Berlin, 18 novembre 1849.
Mon cher ami,
J’ai été bien heureux de recevoir directement des nouvelles de vous. Car je dois dire que je vous porte sur mon cœur, ainsi que tous les jeunes amis qui étaient ici avec vous. Que le Dieu d’amour bénisse les plans, les desseins dont nous avons souvent parlé. Puissiez-vous tous, par vos efforts communs, contribuer à ramener la vie religieuse et morale dans votre chère patrie, dans la nation de saint Bernard, de Fénelon et de Pascal, le Socrate français ! Puisse-t-il vous conserver le zèle ardent de la charité et l’esprit de la liberté évangélique ! Cet esprit ne fait pas dater l’Eglise de Luther et de Calvin, mais il fait reconnaître les effets de l’Esprit-Saint à travers tous les siècles ; il nous ramène à la source même de la vie divine, aux profondeurs inépuisables de l’enseignement apostolique dans sa diversité et son unité, et surtout à la contemplation du type divin parfait en Jésus-Christ : c’est de là qu’il faut partir pour que tout se rajeunisse incessamment et que l’ancien lui-même devienne nouveau. Je suis heureux de retrouver ces sentiments dans votre lettre.
Je dois vous dire comment j’en suis venu à la composition de ce commentaire. Il y a longtemps que j’avais l’idée d’une interprétation pratique des Ecritures, destinée au public chrétien, ne reposant pas sur l’arbitraire des impressions du commentateur, mais sur une intelligence profonde et scientifique des saintes Ecritures, sur une connaissance exacte du passé et du présent. Il me semblait qu’une telle interprétation était un besoin du moment pour répandre de nouveau la parole de vie dans toutes les sphères de la société. Les lacunes que je sentais dans la prédication évangélique m’en démontraient toujours plus la nécessité. Mais peut-être n’en serais-je pas venu sitôt à la réalisation de cette idée, si une pénible épreuve que Dieu m’a envoyée ne m’en avait donné le loisir. Depuis deux ans une affection de la vue m’a interrompu dans mes grands travaux et m’a forcé à lire par des yeux étrangers. Cela m’a amené à dicter ce Commentaire, pour mon édification d’abord, puis pour l’édification de mes frères, s’ils peuvent en retirer quelque fruit, à mon cher jeune ami M. Schneider. J’ai encore dicté un Commentaire pratique sur l’épître de saint Jacques et le commencement d’un Commentaire sur la première épître de Jean.
Je serai bien heureux si ce travail pouvait être de quelque utilité à mes frères de France. Il me semble que le point de vue pratique auquel je me suis placé dans ce Commentaire le rend particulièrement propre à la France.
Saluez cordialement de ma part les amis qui étaient avec vous à Berlin. Je termine en vous souhaitant les plus riches bénédictions du Seigneur pour votre vie entière, et surtout pour votre activité dans le règne de Dieu dans les difficultés de ce temps de crise.
A. Neander