Vie de Saint Antoine

AVANT-PROPOS.

C’est pour vous un combat des plus avantageux de rivaliser en vertu avec les solitaires de l’Égypte, et de vous efforcer même de les surpasser par une généreuse émulation. Il s’est établi parmi vous plusieurs monastères, et déjà le nom des solitaires est célèbre ; il n’y aura donc personne qui n’applaudisse au désir que vous m’avez exprimé, et Dieu en accordera sans doute à vos prières l’heureux accomplissement. Puisque vous me demandez des renseignements sur le genre de vie du bienheureux Antoine, et que vous désirez savoir, pour vous porter à l’imiter, de quelle manière il a embrassé la vie ascétique, ce qu’il était auparavant, quelle a été la fin de sa vie, et si ce qu’on a dit de lui est véritable, j’ai accueilli avec le plus grand plaisir votre demande, car le souvenir seul d’Antoine est pour moi un grand avantage, et je suis persuadé que l’admiration que vous éprouverez en entendant le récit des actions d’un si grand homme vous donnera le désir de l’imiter. En effet, pour des solitaires, le vrai modèle de la perfection ascétique est la vie d’Antoine. Ne refusez donc pas d’ajouter foi à ceux qui vous en parleront ; croyez plutôt qu’ils en diront trop peu, car certainement ils ne pourront vous raconter qu’une faible partie de tant de vertus. Pour moi, cédant à vos désirs, tout ce que je pourrai vous dire dans ma lettre ne contiendra sur lui que le peu de choses dont je me souviens ; ne cessez donc pas d’interroger les navigateurs qui viennent auprès de vous, et peut-être même, après que chacun aura dit ce qu’il sait, la narration sera-t-elle à peine digne des mérites du saint solitaire. Je voulais donc, lorsque j’ai reçu votre lettre, faire venir quelques-uns des moines qui l’ont fréquenté le plus souvent, afin que, mieux instruit par eux, je pusse vous donner plus de détails ; mais comme le temps de la navigation touchait à sa fin et que le messager était pressé de partir, je me suis hâté de vous écrire, pour votre édification, ce que je savais et ce que j’avais pu apprendre de lui-même, car je l’ai souvent vu, j’ai été longtemps avec lui et lui ai versé de l’eau sur les mains. J’ai eu grand soin de ne dire que la vérité, afin que si l’on en entendait dire davantage, on ne refusât pas d’y ajouter foi, ou que si l’on en apprenait trop peu, on ne méprisât pas un tel homme.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant