Démonstration évangélique

LIVRE I

CHAPITRE PREMIER
QUEL EST LE BUT ET L’OBJET DE CET OUVRAGE

Il est à propos de dire d’abord en quoi, dans l’état présent des choses, les prophéties ; nous paraissent devoir contribuer utilement à la démonstration de l’Évangile. Elles ont proclamé que le Christ (en lui donnant ce nom), que le Verbe de Dieu, Dieu et Seigneur lui-même, qu’un ange du grand conseil viendrait un jour habiter parmi les hommes, qu’il serait le docteur de toutes les nations répandues sur tout l’univers, tant grecques que barbares, pour les initier à la connaissance du vrai Dieu, et leur enseigner un mode d’adoration digne du créateur de toutes, choses : tel a été reflet de la prédication de l’Évangile. Elles ont annoncé qu’il serait enfant, qu’on l’appellerait Fils de l’Homme. Elles ont dit quelle serait la famille dont il sortirait ; la manière inusitée de sa conception au sein d’une vierge. Elles n’ont pas même omis le lieu de sa naissance, en nommant Bethléem, célèbre jusqu’aux confins de la terre par la foule des fidèles qui pour la plupart viennent le visiter : elles ont indiqué exactement le temps de son apparition ; et cela s’est réalisé. En sorte qu’on peut dire des prophètes que ce sont des historiens divins qui ont devancé l’histoire. Il vous sera facile en parcourant cet écrit de voir par vos propres yeux que les relations des saints évangélistes étaient déjà rapportées dans les livres des prophètes savoir : les miracles opérés par Jésus-Christ, ses enseignements sur le dogme sur la morale et sur l’ensemble qui constitue la piété. Mais quoi ! quand on y voit hautement annoncé qu’un nouveau rite religieux serait proposé à tous les hommes, a-t-on raison de s’étonner de la vocation des disciples de Jésus-Christ et de la prédication d’un nouveau Testament ? Après tout ce que nous venons de citer, nous trouvons encore retracée s juges, les outrages les plus indignes, des flagellations sans motif, des invectives atroces, suivies de la mort la plus infâme ; et de sa part un silence admirable, une douceur, une patience, et une résignation sans bornes. Tous ces faits s’appliquant à un même personnage, signalé ne devant venir que dans les derniers siècles, appelé à subir de la part des hommes les mauvais traitements qu’il a endurés, ont été révélés longtemps à l’avance de la manière la plus claire par les plus anciens oracle des Hébreux. Ils ont en outre rendu témoignage qu’après sa mort il ressusciterait, qu’il se montrerait à ses disciples, qu’il leur communiquerait l’esprit divin, qu’il remonterait au ciel pour partager le trône royal où son père est assis, et qu’à la fin des siècles, il ferait une seconde et glorieuse apparition. A la suite de toutes ces choses, vous entendrez les gémissements et les soupirs de chacun des prophètes qui déplorent de différentes manières tous les maux qui doivent fondre sur la nation des Juifs, à cause des impiétés commises par celui dont la venue leur était prédite, le renversement complet du royaume national qui leur avait été transmis par leurs ancêtres, et qui devait durer jusqu’à cette même époque, se maintenir jusqu’après l’attentat sur la personne du Christ, l’abolition de leurs lois héréditaire, la cessation de leur ancien culte, la perte de l’indépendance qu’ils tenaient de leurs pères ; celle de la liberté, en devenant esclaves de leurs ennemis ; leur métropole royale livrée aux flammes ; leur temple si vénérable et si pur, réduit en cendres ; un sombre désert remplaçant leur antique population ; leur ville occupée par des nations étrangères ; leur dispersion chez tous les peuples de l’univers, sans l’espoir de voir un terme ou une relâche à toutes des infortunes. Ce faisceau de preuves frapperait même les yeux d’un aveugle suivant les proverbes : les événements répandent la lumière sur ces prédictions depuis le premier jour, où, levant une main sacrilège sur le Christ, ce peuple a appelé sur lui le principe de tous les malheurs.

Il ne convenait pas cependant à ces hommes inspirés de ne peindre dans leurs prophéties que des tableaux affligeants et de n’étendre leurs science de l’avenir que sur un horizon de deuil ; il leur ont fait succéder des images plus riantes, lorsqu’ils ont proclamé l’annonce de biens promis en commun à tous les hommes par suite de l’avènement du Christ, comme compensation de la réprobation d’un seul peuple. Ils ont fait retentir les promesses faites à toute nation, à toute la race humaine d’acquérir, en recevant l’Évangile, la connaissance du vrai Dieu, la délivrance de l’empire des démons, la cessation de l’ignorance et de l’erreur, l’éclat de lumière de la vraie piété ; ils ont fait connaître comment les disciples du Christ rempliront l’univers de sa doctrine ; comment l’Évangile, qui contient un mode nouveau et entièrement à part du culte religieux, sera prêché à tous les hommes ; comment les églises chrétiennes seront fondées par eux chez toutes les nations et comment le peuple chrétien, tirant son nom d’un seul maître, occupera l’univers ; comment les attaques des souverains et des rois contre l’Église du Christ ne pourront l’anéantir, parce qu’elle tire sa force de Dieu lui-même. En entendant les théologiens hébreux proclamer à haute voix leurs oracles, en voyant les événements confirmer toutes ces prophéties, qui pourrait ne pas reconnaître avec admiration qu’ils étaient investis d’une mission divine ? Oui pourrait méconnaître le caractère de vérité empreint dans leurs enseignements et dans les dogmes qui réunissent la théologie à la philosophie ? Cette démonstration n’a pas besoin des prestiges de l’éloquence, de la profondeur des pensées, de la subtilité capiteuse des syllogismes ; elle est toute dans un enseignement simple, dépouillé d’artifice, dont la sincérité et la véracité pures s’appuient sur la vertu de ces hommes divins et sur leur science profonde de la divinité. Or, des hommes qui, avant des temps de la plus haute antiquité, ont pu voir et parler de faits qui ne viendraient au jour qu’après bien siècles, n’ont pu tenir cette connaissance de l’esprit humain, mais de celui de Dieu. Et comment ne méritent-ils pas d’être crus dans les dogmes qu’ils ont enseignés à ceux qui les approchaient ?

Si donc je ne m’abuse dans ma manière de voir, je pense que quiconque est convaincu sincèrement que notre Sauveur et Seigneur Jésus est véritablement le Christ de Dieu, doit se persuader d’abord qu’on ne peut pas raisonnablement admettre cette vérité, sans la rattacher aux témoignages inscrits dans les prophéties à son égard ; et il doit s’efforcer de communiquer cette persuasion à tous ceux qui conféreront avec lui. Néanmoins ce n’est pas légèrement et sans le secours des démonstrations qu’une semblable entreprise peut être conduite à son terme. C’est pourquoi abordant ce travail d’après l’engagement formel que j’ai pris, avec l’aide de Dieu, ce compléter entièrement l’œuvre de la démonstration évangélique, je me vois forcé à essayer de constater qu’elle repose sur ces mêmes théologiens de l’hébraïsme : et qu’on ne dise pas, comme quelques personnes pourraient être tentées de le faire, que ce traité a pour objet d’attaquer les Juifs ; il s’en faut de beaucoup : il est bien plutôt écrit en leur faveur, s’ils pouvaient venir à résipiscence. D’une part il établit le christianisme sur le témoignage prophétique des temps antérieurs, de l’autre il plaide la cause des Juifs en montrant l’accomplissement sans réserve de tout ce que leurs prophètes ont annoncé.

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