l’amour à cette volonté du Père, qu’un homme mourût pour tout le peuple, et que cet homme fût la Parole faite chair.

Oui, encore une fois, c’est le cœur de Dieu à l’égard de l’homme, les insondables pensées de sa charité éternelle envers les pécheurs, qu’il faut savoir discerner, reconnaître et adorer dans la croix. Il y a là, non pas un martyre propre à exciter notre horreur ou notre pitié, mais un mystère dévoilé, le mystère de la grâce de Dieu, que révélaient en partie les sacrifices mosaïques, et qui maintenant est mis en évidence. Que Dieu nous donne des yeux pour en voir les richesses, et un cœur pour en saisir l’excellence !

Considérée sous cet aspect, quelle consolation, quelle joie la mort de Christ n’apporte-t-elle pas au fidèle ! Ce qui a satisfait Dieu, ce qui a lavé tant et tant de pécheurs, dont plusieurs, quoique morts, sont vivants à Dieu comme Abraham, Isaac et Jacob, ne doit-il pas aussi combler les désirs, procurer une pleine paix à l’âme qui a le bonheur de le comprendre ? Y aura-t-il besoin d’ajouter quelque chose qui vienne de nous, à cette œuvre parfaite du Rocher de notre salut, pour que nous ayons la liberté de nous désaltérer aux eaux qui en découlent ? Ces doutes, ces craintes affreuses suggérées par la vue de nos péchés, l’idée d’une possibilité de condamnation, tout cela ne cédera-t-il pas à la pensée ou plutôt à la certitude que le Père a pris son souverain plaisir dans l’œuvre du Fils, et respiré une odeur d’apaisement en vertu de laquelle il dit (Hébreux 10.17) : Je ne me souviendrai plus de leurs iniquités ? A Dieu ne plaise que nous soyons plus difficiles que Dieu même, et que ce qui lui suffit pour justifier, ne nous suffise pas pour croire à notre justification ! Voyez l’Apôtre dans notre texte : y a-t-il chez lui hésitation, tremblement, frayeur de se tromper, en prononçant qu’il n’y a plus de condamnation puisque Christ est mort ? Non ; il connaît le dessein éternel de Dieu ; l’abondance de la grâce, la perfection de la justice, et il ne demande rien de plus. Il parle comme un homme pleinement persuadé, étonné même de la clarté des preuves, de la solidité du fondement de la justification. Il sent que, devant un Dieu mort pour nous, un Dieu qui donne son Fils et toutes choses avec lui, il n’y a plus à examiner encore, à raisonner ou à objecter ; et bravement, il jette un défi à tout ce qui, dans les cieux et sur la terre, oserait condamner le croyant. Conscience, sagesse charnelle, Loi de Sinaï, péché, démons, aiguisez vos traits, ramassez vos forces, rassemblez toutes vos accusations, vos reproches, vos sentences contre le Chrétien pour le priver de son privilège ; vos efforts sont inutiles ; vous êtes depuis longtemps hors de procès ; votre témoignage, quoique vrai, n’est plus admis dans la cœur de la céleste justice. Qui accusera quand Dieu justifie ? Qui condamnera puisque Christ mourut ? Oh ! bienheureux qui peut ainsi triompher en Christ, et qui a appris du Seigneur à se tenir si ferme à la croix, ou à comprendre tellement ce que vaut le sang de Christ, qu’il puisse ainsi fermer la bouche à tous ses adversaires !

Mais Paul ne voyait-il pas peut-être les choses avec cet œil de l’imagination qui souvent trompe les mieux éclairés ? Non ; Paul n’était pas hors de sens en se glorifiant ainsi dans la mort du Sauveur. Il n’avait pas seulement appris en paroles l’abondance de la grâce et de la rédemption (Psaumes 130.4 ; Ésaïe 1.16 ; 55.7 ; Michée 7.17-18), mais il en avait fait la consolante expérience (1 Timothée 1.12-17) ; il connaissait ces insondables richesses de Christ qu’il prêchait parmi les Gentils (Éphésiens 3.8), non par ouï-dire, mais pour les avoir lui-même savourées. — D’ailleurs quel est celui qui, ayant reçu avec puissance et par le Saint-Esprit cette céleste vérité que Dieu en Christ a passé par la mort, ne puisse triompher comme Paul ? Quelle est la conscience, même la plus angoissée, même la plus courroucée. même la plus rongée de la gangrène du remords, que le sang de Jésus ne puisse soulager, calmer et guérir ?

J’ai transgressé la loi de Dieu, dira quelque pauvre pécheur ; j’ai déshonoré Dieu en œuvres et en paroles ; j’ai fait et refait cette chose abominable laquelle Il hait, (Jérémie 44.4). Tout cela est vrai, trop vrai ; mais Christ est celui qui mourut ; c’est plus qu’il n’en faut pour te justifier. — Si la loi est violée, le législateur l’a observée ; il a pleinement satisfait à ses exigences : car Dieu a envoyé son Fils, né de femme, né sous la loi, et Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi quand il a été fait malédiction pour nous (Galates 4.4 ; 2.13). — Si tu as déshonoré Dieu, si tu as versé des ténèbres sur sa justice et sa sainteté, Christ en mourant l’a glorifié ; et il l’a fait en s’abaissant, en s’avilissant jusqu’à se laisser clouer sur une croix entre deux brigands ; ton péché n’a fait qu’intercepter les rayons du soleil ; la mort de Christ a été l’obscurcissement du soleil même. Si tu as commis ce que Dieu hait et maudit, Christ a accompli toute la justice que Dieu aime, et il a été fait malédiction comme s’il eût été digne de haine. Te faudrait-il quelque chose de plus ?

Et comme l’existence du péché n’est point pour le croyant un obstacle à se réjouir avec l’Apôtre en Celui qui nous a réconciliés par le corps de sa chair, dans sa mort (Colossiens 1.21-22), les circonstances même du péché n’en sont pas un non plus pour lui : car quelles que soient ces circonstances, elles trouvent leur parallèle, et par conséquent leur compensation dans l’obéissance et la mort de Christ.

Y a-t-il eu de la perversité dans ton péché ? Considère tous les crimes que Dieu a permis qui fussent (injustement, sans doute, mais réellement) imputés à son Fils par ceux qui l’ont mis à mort, quand il a dû être fait offrande pour le péché. Il est mort accusé d’être rebelle à César, de blasphémer contre Dieu de la manière la plus odieuse en se faisant égal à Dieu, d’être un imposteur, un séducteur, un démon, un être moins digne de vivre que Barrabas qui était un brigand ! Voilà les charges qui ont pesé sur lui, charges injustes, encore une fois, quant aux hommes ; mais justes quant à Dieu, qui ne voyait en lui que notre représentant. Se peut-il imaginer une satisfaction plus parfaite pour les péchés même les plus exécrables, que la Sainteté même les prenant à soi et souffrant à cause d’eux la malédiction du Ciel et de la terre ?

Diras-tu que tes péchés ont été aggravés par la méchanceté de ton cœur en les commettant, en sorte que leur dehors n’est encore rien en comparaison de leur principe intérieur ? Regarde le Christ mourant ; vois son âme luttant avec la colère de Dieu ; abandonné, faut-il le dire, à elle-même sous le poids de ses mortelles angoisses ; ne trouveras-tu pas que ses souffrances corporelles sont bien peu de chose à côté de celles-ci, et que les douleurs de son âme ont été, de beaucoup, ses plus grandes douleurs !

L’empressement, le plaisir avec lequel tu as péché, double-t-il à tes yeux l’énormité de ta conduite ? — Christ s’est offert à la mort avec plus d’empressement que tu n’en as mis à l’y conduire (Hébreux 10.8-9 ; Luc 12.50).

As-tu péché de volonté délibérée et pouvant très bien éviter de te rendre coupable ? — C’est encore une des dispositions avec lesquelles Christ est allé au-devant du supplice (Jean 17.4 et suivants ; Luc 9.51 ; 12.50).

As-tu péché avec présomption, bravant la pensée du sépulcre et du jugement ? — Lié au Père par sa promesse, Jésus, afin de délivrer ton âme, a aussi bravé les horreurs de la malédiction divine, et s’est écrié : Maintenant dirai-je : O Père, délivre-moi de cette heure ? Mais c’est pour cela même que je suis venu à cette heure (Jean 12.27).

Enfin y a-t-il dans tes péchés quelque circonstance que ce soit, de temps, de lieu ou de personne, qui leur imprime un caractère plus ou moins hideux ? comme, par exemple, une position qui t’obligeait plus qu’un autre à ne pas être en scandale, les occasions que tu avais de ne pas pécher ; les bienfaits et les châtiments du Seigneur à ton égard ; les personnes avec lesquelles tu vivais et que tu étais appelé à édifier par ta conduite ? — Eh bien ! toutes ces circonstances ont augmenté les amertumes de la mort du Seigneur. Le Christ de Dieu, Celui dont la gloire surpasse celle de toutes les créatures, le Roi, le Sacrificateur, le Prophète par excellence, a été défait de visage plus que pas un des fils des hommes ; il a souffert, de tous les genres de mort, le plus infamant, dans l’époque de l’année la plus solennelle, aux portes de la cité de Dieu, dans le lieu le plus exécré et dans la compagnie la plus exécrable !

C’est ainsi que les détails de la Passion de Christ ont, avec ceux de nos péchés, une correspondance remarquable ; Dieu l’ayant ainsi voulu pour la consolation de ses élus. Et quoique ses souffrances, considérées en général, répondent déjà suffisamment aux besoins de nos consciences, et nous fournissent assez d’arguments contre nos accusateurs, les circonstances qui les ont accompagnées peuvent encore servir au relèvement de quelques âmes humiliées et troublées par celles qui ont ajouté quelque degré de malice et de culpabilité à leurs transgressions passées.

Que nos âmes savourent donc (sans doute avec les herbes amères de la repentance, mais aussi avec joie), cette chair donnée pour la vie du monde, ce sang répandu en rémission des péchés, ce sacrifice de bonne odeur, dont la valeur et le mérite couvrent toute transgression, effacent tout péché et ôtent même de la mémoire de Dieu le souvenir des iniquités de son Église. Ne nous bornons pas à connaître d’une manière générale, que le Christ est mort pour nos offenses ; mais que chacun des traits de cette scène d’amour et de douleur, devienne pour nos âmes un sujet de méditation, afin de nous devenir un motif de consolation. N’avoir qu’une idée superficielle de sa propre misère, tout en se reconnaissant pécheur, ce n’est pas être suffisamment humilié ; de même ne connaître qu’en gros le martyre expiatoire de l’Agneau de Dieu, sans pénétrer plus avant dans ces détails qui en relèvent la toute suffisance et l’infinie valeur, ce n’est pas être pleinement consolé. Aussi, lorsque, dans un moment de tentation, bien des fidèles découvrent plus distinctement les plaies de leur cœur, ils sont effrayés, leur foi se couvre d’épais nuages, et ils doutent de leur justification, ne voyant pas que, dans les souffrances du Christ, il y a des douleurs diverses pour leurs angoisses spirituelles diverses. Mais Dieu se déclarant satisfait dans la mort de son Bien-Aimé, il faut donc que la foi travaille à y découvrir les différentes causes de cette satisfaction, pour pouvoir elle-même entrer dans le repos de la justification. Ne soyons point lâches à cette œuvre ; toutes les pièces d’un procès important ont besoin d’être soigneusement étudiées ; et celles qui concernent le procès que la loi, la conscience et le démon nous intentent souvent, le méritent tout particulièrement. Notre cœur, ses infidélités, ses chutes, voilà les pièces de nos accusateurs ; et l’audace de ces derniers est d’autant plus formidable, que nous leur avons fourni plus amplement matière à réclamer et à condamner. Paul, qui souffrit les attaques de la loi avant de connaître la grâce, fut obligé de mourir à toute espérance (Romains 7.7-11) ; le geôlier de Philippes fut tout tremblant et tout effrayé (Actes 16.27-29) ; et c’est là ce qui nous arrive quand nous ne connaissons pas toutes les perfections du sacrifice de Jésus, notre seule pièce justificative, mais qui, à elle seule, suffit pour fermer la bouche aux adversaires. Qu’il plaise à Celui qui nous a donné son propre Fils, de nous révéler de plus en plus l’excellence des souffrances de ce Bien-Aimé, afin que journellement nous tirions, de la bouche de ce lion mort, le miel qui fait revenir le cœur à celui dont les forces sont épuisées et les yeux obscurcis par la chaleur du combat !

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