Quand des pécheurs s'obstinent à suivre la voie du péché et trouvent qu'ils ont des raisons de craindre le juste jugement de Dieu sur leurs transgressions, ils commencent tout d'abord à souhaiter qu'il n'y ait point de Dieu pour les punir ; puis, petit à petit, ils se persuadent qu'il n'y en a point, et alors, se mettent à chercher des arguments pour étayer leur opinion. C'est avec un homme de cette sorte que j'eus le malheur d'être en relation ; et Il s'efforçait continuellement de me persuader qu'il n'y avait ni Dieu ni diable, ni ciel ni enfer.
Ce ne fut pas sans horreur et sans tremblement qu'au début, j'avais entendu ceci ; c'est pourquoi j'avais l'habitude de le quitter quand il commençait à aborder ces sujets ; mais à force d'en entendre parler si souvent, je me sentis contraint d'examiner pour moi-même les raisons qu'avait cet homme de parler ainsi. À partir de ce moment, je sentis mon esprit envahi d'une telle inquiétude, d'un tel doute et d'une telle obscurité que je pouvais difficilement soutenir la discussion, car je sentais que je ne pouvais plus continuer d'admettre ces vérités qui, auparavant m'apparaissaient évidentes en elles-mêmes. Je ne pouvais penser qu'il n'y eut pas de Dieu, mais avec la plus grande horreur cependant, je mettais en question la réalité de son existence. Je ne voulais pas abandonner mon espoir d'un ciel, même si on m'avait fait héritier du monde entier ; cependant je me demandais s'il y avait un tel lieu ou un tel état. Je commençais à douter de ce qu'il y eût un enfer et, cependant, au même moment, je pensais trouver les flammes de son éclat sur mon visage. Ainsi mon esprit était-il ballotté entre ces contractions apparentes et je me sentais troublé.
Dans cet état de perplexité, j'allai à mon faux ami pour voir quel réconfort il me donnerait. Il sourit de mes frayeurs, prétendit s'apitoyer sur ma faiblesse, et me sembla être très attaché à l'indépendance et à la liberté dont il faisait profession de jouir en cette matière. Il me dit qu'il n'était jamais tracassé par d'effrayantes anticipations sur l'au-delà ou sur un compte à rendre après la mort ; que la nature était la grande maîtresse de l'univers, c'est pourquoi il suivait ses préceptes ; que tout le souci qu'il prenait était de vivre ici-bas, et qu'il espérait que, lorsque sa dépouille se serait mélangée à la poussière de la terre, elle donnerait naissance à quelque nouvelle espèce d'êtres.
Les entretiens que j'eus avec cet homme m'incitèrent à douter encore plus profondément ; je devins si inquiet que ma vie fut un fardeau pour moi. Je redoutais de m'abandonner à la croyance de ces abominables idées, et cependant elles continuaient de courir dans mon esprit. Je souhaitais mille fois ne les avoir jamais entendues, et pourtant, elles se présentaient toujours devant moi. « QUOI ! » me disais-je, « si tous mes espoirs en un ciel n'étaient qu'une chimère ! Ai-je servi Dieu pour rien ? Ou plutôt, en ai-je imaginé un quand il n'existe pas ? » Il n'est pas possible de dire quelle agonie je vivais en ouvrant le chemin à de telles pensées qui m'assaillaient avec une force accrue, si bien qu'à la fin, je fus précipité à l'extrême degré du désespoir. « Pourquoi hésiter ainsi. Pensais-je, « entre le désespoir et l'espérance ? N'est-il pas meilleur, » me disais-je « de mettre un terme à ma vie misérable et, par cet acte, connaître tout de suite quelle est la vérité ? »
Là-dessus, je pris la résolution de me détruire, et dans ce but, je me dirigeai un matin, vers un bois tout proche, où je me proposais de mettre à exécution mon projet. Mais il me sembla entendre un chuchotement intérieur, disant ; « 0 homme, ne te plonge pas dans des tourments éternels pour satisfaire le pire ennemi de ton âme. Ce coup fatal que tu es sur le point de porter met le sceau sur ta propre damnation. Car s'il y a un Dieu, — aussi sûrement qu'il y en a un, — comment peux-tu espérer sa miséricorde quand tu veux détruire ainsi volontairement son image en toi ?
D'ou ce chuchotement secret venait-il, je ne le sais pas, mais je crois qu'il était de Dieu, car Il venait avec une telle puissance qu'il me fit fuir l'instrument dont j'avais pensé me servir pour attenter à ma propre vie, et me montra en un instant quel crime je projetais. L'horreur de cette intention diabolique fut telle que mes articulations se mirent à trembler si fort que je pouvais difficilement me tenir debout. Je ne pus moins taire que de reconnaître que cet avertissement salutaire venait d'une Puissance spirituelle invisible venue à mon secours au moment le plus critique, et que je devais lui exprimer ma reconnaissance. Je me mis aussitôt à genoux à l'endroit même et je m'écriai : « O Toi Puissance éternelle qui, quoi qu'invisible aux yeux des hommes, voit toutes leurs actions et qui viens de m'empêcher de détruire Ton image en l'homme je Te rends d'humbles actions de grâces ! OUI, ô Toi Être souverain parmi tous les êtres, je Te remercie parce que je suis encore en vie et suis capable de reconnaître que Tu existes ! O que le Soleil de gloire brille sur moi et chasse de mon âme les ténèbres afin que je ne mette jamais en doute Ton existence, Ton omnipotence dont je reçois à l'instant une telle démonstration ! »
Ensuite, me relevant, j'avançai un peu et m'assis sur un banc, mon esprit, envahi par des pensées d'adoration pour cette Éternelle Bonté qui venait de me sauver du redoutable abîme de la ruine éternelle dans lequel je voulais plonger. Et maintenant, je ne pouvais que m'étonner, à la pensée d'avoir été insensé au point de mettre en doute l'existence de la Divinité dont chaque créature rendait témoignage et que la conscience de l'homme ne manque pas de reconnaître. Tandis que mon esprit était occupé de ces pensées, je fus soudain environné d'une lumière dont l'éclat était si grand que je n'en avais jamais vu de pareil. Ceci me surprit et m'étonna, et tandis que je me demandais d'où elle venait, je vis marchant vers moi une forme glorieuse ressemblant à celle d'un homme. mais auréolée de rayons de lumière d'une gloire indicible éclairant sa marche. Son aspect doux et agréable inspirait néanmoins la crainte, mais me laissait quelque espoir secret qu'il venait à moi non en ennemi, mais en ami. Et cependant, je ne savais comment supporter son aspect éclatant, et en essayant de me tenir debout en sa présence, je sentis que toute ma force avait disparu et je tombai sur ma face. Il me tendit la main et en me remettant sur mes pieds, je sentis que j'avais reçu des forces nouvelles. Je m'adressai à lui et lui dis : « O mon brillant libérateur, toi qui viens de fortifier mon faible corps en lui communiquant une vie nouvelle, comment pourrais-je t'exprimer ma reconnaissance et de quelle manière pourrais-je t'adorer ? » Il répondit à cela avec un air de majesté et d'indulgence : « Offre ton adoration à l'auteur de ton être et non pas à Moi qui suis une créature comme toi. Je suis envoyé par Celui dont tu viens de nier l'existence afin de t'empêcher de tomber dans la ruine éternelle où tu voulais toi-même te précipiter ».
Ceci toucha mon cœur et me donna un tel sentiment de ma propre indignité que mon âme se fondit au-dedans de moi et je ne pus m'empêcher de crier : « O combien je suis indigne de cette grâce et de cette miséricorde ! »
À ceci, le messager céleste répondit : « La majesté divine ne tient pas compte de ton indignité en t'accordant Sa miséricorde. mais de Sa propre bonté et de Son amour sans bornes. Il a vu avec quelle malice le grand ennemi des âmes désirait ta ruine et lui permit d'espérer ta destruction, mais te soutint par Sa puissance cachée, grâce à laquelle, quand Satan se crut arrivé à ses fins, le piège fut brisé et tu t'en es échappé ».
Ces Paroles me firent éclater en louanges.
« Oh ! qui peut dire les profondeurs de cet immense amour
Qui sauve de l'enfer une âme tentée qui coule
Oh ! gloire, gloire au nom de mon Sauveur !
Je le chanterai pendant toute l'éternité.
LUI qui, lorsque j'étais au bord de l'abîme
Me Sauva de celui qui en voulait à mon âme,
Et maintenant je sais, moi, qui ne voulais pas reconnaître Dieu,
Que le Seigneur est Dieu, oui, il est seul Dieu ! »