Cette Catéchèse diffère peu de la procatéchèse quant au fond ; c'est une courte exhortation au baptême , où l'on remarquera § I, II, IV , parmi les dispositions nécessaires à ce sacrement , la nécessité de la confession de tous les péchés de la vie , secrets ou publics . — III. La confession est le prélude de la pénitence quadragésimale. — VI . Définition du caractère baptismal.
Lavamini, mundi efficimini, auferte malitiam ab animabus vestris coram oculis meis. (Esaïe 1.16.)
Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de dessous mes yeux la malice de vos âmes[1].
[1] Lavez-vous, purifiez-vous.
L’usage de lire l’Ecriture avant de prêcher nous est venu de l’ancienne synagogue. C’est ainsi que Jésus-Christ, entrant dans une synagogue, lut un passage du prophète Isaïe. Il se leva pour lire : Surrexit legere ; après avoir lu il ferma le livre, le rendit et s’assit pour l’expliquer. Cùm plicuisset librum, reddidit ministro,, et sedit.
L’Eglise a de tout temps suivi la même pratique. De là l’usage de faire le prône ou instruction familière, ou catéchèse immédiatement après la lecture des Epîtres et Evangiles.
O vous, que la vocation rend déjà disciples du Nouveau Testament et participants aux mystères du Christ, et qui bientôt le serez encore par la grâce, faites-vous un cœur et un esprit nouveau pour répandre la joie dans le ciel. Car si, comme le dit l’Evangéliste, la pénitence d’un seul pécheur remplit de joie les esprits célestes, de quelle allégresse le salut de tant d’âmes ne doit-il pas les combler ! (Luc 15.10.) Vous voilà entrés dans la belle et magnifique carrière qui vous était ouverte, courez avec prudence et sagesse celle de la piété. Le Fils unique de Dieu est là tout disposé à vous racheter. Venez, dit-il, venez vous tous qui travaillez, qui êtes chargés, et moi je vous soulagerai. (Matth. XI, 28.) Vous qui êtes encore couverts de la robe d’iniquité, (Procatèc., 3) qui gémissez dans les chaînes du péché, écoutez la voix du Prophète : Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de vos âmes toute espèce de souillures de dessous mes yeux, pour que le chœur des Anges vous accueille et vous dise dans leur transport d’allégresse : Heureux sont ceux dont les iniquités sont remises et dont les péchés sont cachés. (Psaumes 31.1.)
O vous qui, depuis peu, portez dans vos mains les lampes de la foi[2], gardez-vous de les laisser éteindre, pour que celui qui jadis, sur ce mont sacré, sur ce Golgotha, ouvrit par la foi la porte du ciel au larron, vous permette de chanter aussi le cantique nuptial.
[2] la foi.
— O vous qui portez dans vos mains les lampes de la foi.
Les fidèles ou catéchumènes admis aux instructions du baptême portaient des lampes allumées, symbole de la foi qu’ils devaient conserver. De là l’usage de mettre un cierge allumé dans les mains du parrain de l’enfant qu’on baptise. S. Clément d’Alexandrie (Strom. lib. v) dit que le baptême s’appelle illumination, parce qu’il nous éclaire des lumières de la foi, parce que d’aveugle qu’on était on ouvre les yeux à la lumière ; c’est pourquoi les Catéchèses sont dans le style grec intitulées Catéchèses à ceux qui doivent être illuminés, ou baptisés. Catechesis ad illuminandos, vel baptizandos.
S’il en est encore un parmi vous, qui soit esclave du péché, qu’il se prépare par la foi à la régénération franche et sincère des enfants d’adoption ; pour qu’affranchi de l’esclavage odieux du péché, il devienne l’heureux esclave du Seigneur, et se rende digne de posséder l’héritage du royaume céleste. Dépouillez-vous, par la confession, du vieil homme qui est corrompu à la suite des désirs de l’erreur (Ephésiens 4.22, 24) ; dépouillez-vous-en par la confession, pour vous revêtir de l’homme nouveau qui est régénéré par la connaissance de celui qui l’a créé (Colossiens 3.10) ; entrez par la foi en possession du gage de l’Esprit-Saint, pour être admis dans les tabernacles éternels. (Luc 16.9.)
Approchez-vous du sceau mystique[3], pour être accueilli favorablement du maître ; entrez dans le saint et spirituel troupeau de Jésus-Christ, pour qu’un jour placés à sa droite vous soyez jugés dignes d’être admis à l’héritage de la vie éternelle qui vous est préparé. Car ceux qui seront encore couverts des aspérités du péché seront placés à la gauche, parce qu’ils ne se seront pas disposés à la grâce divine que Jésus-Christ nous communique dans la piscine de la régénération.
[3] Approchez-vous du sceau mystique, etc.
Dans la procatéchèse § 2, Cyrille a comparé le caractère qu’impose le baptême à cette marque que les pasteurs impriment sur leurs troupeaux pour les reconnaître ; ici il le compare à ce fer chaud dont on marquait jadis les recrues militaires, que l’on n’emploie aujourd’hui que sur les chevaux qui font partie de l’armée. Ces comparaisons sont fréquentes chez les Pères de l’Eglise grecque et latine. On la retrouve dans S. Basile (Exhort. ad bapt., pag. 413) dans S. Grégoire de Nazianze (Orat., XL, 14) dans S. Augustin (Epist. 173, lib. VI, de baptismo. Cant. Donat., cap. 1,1).
C’est ce caractère ineffaçable (Procat. 16,17), tant dans les méchants que dans les apostats qui nous rend reconnaissables aux yeux de Dieu, chers aux Anges, terribles aux démons. Voyez ce qui est dit ailleurs. (Catéch., xx1,7, du sceau du saint Chrême. Catech., XVII 35, et III, 3.)
Je ne parle pas ici de la régénération des corps, mais de la régénération spirituelle de l’âme. Ce sont nos pères selon la chair qui ont engendré nos corps, mais c’est la foi qui régénère nos âmes. Car l’Esprit souffle où il veut. (Jean 3.8.) Travaillez donc à vous rendre dignes d’entendre un jour ces consolantes paroles : Courage, serviteur bon et fidèle (Matthieu 25.21.) parce qu’on ne trouvera en vous aucune tache d’hypocrisie ou de dissimulation.
Si parmi ceux qui m’écoutent, il s’en trouvait un qui espérât tenter Dieu, il se tromperait lui-même, et ne connaîtrait point la vertu puissante qui accompagne nos mystères. Gardez-vous d’user de dissimulation en présence de celui qui sonde les cœurs et les reins. (Psaumes 7.10.)
Car de même que ceux qui président à la conscription militaire, examinent soigneusement l’âge, la taille, les forces de ceux qu’on leur présente : ainsi le Seigneur dans le choix des âmes scrute sévèrement leurs dispositions intérieures, et rejette comme indigne de sa milice celui où il trouve des traces secrètes d’hypocrisie, comme aussi il se hâte d’enrôler et de communiquer sa grâce à celui qu’il en trouve digne. C’est aux saints et non pas aux chiens qu’il donne les choses saintes (Matthieu 7.6) ; mais il imprime sur les cœurs bien disposés le sceau admirable du salut, qui fait trembler les démons et que les Anges reconnaissent, qui met ceux-là en fuite et qui nous met en rapport d’intimité avec ces derniers. Il faut donc que ceux qui se disposent à recevoir ce sceau spirituel, y apportent toute leur attention et tout leur soin. Car de même que la plume et le burin ont besoin d’une main qui les dirige, de même aussi la grâce a besoin de la foi.
L’armure dont vous serez revêtus est incorruptible, mais elle est spirituelle ; vous serez admis dans un paradis spirituel ; vous y recevrez un nom nouveau que vous n’aviez pas. Jusque-là on vous appelait catéchumènes, et désormais on vous appellera fidèles. Vous serez transplantés en oliviers intellectuels, et d’olivier sauvage que vous étiez vous serez greffés en oliviers fertiles (Romains 11.24) ; de l’état de péché vous passerez à celui de justice, de celui de souillure à celui de pureté ; vous ferez partie de cette sainte vigne, et si vous demeurez fixés, vous y croîtrez comme un rameau chargé de fruits. Si au contraire vous vous en séparez, vous serez consumés par le feu. (Jean 15.1, 4, 5.) Portons donc de dignes fruits, pour ne pas encourir le malheur d’être traités comme le figuier stérile de l’Evangile, et que Jésus-Christ ne vienne pas dès à présent maudire notre stérilité. (Matthieu 21.19.) Puissions-nous tous dire chaque jour : Je suis comme l’olivier qui porte du fruit dans la maison de Dieu ; j’ai espéré pour toujours en sa miséricorde. (Psaumes 51.10.) Ne soyons pas un olivier matériel mais intellectuel, répandant la lumière autour de nous.
C’est donc à Dieu qu’il est réservé de planter et d’arroser (1 Corinthiens 3.6) c’est à vous à porter votre fruit[4] ; c’est à Dieu à nous donner la grâce, c’est à nous à la recevoir et à la conserver. Gardons-nous de la mépriser, parce qu’elle nous est donnée gratuitement ; attachons-y au contraire un plus grand prix et conservons-la plus précieusement.
[4] C’est à vous à porter votre fruit.
Cyrille fait peut-être ici allusion à ces paroles de S. Paul : J’ai planté, Apollon a arrosé ; et s’il les change, c’est pour les accommoder à son sujet. Mais pour que de ces mots et des suivants on n’en induise pas que Cyrille a attribué les bonnes œuvres par lesquelles nous manifestons au dehors la grâce dont nous avons été doués, aux seules forces du libre arbitre, nous ferons remarquer qu’il s’agit ici de la grâce du baptême et de la rémission des péchés, laquelle grâce est abandonnée à l’homme pour la cultiver et la conserver, mais à l’homme soutenu d’une grâce d’un autre genre.
C’est ainsi que S. Grégoire de Nazianze (Orat., XL, 34, in fine) : Illud modò cures ut peccatorum quidem tuorum remissio à Deo proficiscatur ; verùm remissionis conservatio ex te quoque sit. En effet le baptême, quoiqu’il exigeât et de nombreuses et de pénibles préparations, était considéré comme une grâce purement gratuite, soit en raison de l’immensité du bienfait, soit en comparaison des longueurs et des rigueurs de la pénitence qu’eût exigé l’énormité du péché. Mais notre auteur ne fait pas dépendre la conservation de la grâce baptismale de notre seul arbitre. Car il n’est presque pas une de ses Catéchèses qu’il ne termine par invoquer de Dieu en faveur de ses auditeurs la persévérance dans la foi et les bonnes œuvres.
Dans la XVIIe Catéch. n. 37, il explique le moyen de conserver la grâce conférée par le Saint-Esprit, lequel moyen consiste à ne pas la repousser, à s’y abandonner avec docilité et à se laisser conduire par elle. C’est pourquoi (ibid, n. 38) il demande à Dieu qu’il fasse descendre sur nous son Esprit-Saint, pour qu’il nous conserve et nous fasse produire des fruits dignes de lui.
Le moment est venu de s’approcher du tribunal de la confession. Confessez tous les péchés[5] que vous avez commis soit par paroles, soit par actions, soit de nuit, soit de jour. Accusez vos péchés dans ce temps de propitiation ; dans ces jours de salut mettez-vous en possession du trésor céleste. Livrez-vous avec courage aux exorcismes, soyez assidus aux instructions et retenez bien tout ce qu’on y dira. Car on vous parlera non-seulement pour que vous entendiez, mais pour que par votre foi vous scelliez ce que vous aurez entendu. Secouez de votre esprit tous les soucis de la vie ; car il s’agit pour vous du salut de votre âme. C’est peu de chose que vous laissez, comparé aux dons de Dieu. Laissez là le présent, confiez-vous à l’avenir. Voilà tant d’années que vous travaillez pour le monde sans succès, et vous ne pourriez vous décider à travailler pendant quarante jours au salut de votre âme ! Tenez-vous en repos, et connaissez que je suis Dieu. (Psaumes 45.11.) Abstenez-vous de paroles inutiles, évitez surtout de dire et d’entendre des frivolités et des médisances, soyez recueillis, toujours prêts à élever votre âme à Dieu et à prier. Montrez-nous dans la vigueur de vos exercices la force et la constance de votre âme. Purifiez votre vase pour lui donner une plus grande capacité de grâces. (Matthieu 23.26.) La rémission des péchés s’accorde à tous également ; mais l’effusion des dons du Saint-Esprit est proportionnée au degré de foi de chacun de nous. (Romains 12.6.) Si vous avez peu travaillé, peu vous recevrez ; si vous vous êtes au contraire donné beaucoup de peines, la récompense sera abondante. C’est pour vous que vous travaillez, voyez ce dont vous avez besoin.
[5] Confessez tous les péchés, etc.
Il est évident qu’il ne s’agit pas ici d’une confession faite en général, mais détaillée et spéciale comme il est dit dans les Actes : Confitentes et annuntiantes actus suos. (XIX, 18.) D’ailleurs, que signifieraient ces paroles Dépouillez-vous, par la confession, du vieil homme ?
Tertullien parle de l’usage où l’on était de se préparer au baptême par la confession secrète de tous les péchés antérieurs. Ingressuros baptismum orare oportet cum confessione omnium retrò delictorum…. Nobis gratulandum est si non publicè confitemur iniquitates aut turpitudines nostras. (Lib. de bapt., cap. xx.) S. Chrysostôme dit qu’avant Pâques les catéchumènes se confessaient pour se préparer au baptême, et les baptisés pour communier à Pâques. S. Grégoire de Nazianze parle aussi de la confession avant le baptême. Ne peccatum tuum confiteri grave ducas, sciens quo pacto Joannes baptizaverit, ut per hujus vitæ pudorem futuri seculi ignominiam fugias. (Orat., XL, 27.)
Siméon le Métaphraste dans la vie de S. Jacques l’Ermite rapporte que ce Saint ayant instruit une femme pour le baptême, elle lui confessa tous les péchés de sa vie avant d’être baptisée.
On regardait donc la confession auriculaire alors imposée aux catéchumènes comme partie de la pénitence, sans être sacramentelle.
Pour faciliter la conversion des infidèles l’Eglise a dispensé les catéchumènes de la confession, et même à présent on ne leur impose plus de pénitence.
Si votre cœur nourrit quelque animosité contre le prochain, hâtez-vous de l’en purifier. Vous venez ici pour recevoir le pardon de vos péchés. Il faut de toute nécessité que vous pardonniez à celui qui vous a offensé. Autrement de quel front oseriez-vous dire à Dieu : Pardonnez-moi mes nombreuses iniquités, tandis que vous ne pardonneriez pas à votre cœsclave de légères offenses. (Matthieu 18.23-35.)
Assistez exactement aux offices divins, non-seulement pour le temps présent que les clercs vous y obligent, mais aussi dans la suite quand vous aurez reçu la grâce du baptême. Car si avant de l’avoir reçu cette assistance est louable et méritoire, perdra-t-elle de son mérite après que vous l’aurez reçue ? D’ailleurs, si avant de vous greffer sur le tronc de l’Eglise il a fallu vous cultiver, vous arroser, cette culture, ces soins ne seront-ils pas encore plus nécessaires après qu’avant ? Dans les combats que vous allez soutenir ces jours-ci pour le salut de votre âme, nourrissez-vous de la lecture des Livres saints ; car le Seigneur vous a préparé un banquet spirituel, et dites avec le Psalmiste : Le Seigneur me nourrit, il ne me manquera rien ; il a dressé ma tente dans de bons pâturages, il m’a nourri sur des rives fertiles ; il m’a ramené (quand j’étais égaré) (Psaumes 22.1-3) pour que le chœur des Anges se réjouisse, et que Jésus-Christ lui-même qui est le souverain Pontife, acceptant les promesses que vous lui ferez, vous présente tous à Dieu son père et lui dise : Me voici, moi et les enfants que Dieu m’a donnés. (Esaïe 8.18 ; Hébreux 2.13.)
Puisse-t-il vous conserver tous, après vous avoir trouvés agréables à ses yeux ! A lui soit la gloire et l’empire dans les siècles des siècles infinis. Ainsi soit-il.