Avant de rencontrer Sundar Singh, je ne savais trop que penser de cet ascète chrétien qui attirait partout les foules et dont on racontait bien des expériences miraculeuses. Mais après avoir assisté à la série de réunions qu'il a tenues à Calicut, au printemps 1918, et après avoir eu le privilège de l'avoir une fois à notre table et de pouvoir causer tranquillement avec lui, je garde une profonde impression de ce jeune apôtre moderne.
Sa prédication est simple, sobre et directe, à la fois imagée et pratique. On sent qu'il croit réellement à l'action vivante de Dieu, qu'il en fait journellement l'expérience. Il raconte avec la plus grande simplicité, comme une chose toute naturelle, les miracles que Dieu a opérés à bien des reprises pour le protéger, le délivrer ou le guider, ou pour amener des pécheurs à la repentance. Ses paroles ont l'autorité de quelqu'un qui vit sa foi, qui a tout souffert et tout sacrifié, et qui est en communion constante avec le Père. Il rend témoignage à la puissance et à l'amour du Sauveur mort sur la croix, mais ressuscité, et il se dégage de sa personnalité comme une force attirant les âmes à Christ et les amenant à l'obéissance de la foi.
Ce n'est pas pour faire œuvre méritoire que Sundar Singh a choisi sa vie de renoncement complet. Je lui ai moi-même posé la question. Il m'a répondu qu'il voit simplement dans cette vie de sâdhou une méthode efficace pour répandre l'Evangile, méthode adaptée aux conditions spéciales des Indes, mais qu'on ne pourrait peut-être pas imiter partout. Il considère que Dieu lui a fait une grâce personnelle en l'appelant à ce ministère particulier, qui présente non seulement de nombreux dangers, mais aussi des tentations très réelles. Peut-être que la prodigieuse popularité qu'il a acquise depuis deux ans n'est pas la moindre de ses tentations, et plusieurs de ses meilleurs amis prient Dieu de le préserver aussi à l'avenir de tout orgueil. Jésus Lui-même ne redoutait-Il pas la popularité, et ne se retirait-Il pas constamment à l'écart quand les foules se pressaient autour de Lui ?
Aujourd'hui, plusieurs chrétiens tâchent d'imiter Sundar Singh, parcourant le pays dans une pauvreté absolue, pour prêcher l'Evangile. Il est incontestable que cette méthode, qui rappelle la façon dont Jésus envoyait ses disciples de village en village, ouvre de nouvelles perspectives pour l'évangélisation des Indes. Mais comme le Seigneur a plus d'une fois mis à l'épreuve ou même découragé ceux qui offraient d'une façon trop irréfléchie de Le suivre, Sundar Singh n'encourage pas tout le monde à imiter son exemple. Il ne cherche surtout pas à faire des disciples personnels. A Calicut, quelques jeunes gens de nos écoles, lui ont demandé la permission de se joindre à lui ; mais il leur répondit :
« Avant de vous lancer dans cette carrière, qui ressemble au vaste océan agité par les vagues, apprenez à nager dans un étang. Il y a autour de vous, ici à Calicut, une quantité d'âmes qui périssent, commencez par sauver celles-là ! »
Nous renonçons à faire la critique des pages qui suivent, croyant qu'elles méritent telles quelles notre confiance et tout notre intérêt. Il s'agit de simples récits, écrits originairement en Mayayalam, puis en anglais, par Mme Parker, de la Mission de Londres, qui a bien voulu nous autoriser à les faire traduire en français. Ils se basent en grande partie sur des conversations que Mme Parker a eues avec le sâdhou, qui a lu lui-même le volume terminé, pour en contrôler l'exactitude. Dans une lettre écrite en ourdou le 3 Septembre 1918, il déclare avoir été frappé de la façon admirable dont l'Esprit de Dieu a soutenu et dirigé Mme Parker.
« Je suis sûr, continue-t-il, que ce petit ouvrage glorifiera Dieu et sera pour beaucoup un bienfait spirituel. Il sera une aide surtout pour ceux qui passent par des difficultés semblables à celles que j'ai rencontrées ; ils verront comment le Seigneur a sauvé un pécheur tel que moi et m'a dans son amour et sa grâce choisi pour son service.
« Après treize ans d'expérience, je puis dire aujourd'hui que Christ est encore et sera à jamais le même (Hébr. 13.8). »
« Je demande à Dieu de faire servir ces quelques mots à sa gloire et au bien spirituel de plusieurs. Amen. »
Ce petit livre ne manquera pas d'attirer l'attention des chrétiens de langue française. Mais ne recherchons pas l'extraordinaire, une sensation nouvelle ou un nouvel idéal ascétique. Laissons-nous humilier et inspirer par l'exemple de ce fidèle témoin de Celui qui s'est fait pauvre pour nous et qui ne savait où reposer sa tête. Apprenons, nous aussi, à « nager dans notre étang », et mettons-nous à sauver les âmes qui périssent en si grand nombre autour de nous. Obéissons et prenons enfin l'Evangile et les promesses de Dieu au mot, comme le fait le jeune apôtre dont ce volume voudrait parler, à la gloire du Maître.
Dr P. de Benoît.