Échec à la dépression

Première partie : COMPRENDRE

POURQUOI EN PARLER ?

Il y a des détresses qui émeuvent et forcent la compassion : celle de l’aveugle, du drogué ou de la veuve qui vient de perdre un fils aîné dans un accident de la route. Hélas ! Il y a des souffrances qui passent inaperçues, des malades incompris qu’on traite d’imaginaires. Je pense à la foule des dépressifs qui stagnent dans leur marasme des mois et des années durant, sans jamais voir le bout de leur épreuve. Je sais ! Il leur manque un quarante de fièvre ou une plaie béante pour qu’on les prenne au sérieux.

Ce mal du siècle n’épargne pas les croyants. A l’occasion d’une retraite spirituelle, je fis allusion à la dépression au cours d’un exposé. Une simple allusion. Il en résulta une suite quasi ininterrompue de longs entretiens durant toute la semaine. Là, je constatai combien sont nombreux ceux qui sont ainsi éprouvés, même dans nos milieux chrétiens.

Or, de tels malades m’’intéressent. D’abord parce que j’ai moi-même « touché le bord » de la dépression, il y a quelque dix-huit ans de cela. Nous venions de laisser le midi de la France pour nous installer en plein Paris. Les tracas du déménagement, un surcroît de fatigue, le dépaysement, la vie survoltée de la capitale, surtout le bruit incessant (nous vivions désormais sur un boulevard des plus animés, dans le quartier des Halles ) m’avaient vaincu. Et parce que j’ai failli craquer, je puis, dans une certaine mesure, comprendre ceux qui souffrent des nerfs.

D’autre part et dans la plupart des cas, je crois à une guérison possible avant longtemps, ce que beaucoup de gens contestent vivement. Preuves à l’appui, ils s’indignent : « Mais vous ne connaissez pas vraiment la situation quasi désespérée de certains dépressifs » ! En effet, il en est qui sont dans un état physique si pitoyable, d’autres en butte à de telles difficultés, victimes de telles injustices ou traumatisés par de tels chocs, presque au bord de la folie, qu’on ne peut raisonnablement, à moins d’un miracle qui est toujours possible, attendre une totale guérison d’un instant à l’autre comme s’il suffisait de faire jouer un déclic pour retrouver le plein équilibre. On ne guérit pas sur commande. Dieu est souverain.

Et pourtant, je réponds : « Avant d’inviter les pécheurs à croire au Sauveur qui pardonne aujourd’hui, l’évangéliste doit-il s’assurer que ses auditeurs ne sont pas trop éloignés de Dieu ou trop ancrés dans leurs erreurs ? Et s’il s’adresse à des bas-tombés, plongés dans l’ignorance la plus crasse, renoncera-t-il à les presser d’entrer ? Se laissera-t-il arrêter par les propos de bons chrétiens qui déclarent avoir connu un temps de crise prolongé avant de naître de nouveau ? Non, il n’y a pas de gens trop atteints qui ne puissent passer – aujourd’hui – « des ténèbres à son admirable lumière ».

C’est pourquoi je me garderai de laisser croire à des dépressifs que la délivrance tardera sous prétexte que des milliers de malades ont traîné des mois et des années dans le brouillard le plus épais. Certes, il y a des guérisons qui peuvent être différées, des épreuves qu’il faut accepter, Dieu les jugeant utiles pour notre bien spirituel ; mais la dépression est une maladie qui met notre âme en danger, une épreuve qu’on ne pourra jamais regarder « comme un sujet de joie complète » (Jacques 1.3) … et pour cause. C’est un mal qui doit être extirpé sans délai.

Certains psychologues ou psychiatres chrétiens, infiniment plus expérimentés que moi, seront sans doute déçus de constater combien, dans ces pages, je simplifie les choses, tirant des conclusions hâtives et prônant une thérapeutique « standard » et par trop élémentaire. Je réalise qu’ils sont en droit de penser que j’ignore tout des méandres d’une maladie bien complexe qui laisse souvent le spécialiste dans l’embarras et l’impuissance. Mais, pour revenir à l’exemple cité plus haut, constatons que l’évangéliste, lui aussi, délivre un message fort simple, le même pour tous, bien qu’il s’adresse à des gens les plus divers et les moins accessibles, entre autres des ivrognes, des irresponsables de tout acabit, des endurcis et même des anormaux. Et pourtant, ce simple appel à la repentance et à la foi opère des miracles parce que le Saint-Esprit l’adapte et le fait retentir dans le cœur de chaque auditeur, illuminant l’intelligence de quiconque se livre à son action.

C’est pourquoi nous croyons qu’il y a un message pour les déprimés et un appel précis à adresser à ceux qui souffrent des nerfs. Or, qui considère trop les cas d’espèce n’a plus de message. La foi ne se nourrit pas des faits mais de la promesse : « C’est maintenant le jour du salut » (1 Corinthiens 6.2). C’est la raison pour laquelle le présent livre renferme un message plutôt qu’une étude, un appel plutôt qu’un ensemble de conclusions. Le lecteur devra s’en souvenir tout au long de l’exposé. Nous osons adresser ce message et lancer cet appel parce que nous croyons à l’action de l’Esprit saint capable d’amener de tels malades à se placer dans les conditions qui favorisent l’intervention divine, ce dont nous nous entretiendrons plus loin.

Ajoutons pour conclure que nous avons cru bon de bannir de ces pages tout vocabulaire technique susceptible de dérouter les non-initiés dont je suis ( par ex : psychasthénie, éreuthophobie …). Il y a des livres excellents de la plume d’hommes compétents qui traitent du système nerveux et des maladies des nerfs. À quoi bon alourdir cet exposé d’explications confuses qu’on peut trouver ailleurs fort bien rédigées ?

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