Dieu a sujet de s’affliger, car un des mondes qu’il a créés s’est détourné de Lui, comme un enfant prodigue. Ne l’avouons qu’à voix basse: ce monde prodigue, c’est le nôtre. Plus bas encore, confessons que nous avons nous-mêmes consenti à cette trahison.
Mais, de Sa voix la plus douce, par Son amour tendre et fort, Dieu a reconquis quelques-uns d’entre nous et désormais—que nos voix éclatent d’allégresse!—nous, les rachetés, nous pouvons être pour d’autres le chemin qui mène à Dieu. Tel est Son plus grand désir, et telle devrait être aussi notre unique ambition. Pour nous aider à atteindre ce but, Il nous a doués d’une force particulière.
Il n’y a dans la vie humaine qu’une seule source de pouvoir, une seule, dis-je: le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit est Puissance; il habite le cœur de toute créature qui se confie en Dieu; il franchit avec bonheur toute porte ouverte; il pénètre en nous dès que nous y consentons, et sa présence est chose vitale.
Toutefois, chez beaucoup d’entre nous, le Saint-Esprit n’habite pas en maître; il est un invité et non pas le maître de la maison; c’est-à-dire qu’il est entravé dans son action naturelle, enchaîné, au point qu’il ne peut faire ce qu’il veut. Nous ne sommes pas conscients de sa présence; si nous le sommes ce n’est que partiellement.
Reconnaître sa maîtrise, cultiver son amitié et lui donner toute liberté, voilà ce qui nous permettra d’acquérir de la puissance. Il n’y a donc qu’une seule source de pouvoir: le Saint-Esprit, habitant en nous et y dominant.
La puissance divine se manifeste de cinq manières différentes; il y a cinq voies par lesquelles cet Esprit nous arrive et nous révèle son pouvoir.
Tout d’abord, par notre vie, par ce que nous sommes. Oui, simplement, par ce que nous sommes. Si nous agissons droitement, le pouvoir de Dieu, sans que nous en soyons, conscients, débordera de tout notre être. Une vie droite jette un éclat tout particulier sur l’homme qui la vit. Il existe évidemment, dans le cœur de tout chrétien, un désir ardent de servir Dieu; soyons néanmoins certains que nous pouvons plus par ce que nous sommes que par ce que nous faisons. Nous servons Dieu bien mieux par notre vie de tous les jours que nous ne le ferions par telle ou telle grande action. Et ce simple fait, si nous ne l’oublions pas, devrait rendre la paix à nos âmes, à l’heure de la fatigue et du découragement qui l’accompagne.
Deuxièmement, pas nos lèvres, par ce que nous disons. Nous pouvons bégayer, nous pouvons hésiter, mais si nous parlons de notre mieux, avec le désir de plaire au Maître, notre effort sera béni d’En-Haut.
Il m’est arrivé d’entendre parler un homme qui hésitait, rougissait, et faisait fi des règles de grammaire, mais en l’écoutant mon cœur brûlait. J’en ai entendu un autre prononcer un discours admirablement ordonné, mais ses paroles se sont effacées de mon esprit aussi vite et aussi facilement qu’elles étaient sorties de sa bouche. Faisons notre possible et soyons sans souci pour le reste, car si nous vivons avec Dieu, Son feu brûlera, oui, il brûlera, que notre langue soit hésitante ou qu’elle soit sûre d’elle-même.
L’Esprit se révèle d’une troisième manière: par notre service, par ce que nous faisons. Nous pouvons agir maladroitement et gauchement; notre mieux peut ne pas être le mieux, mais si nous avons fait tout notre possible, notre effort portera des fruits.
Une quatrième manière, c’est par notre argent, par ce que nous ne gardons pas mais donnons pour Dieu. De tout ce que nous possédons, c’est l’argent qui a le pouvoir le plus absolu.
L’Esprit, enfin, se révèle par notre prière, par ce que nous demandons au nom de Jésus. Et, chose étrange, la plus grande force est celle qui résulte de la prière.
La vie d’un homme a une influence considérable. Mais quels que soient sa force, sa douceur, sa pureté, son désintéressement, son action est limitée aux endroits où se passe sa vie.
La puissance de la parole dépend entièrement de la vie de celui qui parle. Tel discours embarrassé n’en est pas moins éloquent et émouvant s’il est appuyé par une vie chrétienne, tandis que tel autre, aux périodes aisées et polies, reste sans effet parce que l’appui de cette vie lui fait défaut.
L’influence que nous exerçons par nos actes peut, elle aussi, être grande et se répartir en divers lieux; toutefois, elle sera toujours inférieure à celle qui découle d’une vraie vie chrétienne.
La puissance de l’argent dépend entièrement de l’intention. L’argent que le donateur regrette, l’argent qu’il a mal acquis, est un trésor sans valeur. Ce qui pouvait être tout-puissant est frappé d’impuissance.
Mais le pouvoir qui se dégage de la prière est au moins aussi extraordinaire—pour ne pas dire davantage maintenant—que celui qui résulte d’une vie pure et véridique; et, sachez-le bien, ce pouvoir peut atteindre, non plus un seul endroit, mais un point quelconque de l’univers, à votre choix.
La plus grande chose que l’on puisse faire pour Dieu et pour les hommes, c’est de prier; ce n’est pas la seule, mais c’est la principale. La comparaison des différents moyens d’action dont nous disposons nous amène à donner à la prière la première place, car pour qu’un homme puisse prier vraiment, il faut tout d’abord que ses intentions et sa vie tout entière soient droites. Un homme intègre qui donne à la prière la place qu’elle doit avoir dans toute existence, verra ses actes, ses dons, ses paroles embellis et comme parfumés par la présence de Dieu.
Les grands hommes dans le monde d’aujourd’hui sont ceux qui prient. Je ne veux pas dire ceux qui parlent de la prière; ni ceux qui font profession de croire à son efficacité; ni même ceux qui expliquent ce qu’est la prière; non, j’entends ceux qui prennent le temps de prier. Le temps leur manque, peut-être. N’importe, ils le prennent à quelque antre occupation: importante, très importante, urgente même, elle est cependant moins importante, moins urgente que la prière. Il y a de nos jours de ces hommes qui savent faire passer la prière d’abord, et qui, dans le plan de leur existence, groupent toutes leurs autres préoccupations autour de la prière et après elle.
Bien des gens font ainsi leur maximum pour Dieu; ils le font en gagnant des âmes à l’Evangile; en résolvant des problèmes; en réveillant les fidèles d’une Eglise endormie; en fournissant hommes et argent à des stations missionnaires; en maintenant jeunes et fortes des vies de sacrifice vécues bien loin, en terre étrangère, là où la mêlée est la plus forte; en conservant enfin à notre vieille terre quelques jours de paix de plus.
C’est un service qu’ils rendent en secret; à part quelques conjectures, nous ne savons qui ils sont. Qui sait, c’est peut-être cette femme à l’aspect simple qui se glisse hors de l’église; sa robe a été retournée deux ou trois fois; son chapeau remanié plusieurs fois aussi; ses mains n’ont pas dû connaître beaucoup la douceur des gants; et c’est à peine si nous lui accordons une pensée furtive. Nous ne savons pas, nous ne devinons pas que peut-être c’est elle qui fait pour son Eglise, pour le monde et pour Dieu, bien plus qu’une centaine de fidèles qui attirent davantage notre attention. Elle obtient ces beaux résultats parce qu’elle prie, parce qu’elle prie vraiment selon que l’Esprit de Dieu l’inspire et la guide.
J’ajouterai encore ceci: en exauçant la prière de la plus humble de ses créatures, Dieu fera ce qu’autrement Il ne ferait pas. Oui, et j’irai même plus loin, je sens que je le dois, car la Bible elle-même va plus loin: Dieu, en réponse à la prière du plus humble de ses fidèles, fera ce qu’autrement Il ne pourrait faire.
On me dira: décidément, ici, vous allez trop loin.
Ecoutez alors les paroles que Jésus prononça dans le long et suprême entretien qu’il eut avec les onze disciples. C’était dans la chambre haute, avant qu’ils se rendissent à la montagne des Oliviers. Jean nous a conservé une grande partie de cette conversation: «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure; afin que»—et voici justement un des motifs pour lesquels nous avons été choisis—«afin que ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, Il vous le donne». {Jn 15.16} Dieu n’agit donc pas seul, Il fait appel à notre collaboration. Notre prière Lui rend possible ce qu’il ne pourrait faire sans notre concours.
Du reste, si vous y réfléchissez quelque peu, vous verrez que cette idée s’adapte à la vraie conception de la prière. Toute prière a et doit avoir deux facteurs: tout d’abord, un Dieu pour donner. Vous m’accordez ce point. Mais un second facteur est aussi indispensable: un homme pour recevoir. Le consentement des hommes est le canal par lequel Dieu parvient à la terre: jamais Il ne presse, jamais il ne force; tout ce qu’il fait est pour et par l’homme; Il le fait toujours moyennant son consentement.
Respectueusement, mais nettement, je dirai même que Dieu ne peut rien faire pour un homme qui ferme sa main et son cœur. La main, le cœur et la vie doivent être ouverts pour que Dieu puisse donner. Une vie ouverte, une main ouverte et tendue vers le ciel, voilà ce qui unit le cœur de Dieu à notre pauvre vieux monde égaré. Notre prière, c’est l’occasion que nous donnons au Créateur de pénétrer dans ce monde qui voudrait l’en exclure.
La prière ouvre la terre entière à l’activité de l’homme. Par elle, je puis tout aussi bien amener des cœurs à Dieu dans l’Inde et la Chine lointaines que si j’étais là-bas. Les moyens sont, il est vrai, différents, mais le résultat est tout aussi sûr. J’estime que le plus grand privilège accordé à un homme est de servir Dieu dans ces pays éloignés. Là-bas, en effet, les besoins sont plus grands, les ténèbres plus épaisses et les appels plus émouvants. Si donc un homme peut aller là-bas—heureux homme! s’il a le privilège de se rendre à ce champ d’honneur, il pourra y mettre directement en valeur les cinq pouvoirs que lui confère l’Esprit.
Il n’habite qu’un seul endroit; mais son influence rayonnera en proportion directe de son amour pour son Maître et de sa sympathie pour les déshérités. Qu’il vive en Afrique ou ailleurs, peu importe, car son cœur, en contact avec Jésus, brûlera pour un monde. La prière, voilà ce qui nous met en rapport direct avec le monde entier.
Dans la solitude, dans le secret d’une chambre close, un chrétien pourra vivre une demi-heure en Inde, aussi réellement—mes paroles sont mûrement réfléchies et, tout exagérées qu’elles paraissent, elles n’en sont pas moins vraies—aussi réellement, dis-je, que s’il y était en chair et en os. Si cela est vrai, combien de demi-heures, vous et moi, nous devrions passer, dans la prière, à servir Dieu secrètement! Il suffit de tourner la clef de notre porte, de nous isoler pendant quelques instants, et, grâce au pouvoir de la prière, notre influence pourra être aussi complète en Chine que si nous étions là-bas en personne. Sans doute, notre présence n’est pas visible; mais au point de vue de l’action exercée, au point de vue de l’objet de notre prière, elle est absolument réelle. Par la prière, nous pouvons éclairer d’une lumière nouvelle la page de la Bible que lit quelque indigène d’Afrique; nous pouvons enflammer d’un nouveau zèle le prédicateur ou le professeur; nous pouvons rendre plus accessible aux hommes l’histoire de Jésus-Christ; nous pouvons amener à Christ ceux que l’esprit du mal et une hérédité mauvaise ballottent en tous sens; oui, certainement, nous pouvons leur faire accepter l’Evangile, et, si besoin est, les séparer d’êtres aimés, les lancer dans une nouvelle voie.
J’entends ici l’objection que pourrait formuler un chrétien convaincu: «Si j’étais là-bas, je pourrais influencer mes frères perdus par un contact personnel, par mes paroles pleines de vie».—Certainement, vous pourriez le faire, et plaise à Dieu qu’un plus grand nombre se sentent appelés à payer de leur personne. Mais voici ce que ceux qui peuvent agir là-bas et ceux qui doivent rester chez eux doivent savoir: Peu importe où vous êtes, vous ferez plus par votre prière que par votre personnalité. Si vous étiez aux Indes, vous pourriez, à vos prières, ajouter le poids de votre personnalité et ce serait une belle action à faire; mais que vous soyez là-bas ou ici, vous devez tout d’abord remporter la victoire dans la solitude, gagner chaque pas, chaque mètre, chaque vie, dans le secret de la prière et ajouter alors la puissante influence de votre personnalité. Une fois que vous aurez prié, vous pourrez faire plus que de prier; mais tant que vous n’avez pas prié, vous ne pouvez rien faire de mieux que de faire monter au ciel vos supplications.
C’est là précisément que nous tous, à certaines heures, nous avons fait fausse route, et là aussi que beaucoup, maintenant encore, font fausse route. Nous croyons que là où nous sommes, nous obtiendrons davantage par notre activité et qu’alors la prière nous donnera le pouvoir d’agir. Non! mille fois non! Nous ne ferons rien de vraiment utile et durable si auparavant nous n’avons pas prié.
Lorsqu’un homme est près de moi, je peux lui parler, je peux faire agir ma personnalité sur lui, pour le gagner à ma cause; mais avant de pouvoir influencer sa volonté en faveur de Dieu, si peu que ce soit, il me faut tout d’abord avoir remporté la victoire dans la solitude. L’intercession consiste à remporter cette victoire sur le chef des ténèbres, et l’action, qui la suit, consiste à s’emparer du territoire dont ce prince a été expulsé. Cette action est limitée dans l’espace, comme la personnalité même qui agit; elle ne s’exerce qu’en un seul endroit; tandis que la prière, sorte de télégraphie spirituelle, met tout homme en relation directe avec le monde entier.
Certains de nos amis croient faire preuve de sens pratique en disant: «La grande chose, c’est le travail; la prière est bonne, excellente, mais l’important est d’agir».
C’est le contraire qui est vrai. Quand on sait ce qu’est la prière et qu’on lui donne la place qui doit lui revenir, on est enflammé, au plus profond de son être, par de nouvelles et puissantes raisons d’agir; on comprend que l’activité qui plonge ses racines dans la prière est la plus capable de toucher le cœur humain; on découvre avec ravissement que l’on peut exercer une action mondiale; on voit enfin son champ d’action devenir aussi large que la pensée du Maître.
Il est bon de se souvenir que la prière est un service, le plus grand service qu’un homme puisse rendre au plan de Dieu. Il est différent de tous les autres, mais il leur est supérieur, car il est moins limité. Partout ailleurs, nous trouvons de nombreux obstacles: l’espace, la force corporelle, des entraves matérielles, des difficultés provenant des différences entre les individus, etc. La prière ne connaît pas de telles limites; elle ignore l’espace; elle peut être indépendante de toute diminution de force corporelle. Vraie télégraphie de l’esprit, elle pénètre directement le cœur des hommes, traverse sans bruit les murs, force sans peine les serrures et arrive en contact direct avec le plus profond de l’âme, avec le centre de la volonté qu’elle veut transformer.
Toute action, au sens où l’on prend ce mot d’ordinaire, est limitée à l’endroit où se trouve la personne qui l’accomplit, à la distance que sa voix peut atteindre, au temps dont elle dispose avant de devoir quitter sa tâche pour manger, se reposer ou dormir. Cette personne est limitée par des murs, des serrures, des préjugés, et par ces petites différences de caractère qu’il faut avoir étudiées avant de mettre le siège devant un cœur humain.
Que d’efforts et quelle variété d’efforts sont nécessaires pour gagner des âmes à Dieu: exposer la vérité à un groupe de personnes; l’exposer à une seule à la fois; pratiquer les actes généreux de la solidarité dans leur infinie variété; enseigner; ajoutons aussi le tout-puissant ministère de l’argent, l’exemple constant d’une vie pure et désintéressée, la correspondance, les livres et les traités. Tous ces efforts rentrent dans le plan de Dieu, pour racheter les âmes; mais le fait extraordinaire à remarquer est celui-ci: la victoire, dans chacun de ces cas, est remportée d’avance et dans le secret par la prière.
Pénétrer dans le camp ennemi et proclamer la victoire déjà remportée, voilà le but et l’utilité incontestables de tous les autres efforts. Le jour où chaque chose recevra sa vraie place, où la prière viendra d’abord, les autres formes de notre activité ensuite—je dis ensuite, car pour rien au monde il ne faudrait les omettre; bien au contraire, chaque service doit être accompli avec tout le sérieux, toute la réflexion, toute la force et tout l’amour possibles; mais il ne doit l’être que lorsque la victoire a été remportée dans le secret, contre le véritable ennemi; il ne doit l’être qu’en s’appuyant sur la certitude de cette victoire—ce jour-là, dis-je, notre activité extérieure obtiendra de bien plus grands résultats dans le monde visible.
Armés de la prière, nous marcherons de l’avant, pleins de cette confiance qui, dès le début de l’engagement, balaie le champ de bataille; et, fermement, nous nous attaquerons aux points de résistance, jusqu’à ce que l’ennemi s’enfuie honteusement. La prière portera un coup fatal à l’ennemi qui se dissimule, et nos efforts, dans la suite, se borneront à tirer parti de ce coup mortel parmi les hommes que nous voyons et touchons. Une grande patience, beaucoup de tact, beaucoup d’opiniâtreté sont exigés dans ce service actif, car notre effort porte sur des volontés très différentes les unes des autres. Un chef avisé, qui veut vaincre, débutera donc par le combat ardent et acharné de la prière.
L’électricité est une manifestation étrange. Alors qu’elle est classée dans les sciences physiques, on croit avoir trouvé sa vraie place dans le chapitre sur les forces naturelles. Toutefois, elle semble posséder plusieurs propriétés inhérentes au monde spirituel. Ceux qui l’ont étudiée le plus à fond avouent leur ignorance. On a trouvé quelques-unes de ses lois, utilisé son merveilleux pouvoir, mais sans savoir ce qu’elle est vraiment. Elle semble presque appartenir à quelque domaine compris entre le monde physique et le monde spirituel, et elle nous fournit quelques comparaisons d’un grand secours pour comprendre plus nettement la vie de l’esprit.
Dans l’usine où l’électricité est produite et asservie par l’effort de l’homme, on trouve un tableau de déclenchement ou une chambre de commande munie de différents tableaux. Un homme entre dans cette chambre; il tourne un des commutateurs, ou plutôt il déplace un des leviers sur une très courte distance. Acte très simple, facilement accompli, ne nécessitant presqu’aucun déploiement de force; mais il a suffi de cette simple intervention pour faire passer dans les fils la force emprisonnée dans l’usine et pour éclairer, peut-être, toute une partie de la ville.
Quelques instants plus tard, l’ouvrier rentre dans cette chambre et tourne un autre commutateur; et ce simple fait communique l’énergie à des centaines de voitures qui, rapides, emportent d’innombrables voyageurs. Le voilà de nouveau qui pénètre dans la même pièce, actionnant cette fois de plus petits leviers; et, à l’instant, il met en mouvement les roues de telle ou telle usine au personnel nombreux.
Le service de cet employé échappe à l’œil de l’observateur; il a quelque chose de mystérieux; il consiste en un acte de la plus grande simplicité, mais il met en action des forces incommensurables. Personne jusqu’ici, semble-t-il, n’a pu déterminer l’agent mystérieux et terrible qui est en jeu. Qu’est-ce donc? Est-ce un fluide? Ce fluide passe-t-il à l’intérieur ou à l’extérieur du fil? Les spécialistes disent n’en rien savoir. Par contre, les lois auxquelles cet agent mystérieux obéit sont connues, et dès que les hommes y satisfont, sa puissance extraordinaire se manifeste.
Dans le domaine spirituel, il existe aussi une chambre de commande. Celui qui le désire peut avoir dans sa vie un tableau de déclenchement. Dès lors, il peut aller de l’avant, et, conformément aux lois de la puissance divine, faire rayonner, partout où il le veut, le pouvoir irrésistible de Dieu; jusqu’au Japon; en Chine; parmi les peuplades des plaines et des montagnes de l’Inde; dans l’Afrique, qui est aussi près de Jésus que notre propre pays; dans la maison, qui avoisine la vôtre; dans tel quartier mal famé; dans le cœur du prédicateur qui vous parlera dimanche prochain, et dans les cœurs de ceux qui se rencontreront dans la salle d’évangélisation ou à l’école missionnaire.
Les enfants ne sont pas autorisés à toucher le commutateur, non plus qu’aucune main inhabile; car une fausse manœuvre peut être la cause de dommages considérables et de morts irrémédiables. Le commutateur spirituel, lui non plus, ne se prête pas à des mains inexpérimentées. Il se refuse au rude toucher des intrigants et des égoïstes, qui voudraient faire servir le courant à leur profit personnel.
Il y a une science de la prière; mais les plans merveilleux de notre Dieu sont tels que cette science peut être acquise par qui la désire; une seule condition est exigée: il faut la désirer, et, dès lors, elle vient tout simplement.
N’est-il pas étrange que, comme pour l’électricité, aucune explication ne soit satisfaisante?
Comment se fait-il que, par suite du simple maniement de quelques leviers, des roues placées à des kilomètres de l’usine se mettent à tourner, actionnées par une force énorme? Qui l’expliquera? Et pourtant, nous savons le fait exact, et nous voyons, chaque jour, les hommes baser leurs actions sur cette connaissance.
Comment se peut-il aussi qu’une femme de Iowa prie pour la conversion de son mari incrédule, et qu’au milieu du congrès le plus important qui ait eu lieu à Washington depuis la guerre civile, cet homme, complètement ignorant des pensées de sa femme, devienne subitement et à plusieurs reprises conscient de la présence et du pouvoir du Dieu dont il nie l’existence? Comment se fait-il que, des mois après, cet esprit critique et pondéré constate sur le calendrier que le jour où sa femme commença de prier, il commença, malgré lui, d’avoir cette impression si forte de la présence de Dieu?
Qui l’expliquera?... Qui dont pourrait le faire exactement? Et pourtant, les faits sont là, facilement contrôlables et mis en évidence par le changement complet qui survint dans la vie et la profession de cet homme.
Comment se peut-il qu’une femme du Missouri, priant pour un ami de Glasgow aux tendances intellectuelles et sceptiques, habile à peser la valeur des arguments et à y parer, comment se fait-il que cette femme trouve, dans la suite, que l’époque où elle pria coïncide avec le changement de convictions de cet homme? Changement d’abord accepté à contre-cœur, mais bientôt changement radical.
Ces deux cas sont connus de beaucoup, et pourtant personne ne les a encore expliqués.
Enfin, pour se rendre maître du mystérieux pouvoir de l’électricité, il faut obéir à ses lois; de même aussi pour disposer du pouvoir de la prière et en obtenir de merveilleux résultats, il suffit de connaître ses lois et de s’y conformer.
Les paroles qui précèdent suggèrent l’idée que la vraie vie chrétienne a deux côtés: le côté intérieur et le côté extérieur. A la plupart d’entre nous, le côté extérieur semble le plus grand: vivre, servir, donner, agir, entretenir des relations avec les hommes, lutter simplement pour l’existence quotidienne, tout cela absorbe la plus grande partie de notre pensée et de notre temps. Ces différentes occupations semblent être le but primordial de l’existence, même chez ceux qui croient sincèrement à la vie intérieure.
Mais quand les yeux s’ouvrent, les yeux intérieurs qui voient l’invisible, le changement de perspective est tout d’abord amusant, puis effrayant, puis émouvant.
Amusant, à cause du changement de proportions; effrayant, à cause du but poursuivi; émouvant, parce qu’il s’agit d’hommes forts qui sont spirituellement aveugles, et qui, à cause de cela, continuent de gaspiller une force splendide à des futilités.
Le côté extérieur a d’étroites limites; il comprend mille préoccupations: la nourriture et le vêtement, le logement, le temps et l’heure qui passent, l’éducation et l’instruction, les joies de la vie de société et l’adoucissement de la souffrance. Toutes ces préoccupations sont légitimes; elles font partie du tableau de la vie humaine; elles en sont l’arrière-plan matériel.
Le côté intérieur les comprend toutes, mais ses limites s’étendent infiniment plus loin. Elles comprennent le monde entier et l’atmosphère qui l’environne. Le côté intérieur touche à l’esprit; il pénètre les mobiles de nos actions, il pénètre l’amour, il pénètre le cœur; il entre en contact avec les myriades de forces et d’êtres spirituels qui, sans cesse, parcourent la terre, souillant les âmes et les vies des hommes. Il s’élève jusque vers Dieu, coopérant au sublime plan d’amour que le Créateur a forgé pour le monde.
Suivons pendant une journée tel homme qui a adopté la vraie vision des choses.
Voici tout d’abord le côté extérieur: un humble foyer où l’on soigne un bébé, où l’on raccommode, où l’on coud, où l’on fait la cuisine; tel homme passera sa vie à peser des marchandises ou marteler le clavier d’une machine à écrire, à contrôler le grand-livre d’une maison de commerce, à huiler les rouages rapides, à brocher sans trêve des feuillets imprimés, à manier le levier d’une locomotive, à pousser la charrue, à veiller sur les fonds publics, à tailler les haies, à écrire d’ennuyeux rapports..., bref, à accomplir toute une série d’actes divers qui doivent être faits sans cesse, jour après jour; actes souvent banals, mais qu’on ne peut éviter, et qui remplissent l’existence de la grande majorité des hommes.
Celui que nous suivons, à son insu, poursuit tranquillement et gaîment son œuvre, et cela durant tout le jour. Sa face est éclairée, ses yeux illuminés, son pas léger; sa présence et l’esprit qui l’anime transforment les lieux où il vit. Il travaille pour Dieu; disons mieux, il travaille avec Dieu. Il a à ses côtés un Ami invisible dont la présence change tout. La corvée monotone cesse d’être monotone; elle cesse même d’être une corvée, par la simple raison qu’elle est faite pour un Maître si extraordinaire.
Tel est le côté extérieur, le côté étroit de cette vie; étroit, non pas en lui-même, mais comparé avec l’œuvre totale.
Et maintenant, silence et attention, car voici le côté intérieur où s’accomplit le plus grand travail de la vie; voici l’instant passé seul avec Dieu, avec la Bible. Tantôt c’est à l’heure matinale qu’éclaire la lampe, car le soleil n’a pas encore doré les monts; tantôt c’est vers le soir, quand le soleil hâte sa course vers l’occident et que l’homme fatigué soupire après le repos. C’est le moment où il voit Dieu face à face; c’est le moment d’une lecture profonde et pieuse; le moment des supplications ardentes et variées, sur un seul thème: «Ta volonté soit faite, au nom de Jésus le Vainqueur». Dieu lui-même est présent dans cette chambre; Il est présent avec Ses anges dans cette retraite qui s’ouvre. spirituellement parlant, sur un espace aussi grand que la terre. L’horizon de cette prière solitaire est aussi étendu que celui du globe, grâce à la présence de Dieu dans cet homme.
Aujourd’hui, cet homme passe une demi-heure en Chine, priant pour les missionnaires de ce pays, ses chrétiens indigènes, ses millions d’habitants; priant pour l’action des traités d’évangélisation; priant pour que le contact personnel du missionnaire et des païens soit béni; priant pour l’influence de la Bible, de l’école, du dispensaire et de l’hôpital. Et, traversant cette prière comme un filigrane d’or, se font entendre ces mots: «Victoire, au nom de Jésus! Victoire, au nom du Christ! aujourd’hui! aujourd’hui! Que Ta volonté soit faite! Que la volonté du Diable soit détruite! Victoire, au nom de Jésus!»
Demain, il consacrera le même temps au Japon peut-être ou à tel autre pays. Ainsi cet homme aux horizons extérieurs si limités, mais dont la vision intérieure ne connaît pas de limites, parcourt le Japon, l’Inde, Ceylan, la Perse, l’Arabie, la Turquie, l’Afrique, les territoires catholiques de l’Europe, les Etats de l’Amérique du Sud; son propre pays avec ses villes, ses frontières, ses bouges; il visite, par la prière, sa propre ville, son Eglise, son voisin; dedans comme dehors, dehors comme dedans, la marée montante de la prière s’avance, calme, sûre, irrésistible!
Voilà la vraie vie chrétienne! Cet homme, au près ou au loin, gagne des âmes, en réveille d’autres, et cela aussi bien que s’il se transportait dans chacun de ces endroits.
Tel est le plan de Dieu. Le vrai disciple de Jésus possède un horizon aussi étendu que celui de son Maître. La pensée de Jésus dominait terres et mers; il en est de même de la prière de son disciple. L’homme dont nous venons de parler ne sait pas les résultats de son intercession... et pourtant il les connaît par la vision que lui donne la foi.
La salle où nous sommes réunis et où nous nous entretenons peut être fermée et si parfaitement obscurcie qu’aucune lumière n’y pénètre. Supposons qu’alors une fente se produise: aussitôt, un mince rayon de lumière s’infiltrera dans la prière. Ce rayon, brillant dans les ténèbres, nous parle à lui seul d’un astre de lumière qui répand ses clartés sur l’univers entier.
L’homme qui prie de même, aura de temps en temps, souvent peut-être, la certitude des transformations accomplies par suite de sa prière. Il y verra le rayon de glorieuse lumière qui nous parle d’un foyer de clarté plus parfait.
L’esprit débordant de joie et d’une divine crainte, d’avoir pu et de pouvoir contribuer à l’œuvre de Dieu, le cœur plein de paix et de compassion, la vie embellie par la présence invisible du Père, il continuera résolument sa route, le regard fixé vers l’aube du grand jour.