La prière, dans son acception la plus simple, prend une part active dans un conflit. Comprise comme elle devait l’être, elle en est même le facteur décisif. Le théâtre de cette lutte, c’est la terre; le but, de décider qui régnera sur elle et ses habitants; le conflit dure depuis les temps obscurs qui suivirent la création.
Le prince légitime de la terre, c’est Jésus, le fils du Roi; mais il existe un prétendant qui fut un temps prince légitime, avant d’être coupable de trahison. Comme fit autrefois Saul, lorsqu’il eut été rejeté et que David fut oint à sa place, il essaie par tous les moyens de conserver son royaume et d’en déposséder le maître légitime.
Ce dernier, par des moyens complètement différents, et spécialement par la persuasion, cherche à ramener le monde à la fidélité envers son Suzerain. Il a dû soutenir une lutte terrible contre le prétendant; mais, après une série de victoires, il a remporté la grande victoire du matin de la résurrection.
Il y a, dans ce conflit, un trait particulier qui le rend différent de tous les autres: une victoire décisive a été remportée et, malgré ce triomphe complet du général en chef, les hostilités n’ont pas cessé. La raison de cette situation est étrange: le Vainqueur, dans son amour, a l’ambition, non seulement de vaincre son ennemi, mais de pénétrer dans le cœur des hommes, moyennant leur libre consentement. Ainsi, grâce à cet amour merveilleux, à cette prudence, à ce courage, la lutte reste ouverte pour le salut des hommes.
C’est un conflit spirituel auquel prennent part des milliers d’esprits, bons ou mauvais, qui parcourent la surface de la terre et remplissent l’atmosphère. De chaque côté, ils possèdent une organisation splendide et compacte.
L’homme est un être spirituel, un esprit revêtu d’une enveloppe corporelle; il a un corps et un esprit. Mais il est avant tout un esprit. Les vraies luttes ressortissent du domaine spirituel, car elles ont pour théâtre le domaine spirituel et les antagonistes sont des êtres spirituels.
Satan, lui aussi, est un être spirituel, un esprit revêtu d’une enveloppe corporelle.
Ou plutôt il n’a pas de corps, mais, pour servir à ses ruses, à ses desseins profonds et mauvais, il s’assure une forme corporelle dans les êtres humains.
Le seul pouvoir qui agisse dans le domaine spirituel est le pouvoir moral. Par où il ne faut pas entendre la bonté, mais ce pouvoir, bon ou mauvais, qui échappe au domaine physique, pouvoir plus élevé, infiniment plus élevé et plus grand que le simple pouvoir matériel. La puissance morale est le contraire de la puissance violente ou physique.
Dieu n’emploie pas la force, la contrainte physique. Cette affirmation générale n’admet que quelques exceptions. Il y a eu des guerres justes du moins pour un des partis. Nous apprenons par la Bible que Dieu, dans des cas extrêmes, a ordonné la guerre. Les peuplades qu’Israël dut passer au fil de l’épée se seraient inévitablement usées par leurs excès et leur mépris des lois vitales; mais en considération du peuple élu, il fut nécessaire de précipiter les choses. Par exception donc, pour l’achèvement de son plan, pour le salut final d’une race et d’un monde, Dieu donna un ordre d’extermination. L’urgence crée l’exception. Il y a un cas où le meurtre d’un homme se justifie: quand il est clairement établi que Dieu, Source et Maître de toute vie, l’a ordonné. Mais ces cas mis à part, Dieu n’emploie jamais la contrainte.
Remarquez, par contre, que la force physique est une des principales armes de Satan. A ce sujet, il y a lieu de faire deux observations intéressantes:
1° Satan ne peut user de cette force qu’autant qu’il trouve dans l’homme un allié dont il fasse son agent;
2° En l’employant, il a voulu, le plus subtilement du monde, choisir son terrain. Il sait que le domaine de la force spirituelle pure et simple ne lui est pas favorable, qu’il y est battu, car, dans le camp opposé, il y a une force morale plus grande que celle dont il dispose. Il lui est impossible de résister aux forces de la pureté et de la justice dont Jésus est la personnification. En effet, c’est sur ce terrain moral, dans ce domaine spirituel, que notre Sauveur a gagné la grande victoire. Durant les années qu’il vécut sur la terre, il passa par une série d’épreuves, tour à tour subtiles et terribles; mais il en sortit vainqueur, sans que la pureté et la droiture de son cœur fussent entachées.
La prière est une force spirituelle qui n’a affaire qu’à des êtres et à des forces spirituels. Sur le champ de bataille contesté, la prière est l’appel incessant d’un homme, d’un esprit revêtu de chair; il demande à Dieu que l’influence de la victoire de Jésus sur le génie du mal s’étende à toutes les créatures. La prière prend le caractère de celui qui prie. L’homme est un être spirituel: la prière devient une force spirituelle; c’est la projection de l’esprit de l’homme dans le royaume spirituel.
La prière, parce qu’elle est une force spirituelle, possède certaines qualités, certains caractères inhérents au monde spirituel. Un être essentiellement spirituel n’est pas limité par l’espace comme nous, pauvres humains; il pourra passer d’un endroit à un autre aussi rapidement que notre pensée. Si je veux aller de New-York à Londres, il me faut compter au moins une semaine pour m’y transporter corporellement, tandis que je peux me croire à Londres en pensée et en parcourir les rues avant d’avoir eu le temps de formuler un mot. Un être spirituel peut donc voyager aussi rapidement que la pensée.
Les êtres spirituels, en outre, ne sont pas limités par des barrières matérielles, telles que les murs d’un bâtiment. Pour venir ici, aujourd’hui, je suis entré par cette porte, et vous tous, vous êtes entrés par ces portes. Nous avons été obligés d’entrer, ou par les portes, ou par les fenêtres. Néanmoins, les êtres spirituels qui nous écoutent maintenant et s’intéressent vivement à notre entretien ne se sont pas souciés des portes; ils ont pénétré par les murs ou par le toit, s’ils étaient au-dessus de nous, ou par le plancher, s’ils étaient au-dessous.
La prière possède cette qualité propre aux êtres spirituels de ne pas être limitée par l’espace, ni par les obstacles matériels. Prier, c’est vraiment projeter notre esprit, c’est-à-dire notre vraie personnalité, à l’endroit que nous désirons atteindre, et y agir sur d’autres êtres spirituels. Supposons, par exemple, que je prie chaque jour pour un homme qui habite sur les rives de l’Atlantique. Le simple fait de penser que chaque fois que je prie, ma prière est une force spirituelle qui, instantanément, traverse l’espace qui nous sépare de cet homme, qu’elle pénètre, sans trouver le moindre obstacle, à travers les murs de sa maison, qu’elle influence les êtres spirituels qui l’entourent, et, par là-même, sa propre volonté, cette seule pensée, dis-je, rend ma prière plus active et plus précise.
Quand je suis arrivé à la certitude, il y a quelques années, que Dieu ne voulait pas que je parte pour les champs de mission, j’en ai été profondément attristé. Toutefois, dans la suite, comprenant mieux la sagesse du Tout-Puissant, je me suis rendu compte que, par la prière, je pouvais exercer une influence positive jusque dans ces pays éloignés. Comme tant d’autres l’ont fait, j’ai établi une liste quotidienne de prières. Il y a certaines personnes pour lesquelles je prie à intervalles fixes, et mon âme se réjouit à la pensée que, chaque fois que je prie, ma personnalité spirituelle est projetée là-bas et que je me trouve en fait à Shanghaï, à Calcutta ou à Tokio; je suis heureux de penser que j’intercède là-bas, pour la victoire du Christ sur le mal, que je prie pour les fidèles qui, là-bas aussi, tiennent haut le drapeau du Dieu Fort.
La lutte est rude. Satan est un général de toute première force et un lutteur obstiné. Il se refuse à admettre sa défaite, jusqu’à ce qu’il y soit forcé, C’est pour lui une question de vie ou de mort. Si étrange et peut-être si absurde que cela paraisse, il espère évidemment réussir. Si nous savions tout, cela pourrait sembler moins étrange et moins absurde, étant donné les atouts qu’il a dans son jeu. Il y a assurément, dans le monde, bien des faits qui ne peuvent que justifier ses espérances. La prière réclame avec insistance la victoire de Jésus et la retraite complète de l’ennemi.
L’ennemi ne cède que ce qu’il est obligé de céder; il ne cède que ce qu’on lui prend. Le terrain doit donc être conquis pied par pied et, pour cela, la prière doit être précise. L’ennemi ne cède que quand il y est forcé; la prière doit donc être incessante; et comme il renouvelle sans cesse ses attaques, il importe que le terrain conquis soit défendu contre lui, au nom du Vainqueur.
Ceci nous permet de comprendre pourquoi nous devons continuer de prier, alors même que nous avons déjà obtenu des résultats partiels et que nous sommes sûrs du résultat définitif.
Le meilleur allié que Jésus trouve dans ce conflit, c’est l’homme; l’homme qui, restant sur le champ de bataille, se tient dans la communion de son Sauveur et, sans cesse, avec insistance, avec foi, proclame la victoire au nom de Jésus. Il est le seul ennemi parmi les mortels, auquel Satan ne puisse résister. Par la prière de la foi, il projette une force tellement irrésistible dans le royaume des esprits que Satan est obligé de céder.
Nous sommes si accoutumés, par les nombreux récits de l’histoire, à voir les victoires remportées par la force physique seule, que nous avons peine à réaliser que la force morale défait un ennemi mieux qu’aucune autre force.
Voyez les démons dans les Evangiles et, de nos jours, en Chine, obligés contre leur propre volonté, malgré une lutte intense, obligés, dis-je, de reconnaître leur défaite et même de réclamer les faveurs de leur vainqueur. Les biographies chrétiennes abondent en récits extraordinaires de victoires remportées sur Satan et d’individus transformés par l’influence de la prière.
Si nous avions des yeux pour voir les esprits et assister aux conflits spirituels, nous pourrions contempler les défaites constantes de l’ennemi, grâce à la prière persistante de quelque intime allié de Jésus. Chaque fois qu’un tel homme prie, l’étendard sanglant de Jésus est déployé dans le monde des esprits et flotte au-dessus de la tête de Satan. Tout homme qui se livre entièrement et librement à Dieu et qui s’applique à la prière conquiert pour son Maître un nouveau point du territoire en litige. Sur ce point, il peut planter la bannière de la victoire.
Les Japonais combattirent des semaines entières pour obtenir une base d’opération dans la péninsule de Port-Arthur; ils le firent même après leurs victoires navales qui, pourtant, avaient ruiné la force maritime de la Russie. Malgré cela, avec cette ténacité qui les a caractérisés durant la guerre, ils ont lutté pour s’emparer de cette base d’opération. Tant qu’ils ne l’avaient pas, ils ne pouvaient rien faire.
Par la prière, l’homme donne à Dieu un point d’appui sur le territoire contesté de notre terre. Communiant avec Dieu, priant, priant sans cesse, cet homme forme sur le sol ennemi une base d’opération pour Dieu; sa consécration fournit au Général en chef un nouveau quartier général qui, situé sur le champ de bataille, servira de base d’opération en vue de l’attaque. Et le Saint-Esprit, qui est dans cet homme, forcera l’ennemi à la retraite, au nom de Jésus le Vainqueur.
Voilà ce qu’est la prière!
Et nous, en luttant à genoux, n’élargirons-nous pas la base d’opération de Dieu sur cette terre prodigue?