Le repos éternel des Saints

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Avis au Lecteur – De la nature du repos des Saints

Qui que vous soyez, lecteur, jeune ou vieux, riche ou pauvre, au nom de votre Seigneur qui vous appellera bientôt à rendre compte, et qui prononcera sur votre sort éternel, je vous supplie, je vous adjure de ne pas vous borner à la lecture et à l’approbation pure et simple de cet ouvrage, mais de le méditer sérieusement, de prendre Dieu en Christ pour l’unique source de votre repos et de placer en Lui toutes vos affections. Puisse le Dieu vivant, qui est le repos de ses saints, changer nos cœurs charnels, les détacher de la terre, en sorte que l’aimer et nous réjouir en lui soit l’occupation de toute notre vie ! Puissions-nous, moi qui écris ce livre et vous qui le lisez, ne jamais être détournés de ce chemin de vie, de peur qu’après avoir reçu la promesse d’entrer dans son repos, nous n’en soyons déchus par notre incrédulité et par notre négligence !

Non seulement nous avons perdu par la chute d’Adam nos rapports avec Dieu et notre union intime avec lui, mais nous avons perdu encore toute connaissance spirituelle de notre Créateur et toute disposition sincère à une pareille félicité. Lorsque le Fils de Dieu vient avec sa grâce rédemptrice, lorsqu’il nous découvre et nous offre un bonheur céleste, une gloire éternelle, il ne trouve point de foi en l’homme pour le croire. Nous avons peine à croire à un bonheur comme celui dont l’homme jouissait autrefois : encore moins croyons-nous à une félicité comme celle que Christ nous a procurée.

Que le Seigneur me révèle ce que je dois vous révéler ! que le Seigneur fasse luire sa clarté et me découvre ainsi qu’à vous notre commun héritage ! Non pas comme à Balaam dont les yeux furent ouverts pour voir la richesse des tentes de Jacob et des tabernacles d’Israël où il n’avait point de part, mais comme au marchand à qui la perle fut révélée, et qui n’eut point de repos qu’il n’eût vendu tout ce qu’il possédait et qu’il ne l’eût achetée ; et comme à Etienne qui vit s’ouvrir le ciel où il devait bientôt entrer, et briller la gloire qui devait être son partage.

Voici en quoi consiste le repos céleste : la cessation des moyens de grâce ; l’exemption complète de tous les maux ; l’union la plus intime avec Dieu source du souverain bien ; une action douce et constante de toutes les facultés corporelles et intellectuelles dans cette union avec Dieu.

1°. Une des circonstances de ce repos est la cessation des moyens de grâce. Quand nous sommes au terme de notre voyage, notre route est finie. Pour ce qui est des prophéties, elles seront abolies ; le don des langues cessera ; la connaissance, considérée comme moyen, sera anéantie (1 Corinthiens 13.8). Il n’y aura plus de prières parce qu’il n’y aura plus de besoins, mais une pleine jouissance de tout ce que nous demandions. Nous n’aurons plus besoin de jeûner, de pleurer, de veiller, parce que nous serons à l’abri du péché et des tentations. La prédication cesse, le ministère de l’homme est terminé ; les moissonneurs rentrent parce que la récolte est serrée, l’ivraie brûlée ; l’ouvrage est fini, plus d’espoir pour les pécheurs, plus de crainte pour les saints.

2°. Il y a dans le repos céleste une exemption complète de tous les maux. Dans le ciel, il n’y a rien d’impur, rien qui souille (Apocalypse 21.27). Tout cela reste dehors : on n’y connaît ni le chagrin ni la tristesse. Nous pleurions et nous nous lamentions quand le monde se réjouissait, mais notre tristesse est changée en joie, et personne ne nous ravira notre joie (Jean 16.20-22).

3°. Mais le principal élément du repos céleste sera notre union intime avec Dieu, source du souverain bien. Ici, lecteur, ne soyez point étonné si j’éprouve quelque embarras. Si les hommes et les anges s’efforçaient de peindre d’un seul mot le bonheur d’un pareil état, que pourraient-ils dire de plus que ceci ? C’est l’union la plus intime avec Dieu. Oh ! quelles ineffables jouissances sont offertes à un croyant par ces paroles de Jésus-Christ : « Mon père, je désire que là où je suis ceux que tu m’as donnés y soient aussi avec moi, afin qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée (Jean 17.24). » Heureux ceux qui sont continuellement en présence de Dieu, qui contemplent sa gloire, et la gloire de l’Agneau. « Ce sont ceux qui sont sortis de la grande tribulation, qui ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau : c’est pourquoi ils se tiennent devant le trône de Dieu et le servent jour et nuit dans son temple. Celui qui est assis sur le trône demeurera parmi eux ; ils n’auront plus ni faim ni soif ; le soleil et la chaleur ne les incommoderont plus, car l’Agneau qui est au milieu du trône les conduira aux sources d’eaux vives, et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux. » Qu’il y aurait de présomption à concevoir et à exprimer de pareilles idées, si Dieu lui-même ne nous les avait fait connaître ! Jamais je n’aurais osé me figurer l’exaltation des saints telle que l’Écriture nous la représente, si ce n’eût été une vérité expressément enseignée de Dieu. Combien il eût été mal séant de nous représenter comme étant les enfants de Dieu, nous entretenant avec lui, ayant communion avec lui, demeurant en lui et lui en nous, si ce langage n’était celui de Dieu lui-même ! encore moins aurions-nous jamais eu l’audacieuse pensée de briller comme le soleil, d’être cohéritiers de Christ, d’être un avec lui et avec le père, si nous ne le tenions de la bouche de Dieu lui-mêmea. Mais, il l’a dit, et ne le fera-t-il point ? il a parlé, et ne tiendra-t-il pas sa parole ? Aie bon courage, chrétien : le temps approche où tu seras aussi près de Dieu que tu peux le désirer. Tu demeureras dans sa famille : bien plus, tu seras héritier de son royaume ; tu seras un avec Celui qui est un avec le Père, comme il l’a lui-même demande pour toi. « Afin qu’ils ne soient qu’un, comme toi, ô mon Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’eux aussi soient un en nous ; je leur ai fait part de la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un ; je suis en eux et tu es en moi afin qu’ils soient parfaits dans l’unité ; afin que tout le monde sache que tu m’as envoyé et que tu les aimes comme tu m’as aimé (Jean 17.21). »

a1 Jean 3.1-3 ; Matthieu 13.43 ; Romains 8.17 ; Jean 17.21 ; Nombres 23.9.

4°. Un autre élément de ce repos est une action douce et continuelle de toutes nos facultés corporelles et spirituelles dans celle union avec Dieu. Ce n’est pas le repos de la pierre qui perd son mouvement lorsqu’elle est arrivée à son centre d’attraction. Notre corps sera tellement changé qu’il ne sera plus composé de cette chair et de ce sang qui ne peuvent point posséder le royaume de Dieu, mais il sera corps spirituel, Christ transformera notre corps vil, afin qu’il soit rendu conforme à son corps glorieux (Philippiens 3.21). Nous semons « non point le corps qui sera, mais Dieu donne à cette semence un corps comme il l’entend, à chaque semence le corps qui lui est propre (1 Corinthiens 15.38). » Et sans aucun doute, comme Dieu développe nos sens et agrandit notre capacité, il accroîtra aussi le bonheur de ces sens, et remplira de lui-même toute cette capacité. O bienheureux emploi d’un corps glorifié ! se tenir continuellement devant le trône de Dieu et de l’Agneau, et répéter sans cesse : « L’Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, les richesses, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction ; car tu nous as rachetés à Dieu par ton sang, de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation, et tu nous as faits rois et sacrificateurs à notre Dieu. Alléluia ! salut, gloire, honneur et puissance à notre Dieu. Alleluia ! car le Seigneur Dieu tout-puissant règne. »

La mémoire ne restera point oisive ou inutile dans cette œuvre bienheureuse. De cette hauteur, le saint glorifié peut porter ses regards en avant et en arrière : et cette comparaison entre le passé et le présent doit nécessairement lui faire sentir tout le prix et tout le bonheur de sa position. Placé sur le sommet de cette montagne d’où sa vue embrasse à la fois le désert et le pays de Canaan ; du haut du ciel portant ses regards sur la terre, comparant ces deux séjours, et les pesant dans la balance du jugement, avec quel transport et quelle joie ne doit-il pas s’écrier : « Est-ce là cette acquisition qui n’a pu être payée que par le sang de Christ ? Je n’en suis point surpris. Oh ! prix divin ! oh ! divin amour qui a formé ce plan et daigné l’exécuter ! — Est-ce là le but de la foi ? est-ce là le but des opérations de l’Esprit divin ? est-ce là cette gloire dont l’Écriture nous parlait, et que prêchaient les ministres du Seigneur ? L’Évangile est véritablement une bonne nouvelle, une nouvelle de paix et de joie pour tous. — Est ce là le terme de mon deuil, de mes jeûnes, de mes humiliations, de mes épreuves ? Est-ce là le terme de mes prières, de mes veilles, de ma crainte du péché ? Est-ce là le terme de toutes mes afflictions, des tentations de Satan, des mépris et des moqueries du monde ? — N’as-tu pas honte, mon âme, d’avoir jamais douté de cet amour qui t’a conduite ici ? d’avoir douté de la fidélité de ton Seigneur ? d’avoir suspecté son amour ? d’avoir jamais étouffé un mouvement de l’Esprit ? d’avoir jamais méconnu ces dispensations, et d’avoir murmuré de ces voies qui se terminent ainsi ? Maintenant tu es convaincu que ton Rédempteur te sauvait aussi bien lorsqu’il contrariait tes désirs que lorsqu’il les satisfaisait ; aussi bien quand il brisait ton cœur que quand il guérissait les plaies dont il l’avait frappé. Ce n’est point à tes indignes mérites que tu dois cette couronne ; mais gloire soit à jamais à Jehovah et à l’Agneau ! »

Mais quelle ineffable jouissance que celle de l’amour ! Maintenant la pauvre âme fait entendre cette plainte : « Oh ! que ne puis-je aimer Christ encore plus que je ne l’aime ! » Mais dans le ciel tu ne pourras t’empêcher de l’aimer. Maintenant tu connais peu ses perfections adorables : dans le ciel leur contemplation parlera à ton cœur, et la vue continuelle de cette beauté parfaite excitera en toi d’éternels transports d’amour. Dès à présent, chrétien, les preuves de son amour ne font-elles point naître le tien ? La bonté divine ne réchauffe-t-elle pas ton cœur ? Que sera-ce quand tu vivras dans l’amour et que tu posséderas tout dans Celui qui est tout ? Quelle faveur inappréciable ! Dieu nous permettra de l’aimer ; bien plus, il nous rendra amour pour amour. — Chrétien, tu seras alors rempli d’amour, et cependant avec quelque ardeur que tu aimes Dieu, son amour surpassera encore le tien. Les bras du Fils de Dieu qui ont été ouverts sur la croix ne te seraient-ils pas, comme son cœur, encore ouverts dans la gloire éternelle ? Lui dont l’amour a devancé le tien ne continuera-t-il pas à t’aimer encore ? il t’aimait quand tu étais son ennemi, quand tu étais pécheur ; et ne t’aimera-t-il pas d’un amour infini à présent que tu es son fils et parfait dans la sainteté ? Il versa des larmes d’amour sur Jérusalem près de sa ruine ; quel transport de joie excitera en lui la gloire de la nouvelle Jérusalem ! — Chrétien, songe à cette vérité : tu seras éternellement embrassé dans les bras de cet amour qui n’eut point de commencement et qui n’aura point de fin ; de cet amour qui conduisit le Fils de Dieu du ciel sur la terre, de la terre sur la croix, de la croix au tombeau, du tombeau dans la gloire ; de cet amour qui souffrit la fatigue, la faim, les tentations, les mépris, les coups, les soufflets, les crachats, la croix, les blessures ; de cet amour qui jeûna, qui pria, qui enseigna, qui guérit, qui pleura, qui saigna et qui mourut. Cet amour t’embrassera éternellement.

Et souviens-toi, chrétien, pour ta consolation, que tant que tu es attaché à Dieu par la foi, ni le péché, ni la terre, ni l’enfer ne peuvent t’émouvoir. Christ s’attachera à toi plus étroitement qu’un frère, et il est au-dessus de tous tes ennemis, lui en qui il n’y a ni variation, ni ombre de changement. « Ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur. »

Mais qui peut peindre la joie qui découle de cette jouissance ? C’est cette joie qui est le but et le terme final de toutes celles qui l’ont précédée : savoir, l’inconcevable félicité des élus, à voir, à connaître, à aimer Dieu et à en être aimé. La joie des saints est le terme où tendent et où aboutissent toutes les voies miséricordieuses de Christ. Il pleura, il gémit, il souffrit pour qu’ils pussent se réjouir. Il leur envoie l’Esprit pour être leur consolateur ; il multiplie les promesses, il leur découvre la félicité future, afin que leur joie soit parfaite. Voilà le soin que le Seigneur prend de notre bonheur ici-bas. Oh ! quelle félicité ! quand notre âme étant bien préparée à goûter cette joie que Christ a préparée pour elle, notre unique occupation, notre unique affaire sera de nous réjouir sans cesse.

Et cette joie ne sera pas à toi seul : elle sera réciproque comme l’amour. Le ciel se réjouit de ta conversion ; et ne se réjouirait-il pas lorsque tu seras glorifié ? Les anges ne viendront-ils pas te saluer et te féliciter à ton arrivée ? Oui : c’est là la joie de Christ ; car notre félicité est le terme et le but final de ses travaux, de ses souffrances, de sa mort : Quand il sera glorifié dans ses saints, et admiré de tous ceux qui croient, quand il verra avec satisfaction le fruit du travail de son âme.

Dans cette précieuse espérance, sois attentif à tes voies, veille sans cesse, et sache t’en remettre à Dieu du soin de te dispenser dans cette vie tes moments et ta mesure de joie.

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