3 Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis, de toute bénédiction spirituelle, dans les lieux célestes, en Christ ; 4 selon qu’il nous avait élus en lui, avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et irrépréhensibles devant lui, dans l’amour ; 5 nous ayant prédestinés à l’adoption, par Jésus-Christ, pour soi-même, selon le bon plaisir de sa volonté ; 6 à la louange de la gloire de sa grâce, par laquelle il nous a reçus en grâce dans le bien-aimé ; 7 en qui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des offenses, selon les richesses de sa grâce ; 8 laquelle il a fait abonder en nous, en toute sagesse et intelligence ; 9 nous ayant donné à connaître le mystère de sa volonté (selon son bon plaisir, qu’il s’était proposé en soi-même, 10 pour la dispensation de la plénitude des temps), savoir de réunir toutes choses en Christ, et celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre ; 11 en lui, en qui aussi nous avons été faits héritiers, ayant été prédestinés, selon le dessein arrêté de Celui qui opère toutes choses selon le conseil de sa volonté, 12 pour que nous fussions à la louange de sa gloire, ceux qui ont auparavant espéré en Christ ; 13 en qui vous êtes aussi, ayant entendu la parole de la vérité, l’évangile de votre salut ; en qui aussi, ayant cru, vous avez été scellés par le Saint-Esprit de la promesse, 14 qui est l’arrhe de notre héritage, pour la rédemption de l’acquisition, à la louange de sa gloire.
Béni soit Dieu. C’est en louant Dieu que saint Paul commence toutes ses épîtres, à l’exception de Galates, 1 Timothée et Tite, où un objet spécial, préoccupant la pensée de l’Apôtre, a pris la place qu’il réserve habituellement à l’action de grâces. Quoi que nous entreprenions, commençons-le aussi par l’action de grâces ; N’attendons pas qu’elle soit provoquée par quelque bienfait particulier : le don permanent de la vie éternelle ne nous suffit-il pas ? « Grâces à Dieu pour son don ineffable ! » (2 Corinthiens 9.15.) « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a bénis ; » saint Jean dit dans le même esprit : « Nous l’aimons, parce qu’il nous a aimés le premier. »
Le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ. On peut traduire aussi : « Dieu, qui est le Père, etc. » ainsi que l’ont fait nos versions. Mais la traduction que nous avons suivie, avec la version de Lausanne 1839, nous paraît préférable tant ici que dans Romains 15.6 ; 2 Corinthiens 11.31 ; 1 Pierre 1.3, etc. Dieu n’est pas seulement le Père de Jésus-Christ, il est en même temps son Dieu, qui l’a envoyé, qui l’a conduit, qui l’a exaucé, qui l’a ressuscité, qui l’a fait asseoir à sa droite. « Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20.17). Ce rapport du Père au Fils est important à considérer pour nous. Car, Jésus-Christ étant le représentant et la tête de l’Église, c’est parce que Dieu est le Dieu de Jésus-Christ qu’il est aussi notre Dieu, comme c’est parce qu’il est le Père de Jésus-Christ qu’il est aussi notre Père. Que si l’on demande comment Dieu peut être le Dieu de Jésus-Christ, qui est Dieu lui-même, nous pourrions répondre que Jésus-Christ est considéré alors dans sa nature humaine ; mais nous aimons mieux répondre que c’est là « le mystère de piété ; » mystère rappelé, mais non expliqué, dans Psaumes 45.8 (cité par saint Paul, Hébreux 1.9) : « O Dieu, ton Dieu t’a oint d’une huile de joie au-dessus de tes semblables ; » ce qui n’est pas plus étonnant que 2 Timothée 1.18 : « Le Seigneur lui fasse trouver miséricorde auprès du Seigneur, » ou Daniel 9.17-19 et Psaumes 110.1.
Dans les lieux célestes en Christ. Dieu nous a bénis en Christ, élus en Christ, sauvés en Christ ; ce n’est pas seulement par Christ, c’est en Christ, en la personne duquel Dieu nous contemple, comme des membres de son corps, faisant partie de son être, et revêtus de sa justice. Aussi saint Paul souhaite « d’être trouvé en Christ » (Philippiens 2.9). Ceci nous explique comment nous pouvons être bénis « dans les lieux célestes, » bien que nous ne soyons pas au ciel. Christ y est, et cela suffit. Que dis-je ? Nous y sommes, dans sa personne : « Il nous a fait revivre avec le Christ, et il nous a ressuscités et fait asseoir dans les lieux célestes en Jésus-Christ » (Voyez 2.5-6 rapproché de 1.20). C’est également parce que nous avons été « élus en Christ » que nous avons pu l’être « avant la fondation du monde, » bien qu’alors nous ne vécussions pas. Christ vivait, et cela suffit. Aussi bien ni cette difficulté de lieu, ni cette difficulté de temps, n’égale la difficulté de principe, la difficulté essentielle de notre salut, celle qui tient à ce que les hommes à qui Dieu veut donner la vie éternelle sont des pécheurs qui en sont indignes par leurs œuvres. Comment pouvons-nous être justes devant Dieu, n’ayant pas fait les œuvres ? même réponse : c’est que nous sommes justes en Christ. Nous n’avons pas fait les œuvres ; mais Christ les a faites, et cela suffit. C’est la doctrine de notre apôtre, Romains 10.5-8 : notre salut, impraticable selon la loi, parce que nous en serions alors chargés nous-mêmes, est praticable selon la foi, parce que c’est Christ alors qui l’accomplit. Tout cela est réuni dans 2 Timothée 1.93.
3 – Nous recommandons aux lecteurs de chercher les endroits des Écritures indiqués dans notre commentaire ; de notre côté, nous nous souviendrons que ce qui importe, c’est de choisir les citations, et non de les multiplier.
Pour être (ou à être) saints et irrépréhensibles devant lui, dans l’amour. Ces mots peuvent se rapporter à notre sanctification, ou à notre justification. Dans le premier cas, l’amour dont il est ici question, c’est l’amour dans l’homme, et la pensée de l’Apôtre serait celle-ci : Pour que nous marchions devant Dieu dans cette vie sainte dont l’amour est le principe ; dans le second, c’est l’amour en Dieu, et la pensée est alors : Pour que nous soyons réputés saints, aux yeux de Dieu, par un effet de son amour. La première de ces interprétations, ne serait pas, selon Harless, dans l’esprit du Nouveau Testament : « On n’y trouve pas un seul endroit, dit-il, où une sainteté sans tache devant Dieu soit représentée comme le but de l’élection. » Quoi qu’il en soit, nous nous décidons pour la seconde, soit parce qu’elle s’accorde mieux avec la pensée générale de notre texte, où l’Apôtre s’est proposé de relever la grâce de Dieu, et non la sainteté personnelle du croyant ; soit parce qu’elle convient seule au passage correspondant de l’épître aux Colossiens, 1.22. Les mots dans l’amour sont employés d’une manière semblable dans Éphésiens 3.18, expliqué par le verset suivant.
Par Jésus-Christ, pour soi-même, ou en vue de soi-même. Dans toute l’œuvre du salut, Dieu est le but, et Jésus-Christ le chemin. Nous allons au Père par, le Fils (Jean 14.6 ; 1 Corinthiens 8.6 : traduisez duquel sont toutes choses, et nous pour lui).
Selon le bon plaisir de sa volonté. Le mot que nous rendons par « bon plaisir, » peut indiquer soit la souveraine liberté, soit la bienveillance, soit enfin l’une et l’autre à la fois, ces deux choses étant étroitement unies en Dieu, qui « est amour. » C’est de cette dernière manière que nous l’entendons, tant ici que dans Philippiens 2.13.
Il nous a reçus en grâce dans le bien-aimé. Autre est l’amour que Dieu a pour son Fils, autre celui qu’il a pour nous. Lui, seul aimable en soi, est essentiellement le bien-aimé ; nous, haïssables en nous-mêmes, nous sommes reçus en grâce à cause du bien-aimé, et dans le bien-aimé ; et si nous sommes appelés bien-aimés à notre tour (Éphésiens 5.1, etc.) c’est parce que Dieu nous voit en son Fils. Le mot que nous traduisons « reçus en grâce, » est le même dont l’ange se sert en saluant Marie (Luc 1.28).
En toute sagesse et intelligence. Il s’agit ici, non de la sagesse et de l’intelligence que Dieu fait paraître, mais de la sagesse et de l’intelligence qu’il communique à ses enfants. On peut s’en assurer par Colossiens 1.9, outre que le mot rendu par intelligence aurait quelque chose d’étrange, appliqué à Dieu. La sagesse diffère de l’intelligence, en ce que la première est plus étendue, la seconde plus restreinte ; la première est plus spécialement une qualité du cœur, la seconde une faculté de l’esprit. La première se montre surtout dans la conduite, la seconde dans les discours. Rapprochez Luc 2.40 de 47, où il faut traduire : « de son intelligence et de ses réponses, » c’est-à-dire de l’intelligence qui paraissait dans ses réponses.
Selon son bon plaisir qu’il s'était proposé en soi-même pour la dispensation de la plénitude des temps ; c’est-à-dire, selon la résolution que Dieu avait formée, par devers soi, en vue de la dispensation évangélique, qui devait avoir lieu quand les temps seraient accomplis. La même pensée est exprimée, et en partie dans les mêmes termes, Galates 4.2-5, avec cette légère différence que le temps, dans l’épître aux Galates, marque le cours des temps, qui s’achève par le nombre, des années, tandis que les temps dans notre épître (plus exactement les occasions, car le mot grec n’est pas le même dans les deux cas) marquent les époques successives par lesquelles se développe le plan divin, et qui lui servent de points d’arrêt ou de degrés. Ces époques avaient été indiquées par les prophètes de l’Ancien Testament ; et il fallait que la partie de la prophétie qui appartenait à l’ancienne économie eût été accomplie, avant que le Fils de Dieu pût venir au monde et fonder la dispensation évangélique. – Mais quel était l’objet de cette dispensation nouvelle, et « ce mystère de la volonté » de Dieu, c’est-à-dire cette volonté qu’il avait tenue cachée jusqu’au temps marqué ? Le voici expliqué dans la suite de notre verset :
Réunir toutes choses en Christ, et celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre. Le terme de l’original que nous rendons par réunir, signifie littéralement récapituler, ou rassembler sous une même tête. Dieu veut rassembler sous Christ, comme sous une tête commune, non seulement toutes les choses qui sont sur la terre, mais encore toutes celles qui sont dans le ciel. Ce n’est pas assez que le Fils de Dieu glorifié reçoive « pour son héritage les nations, et pour sa possession les bouts de la terre » (Psaumes 2.8) ; il faut qu’il domine sur l’univers tout entier. « Toute puissance lui est donnée dans le ciel, et sur la terre » (Matthieu 28.18), et « toutes choses doivent lui être assujetties, » jusqu’à ce que vienne la fin des temps où « le Fils lui-même doit être assujetti à celui qui lui a assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Corinthiens 15.28). Aussi Jésus-Christ, qui ne reçoit ordinairement le nom de tête que par rapport « à l’Église qui est son corps » (Éphésiens 1.22), est-il appelé une fois aussi « la tête de toute principauté et puissance, » et cela dans cette épître aux Colossiens qui a tant de points communs avec la nôtre. (Colossiens 2.10 ; voyez encore 1.16-18.)
Mais il y a une autre pensée dans notre texte, et une pensée bien intéressante, mais que l’Écriture ne fait qu’indiquer ; imitons sa réserve. C’est comme Rédempteur que Jésus-Christ apparaît ici ; c’est aussi comme Rédempteur qu’il doit voir toutes les choses de l’univers rassemblées sous sa puissance. Les effets de la rédemption ne sont donc pas bornés à notre petit globe ; elle doit exercer sur tout l’univers une influence immense et mystérieuse, que nous découvrons, sans pouvoir la définir exactement, dans un petit nombre de passages de l’Écriture. J’en citerai trois, presque sans réflexions. Le premier est celui qui répond à notre texte dans l’épître aux Colossiens : « En lui toute la plénitude a bien voulu habiter, et par lui réconcilier toutes choses à soi, ayant fait la paix par le sang de sa croix, tant les choses qui sont sur la terre, que celles qui sont au ciel » (Colossiens 1.19-20) ; où nous voyons l’œuvre de réconciliation opérée par Jésus-Christ entre Dieu et nous, étendre ses bienfaits à tout le monde, et rétablir entre les diverses parties de la création, jusqu’alors dispersées, une harmonie nouvelle dont le centre et l’âme sont en Jésus-Christ. Nous tirons notre seconde citation de Romains 8.19-21 : « Car le vif désir de la création attend la révélation du Fils de Dieu. Car la création fut soumise à la vanité, non volontairement, mais à cause de celui qui l’y soumit, avec l’espérance que la création elle-même sera aussi libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté des enfants de Dieu. Car nous savons que toute la création à la fois soupire, et qu’elle est en travail jusqu’à maintenant. » Là toute la création nous est représentée comme intéressée à la rédemption, et en devant à la fin recueillir le fruit. Enfin, dans le songe de Jacob, rapporté dans Genèse 28.12, et expliqué par Jésus-Christ, Jean 1.51, le Seigneur est figuré sous l’emblème d’une échelle qui touche à la terre par le pied et au ciel par le sommet, et qui forme de l’une à l’autre un chemin nouveau par lequel montent et descendent les anges de Dieu. La communication entre le ciel et la terre ; rompue par le péché, est rétablie en Jésus-Christ, et les saints anges s’approchent maintenant avec amour des enfants de Dieu, et « servent en leur faveur » (Hébreux 1.14), tandis que nous ne leur eussions offert qu’un spectacle repoussant, si Jésus-Christ n’eût « ôté le péché du monde. » N’allons pas plus loin ; craignons d’être plus clairs que l’Écriture. Mais que cette échappée qu’elle nous laisse entrevoir de ce grand mystère, nous fasse mieux comprendre la place qui appartient à l’incarnation du Fils de Dieu, et à son œuvre expiatoire, non seulement dans les destinées de l’humanité, mais dans tout l’ordre de cet univers. Tout y a participé aux suites de notre chute ; tout aussi doit participer à celles de notre rétablissement, auquel se rattache « un rétablissement de toutes choses » (Actes 3.21) en Jésus-Christ. Parce qu’il « s’est abaissé lui-même et s’est rendu obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ; afin qu’au nom de Jésus tout genou se ploie, tant de ceux qui sont aux cieux, que de ceux qui sont sur la terre et au-dessous de la terre ; et que toute langue confesse que Jésus-Christ est le Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2.8-11).
En lui, en qui aussi nous avons été faits héritiers, ayant été prédestinés, selon le dessein arrêté de celui qui opère toutes choses selon le conseil de sa volonté. Jusqu’ici l’Apôtre a parlé au nom de tous les chrétiens, qu’ils eussent été juifs ou gentils avant leur conversion. Mais le voici qui nous fait démêler dans ce peuple élu, deux peuples d’abord distincts, et qui, bien qu’unis maintenant de foi en celui qui est « leur paix » (Éphésiens 2.14), diffèrent cependant d’origine et de position : les chrétiens qui avaient commencé par être juifs, et ceux qui avaient commencé par être gentils. Tandis que le nous de saint Paul, jusqu’au verset 11, est un nous général, qui les renferme les uns et les autres, il réserve, à partir de ce verset, le nous pour les anciens Juifs, auxquels il appartient lui-même, et le vous pour les anciens Gentils, auxquels il écrit. Il s’occupe des premiers dans les versets 11 et 12 ; des seconds, dans les versets 13 et 14. Seulement, dans le verset 14, il revient au nous général, en parlant de l’héritage à venir, commun aux uns et aux autres. Cette distinction est importante à considérer : car c’est une des clefs de notre épître, adressée à des Gentils convertis, par un de ces Juifs convertis qui leur ont porté l’Évangile. Nous verrons ce sujet repris et développé plus tard, surtout dans les chapitres 2 et 3 ; ici, il n’est qu’indiqué.
En lui, c’est-à-dire en Christ. Cette répétition a pour but de faire mieux comprendre que c’est à Jésus-Christ que se rapportent ces mots : en qui nous avons été faits héritiers, et peut-être aussi de séparer davantage d’avec ce qui précède les versets 11 et suivants, où une pensée nouvelle doit être introduite.
Nous avons été faits héritiers, nous Juifs, qui avons cru en Jésus-Christ, et qui avons été ainsi appelés à l’héritage. Autrefois, les Israélites avaient reçu en héritage le pays de Canaan ; mais ce n’était là qu’un type visible de cet héritage céleste qui leur devait échoir en Jésus-Christ, et que notre apôtre appelle, dans le passage correspondant de son épître aux Colossiens, « l’héritage des saints dans la lumière, » auquel le Père nous fait participer en « nous délivrant de la puissance des ténèbres, et nous transportant au royaume de son Fils bien-aimé » (Colossiens 1.12-13).
Ayant été prédestinés, etc. Il s’agit ici de la prédestination spéciale des Juifs. Celui qui a prédestiné tous les croyants, en général, à la vie éternelle, a également prédestiné les Juifs convertis à leur position spéciale, ainsi que les Gentils convertis à la leur. Dans le détail comme dans l’ensemble, pour le genre humain, pour les peuples, pour les familles, pour les individus, tout s’accomplit « selon le conseil de la volonté » souveraine de Dieu ; de lui seul procède toute grâce, à lui seul toute gloire doit retourner.
Afin que nous fussions, à la louange de sa gloire, ceux qui ont espéré auparavant en Christ. Nous suivons ici une interprétation qui s’écarte un peu de nos versions reçues, mais qui est préférée par les meilleurs commentateurs. Les mots : à la louange de sa gloire, forment une proposition incidente et détachée, ainsi que dans le verset 14, et que dans le verset 6, ce qui donne à tout ce morceau quelque chose de plus symétrique et de plus complet. La vocation générale des croyants, la vocation spéciale des Juifs, et la vocation spéciale des Gentils ont toutes trois la même fin : la louange de la gloire de Dieu.
Espéré auparavant en Christ, ou espéré d’avance en Christ. La version ordinaire : « espéré les premiers en Christ, » ne rend pas exactement la pensée de l’Apôtre. Ce n’est pas seulement une différence de temps qui sépare le Juif du Gentil ; c’est une différence de position. Le Juif n’a pas seulement l’avantage d’avoir entendu l’Évangile, de la bouche du Seigneur ou de ses apôtres, quelques années avant le Gentil ; avantage qu’un Gentil a pu avoir également sur un autre Gentil, par exemple l’habitant d’Antioche (Actes 11.20) sur l’habitant d’Athènes ou de Corinthe (Actes 17.15 ; 18.1). Le privilège du Juif est tout autrement considérable. Bien des siècles avant que le Christ vînt au monde et qu’il fût prêché aux Gentils, le Juif, averti par la prophétie, a espéré en lui ; l’Apôtre choisit cette expression, parce qu’elle est propre aux choses futures, tandis qu’en parlant des Gentils, il dit qu’ils ont cru. Le même apôtre écrit ailleurs à ces Gentils qui ont cru : « Vous qui étiez autrefois Gentils – étiez en ce temps-là hors de Christ (ou sans Christ) séparés de la république d’Israël et étrangers aux alliances de la promesse, n’ayant point d’espérance et sans Dieu dans le monde » (Éphésiens 2.11-12). Mais le Juif croyant s’exprime ainsi : « Nous avons trouvé celui duquel ont écrit Moïse dans la loi, et les prophètes » (Jean 1.45). C’est de cette espérance qui caractérise le Juif que parle saint Paul, devant le Juif Agrippa (Actes 26.6-7) ; et c’est par cette attitude différente du Juif et du Gentil à l’égard de l’Évangile que s’explique Matthieu 10.6 ; 15.24 ; Actes 13.46, etc. Que ceci nous instruise à estimer le Juif. Comprenons ce qu’il est devant Dieu et ce qu’il a fait pour nous. Les prophètes ont été juifs ; les apôtres ont été juifs ; Jésus-Christ a été juif. Manquerions-nous d’ardeur pour rendre aux Juifs cet Évangile auquel ils ont eu part avant nous, et que nous avons reçu d’eux ? (Jean 4.22.) Méditez le chapitre 11 de l’épître aux Romains, et plus spécialement les versets 28 à 32.
En qui vous êtes aussi. Vous, Gentils, qui avez été admis à votre tour à l’héritage de la vie éternelle. Nul ne le savait mieux que saint Paul, qui avait été envoyé de Dieu auprès des Gentils, tout exprès « pour ouvrir leurs yeux, pour les convertir des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu ; afin qu’ils reçussent la rémission des péchés, et une part (littéralement l’héritage ; c’est le même mot qui est employé dans Éphésiens 1.11 et Colossiens 1.12) entre ceux qui sont sanctifiés par la foi en Dieu » (Actes 26.18).
Dans ces deux versets, l’Apôtre marque les quatre degrés du développement spirituel des Gentils convertis auxquels il s’adresse. Ce développement n’est pas particulier aux Gentils ; sauf le point de départ, il leur est commun avec les Juifs. Mais l’Apôtre entre dans un plus grand détail en parlant des Gentils, tant ici que dans le reste de l’épître, parce que c’est essentiellement à eux et pour eux qu’il écrit ; ce qui concerne les Juifs n’est que rappelé en passant pour mieux expliquer la position des Gentils.
Ayant entendu. Premier degré. Il fallait commencer par entendre. Car « comment croiraient-ils, sans entendre ? et comment entendront-ils, sans quelqu’un qui prêche ? La foi vient de l’ouïe, et l’ouïe par la Parole de Dieu » (Romains 10.14, 17). Ce qu’ils ont entendu, c’est « la parole de la vérité, l’évangile de leur salut, » de ce salut qui est mis désormais à la portée du Gentil, après avoir été longtemps le privilège exclusif du Juif (Colossiens 1.5, 6 ; Actes 11.18), la vérité, le salut, les deux trésors dont l’humanité a été toujours en recherche, et qu’elle n’a jamais trouvés qu’en Jésus-Christ, malgré ses prodigieux efforts.
Ayant cru. Second degré. Comment croire sans entendre ? disions-nous. Mais aussi, à quoi bon entendre si l’on ne croit ? « A tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le droit d’être faits enfants de Dieu, savoir à ceux qui croient en son nom » (Jean 1.12). – Les mots en qui se rapportent à Jésus-Christ, à qui nous devons encore, outre toutes les grâces déjà mentionnées, le don du Saint-Esprit. C’est comme s’il y avait : En qui aussi vous avez été scellés, ayant cru, par le Saint-Esprit de la promesse.
Vous avez été scellés par le Saint-Esprit de la promesse, c’est-à-dire, qui avait été promis (Galates 3.14) par les prophètes juifs (Actes 2.16). Troisième degré. Qui croit en Jésus reçoit le Saint-Esprit (Galates 4.6) : « Parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs le Saint-Esprit, criant Abba, Père ! » Scellés. Comme un homme marque un papier de son sceau pour que nul ne puisse douter qu’il lui appartienne, ainsi « Dieu a marqué Jésus de son sceau » (Jean 6.27), afin que chacun le reconnaisse pour son Fils ; et il marque également de son sceau ceux qui croient en Jésus, afin que chacun les reconnaisse pour ses enfants. Il a scellé Jésus, en lui donnant « l’Esprit sans mesure » (Jean 3.34) ; il scelle les croyants, en leur donnant « de son Esprit » (1 Jean 4.13). Mais en même temps que la présence du Saint-Esprit en nous est, pour le passé, un témoignage de notre adoption en Jésus-Christ, elle est aussi, pour l’avenir, un gage de notre héritage futur, et un commencement de jouissance, tel que le comporte notre condition actuelle, et qui nous répond que le reste viendra en son temps. C’est pour cela que l’Apôtre appelle encore le Saint-Esprit les arrhes de notre héritage, comme il l’en appelle ailleurs « les prémices » (Romains 8.23). « Celui qui nous affermit avec vous en Christ et qui nous a oints4, c’est Dieu, qui aussi nous a scellés et nous a donné les arrhes de l’Esprit dans nos cœurs » (2 Corinthiens 1.21-22).
4 – Entre ce mot et le nom de Christ, qui signifie oint, il y a un rapport, qui est perdu dans la traduction.
Pour la rédemption de l’acquisition. Quatrième degré, qui est encore à venir, tandis que les trois premiers sont passés. L’acquisition, c’est le peuple de Dieu, qu’il s’est acquis pour lui appartenir en propre, d’abord sous l’Ancien Testament (Exode 19.5 ; Deutéronome 7.6, etc.), et puis, plus spécialement sous le Nouveau, l’ayant racheté par le sang de son Fils ; « le peuple acquis, » comme l’appelle saint Pierre, (1 Pierre 2.9) ou « le peuple particulier, » comme l’appelle ailleurs notre apôtre (Tite 2.14). Par la rédemption de ce peuple, il faut entendre ici le développement futur et complet de la vie que Dieu nous a donnée en Jésus-Christ, et que nous ne possédons ici-bas que partiellement, et plus en espérance qu’en jouissance. Il faut rapprocher de notre texte Romains 8.23-25, où saint Paul appelle cette délivrance finale « la rédemption de notre corps, » parce qu’elle sera le renouvellement de tout notre être, même physique. Un corps nouveau (1 Corinthiens 15.42-43), avec « de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habite » (2 Pierre 3.13) : que l’Apôtre est bien en droit d’ajouter, pour la troisième fois en douze versets : « à la louange de sa gloire ! »
Jetons un coup d’œil en arrière sur la doctrine de ces douze versets. Mais nous disons mal : c’est moins de la doctrine que de l’amour. L’Apôtre ne s’est pas proposé de développer la doctrine du salut ; mais ce salut arrache de sa bouche l’expression, dirai-je ? ou l’exclamation d’un amour qui brise toutes les formes du langage humain. Tout ceci n’est autre chose qu’une doxologie prolongée, formant une seule période, où les pensées se pressent de telle sorte qu’il ne reste pas d’intervalle pour ces points d’arrêt que les hommes ont coutume de mettre dans leur langage, ne fut-ce que pour respirer. Que c’est bien joindre l’exemple à l’enseignement ! Car, tandis qu’il nous avertit par trois fois que tout a été fait « à la louange de la gloire de la grâce de Dieu, » que fait-il autre chose que de célébrer cette gloire, de l’abondance d’un cœur qui déborde de gratitude ? Suivons son exemple, en lisant ce qu’il a écrit : pas de discussions dogmatiques, mais de l’amour. J’en appelle à tout cœur chrétien. Ne faut-il pas tout attribuer à la grâce, à une grâce toute gratuite, sous peine ou de déchirer cette page de l’Évangile, ou de la charger de notes et d’explications jusqu’à la rendre illisible ? Cherchez ici l’œuvre de l’homme, que dis-je ? cherchez-y l’homme lui-même. A peine l’y découvrez-vous, relégué dans un coin du tableau, caché sous un pronom écarté ; vous pourriez presque croire que ce n’est pas de lui qu’il s’agit. La grande affaire de notre salut se traite entre le Père et le Fils, en dehors de nous, au-dessus de nous, avant nous ; dans un lieu où nous ne sommes pas encore, et dans un temps où nous n’étions point. Le langage de l’Apôtre s’étend à perte de vue dans tous les sens ; il monte jusqu’au plus haut des cieux, il recule jusqu’avant la fondation du monde, et ne peut jamais trouver de mesure assez hors de mesure pour cette grâce qui nous a sauvés. Qui a pu apprendre à un homme à parler de la sorte ? L’homme, ne pouvant partir que du point où il est, prend inévitablement l’homme pour centre. Mais sortir ainsi hors de l’homme, et voir les choses en Dieu, cela ne peut être donné que par l’Esprit de Dieu. Il n’appartient qu’à la Bible de planer de la sorte sur le monde moral, comme elle fait ailleurs sur le monde physique, et c’en serait assez pour démontrer son inspiration. Je ne connais rien à comparer avec notre texte, si ce n’est ce commencement de la Genèse, où Moïse se place au-dessus de l’homme et avant l’homme, pour contempler la création de l’homme, en Dieu qui la résout avec soi-même, à peu près comme saint Paul contemple ici la nouvelle création des croyants dans le Père donnant les siens au Fils (Jean 17.2, 6). Pourquoi nous a-t-il bénis en Christ ? parce qu’il nous a élus en lui. Pourquoi nous a-t-il élus ? parce qu’il nous a prédestinés à l’adoption par Christ ; et pourquoi nous a-t-il prédestinés ? Par le bon plaisir de sa volonté, voilà le principe ; et pour la louange de la gloire de sa grâce, voilà la fin. Entre cette grâce et cette gloire, que l’homme est petit ! mais en même temps qu’il est grand ! Qu’il est petit, puisqu’il disparaît tout entier dans la grâce de Jésus-Christ et dans la gloire de Dieu ! Mais qu’il est grand, puisqu’il a paru digne de servir la gloire de Dieu et de payer le sang de Jésus-Christ ! Il est dans un sens le centre de ce tableau, où il n’apparaît, dans un autre sens, que comme une sorte de hors-d’œuvre ; ainsi que dans le récit de la création, il tient à la fois la dernière place, puisqu’il est nommé tout à la fin, et la première, puisque c’est pour lui que tout cela est écrit.
Et pourtant, ne l’oublions pas, et saint Paul prend soin de nous le rappeler même en cet endroit, cette grâce toute gratuite n’est que pour ceux qui s’ouvrent pour la recevoir (verset 13). Tout vient de Dieu, et l’homme n’en a pas moins quelque chose à faire. C’est au nom de ceux qui croient que l’apôtre rend grâces. C’est ceux qui croient qui sont prédestinés, qui sont élus, qui sont bénis, qui sont reçus en grâce, qui sont faits héritiers, qui sont scellés du Saint-Esprit, qui sont réservés pour la rédemption finale. Lecteur, avez-vous cru ? En êtes-vous bien sûr ?